1.
BREF
HISTORIQUE
DU
MOUVEMENT DE
LA CLASSE PROLÉTARIENNE DANS
L'AIRE EURO-NORD-AMÉRICAINE DES ORIGINES À NOS JOURS
"On
ne se plaint pas d'événements historiques; on s'efforce, au contraire, d'en comprendre
les causes et, par là, les conséquences qui sont loin
d'être épuisées."
K.
MARX
1.1.- Le cycle historique des origines à la ΙΙΙ° Internationale.
1.1.1.-
Depuis
la
destruction de l'antique
communauté humaine
du communisme primitif,
différents mouvements tentèrent de la reconstituer. Ceci se produisit tant dans la
société
esclavagiste antique que
dans
le moyen-âge. Ce mouvement de rébellion contre la société
de
classes de
l'époque était
en définitive réactionnaire parce
qu'il s’opposait à l'évolution historique. Le poids du passé
était trορ puissant. Le communisme primitif était mytne et poésie sociale et
rien que cela. Cependant avec le développement de la société
féodale et la montée de la bourgeoisie, de nouvelles bases pour
une société différente apparaissent et, même, le communisme peut être
entrevu à partir
de celles-ci, non comme
un simple
retour du passé.
1.1.2.
- Les luttes prirent dans certains secteurs
un caractère nettement révolutionnaire. Il en fut
ainsi
de la révolte des Ciompi
en Italie en 1378. Engels explique pourquoi la plupart des mouvements de
l'époque comme
celui de John Ba11
(1381, en Angleterre) οu
comme celui
des hussites
du
XV°
eurent
un aspect religieux.
"Il
est donc clair que toutes les attaques
dirigées
en général contre le féodalisme devaient être avant tout des attaques contre l’Église., toutes les doctrines révolutionnaires, sociales et politiques, devaient être, en même temps et
principalement,
des hérésies théologiques. Pour pouvoir toucher aux conditions sociales existantes, il fallait leur enlever leur caractère sacré. (La
guerre des paysans. p.38.)
À
la fin
du Moyen-âge avec la dissolution de la société féodale les plébéiens constituaient "la
seule classe placée
en dehors de l'association féodale, comme de l'association bourgeoise. Ils
n'avaient ni
privilèges,'
ni propriété, et ne possèdaient même pas, comme les paysans et les petits bourgeois, un
bien, fût-il grevé de lourdes charges. Ils étaient sous tous les
rapports sans biens
et sans droits. Leurs conditions d'existence ne les mettaient jamais en
contact direct
avec les
institutions existantes qui les
ignoraient complètement. Ils étaient le symbole vivant de la décomposition de la société féodale et corporative bourgeoise et,
en même temps les premiers
précurseurs de la
société bourgeoise moderne. »
"C'est
cette situation qui explique
pourquoi dès cette époque, la fraction plébéienne ne poιvait pas se limiter â la simple lutte contre le féodalisme et la
bourgeoisie privilégiée; elle devait, du moins en imagination, dépasser la société
bourgeoise moderne à
peine naissante. Elle explique pourquoi cette
fraction,
exclue de toute propriété, devait déjà mettre en question
des institιίtions,
des conceptions et des
idées qui sont communes
à toutes
les formes de société reposant sur les
antagonismes de classe.
Les rêveries chiliastiques du christianisme primitif offrait pour
cela un point de départ commode. Mais, en même temps, cette anticipation par delà non
seulement le présent, mais même
l’avenir ne pouvait avoir qu'un
caractère violent, fantastique, et devait, à la première tentative de
réalisation pratique
retomber dans les limites restreintes imposées ρar
les
conditiors
de
l'époque.
Les attaques
contre
la propriété privée, la
revendication de la communauté des biens, devaicnt se désagréger en une
organisation grossière de
bienfaisance. La vague égalité
chrétienne pouvait, tout au plus, aboutir à l’égalité civile devant la loi, la suppression de toute autorité devint, en fin de
compte, la constitution de gouvernements républicains élus par le peuple. L`anticipation en imagination du communisme était, en réalité, une
anticipation des
conditions bourgeoises
modernes ». (Ouvrage cité, p.41)
Tel
fut
le mouvement de Thomas Münzer, vrai précurseur du communisme. Seulement la contre-révolution
triomphante sur le continent
en 1555 (paix d’Augsbourg) cela allait se traduire par une terrible phase de recul dans l'aire germanique, et la
guerre de
Trente Ans devait encore accentuer
ce phénomène. C'est de cette époque que date la balkanisation de l’Europe,
qui
fut un
frein énorme au
développement révolutionnaire.
1.1.3.-
Près
d'un siècle
plus
tard
le
mouvement
devait reprendre en Angleterre.
Là encore -
au cours de la
révolution bourgeoise
– le mouvement prolétarien se fait sentir :
les niveleurs et les bécheux. À leur tour,
ils furent battus. Cependant,
c'est grâce à eux que les idées
bourgeoises
de
volonté générale,
accord du
peuple, séparation des pouvoirs, etc. purent pénètrer tout le XVIII°
siècle.
Les grands philosophes ne firent que les redécouvrir et leur donner une certaine forme. Ce sont eux
quî donnèrent l’impulsion
maximale
à la révolution. La République ne put se
développer qu’après leur défaite. Toutes les républiques françaises
eurent le même surgissement:
elles
apparurent après la
défaite prolétarienne.
1.1.4.
- À la fin
du XVIII°
siècle,la
dissolution de la
communauté agraire
de même que
celle féodale était parvenue
à un tel
point que
des
masses d’hommes n'avaient plus de véritables liens sociaux.
Autrement dit la question se posait de reformer une communauté. La bourgeoisie donna sa solution, institutionnelle, démocratique;
le prolétariat avec Babeuf formula
la sienne: le communisme. De classe mobilisée il tendait à devenir une classe mobilisatrice.
Par là-même le
prolétariat, manifesta son être réel:
restaιιrer
l’antique
être
communautaire mais
possesseur de tous les
apports des sociétés de
classe.
Et la soif du
pouvoir qui s’était déjâ maniféstée lors de la guerre
des paysans, lors de la révolution anglaise de 1640 à
1650, s'affirma avec plus-d'ampleur ici.
Le prolétariat est cette classe
qui a soif du
pouvoir parce que
: "Qui
a la
force a raison "! - "Qui a du fer a
du pain !"
Par sa dictature, il eut été possible de diriger les
masses mises en
mouvement par la révolution bourgeoise (caractère commun avec la révolutien communiste) et faciliter ainsi le développement
des nouvelles
forcés productives : accélération du
développement économique, base pour
une
révolution
communiste.'
Grâce
à l’intervention
des
prolétaires
(terrorisme) la révolution a pu
réussir. A la
vision menchévique (déjà?) qui
veut
poser des étapes,
qui
se
préoccupe toujours de fixer
des
hauteurs à la révolution, il répond comme Marat, en
proclamant la révolution en permanence :
"Lorsque je lus le
livre de
Bougeart sur Marat, je m'aperçus qu'à bien des
égards nous imitions inconsciemment le grand exemple de l'ami du peuple. Je m'aperçus aussi que
les hurlements et les
falsifications qui,
depuis
bientôt cent ans, ont altéré le vrai
visage
de
Marat, s'expliquent très simplement. D’abord, dévoilant ceux qui se préparaient à trahir la révolution,
Marat arracha sans pitié le masque des idoles du moment ; d'autre part, comme
nous, il ne considérait pas la
révolution comme terminée, mais il voulait qu'elle fut proclamée permanente." Engels,
1.1.5.
- C'est au cours de la révolution française que s'effectue le
mieux, pour
la première fois, la coupure
entre mouvement bourgeois et prolétarien. Car au cours de celle-ci se manifeste
le
premier parti communiste agissant (Marx).
De
là aussi les deux caractères
opposés: la révolution
bourgeoise est une révolution sociale à âme politique, la révolution prolétarienne, une révolution politique à âme sociale.
À partir de ce moment la révolution tire sa
poésie de l'avenir et non plus du passé
(Marx ). Enfin,
pour réellement
triompher la révolution doit étre
radicale. Pour le moment le prolétariat a fait la
révolution pour la
bourgeoisie.
1.1.6.
- La
contre-révolution vis-à-vis du
prolétariat date de 1795,
celle contre la bourgcoisie de
1815. Avec la première le mouvement politique du prolétariat,
son mouvement
vers
sa constitution en classe,
et donc en parti, est enrayé; avec la seconde, c'est son propre mouvement
de genèse qui tend
à être freiné.
IL est en fait ralenti sur
le continent, mais en Angleterre le développement du
capitalisme le produit au
contraire sur
des bases plus fortes (surtout après 1829). La même chose s'effectuea à un rythme plus lent sur le
continent après la crise de 1827.
« La grande industrie agglomère
en un seul endroit une
foule
de gens inconnus les uns aux autres. La concurrence les divise d'intérêts. Mais le maintien
du salaire, cet intérêt commun qu'ils ont
contre leur maître, les réunit dans une même pensée de résistance - coalition. Ainsi la coalition a toujours un double but, celui
de faire cesser entre
eux la concurrence, pour pouvoir
faire
une concurrence
générale au capitaliste. Si
le premier but
de résistance n'a été que le maintien des salaires à mesure que les
capitalistes à leur
tour se réunissent dans une
pensée
de répression, les coalitions, d'abord isolées,
se forment en groupes, et en face du capital toujours
réuni,
le maintien de l’association devient
plus nécessaire pour eux
que celui
du salaire. Cela est tellement vrai, que les économistes anglais sont tout étonnés de voir
les ouvriers
sacrifier une bonne partie du salaire
en faveur des associations qui, aux
yeux de
ces économistes, ne
sont
établies
qu'en
faveur du
salaire. Dans cette
lutte -
véritable guerre civile - se réunissent et se développent tous les éléments
nécessaires à une bataille à venir. Une fois arrivés
à ce point-là, l'association prend un caractère politique.
"Les conditions économiques avaient d'abord transformé la masse
du pays en travailleurs. La domination du capital a créé
à cette masse une situation commune, des intérêts
communs.
Ainsi cette masse
est déjà une classe vis-à-vis du capital, mais pas
encore pour
elle-même. Dans la lutte, dont nous n'avons signalé que quelques
phases,
cette masse
se
réunit, elle se constitue en classe
pour
elle-même. Les intérêts
qu'elle défend deviennent
des intérêts de
classe. Mais lutte de
classe à classe est une lutte politique ".
(Misère de
la philosophie, page 134.)
1.1.7.
- Ainsi le
prolétariat au
cours de sa lutte engendre son programme. L'action précède
la conscience. Dans les
trois pays les plus développés de l'époque :
Angleterre, France, Allemagne, le prolétariat au
travers de l’affrontement sur
un des trois plans:
économique, politique, philosophique, était arrivé
à l'affirmation du
communisme.
L'œuvre de
Marx et d'Engels est
unificatrice.
Ils ont lié entre eux les
divers aspects du communisme (Marx
et Engels parlent du parti communste dès 1843)
et lui ont
donné assise théorique
profonde : le matérialisme historique. Ceci
s'est effectué en Allemagne du.fait
même de la double révolution qui imposait d'utiliser
tout
l'acquis des dernières
révolutions et les leçons de la contre-révolution.
1.1.8.
- Cet apport international à la formation de
la théorie se retrouve dans l'organisation
d'un mouvement de
lutte. La
Sociétés
des Saisons, la
Ligue des Justes,
la Ligue des communistes,
regroupaient des ouvriers de
toute
nationalité.
C'est pour cette dernière
que Marx et Engels
écrivirent le manifeste
du parti communiste dont le mot d'ordre est:
Prolétaires de tous
les pays,
unissez-vous !
En
1848, en
France, le prolétariat
se manifeste
seul,
il
s'oppose
à la bourgeoisie. Il est battu.
En
Allemagne, par suite du retard
de la
révolution et du caractère couard de la
bourgeoisie, de sa faiblesse, seule
une
révolution
radicale
et non progressive (comme
en France) peut résoudre la question sociale. Il est battu,
mais
dans tous les cas, la révolution
profite
à la bourgeoisie.
Dans la phase suivante, le développement des forces productives reproduira le prolétariat sur une
base encore plus large et son mouvement d'unification sera plus
puissant. En 1864, c'est la fondation de
l'A.Ι.Τ.
qui
déclare:
"L'émancipation
des
travailleurs
sera
l’oeuvre
des
travailleurs
eux-mêmes." et qui affirme, en définitive,
la nécessité du parti politique;
que la
classe n'existe que
lorsqu'elle
s'est constituée en
classe et donc en parti (comme le proclamait déjà le Manifeste). La
commune de Paris est battue apgrès
avoir
assuré
la dictature du prolétariat pendant
plus de deux mois. Le
cycle du prolétariat dans l'aire occidentale est complètement achevé. Désormais seule la révolution pure
se pose
dans cette aire et la commune de Paris
en est
elle-même un exemple lumineux.
En
1889, le prolétariat parvient â nouveau
à réaliser son unité à l'échelle
internationale, mais de façon moins globale qu'en
1864, et cette fois le mouvement atteint des zônes encore plus
vastes traduisant à la fois l'extension du
mode
de
production capitaliste
et celle
de
la
théorie du prolétariat.
1.1.9.
- Cependant au sein de divers partis occidentaux une
gauche s'était individualisêe. Celle des tribunistes hollandais qui malheureusement
ne furent
pas exempts d'une faiblesse anarchiste dans leur
théorisation
du
parti.
En Allemagne il s'en constitua grâce
à R. Luxembourg,
F. Mehring, etc. Mais il y
eut aussi dcs
groupes dont les
positions différaient
sensiblement et qui
se manifestèrent lors de la révolution en
1918. Le
mérite de cette gauche fut de défendre la
vision catastrophique de K.
Marx et de rejeter le réformisme,
souligner
l'importance des
grèves donc de l’activité
"des masses",
sans lesquelles aucune révolution
n'est possible; enfin
d'avoir
dénoncé le colonialisme et d'avoir compris
que si le prolétariat n'était pas capable de s'opposer aux entreprises coloniales, il ne pourrait pas non
plus s'opposer à la guerre impérialiste.
En
Italie, dès
1906, le courant de la gauche s'individualise et défend
les mêmes
positions que la Gauche allemande mais, en plus,
lutte contre la démocratie
et en particulier
le
parlementarisme et la politique de front
unique appelée à l’époque
en
Italie
bloccardisme (en
cela elle se rapproche de la gauche hollandaise).
Elle prit violement position contre
la culture (qui est toujours bourgeoise),
mais
mit
au premier plan
l'intransigeance de
pensée,
la primauté de la théorie. C'est sous l'action de la gauche (la
fraction abstentionniste)
que le
parti socialiste ne
sombra pas dans l'union sacrée.
En
dehors de ces courants, aucune réaction importante ne se fit en Europe occidentale contre la dégénérescence du
mouvement socialiste: La guerre d’autre
part interrompit partout le mouvement de radicalisation. Cependant en Allemagne (1916) et en
Italie dès 1914, il y eut une
riposte sérieuse du prolétariat.
1.1.10.
- Malheureusement cette
Internationale créée
trop tôt sombra rapidement
dans
le démocratisme et le réformisme. Son passage,
en 1914 à l’union sacrée -
sa trahison effective -
avait des racines profondes. Contre ce devenir opportuniste des partis socialistes, il y
eut dans les pays latins une vigoureuse riposte de la
part du
syndicalisme révolutionnaire.
De part leurs positions "anarchisantes",
les syndicalistes révolutionnaires ne
purent surmonter la faiblesse du
mouvement ouvrier. Ils favorisèrent la coupure en son sein. Ainsi
en 1906, la charte d'Amiens ιtιéorisait l'indépendance du syndicat par
rapport au parti. C'était la perte définitive
de l'unité ouvrière.
Ceci
devait
se réaliser aussi en dehors de France.
À
cette coupure au sein de la classe correspondit une
division sur le
plan théorique. Berstein opposa
le but au
mouvement et affirma la primauté du
deuxième sur
le premier. Le mouvement ouvrier pâtit encore de cette division.
1.1.11
- La ΙΙΙ°
Internationale
est
fondée à Moscou en 1919, à
la suite
de la
révolution russe, et ce, comme Engels l'avait
prévu.
"Cependant de tels événements sont en train
de mûrir
en Russie où l'avant-garde de la révolution engagera la bataille. À notre avis,
c'est cela,
et son inévitable répercussion
en Allemagne,
qu'on doit
attendre, et alors viendra
le temps d'une démonstration grandiose et de
l'installation d'une internationale formelle,
officielle, qui,
tout
simplement, ne pourra
plus être qu'une société de propagande; mais seulement une
société
en vue de l'action."
1.1.12.
- La
fondation de la ΙΙΙ°
Internationale marque
une discontinuité réelle. Le
travail des révolutionnaires était de la rendre
de plus
en plus effective. Pour cela une critique
matérialiste de la faillite de
tous
les partis de la II°
Internationale, une critique
de ses
principes eut été nécessaire. En Russie, elle
s'opéra dans les faits et aussi,(en
partie) dans la
doctrine
(L'État et la
révolution). En occident le mouvement
ne
parvint pas à rompre
définitivement
avec
la démocratie et ne
put
conduire avec
détermination la lutte
contre le
capital.
1.1.13.
- En Allemagne
le mouvement prolétarien subit une grave
défaite au moment même où comuιençait son vaste mouvement de réunification sur une base
de
classe, en
rompant avec
la démocratie. Le lien
avec la révolution
russe nc
put
se produire.
En
Italie, la puissance du parti socialiste profitant du
prestige à lui conféré par sa non-participation à la
guerre arrive à dévoyer le prolétariat vers les élections au lieu
de s'adonner
à la préparation révolutionnaire. La rupture avec la droite et avec la démocratie -
rupture
voulue
essentiellement par la fraction
abstentionniste -
se fit
trop tard,
après
la grande vague révolutionnaire de
1919 (Livourne
1921).
Ainsi,
après ces deux défaites et
après celles
de Hongrie,
de
Finlande, l'absence de
mouvements sérieux en France et en
Angleterre, la révolution russe
était isolée.
1.1.14.
- Cette défaite du mouvement
ouvrier de l'Europe occidentale eut son
contre-coup en
Russie :
la ΝEΡ.
D'autre part, le point culminant
de la
vague
révolutionnaire 1919 passé, il aurait fallu préparer
les partis
pour la
prochaine phase
révolutionnaire. C'est ce que la Fraction Communiste
d'Italie voulait
en demandant des conditions draconniennes pour
l'admission des partis dans l'internationale (elle fit adopter en particulier les points
16 et 19).
Malheureusement tout
de suite
après
cette promulgation
de conditions, devait prévaloir une tactique de front
unique, d'abord lors
de la
fusion du jeune parti
communiste allemand avec
les indépendants
de gauche (Halle
1920), lors de la tentative d'en faire autant entre le parti
communiste d'Italie et la gauche du parti socialiste (les terzinternazionalisti), puis avec la
théorie officielle du front unique
pour
arriver
finalement au mot d'ordre du gouvernement ouvrier
et
paysan.
Ces
erreurs
affaiblirent, au
lieu
de le renforcer,
le communisme mondial et ce fut de nouveau la
défaite s Allemagne 1923, après
la victoire du fascisme
en Italie en 1922. L'Internationale devint
pleinement alors un phénomène russe. Tout le mouvement mondial va
s'épuiser à défendre
un acquit sans parvenir
à dépasser sa propre situation.
1.1.15.
- À la suite de la défaite du mouvement
spartakiste et en rapport à la généralisation erronée
du schéma de la révolution
russe en occident, une vive opposition se fit jour en Allemagne dès
1919 avec constitution d'un nouveau parti en 1920 le parti communiste
ouvrier d'Allemagne. Il mit en évidence
(en liaison avec .les
tribunistes hollandais passés eux aussi dans l’opposition)
les différentes données de la
situation du mouvement ouvrier en Allemagne. On peut caractériser actuellement cela en disant
que dans ce
pays on assistait au passage
de la domination formelle du
capital à celle réelle et ce évidemment à l’échelle
de la société entière. Ce mouvement était lesté de toutes sortes d'erreurs, tant sur
la question nationale, que sur
celles des luttes économiques
immédiates, sur le
parti, etc...
À son
tour il
était incapable d'apporter son
aide â
la révolution russe et il ne
comprenai pas
toute son importance du fait
de son prolongement dans l'aire asiatique.
1.1.16.
- La polémique puis
la rupture entre le KAPD
(fondateur
en 1922 d'une IV°
Internationale avec les tribunistes., les gauches bιιlgares,
etc...) ne fait que traduire
la non soudure des deux
phénomènes révolutionnaires, celui de l'aire slave, pleinement triomphant, mais dont le triomphe ne pouvait être définitif
qu'avec
la victoire de la révolution en occident, et
celui de
l’Europe
occidentale qui
venait d'être stoppé
dans son élan: 1919, et qui n’arrivera
pas à reprendre véritablement l'offensive.
La défaite de 1923 fut
parachevée par l'enlisement de la lutte du prolétariat
anglais (à
cause du comité anglo-russe)
en
1926, enlisement déjà préparé
par
la funeste entrée
du parti communiste dans le Labour Party sous le prétexte de radicaliser ce dernier. À la
même date, la théorie du socialisme
en un seul pays triomphe au sein du parti communiste d'union
soviétique. Il n'est plus question alors de la révolution communiste en occident.
1.1.17.
- Devant ce recul de la
révolution, le
parti russe tendit de plus en
plus à
chercher un appui dans les révolutions anti-coloniales d'Asie. Il ne fit qu'accentuer la position défendue à Bakou : "Et
c'est pourquoi, quand
les capitalistes disent qu'une
nouvelle horde de Huns
menace
l’Europe, nous
leur répondons:
Vive l'Orient rouge qui avec les ouvriers
d'Europe,
créera la civilisation nouvelle
sous
l'étendard du
communisme."
L'aide des ouvriers d'occident faisant défaut, la théorie de l’alliance prolétariat-paysannerie (dans les
limites de
la Russie)
fut
généralisée à l'échelle mondiale (Boukharine). Cela
conduisit
â l'alliance infecte
avec des
partis contre-révolutionnaires tel que
le Kuomingtang. Le
centre révolutionnaire
était déplacé vers l'Est. Mais en faisant cela, on
rétrogradait de la lutte pour la
double révolution à celle
pour
la révolution bourgeoise. Ceci
se révêla objectivement
lors
du massacre
des ouvriers
de Canton et de Shangai (1927).
La transcroissance de la révolution chinoise était détruite.
Désormais-plus
rien,
au sein
de l'Ι.
C., n'empêchait
le triomphe
de la théorie du socialisme en un seul pays (1928). Ceci signifiait la défaite totale du communisme en occident, elle marquait en même temps le
début d'une vague révolutionnaire bourgeoise immense, en Asie, en
Afrique- plusieurs
fois
freinée, mais finalement victorieuse (1962) -
mais elle avait, pour toujour
été décapitée de sa transcroissance
communiste.
1.2.-
Les leçons de l'histoire du
mouvement
prolétarien.
"Ces causes (de l'échec. n.d.r.) ne doivent pas être recherchées dans de simples éléments accidentels: efforts, talents, erreurs, défaillances, trahisons des chefs, mais dans la situation générale et dans les conditions d'existence de chaque nation intéressée à l'agitation révolutionnaire." Marx -Engels,
L'étude de l'histoire du mouvement ouvrier
apporte
un certain
nombre
d'enseignements qui
sont essentiels pour la compréhension
de la lutte du prolétariat pour le communisme.
1.2.1.
- "Cette
organisation du
prolétariat en classe, et donc en parti politique
est sans
cesse détruite à nouveau par
la concurrece que se font les ouvriers
entre eux. Mais
elle
renaît toujours, et
toujours plus forte, plus puissante."
(Manifeste
du
parti
communiste.)
Nous avons constaté
cela avec la Ligue des Communistes, puis avec l'A.I.T. dans laquelle le Conseil général de Londres
correspondait au parti,
ensuite avec la
ΙΙ°
Internationale où
celui-ci avait une plus grande extension, enfin avec-la ΙΙΙ°
qui,
dès 1922, se proclamait le parti communiste mondial.
1.2.2.
- Les phases de révolution sont des phases d'unification, les phases
de contre-révolution sont celles de la fragmentation de la
classe. Ce qui
se traduit fondamentalement par la séparation de la classe de
son programme historique. Sur
le plan théorique, il en est de même :
séparation du but
et du mouvement, tendance à voir des contradictions dans le
système
théorique°:à
opposer entre eux certains membres
de l'école marxiste de façon abstraite sans se rendre compte des différences historiques en lesquelles se firent leurs affirmations. Alors, triomphe le mode de pensée par catégories
figées (même si on se
dit
défenseur de la dialectique) et on n'est
plus apte à intégrer tout phénomène dans le corps intégral de la
doctrine; perte
d'un sens
fondamental: celui des généralisations, (Trotsky). En revanche dans les phases de reprises et de lutte révolutionnaire tous les efforts théoriques
convergent que ce soit au sein de la classe
(le dépassement de la démocratie en 1919)
où chez les théoriciens de cette classe (Lénine et
Trotsky en
1917, par exemple).
Les
deux
phénomènes sont absolument liés.
1.2.3.
- L'unification se fait spontanément en 1864
où l'A:Ι.Τ.
unit
de façon indissolubles la lutte
politique à la lutte
économique. La ΙΙ°
Internationale opéra de la même façon
à ses débuts; seulement le mouvement atteignait de moins grandes
masses puisqu'il
ne regroupait que
les éléments socialistes et
marxistes : limites du mouvemént spontané. La IΙΙ°
Internationale qui
avait
à surmonter un état de fragmentation de la
classe, jamais encore atteint,
ne put réaliser réellement la même
unification que
l’A.Ι.Τ.
1.2.4.
- Regroupant l'ensemble de la classe ouvrière,
l'A.I.T. ne connut pas le probléme du
lien du parti à la classe. Ιl
était interne et se manifesta sous une forme organisative
avec la
polémique
sur le
centralisme et le
fédéralisme. En revanche, la ΙΙ°
Internationale, ne regroupant
qu'une partie de la classe,
la question de son lien à la
totalité de celle-ci devint essentieelle. C'est
pourquoi
le suffrage universel, la propabande électorale furent considérés comme des
modes de liaison
avec la classe et comme moyens d'unifïcation de celle-ci. Pour la
ΙΙΙ°,
le regroupement de la classe porta sur un
effectif encore moindre:
IL
fallut même purifier
les partis (21
conditions)
pour
leur donner une vigueur
révolutionnaire. Dans une première
phase -
celle
révolutionnaire - il y
eut un double mouvement de purification des partis et unification
de larges masses autour de
ceux-ci. Avec
l'arrêt de
la vague révolutionnaire nous avons une
seconde phase où vint se poser
la question d'une liaison plus
intense
avec les
masses,
la nécessité
de trouver un moyen
de les
regrouper plus
largement (alors qu'à cause de la
stase révolutionnaire, elles
se trouvaient sous l'emprise des partis sociaux-démocrates)
: ce fut
l'expédient tactique.
Au
sein des trois internationales la fausse position du
problème du lien
du parti à la classe οu
du mode d'organisation de celle-ci (ce
qui
se ramène
au
précédent) aboutit à une seule et même déviation
: croire que la révolution soit une
question de forme d'organisation.
1.2.5.
- Au cours de la vie de la classe et donc du parti, trois déviations furent le passif national dans les trois pays les plus
avancés. 1°- L'opportunisme en Angleterre, une déviation économique :
étant
donné le
développement économique on peut penser que les principales contradictions qui affectent
le
système économique capitaliste iront en s'effaçant. En conséquence la classe ouvrière ne doit pas tellement se
préoccuper du
but final
mais de l’amèlioration de
sa condition de
vie
quotidienne, ce faisant elle
jouerait en même temps le rôle d'
hygièniste
du capital, puisque par sa lutte elle
tendrait à éliminer les excroissances nocives du
système. 2°- Le possibilisme en
France : illusion
de conquérir l'État de l'intérieur (ceci s'est aussi manifesté
en Allemagne avec le lassalisme ). Il postule qu'il est
nécessaire de
rendre possible le
programme
maximum (la
révolution socialiste) en
le rendant compatible avec une
lutte dans les limites de la société bourgeoise:
formulation d'un
programme minimum. Les réalisations de
ce programme pouvant à leur tour -
grâce à une
émulation -
entrainer d'autres masses dans le mouvement. Par progression
graduelle on irait jusqu'à la conquête
du pouvoir qui serait presque dans ce cas une
démission du pouvoir de la part de la classe dominante. 3°-
Le
révisionnisme en Allemagne - οù
naquit la théorie
- implique une modification de la doctrine elle-même. La réalité historique
n'est plus essentiellement la même, il est nécessaire
de
tenir compte
des nouveautés et, en particulier, la catastrophe du système capitaliste n'est pas inéluctable; en conséquence,
l'important ici,
encore, c'est la lutte quotidienne : le but n'est rien,
le mouvement est tout.
Ultérieurement
les
trois types de déviation se sont
sommés en
différents autres points du globe, pour
finalement
constituer une
seule et même
pathologie du mouvement
ouvrier, à la suite de la dégénérescence-dé
l'Internationale
Communiste: l'immédiatisme. On ne tient compte que
de l'immédiat οu
on ne voit que lui. Ainsi,
il n'y a plus une maladie nationale mais universelle.
1.2.6
– Chaque défaite a été payée par deux
manifestations erronées: l’une anarchiste et l’autre volontariste.
Après la I°
Internationale la théorie de Bakounine qui reprend celle de
Proudhon,
tandis que le blanquisme est la maladie de la volonté de l’époque.
Après la
Commune les blanquistes reprochèrent en effet à Marx
d'avoir transféré le siège de l’Α.Ι.Τ à
New-York. Ils pensaient qu'une
action
révolutionnaire était encore possible du moment qu'on avait une
organisation aussi prestigieuse que l’Α.Ι.Τ.
Ils renversaient tout
simplement les
données.
Au
moment de l'enlisement social-démocrate de la ΙΙ°
Internationale, on eut de nouveau une
réaction similaire
avec
l'anarcho-syndicalisme : une forme typiquement
anarchiste (exemple Pelloutier)
et une
forme
plus volontariste (type blanquiste), Sorel et ses adeptes.
Avec la dégénérescence de la ΙΙΙ°
Internationale, l'anarchisme se manifeste à nouveau. C'est alors la négation de
l'importance du parti. Évidemment, il
y a dans cet anarchisme diverses nuances, parce que
le refus du parti
est plus οu
moins
total. Cependant on peut dire
que cette
oscillation anarchisante se fait nettement sentir chez les tribunistes, le KA.P.D., les ordinovistes
italiens. D'autre part le courant anarchiste traditionnel se nourrit
et se renforce auprès de ces
oscillations.
La
déformation volontariste nous est fournie par les trotskystes. Ceux-ci à l'instar des blanquistes sont incapables de comprendre
ce qu'est
une
période de recul. C'est ainsi qu'ils
crurent pouvoir
reformer une Internationale. Ils
croyaient et le
croient encore qu'il
suffit, en Russie, de terminer
la révolution, faire une révolution politique
: la bureaucratie s'étant accaparé du communisme!!
Ils
commettent la même
erreur
que les prolétaires français qui croyaient parachever la révolution
française et qui luttaient en fait pour un
monde nouveau. La différence réside en ce que le prolétariat français
se mouvait dans
l'orbite de
la révolution, les trotskystes dans celle de la contrerévolution. L'amnistie des blanquistes en
fit finalement des
socialistes réformistes qui
sombrèrent dans
l'union sacrée;
la chance des trotskystes réside dans la non-réhabilitation
de Trotsky.
1.2.7.
- Chaque internationale mourut
en résolvant la question qui
la minait.
–
Centralisme οu
fédéralisme
au sein de l’A.I.T. Ceci fut résolu avec le triomphe de la
théorie du
parti
au congrès de-La Haye 1872.
-
Révolution graduelle οu
catastrophique du capitalisme au sein de la ΙΙ°
internationale, la position de la gauche (bolchéviks, spartakistes et abstentionnistes se
révéla profondément
juste en 1914. Sur le plan doctrinal,
ceci
représente une des plus grandes victoires de
notre doctrine. C'est
la dernière vérification expérimentale
nécessaire de la théorie prolétarienne.
-
La question de la tactique au sein de l'I.C.
En
1922,
les thèses
de Rome donnent une solution définitive.
Ces thèses étaient celles du
parti
communiste d'Italie mais elles furent
en même temps présentées
comme projets pour l’I.C. Elles ne furent
pas acceptées
mais tout le développement
ultérieur du mouvement ouvrier devait en montrer
la justesse.
1.2.8.
- Sur
le plan purement
théorique la Ι°
Internationale connut le problème suivant: qui crée la
richesse?
Le Capital
de Marx est
non seulement une
réponse à cela, mais expose
le programme de la classe prolétarienne. Le prolétariat crée la plus-value qui
permet la valorisation du capital;
la mission historique du prolétariat est
la destruction du capital et
l'instauration de la société communiste. Le
mouvement pratique immédiat fut la lutte
pour la réduction de la journée de travail à 10 heures. Ce mouvement unifia la classe
et
prouva la justesse
de la théorie.
La ΙΙ°
Internationale
ne
se préoccupa
pas de la crise
économique,
c'est-à-dire du cours du mode de développement
du capitalisme. Ce dernier
pouvait-il éviter
les crises?
Y aurait-il une évolution
graduelle qui permettrait de passe
insensiblement au socialisme?
Cette question est donc celle
qui
fut déterminante pour la vie de la ΙΙ°
Internationale.
Ce
n'est pas pour rien que Berstein
niait les crises. La
gauche marxiste affirmait le
contraire et elle
eut raison.
La III° Internationale trouvant les deux
premiers problèmes résolus, se posa
alors la question de savoir exactement quelles étaient les causes
de la mise
en mouvement des
masses; comment serait-il possible d'accélèrer ce dernier
(lien avec la tactique). La réponse fut donnée dans les thèses
de Rome
et dans les divers travaux analysant les rapports du parti à la
classe.
1.2.9.
- Les
problèmes étaient chaque fois des "problèmes d'actualité"
suggérés par une
situation historique donnée.
On peut dire que l'erreur
la pluprart du
temps -
dans ces
cas-là - ne
consiste
pas tellement à donner une réponse fausse, mais à ne pas l'intégrer dans le corps
total de
la doctrine. On se laisse alors prendre au nœud coulant de l'actualité. La réponse doit être apportée en fonction du but
et non en fonction seulement d'un moment donné de
la lutte.
Ainsi,
il ne
suffit
pas de dire que
la crise est inévitable, il faut encore expliquer
quel est
le retentissement de
celle-ci
sur les
masse (ce qui dépend du contexte historique); cela conduit à analyser ce qu'est une
situation de recul οu
au contraire révolutionnaire,
etc... etc... De nos jours la question est l'antagonisme entre capitalisme et prolétariat, mais on ne doit pas rester sur
le terrain de cet antagonisme, mais voir le dénouement, le triomphe du communisme;
sinon on ne sort pas du cadre d'une simple contestation que les fascistes de gauche peuvent
se payer le luxe de théoriser parce
qu'elle est une donnée brute, réelle,
qu'on ne
peut pas escamoter.
1.2.10.
- L'unité du prolétariat
est une
donnée essentielle pour que
la lutte
contre le
capital
se
fasse avec une quelconque chance de succès. Cette unité, tous les révolutionnaires la défendirent âprement, c'est
pourquoi il fut difficile,
à beaucoup d'entre eux, de faire la scission après
1914; c'est pourquoi aussi la droite
put
si facilement œuvrer contre. À cela s'ajoutait l'explication
trop souvent utilisée :
les chefs ont trahi mais les
masses (car
la coupure
du,
mouvement apparaît à tous les niveaux) sont potentiellement révolutionnaires (R.
Luxembourg s'était rendu compte de la spéciosité d'un tel argument).
Alors on voulut tenter d'arracher les masses à l'emprise des chefs sans couper le parti (après d'ailleurs on fera la théorie
de l'unité à la base pour les éliminer).
Mais l'unité du
prolétariat n'est valable que
si elle est
l'expression de
son être.
"On sait que
le seul fait de l'union donne satisfaction aux ouvriers,
mais
on se trompe si l'on
pense que
ce résultat immédiat
n'est pas trop chèrement payé." (Marx. Critique au programme de Gotha.)
1.2.11.
- La Ί°
Internationale devait affirmer une
théorie dans la pratique: dissoudre les sectes et surmonter les étroitesses nationales. La III' Internationale qui
commence là
où finit
la Ι°,
la révolution, devait pratiquer une théorie et préciser avant tout la formation de la classe en parti. Elle
ne put qu'ébaucher son oeuvre.
Nier, cependant, la rupture, même si elle fut très brève, c'est nier
l'intervention consciente du
prolétariat dans le processus social et
c'est escamoter le point essentiel, fondamental, que c'est l'intervention du
prolétariat qui précipita la transformation du capitalisme de sa phase
de domination formelle à celle réelle et qui permit sa pénétration dans l'immense Asie, puis l'Afrique, détruisant ainsi
le frein
au développement de ces sociétés.
Pour les immédiatistes qui
escamotent les discontinuités, c'est peu. Leur impatience
nourrie
d'envie veut la solution immédiate et ils n'ont que mépris pour ces
prolétaires dont
l'action a eu pour résultat de renforcer leur
ennemi. Pourtant c'est le travail nécessaire de la révolution prolétarienne, avant de pouvoir détruire le capital.
1.2.12.
- Le
mouvement à venir ne passera pas
par l'étape de la formation d'une internationale. Les bases internationales du mouvement existent partout. La
transformation du
prolétariat
de
classe pour
le capital en sujet historique
se fera
par la formation du
parti
communiste à l'échelle mondiale, L'être
de la classe, exprimée au mieux lorsqu'elle
est constituée en parti,
exclut différentes théories,
différentes âmes.
L'être ne peut exister
que s’il
est
unitaire. C'est
cette unité essentielle qu'il
a potentiellement acquise au cours des 100
années de lutte avec élimination de toutes les tares et les
aberrations théoriques à
lui léguées par
l'antique société.
1.3.-
Le mouvemant prolétarien de 1933 à
la ΙΙ°
guerre mondiale.
1.3.1.
- Il est le produit de la défaite de
1928. On passe de la phase de
lutte
à l'échelle internationale à
celle nationale. Il en
fut de
même après 1871. Le mouvement socialiste se développa dans chaque pays isolèmont avant
de reprendre une dimension internationale unifiée.
La différence, après
la défaite de 1928, est que le développement des luttes dans les différents
pays
est
en fait
l'achèvement de la contre-révolution qui
va y détruire les forces prolétariennes.
1.3.2.
- En Union soviétique, les meilleurs éléments de la classe ouvrière sont morts au
cours-de
la
guerre civile,
les autres se sont dissouts dans l’immense pays. Avec l’industrialisation qui suit 1928, un
nouveau prolétariat se
forme. Le stalinisme empêche qu'il ne vienne
renforcer les restes de
l'opposition de gauche qui
d'ailleurs sur beaucoup de points (en ce qui
concerne les questions
internes surtout) ne se différencie pas de la direction stalinienne.
Celle-ci en présentant l'industrialisation
comme la construction du socialisme arrivera à lier
le prolétariat à
cette tâche
d'édification capitaliste (qu'elle
est en réalité) renouvelant l'alliance prolétariat-capital du
ΧΙΧ°
siècle en Angleterre, qui
eut lieu d'ailleurs à la suite
d'une
défaite de ce dernier
(faillite du mouvement chartiste). Le mouvement prolétarien a désormais accompli
un cycle historique en Russie, un nouveau cycle commence.
1.3.3.-
La défaite du prolétariat signifie donc, en Russie, le triomphe du stalinisme, en Eιrορe
occidentale celle du fascisme
οu
de son double, le
front populaire. Ceci sera donc traité dans les thèses sur le
fascisme (5.4.). Cependant en Angletcrre, le
triomphe du
capital est tel qu'un
gouvernement travailliste
n'est même
pas
nécéssaire.
Les
travaillistes n'entreront
au
gouvernement (de coalition, présidé par Churchill) qu'en 1941.
1.3.4.
- Aux E.U,
la
situation se présente de façon différente. Ici c'est la constitution de la classe
qui est
enrayée. Celle-ci s'est
développée comme en Angleterre (1.1.6.) au ΧΙΧ°
siècle grâce aux luttes économiques, à travers toute la seconde
moitié du siècle
passé. Dans un premier moment,
le mouvement socialiste
n'est qu'un appendice
de celui
européen (prédominance des allemands).
Le parti socialiste fondé en 1901
(c'est le second, le premier étant né après
1870 :
le "Socialist labor party") a surtout une
influence sur les immigrés.Cependant au fur et
à mesure que les éléments sont absorbés par
l'immense nation (ils
ont surtout la possibilité de devenir
agriculteurs dans l'ouest)
ils
perdent contact avec le mouvement
socialiste.
Toutefois le mouvement d'unification
de la
classe se fait au
travers des
syndicats. Après les
"Chevaliers du travail",
l'A.F.L. ( American federation of labor
), c'est
la formation des I.W.W.
(travailleurs industriels
du monde):
"
Les maux économiques universels qui affligent la classe
ouvrière peuvent être extirpés seulement par
un mouvement ouvrier universel"
(Manifeste
de
1905).
Cependant cette organisation ne pouvait
avoir
une assise puissante
ne serait-ce que parce que la formation de la classe
n'était pas
encore achevée du
fait
même de l'inachèvement de la nation américaine.
La
guerre de 1914
avait arrêté le développement du mouvement ouvrier mais en même temps elle avait renforcé le capitalisme américain qui
accrut
son emprise sur la
société américaine et produisit
un prolétariat encore plus nombreux.
Au
cours de la guerre, une
aile
gauche internationaliste se
détacha du parti socialiste et forma en 1919
l’"American communist party".
La même année, sur l'initiative de John
Reed, se constitue le "Communist
labor
party"
et, en 1920, les deux fusionnent
pour former le parti communiste d'Amérique. Ce parti reconnaissait l’importance l’I.W.W. dans le mouvement d'unification de la classe ouvrière, seulement il
affirmait qu'il fallait aller
au-delà des voie: pacifiques :
"L'Ι.W.W.
retourne à son antique projet d'organiser tous les
travailleurs par
groupe
d'industrie et par la propagande du développement pacifique des nouvelles associations, unique
moyen pour accomplir
la révolution, Le parti communiste reconnaît l’I.W.W. comme nιouvement révolutionnaire au sein du prolétariat industriel, mais en critique les prémisses théoriques
et les présuppositions
tactiques. L'I.W.W. repousse la
nécessité
d'une action politique révolutionnaire
pour
la conquète
du pouvoir
et pour
l'institution consécutive de
la dictature après laquelle -
et seulement gràce
à
son oeuvre -
pourra être créée l'organisation industrielle et sociale désirée par les ligues des ouvriers industriels. L'I.W.W.
croit
que
ses plans théoriques
forment sa propre contribution au mouvenιent.En réalité
l'importance de
son mouvement réside
dans le fait
qu'elle est l'expression du développement du
prolétariat inférieur." (L.C.
Fraina.
Secrétaire international
du P.C.
d'Amérique.
IL soviet, 06. 06.
1920.)
On
voit par là le contre-coup important de la
révolution russe.
On a jonction du mouvement de formation de la classe
sur les
bases
mêmes de la société
américaine (grand développement des syndicats)
et la secousse
externe. Les années
qui suivent sont des années de reflux comme partout ailleurs dans le monde, avec
cette différence
qu'aux État-Unis, le capitalisme se développe en extension
dans
le vaste
pays et en intensité par
modernisation et
rationalisation du système éçonomique. De
telle sorte qu'entre 1920 et
1928 on assiste
à un développement considérable du
capitalisme américain
et, au moment
οù
la
crise éclate, en 1929, on peut considérer que finalement
la nation américaine est-constitué d'un
océan à
l'autre. La crise
de 1929
est non seulement la crise classique
décrite par Marx
mais
elle est
celle de
la nation parvenue à sa maturité;
elle
est aussi le produit de la structuration de celle-ci. La nation s'est développée de façon anarchique, selon le libéralisme le plus classique et
le plus débridé. IL faut maintenant une
certaine intervention de l’État,
il faut une certaine régulation. En un mot
les États-Unis avaient brûlé les étapes.
On en était déjà au passage -
à
l'échelle sociale
- de la domination formelle à celle réelle du capital.
La crise de
1929, en
affaiblissant
le capital américain facilita le
mouvement d'unification
de la classe ouvrière.
Le syndicalisme
reprit avec une
ampleur
encore plus grande. Mais, il ne trouvait plus, comme
en 1919, un mouvement révolutionnaire â l'échelle mondiale. Celui-ci était liquidé, les
révolutionnaires
cantonnés dans les divers
pays, οù
se
livraient les ultimes batailles. Au moment où le mouvement de
grève des ouvriers américains
atteindra presque son sommet,
en 1935, l'Internationale,
depuis déjà 7
ans ouvertement contre-révolutionnaire, rejette définitivement le programme révolutionnaire !
Le prolétariat affaibli
par le
chômage recevait une aide sous la forme de contingents de nouveaux
prolétaires: les hommes expropriés des campagnes.
En effet,
l'agriculture s'était
développée jusque
là de
façon extensive
et les lois du capital ne la dominait pas. Maintenant que le marché intérieur
est réalisé, les lois du capital vont pouvoir réellement
se manifester. La crise facilite
cette main-mise capitaliste. Les
terres inaptes à produire
le profit social moyen, donc une rente différentielle
minimum, furent éliminées. La surface
des
terres ensemencées diminua.
Depuis
lors, celle-ci
augmente οu
diminue en fonction de la demande, en liaison avec le marché mondial. Lorsqu'il y a demande, les terres
qui jusque là ne pouvaient pas produire de rente sont alors cultivées, mais dès que
la production atteint de nouveau un certain niveau et que
la demande diminue, les prix baissent et les terres ne sont
plus rentables. La surface
ensemencée est réduite à nouveau (ceci illustre magnifiquement
l'exposé théorique de Marx dans le livre IV au sujet de la rente foncière).
Le prolétariat
s'organise
de plus en plus et en 1935 apparaît un nouveau syndicat,
le C.I.O (Commitee for industrial organisation). L'État capitaliste se rend
bien
compte de l'impossibilité d'arrêter le phénomène. Toute tentative de le heurter de front
aurait eu pour résultat une
radicalisation majeure. Dans un premier
temps
il accepte et soutient même le syndicat
(c'est le
moment de l'occupation des usines, et dans
ce cas mieux
vaut faire pression sur les industriels pour
qu'ils reconnaissent le syndicat); dans un second temps, il essaie de trouver appui auprès de lui pour réaliser l’oeuvre
de
rationalisation (New deal,
par
exemple) et assurer la survie du
capital.
La manœuvre de la bourgeoisie anglaise du ΧΙΧ°
siècle se répétait avec le même succès.
Le mouvement prolétarien est dévoyé. La classe ne se constitue pas en tant que
classe
et donc en parti,
mais
il a une force considérable qui explique la difficulté
de l'entrée en guerre des E.U. (ce qui n'exclut
pas les autres causes qui se
situent pleinement à
l'intérieur de
la sphère
des intérêts capitaliste: laisser l'Europe s'épuiser par exemple).
La guerre sera nécessaire pour détruire le mouvement prolétarien.
Ce sera l’οeuνre des staliniens qui
a
partir de 1941,
demandent aux ouvriers d'abandonner les avantages conquis dans la phase
précédente afin de faire un effort de
production pour
la défense de la patrie et soutenir l'URSS (ceci n'empêchera pas qu'il y ait encore de grandes grèves en
1942).
Maintenant
le mouvement est détruit
à la suite de l'action conjuguée du réformisme classique -
intégration de la classe
dans la société -
et du
stalinisme qui sur
ce
plan-là n'est qu'un ersatz infâme de
la social-démocratie:
défense de la patrie.
1.3.5.-
En rapport avec cette fragmentation de la classe
à l'échelle mondiale, il y a
une
division profonde sur le plan doctrinal. Elle affecte
fondamentalement la question du
rapport du parti à la classe.
Les
trotskystes d'abord groupés
dans
l'opposition bolchevik-léniniste, puis dans la ligue, considèrent qu'il
est possible de faire une quatrième
internationale. Ils
sont obnubilés
par la
question de la conquête des masses.
Pour ce faire ils entrent, en France, d'abord dans la S.F.I.O. puis
dans le P.S.O.P.(Parti Socialiste Ouvrier
et Paysan); en
Espagne, ils
participent à la formation
du Ρ.O.U.M.(Parti ouvrier
d'unification marxiste),
puis s'en séparent, tandis qu'aux E.U. et au Mexique,
ils
noyautent les partis communistes
officiels (pratique qu'ils
répéteront ailleurs). Cependant en 1936, les conditions leur semblent favorables et
dans le Ι°
n° spécial de IV°
Internationale (Résolutions de la conférence pour la IV° Internationale) ils
considèrent la nouvelle montée révolutionrιaire et
les
tâches
de la IV° Internationale. Mais il faudra tout de même
attendre
1939 pour que celle-ci voie le jour.
Cette "petite" erreur de prévision ne les empêchera pas ultéricurement de prodamer
de
nouvelles montées
révolutionnaires, donc la nécessité d'une
action, etc… Ils sont fidéles à eux-mêmes:
ils
doivent terminer une révolution;
une simple secousse peut tout
remettre en
branle.
1.3.6.
- Les positions du
ΚAPD,
des communistes de conseil, des
tribunistes continuent à être défendues. Leurs positions négatrices du
parti
ne feront que s'accuser. Le
triomphe du
fascisme en Allemagne provoquera une dispersion de ces
éléments : certains iront
en Australie
(Pannekoek par exemple)
et continueront
à défendre la nécessité des conseils ouvriers,
d'autres
aux E.U. οù
ils affirmeront dans des revues comme
"International Council correspondance",
"Living
marxism" des positions similaires.
Les
luxembourgistes se
rattachent un peu
à ces courants par leur
critique de l'absence de démocratie à l'intérieur du parti russe
et par le fait qu'ils font dériver la défaite de défauts
intrinsèques au parti bolchévik.
1.3.7.
- En définitive le devenir
de la classe qui
s'érige en parti n'est plus conçu comme une
totalité mais est
appréhendé de façon unilatérale. On
est dans une phase d'interprétation
de la défaite que beaucoup de courants ne veulent pas
réellement reconnaître.
En
ce qui
concerne l'attitude vis-àvis des
syndicats
on peut dénombrer les principales positions suivantes :
a
-
Refus total d'y travailler
: le k.A.P.D. À l’origine
la position de ce parti doit être réellemnt prise en considération en ce sens qu'en
1919-20, un grand nombre de prolétaires quittaient les syndicats
et cherchaient à créer des
organismes plus
révolutionnaires (conseils d'entreprises).
b
- Il faut lutter pour un syndicat révolutionnaire. On reprend la vieille position de la III° Internationale sans mettre en évidence que celle-ci avait créé une internationale syndicale
rouge
et donc avait dû accepter la coupure
du
mouvement ouvrier : position trotskyste.
c
- Les syndicats
doivent
être
indépendants des partis. On réaffirme purement et simplement la Charte d'Amiens:
position des anarcho-syndicalistes.
d
- Le syndicat
est un organe qui n'est pas
susceptible d'avoir uniquement
une position
réformiste-bourgeoise.
De
ce fait, il
n'est pas impossible que
l'on ne puisse pas conquérir
les directions syndicales.
Cependant cette perspective est lointaine.
On ne
peut pour le moment qu'y faire œuvre limitée de prosélytisme :
position de
la gauche communiste italienne.
1.3.8.
- La seule position
qui défendit avec le
plus
de cohérence - bien
qu'avec beaucoup de
faiblesses
- la théorie du
prolétariat et, surtout, a affronté correctement la question de la formation
d'un nouveau parti, c'est la gauche communiste italienne.
Après le congrès de Lyon
1926,
la Gauche perd définitivement
la direction et l'influence puissante sur le P.C.I. En 1927, un certain nombre de
camarades fondent
à Pantin la fraction
de la
gauche communiste
au sein du P.C.I.
et publient un journal, Prometeo. Ils entrent en
conflit constant avec les troskystes tandis que les
éléments
dérivés du
K.A.P.D.
et des Tribunistes
leur
reprochaient de
ne pas
aller
aussi loin qu'eux dans la critique
de la
révolution russe, c'cst-à-dire
de
ne pas aller
jusqu'à
affirmer que la contre-révolution était l’œuvre
de Lénine, etc...
La gauche souligna l'impossibilité de créer un parti.
"Au lieu d'une rigoureuse analyse de
la situation
pour voir si les conditions existent pour fonder les nouveaux
organes,
on détermine
à priori
la nécessité de créer la nouvelle internationale. De la formule :
la révolution est impossible sans parti communiste, on en tire
la conclusion simpliste qu'il faut d'ores et déjà construire le nouveau
parti
" (Bilan, n° 1, 1933)
En
1935, constitution de la fraction
indépendante. Lors de la
guerre d’Espagne, elle souligna, dans un premier
temps, l'aspect hautement révolutionnaire
du mouvement, puis
dénonça la guerre impérialiste en
laquelle s'était transformée la lutte.
La gauche maintient fermement
son anti-dérnocratisme et son refus
de la lutte de défense
nationale sous
quelque prétexte que ce soit,
en particulier au nom de
la défense de l’URSS,
alors que
beaucoup de trotskystes entrèrent
dans
la résistance.
Dans Prometeo et dans
Bilan
se trouvent
certes
des faiblesses dérivant
de la
non-individualisation claire et nette de la phase de recul et de l'étude du
développement
du capital à l'échelle mondiale, cependant cette fraction
eut le
mérite de défendre correctement les principes
fondamentaux
du communisme, ce qui l'empêcha
de
tomber dans
le traquenard
démocratique οu
dans
celui de la création du parti.
La force de
ce mouvement, c'était
d'avoir compris qu'il fallait
battre
en retraite.
1.3.9.
- Avec la guerre de 1939-45
c'est le triomphe
total
de
la socialdémocratie telle qu'elle se manifesta en 1914: triomphe de la démocratie, de la nation, de l'évolutionnisme, etc…
Le
stalinisme, une fois son oeuvre
de
répression accomplie (comme
le
fit en 1919 la social-démocratie allemande retrouva pleinement les mots
d'ordre de la social-démocratie, en ce
sens il est sa vérité. En 1914,
un des
mots d'ordre qui avait permis d'embrigader les
prolétaires dans la lutte
impérialiste, fut de proclamer la
défense de la France,
terre des
libertés et de
la révolution et οn
rappelait: "Tout homme a deux patries, la
sienne et puis la France",
en 1940,
l’U.R.S.S. remplace la France: "Tout homme a deux patries, l'U.R.S.S. et puis la sienne".
Le résultat fut le même :
la
défaite
du prolétariat.
En
acceptant de se battre pour la démocratie
le prolétariat redonnait vie
au capital (il allait
le montrer puissament dans les années d'après-guerre).
"Aussi
horriblement une fois encore, la jeune et généreuse bouche du prolétariat, puissante et vitale, s'est appliquée contre la bouche putréfiée et fétide du capitalisme et lui a redonné, dans une étroite union inhumaine, un autre source
de
vie."
1.4.
- Le mouvement prolétarien après la seconde
guerre mondiale.
1.4.1.
-
La guerre mondiale eut un
caractère
nettement
anti-prolétarien. Évidemment, la
propagande officielle
de tous les bords
tente
de masquer au maximum cela.
Cependant il est quelques faits qu'il
n'a pas
été possible d'escamoter :
a
- La répression contre la
population civile allemande,
b
-
la répression du ghetto
de Varsovie (1944)
c
- la coupure de l'Allemagne en deux, afin d'éviter un soulèvement
prolétarien cnmparable à
celui de
1919,
d
-
c'est grâce à la guerre que
la classe capitaliste américaine put
détruire la force des syndicats.
D'autre part, dans cette
guerre, se manifesta nettement la domination
du capital sur
la société. Elle lui
fut nécessaire pour
éliminer toutes sortes
de marchandises
encombrant son
procès de
valorisation, mais aussi pour éliminer
son ennemi, l'homme.
D'où non seulement les massacres que toute guerre
implique, mais la destruction scientifique, rationnelle d'ethnies entières juifs, tziganes
parce
que
pour
le capital ces êtres humains étaient devenus
surplus.
1.4.2.
- 1945 signe la défaite complète et irrémédiable,pour un
certain laps de temps, du prolétariat. Celui-ci pourtant avait tenté dans certains
pays d'utiliser l’affaiblissement de la classe capitaliste pour passer â l’offensive contre le
capita1.
En effet beaucoup de militants ouvriers crurent pouvoir
réellement, à la fin
de la guerre, effectuer cette offensive. Sans cette perspective, il
est évident qu'il
n'aurait
pas
été possible de mobiliser les pour la lut-te
contre le fascisme allemand. Ceci apparaissait d'autant plus plausible que
l'on se reférait à
la révolution russe qui avait triomphé au sein de la Ι°
guerre
mondiale.
Cependant
partout, dés la guerre finie, les partis staliniens procédèrent au
désarmement des
différentes milices
populaires et proclamèrent que la tâche essentielle était la reconstruction de la nation. Ils
Si
en 1914
il fut
possible de parler de trahison, le faire
pour les évènements de 40 οu
de 45 est une sinistre farce parce que
c'est masquer complètement que tous les partis communistes
étaient ouvertement (par leur
programme même) des partis
au service du capital. Leur reprocher
une trahison c'est les virginiser
et faire du réformisme
vis-à-vis de la pourriture.
1.4.3.
- Cependant les difficiles
conditions
de vie
de la
classe ouvrière liées au
désastre de la guerre et à la pression
énorme du capital qui s.e reconstruit: sur le
dos de
celle-ci amènent de
grandes grèves en France (1947)
avec formation -
limitée mais syιnptômatique
- de comités de
lutte,
en Italie, en
Grèce οù
le mouvement armé fut détruit par
les capitalistes occidentaux avec le consentement des
russes; grèves aussi en Angleterre,
Mais le
plan Marshall en
apportant une
aide
à la reconstruction de l'Europe
(moyen pour les F.U, de la coloniser) favorise une
amélioration économique qui
enrayera l'agitation sociale.
La plupart
des mouvements qui se
développeront jusqu'à
la période
de coexistence pacifique
seront dévoyés dans
la lutte
contre "l’inιpérialisme américain"
et donc pour le soutien de l'URSS,
c'est-à-dire
que
la classe ouvrière
était utilisée comme instrument dans la fameuse guerre froide.
Cependant quelques
grèves
eurent encore un
caractère
nettement de classe
telle celle générale de 1953 en
France, telles celles moins étendues de 1956
liées
à la lutte contre la guerre d'Algérie (mouvement des rappelés).
En
1960 la grande grève des mineurs en
Belgique est liée à la transformation structurelle du capitalisme. Le prolétariat
reprenait
une base
de
classe mais à un
stade assez inférieur: revendication du
droit
au travail.
En
1963, le
même
mouvement - avec une
ampleur moindre
- affecta
le bassin houiller
du nord de la France, puis
ultérieurement
Decazeville. En aucun cas on ne
pouvait voir de
symptômes de
reprise.
Ce n'était même
pas des combats d'arrière-garde. Ces révoltes étaient vite déviées
par l'ensemble des partis de
gauche et par
les syndicats.
À
peu près
à la même époque des mouvements similaires affectaient l’Ιtalie (d'abord en 1960 puis surtout en
1962)
ils
étaient dûs
au
brusque démarrage de l'industrie italienne. Les nouveaux prolétaires -
νenus
du
sud surtout -
se rebellèrent contre le despotisme de
fabrique. Là encore les divers partis
de gauche éteignirent l'étincelle. A quelques différences
près, la même chose
advint
en
Espagne lors de
la grande grève des Asturies. Au Japon à la même
époque
on assiste
au début
d'un vaste mouvement de lutte
ouvrière. Tous
ces mouvements
étaient en liaison avec la
crise
capitaliste qui couvait et commençait à se manifester mais qui fut surmonte
à la
suite, surtout, de l'intervention
américaine au Vietnanι (1964).
Le prolétariat était
bien emprisonné et surveillé
par ses
partis et ses syndicats.
1.4.4.
- L'Union Soviétique pouvait jouir d'une
certaine paix sociale (tout au
moins d'après
ce que
laissait filtrer le rideau
de mensonge) étant donné que les difficultés
économiques étaient surtout subies par les pays satellites
horriblement exploités. Ceci détermina
la grande explosion prolétarienne de Berlin-Est.
"Les mouvements ouvriers qui se
sont déroulés au cours
du mois dernier en
Allemagne orientale -
mouvements non limités à une
seule
journée à Berlin, ni limités
à cette seule ville, mais étendus
avec une
vigueur
spontanée à tous les centres prolétariens, se répétant de façon diverse, non éteints par la répression la plus pesante, ni par
les promesses et par les concessions effectives et les reculs du pouvoir-donneur
de
travail,
qu'on l’appelle armée russe d'occupation, république
démocratique ouvrière,
État
capitaliste et patronal -
ont une
portée
qui νa
certainement hors des limites
de l'épisode.
"Ce
n'est toutefois qu'avec une
extrême réserve que l'on peut y découvrir le
début d'un
"nouveau cours".
Si on le fait on doit réagir, en même temps, contre la vogue corrompue du monde
bourgeois décadent qui
court
à chaque instant derrière le sensationnel et l'imprévu (....
).
"Cependant il n'est pas facile -
même pour ces groupes de prolétaires qui
ont -
si
l'on peut dire - physiologiquement hérité la possibilité
de
parcourir le chemin
qui νa
des actes immédiats
contingents de la
lutte économique aux revendications sociales et révolutionnaires - de dépasser la zone minée οù
peut se produire une
reprise
de
l'action, même éclatante, pour aller à celle où se crée un tissu organisatif et οû
se
retrouve la doctrine politique, conditions sans lesquelles reste barrée
la voie unique qui peut résoudre la lutte en victoire.(...,)
"Pour tous, des deux côtés
opposés,
le problème du monde d'aujourd' hui
est celui de l'organisation de l'Europe.
Celui-ci dépend du problème de l'unité
allenιande.(....)
"Le problème de l'unité allemande se projette et devient incandescent dans le feu de Berlin divisée où chacun des deux
groupes
impérialistes voudrait voir
un mécanisme
étatique unique contrôlant toute l'Allemagne et la constellation européenne,
et, contrôlé par lui."
"La seule voie révolutionnaire est que ce grand prolétariat réussisse au cours des phases de ce processus dramatique à se soustraire aux vicissitudes d'un "mouvement
pendulaire-"
entre les deux
pôles
attractifs de l'est
et de
l'ouest, et décrive
sa propre trajectoire
autonome. Non pas comme
lorsqu'il suivit la guerre
des Hohenzollern ou
subit celle nazie, mais comme lorsqu'à la fin
de 1918, après avoir chassé sa monarchie, il tenta de prendre à la gorge la république de Weimar vendue aux vainqueurs et
manqua de peu la situation qui aurait
certaineιnant renversé celle d'aujourd'hui
- dictature
des ouvriers
à Berlin ! L'action critique
au socialisme national de la part des
bolchéviks et
des spartakistes avait oeuvré
en
vue de ce résultat. Dur et long
le chemin, grand et lointain le but. Il programma comunista. n° 14, 1953.
Ainsi
le
vieux
front
de classe -
le front décisif où s'était
déroulé la lutte entre
bourgeoisie et prolétariat, à l'échelle mondiale -
les pays entre la Russie
et l'Allemagne (celle-ci
étant exclue),
réapparaissait ainsi
que la condition de la victoire du prolétariat. Il s'était manifesté la dernière
fois en
1944 lors
de la Commune de Varsovie écrasée par les alleands
avec
l'assentiment des
russes.
1.4.5.
- Ce
front de classe devait à nouveau bouger en 1956,
en Pologne
(Juin).
"Il
était inévitable - bien que
douloureux -
que
l’explosion prolétarienne de Poznan fut prise sous le feu concentré des deux
impérialismes de
l'occident et de
l'orient et que son caractère nettement ouvrier
soit dénaturé.(....)
"Les ouvriers de Poznan se
sont
révoltés contre les conditions de sur-exploitation qui
-
dans
toute période de folle
accumulation - prévalent sous tous les méridiens et parallèles, à droite comme
à
gauche, à l'est comme à l'ouest. Nous ne
savons pas
si au-delà de la revendication économique, ils ont donné à leur
agitation un contenu programmatique révolutionnaire. Le grand péril est que la révolution
ouvrière polonaise se laisse canaliser dans la voie
(absente certes à l’origine du
mouvement) de la démocratie,
des droits de l’homme, de l'indépendance nationale, au lieu
de prendre la voie directe de la
lutte révolutionnaire et de la
formation du parti de classe. Longue et pénible est dans la situation internationale présente, cette dernière voie. Le but
en
est lointain comme nous l'indiquions au sujet de la révolte berlinoise, sous beaucoup de points semblables. Saluons las prolétaires tombés,
victimes de la puissance unitaire du
capital, et
souhaitons que de leur première titanesque révolte naisse un mouvement qui ne
se laisse
pas altérer par
les champs magnétiques
d'orient et d'occicent, se
dirige sans
hésitation vers le nord révolutionnaire, et seulement vers ce point
cardinal." Il Programma Comïnunista, n° 15, 1956.
1.4.6.
- Puis ce fut en Hongrie.
"
L'appréciation marxiste de ce qui
arrive en ces jours tragiques ne peut se réduire
à une
"prise de position"
entre les deux forces armées qui se heurtent. Elle
ne se réduit pas à une
option qui de façon indiscutée
doit être prononcée en faveur des rebelles contre les forces
de l'ordre hongroises et russes
qui, dans une lutte sans
quartiers où des
deux
côtés
on utilise sans réserves la
méthode de la terreur, tentent de les écraser. Souhaiter le succès
final
difficile et sanglant aux
rebelles ne suffit pas pour pousser la solidarité enthousiaste jusqu'à glorifier
le
mouvement comme
un retour total à la voie révolutionnaire communiste, comme une
secousse
totale contre l'onde de l’opportunisme,traître personnifié par
le stalinisme, comme par l’anti-stalinisme du
vingtième congrès.
"On
a le devoir d'aller plus
loin
et de dire qu'une
telle
secousse
est encore -
de quelque façon que
se termine la terrible crise
qui bouleverse toutes ces instables "démocraties populaires" de
l'Europe très
lointaine.
La révolution
ne vit
pas d'illusions ni d'extrêmismes sentimentaux, vides.
"Nοus
n'en
sommes pas
au
retour d'un mouvement autonome de la class ouvrière, mais à
un mouvement interclassiste de travailleurs
et classes semi-bourgeoises, qui
ne sort pas de la
formule hypocrite
sur laquelle
s'alignent les saboteurs du
communisme
révolutionnaire de
l'Internationale de Lénine, On ne peut pas le nier.
On doit regarder la vérité
en face, mais avec une
force
dialectique
apte à savoir
eomprendre et
à accepter le fait historique que
c'est seulement par
cette voie que peut passer la reprise révolutionnaire:
pour
le moment c'est un
retour en arrière, à un stade de lutte qui apparaissait déjà dépassé il y a plus
de trente ans et qui au fond
fait
refleurir schémas et alignements quarantuitards. Mais
on
ne peut pas hésiter lorsqu'il s'agit du choix
entre l'adoption de
ces schémas au
sens de la manœuvre politicarde et
parlementaire corruptrice et leur
réapparition
sur le
terrain de
la lutte
courageuse héroïque les armes à la main. (…).
"Le mouvement hongrois,
pour
admirable
qu'il soit, n'est pas le nôtre.
Il n'ouvre pas des
ères nouvelles, telles que nous les attendons".
Il Programma Comunista, n° 22. 1956.
1.4.7.
- Aux E.U.
l’histoire du
mouvement ouvrier d'après-guerre présente deux périodes. La première est en
liaison
étroite avec
celle que
nous
avons indiquée
précédemment. On a d'abord les grandes grèves de
1945-46 de la General Motors, des cheminots et dans
les
mines de
charbon. Cependant cette fois la classe
capitaliste est renforcée et ne compose pas comme avant 1939 mais au contraire passe à
l'attaque:
loi
Taft-Hartley (23.O4.47).
La lutte contre le syndicat sera renforcée par
la lutte
contre le
"communisme", c'est-à-dire contre l’URSS.
L'identification
de ces
deux
termes fut la manœuvre la plus
remarquable pour
détruire le
mouvement
ouvrier.
De cela tout le mouvement
stalinien international en
est responsable en
ce sens que dans un premier temps on avait présenté les EU comme,
sauveurs du prolétariat, puis en 1946 οn
dénonce
leur
nature
impérialiste. Ils sont taxés d'ennemi n°1. La guerre froide ne fut que le prolongement
de
la guerre contre le prolétariat
(1939-45), elle
permit d'éliminer les derniers
liens restant
avec
la période révolutionnaire
de
1917-28, et donc de
parachever de façon absolue la victoire du
capital
sur le
prolétariat. Tout cela c'est aux
U.S.A.
qu'on l’aperçoit le mieux. L'union AFL-CIO
en 1955
marque en fait
l'intégration du syndicat
qui soutiendra ouvertement les entreprises les plus "impérialistes" de l’État
étasunien.
Ainsi se terminait
une grande
phase
de
la vie du prolétariat aux EU, celle du
prolétariat blanc qui avait
si magnifiquement commencée au
milieu du ΧΙΧ°
siècle (martyrs
de Chicago et les grandes luttes pour la
réduction de la journée de
travail à 8 heures) et qui
se terminait par
l'intégration de
ce même prolétariat dans la capitalisme développé.
La deuxième période
a deux
causes
essentielles: le
développement de l’automation et l’industrialisation
du sud des
E.U.
Une partie importante du prolétariat fut
expropriée des usines
tandis
que d'autre part une
portion grandissante de la communauté noire
du sud était prolétarisée
et venait renforcer celle du nord.
À
ces causes économiques s'en ajoute une
autre politique déterminante
pour la
mise en mouvement de la communauté
noire: l'indépendance d'un grand nombre de pays d'Afrique
noire
à partir de 1960. Cette
indépendance était la preuve de
la non-infériorité
des noirs. Dès lors
le mouvement prend
une ampleur considérable:
émeutes de Birmingham
de
1963. L'assassinat
de
Malcom Χ freine le mouvement mais divers
groupements se formèrent alors, depuis
ceux d'auto-défense jusqu'aux mouvements
étudiants.
Une unification
s'est
produite
et a engendré le pouvoir noir
où coexistent un certain nombre de
positions. Cependant Il en émerge une
qui, bien
que de façon contradictoire, se
relie à la position classique
marxiste
prolétarienne : la revendication de la société
sans classes.
Le mouvement du prolétariat noir affirme le futur du mouvement ouvrier non pas tellement à cause des positions théoriques qu'il défend mais â
cause
de
sa praxis liée à
sa situation
Étant rejeté des usines il ne se pose pas la
question de leur occupation.
Il considère
l'automation comme
un phénomène
positif
irréversible et comme
devant arriver
à détruire finalement le
travail (nous, nous dirions
plus précisément le travail producteur de
plus-value pour le
capital).
Il
pose la question du
pouvoir
et la destruction de l’État
en place
parce que
toute
réforme est impossible.
En
un mot, il nous présente ce que devient
l'homme lorsque
le système
capitaliste est pleinement arrivé à maturité. Le capital le nie, le chasse de
la sphère productive; il doit le détruire car c'est son
ennemi mortel. L'humanité ne peut
se sauver qu'en se révoltant contre ce monstre automatisé.
Aux
E.U.
le facteur de
race existe et voile celui
de classe. Le premier
fut essentiel dans la mise en
mouvement
de la
communauté noire; il fut révolutionnaire.
Cela
explique
d'aIlleurs le
fait
que
l'on utilise parfois le
terme
de colonisation pour
indiquer la situation des noirs
aux E.U.
Si le
facteur de classe est fondamental, il n'empêche
que
celui de race a une très grande importance,
ne serait-ce que pour
masquer le
premier
et faciliter l'exclusion de toute une
communauté humaine
de la
société en
place. De tout cela les prolétaires et
étudiants noirs (du moins la majorité) en ont
pris conscience. Il est tout à fait logique qu'ils
se méfient des prolétaires blancs
qui ont profité de
leur exploitation comme les prolétaires européens profitèrent
de celle
de
leurs
frères noirs d'Afrique, des arabes οu
des jaunes.
La crise en
rendant sans réserve les prolétaires blancs permettra de
faire le lien avec les prolétaires noirs et surmonter ainsi dans
la lutte contre le
capital, le facteur de
race. Elle transformera en
noirs
la majorité des
prolétaires t même les éléments des nouvelles
classes
moyennes.
1.4.8.
- C'est au
début des années 1960 que se produisit une reprise
de l’agitation ouvrière
un peu
partout dans le
monde.
Elle
fut enrayée (1.4.3.) dès que la crise larvaire
fut totalement surmontée (depuis 1964,
c'est le
"boom"
aux
E-U). mais
la
petite récession de 1967
associée
à la crise
monétaire, la révolte du prolétariat noir américain, les
conséquences de la guerre
du Vietnam, la
guérilla latino-américaine, et
surtout le vaste mouvement d'insurrection
des nouvelles
classes
moyennes à l'échelle mondiale, tout cela trouva dans la.société
française un
terrain
favorable par
suite de contradictions internes du capitalisme français
: ce fut le mouvement de mai-juin
1968.
Cependant ce mouvement est lui
aussi
un mouvement des classes moyennes et
non un mouvement prolétarien. Sa manifestation signifie la rupture
de la phase de contre-révolution et émergence de la
révolution. C'est le premier acte
d'un drame qui
aura son paroxysme dans les années
1975-80.
1.4.9.
- Comme pour la période d'avant-guerre, à la
fragmentation de la lutte
de
classe à l'échelle mondiale correspond celle du
corps
de doctrine. Elle atteint un degré plus élevé encore. C'est la phase groupusculaire.
La plupart de ces groupes n'ont d'intérêt que dans la mesure οù
Ils défendent, méme de façon
très parcellaire, la
doctrine
communiste,
revendiquent la
révolution. En
effet -
en dehors de la gauche communiste
italienne - tous sont absolument dominés par le poids du passé
et sont absolument incapables de montrer ce que
sera
la révolution future. Ainsi
les tribunistes
hollandais,
les hommes
du KAPD avec leurs successeurs ont lutté contre la dégénérescence de
l'I.C. Ils affirment-constament la caractère international
de la révolution avant et après la seconde guerre mondiale. Cependant Ils défendent une position unilatérale, immédiate en refusant toute la conception marxiste du parti. Ainsi :
s
"Aucun parti, aucune autorité ne peut réaliser l'émancipation; seule le peut la masse de la
classe travaIlleuse. Dans ce but Il faut une plus ample connaissance, et
une
conscience plus mûre de la part des travailleurs, maturité qui
est donnée par
l'expérience pratique des masses. La
tâche du
mouvement de Spartacus consiste seulement à aider
et à clarifier, à donner des conseils et une orientation." Voilà
ce qu'affirmait le groupe hollandais Spartakus. IL ajoutait qu'après la destruction du régime capitaliste "les
différentes tendances et les diverses orientations de la démocratie ouvrière discuteront -
en
congrès démocratiquement élus -
toutes
les questions et pendront des décisions en rapport
à leur
force
relative. La minorité
acceptera la domination de
la majorité tout en conservant sa pleine
liberté
de critique."
Au
parti, Spartakus substitue les Conseils
ouvriers qui : a)- sont élus directement par les ouvriers sur le lieu de leur travail; b)- sont contrôlés et révocables à
tout moment par les
masses qui les
élisent; c)- comprennent
tous les ouvriers sans distinction d'âge,
sexe, croyance ou affiliation
politique et qu'Ils soient οu
non membres des organisations
syndicales; d)- leurs
buts sont au-delà de ceux de
l'organisation syndicale; e)-. ne fragmentent pas les ouvriers
en différentes catégories professionnelles mais les unissent en une
nouvelle organisation de masse; f).- Ils ne tolèreront jamais
une
bureaucratie où les délégués cessent d'être des ouvriers et reçoivent pour l'exécution
de leurs
tâches plus
qu'un salaire normal d'ouvrier "
(Programme du groupe Spartacus, 1941-42.)
Ce
programme fut repris par
les revues australiennes : "Southern socialist
international digest.", puis "Southern Advocate for Workers CouncIls", tout de suite après la guerre. Mais en
fait
on le retrouve dans une foule de revues un peu partout dans le monde.
En France, des revues non prolétariennes telles que
"Socialisme οu
Barbarie" οu
l’Internationale
Situationiste" (Cf. 1.4.11.)
reprirent cela en insistant sur la question de la démocratie directe.
La revendication des Conseils ouvriers
est en fait la revendication de l'unité perdue du prolétariat, puisque l'émancipation des travailleurs sera l' oeuvre
des
travailleurs eux-mêmes. Cependant cette
unité est vue
dans son immédiateté et jamais en tant qu'unification, en tant que processus qui
suppose une base médiatrice (lé
programme ou mission de la classe).
De ce fait i1 n'est
pas possible d'expliquer la production de la conscience par
l'intermédiaire de la classe devenue
sujet historique.
1.4.10.
- Le mouvement trotskyste à travers de
multiples scissions et quelques réunifications
poursuit son existence et refleurit même à l'heure actuelle, La caractéristique de ce
moιιvement est
une façade théorique
derrière laquelle se cache un rabâchage de vieilles formules. Les trotskystes effectuent même ce tour
de force de rabâcher encore lorsqu'Ils
affirment innover
οu
enrichir. Cela découle de leur incapacité à comprendre l'immensité
de la défaite prolétarienne d'où
leur travail de Sisyphe:
reconstruire et recoller les morceaux. Ils profitent
de chaque secousse
de la société,
qu'Ils
baptisent montée
révolutionnaire, puis Ils se trouvent désemparés
parce que rien n'est venu et, au
contraire, c'est la débandade. Il en
fut ainsi lors de la Résistance, de l'agitation d'après-guerre, de l'affaire yougoslave, de la grande vague de révolution anti-coloniale (certains d'entre
eux théorisant un déplacement du
centre révolutionnaire dans les pays
qu'ils
appeltent du
tiers-monde) etc. Le mouvement de mai leur permet cet épanouissement que nous avons signalé. Cependant, leur
lien avec la classe prolétarienne est allé
en diminuant - comme pour
tous
les groupuscules d'aIlleurs ;
s'ils sont plus
nombreux
maintenant c'est parce qu'Ils s'étaient
reconstitués en englobant un grand nombre d'hommes des nouvelles
classes moyennes.
D'où
l'immense populisme de la plupart d'entre eux -
Ils
ne furent concurrencés sur ce plan que par les pro-chinois
- lors de mai-juin 1968. Ce
populisme témoignait amplement de leur séparation d'avec la classe ouvrière.
1.4.11.
- Les différents groupes trotskystes ont en commun la
revendication plus
οu
moins intégrale du
Programme de Transition
rédigé
par Trotsky "et adopté en 1938 en même temps que
les Statuts de la IV' Internationale par
la conférence internationale de fondation de la nouvelle internationale révolutionnaire.
"
Tous les zig-zags
pratiques
et les divagations théoriques
des trotskystes sont inclus
dans
ce texte.
Il est donc évident
que tous s'y rattachent. Nous avons dit
que le
trotskysme était une maladie de la volonté (1.2.6.).
Trois affirmations
du programme transitoire le prouveront à sufficance :
-
"
La crise historique de l’humanté
se réduit à la crise
de la direction révolutionnaire." Il suffit donc de
reconstituer cette direction, de former
des cadres (ici Trotsky
est cohérent avec lui-même, c'est ce qu'il
disait déjà dans Les leçons d'octobre
en 1923).
-
"Le
vieux programme minimum"
est constamment dépassé par le programme
de transition
dont
la tâche
consiste en
une mobilisation
systématique des masses
pour la
révolution prolétarienne."
On ne
se pose pas
la question dc
savoir
si les masses ne sont pas,
dans certains cas,
non-mobilisables.
On pose qu'il peut en être toujours ainsi. "0n
propose de ce fait la revendication de l’échelle mobile, du
contrôle ouvrier- même avant la prise du pouvoir
- du gouvernement ouvrier
et paysan. Même si
ces revendications ne peuvent trouver une satisfaction, cela importe peut ce qui compte c'est qu'elles mobIlisent.
"
Toutes ces objections démontrent que ces
sceptiques ne
sont pas bons à créer une nouvelle
internationale. En général, Ils
ne sont bons à rien."
"La IV° Internationale est
déjà surgie de grands évènements: les plus grandes défaites du
prolétariat et la trahison de la vieille
direction. La lutte des classes ne tolère pas d'interruptions. La 3° internationale, aρrés la
deuxième, est
morte pour
la révolution. Vive
la IV' internationale! "
Evidemment, c'est
bien l'originalité de cette internationale: elle ne vit que
de défaites !
Elle
en est toujours à vitupérer contre la dégénérescence
et la trahison alors qu'Il
n'y a plus
rien. Tout cela est fort cohérent en fonction de
"la lutte de classe ne tolère pas
d'interruption" de "la
révolution permanente"
et du
fait qu'Il
faut compléter la révolution de 17, accaparée par la bureaucrntie
!!
Les défaites apportent des coupures
dans les continuités et la lutte de classe permanente
n'explose qu'à
certains moments
en mouvements
révolutionnaires de grande amplitude
commençant ainsi un nouveau cycle révolutionnaire. Ne voulant pas
comprendre que le marxisme
est une théorie de la contre-révolution,
et qu'il faut individualiser les cycles de révolution et de contre-révolution,
Trotsky a toujours une
phase de retard dans l'appréciation des
mouvements. Les
trotskystes,
eux, sont totalement en dehors de
la réalité.
1.4.12.
-
Cette
mauvaise sortie historique, Ils la doivent d'aIlleurs
à leur maître qui dans le fameux
programme en
question écrivait:
"les forces productives
de
l'humanité ont
cessé de croître".
Malheureusement
pour
eux cela n'est
pas
vrai. S'il en
était
ainsi,
le capitalisme aurait épuisé
toutes ses possibilités, puisque sa mission
consiste à accroître
les
forces productives, à exalter
la
production. Or, surtout à, partir
de 1956, οn
a
eu
une
explosion productive, et c’est
justement ce
rajeunissement qui
fut cause de l'enraiement de la
reprise du
mouvement
prolétarien qui commençait à
se manifester, à émerger (1960).
On
ne peut pas reprocher aux trotskystes de n'avoir rien fait, de
n'avoir mené aucune
action révolutionnaire d'envergure.
On
peut leur reprocher
d'avoir cru que
cela était possible. Ácause de
quoi, ils ont même gâché les quelques
possibilités de reprise.
Les mouvements trotskystes actuels sont en fait tiraillés par les divers courants idéologiques: le léninisme (à ne pas confondre avec les positions
de
Lénine
) et son succédané le
stalinisme: théorisation de l'avant-garde
révolutionnaire,
exaltation des cadres,
nécessité
des alliances, des mots d'ordre transitoires tel que
celui de gouvernement ouvrier et
paysan, théorisation du profit maximum et du
capitalisme monopoliste (
deux slogans staliniens )
- nécessité d'une
phase transitoire après la destruction du capitalisme
où
Il faudra accroître la production,où l'on aura besoin de la
loi
de la valeur
etc…une
vaτiété d'anarchisme qui revendique l'autogestion
même avant la prise du pouvoir.
Là encore -
ironie
du sort - ils paient tribut à Trotsky:
"
Par
l'expérience du contrôle, le prolétariat se
préparera à diriger directement
l'industrie nationalisée, quand
l'heure aura sonné." En 1938, ce
n'était pas
l'autogestion, c'était le contrôle ouvrier avant la prise du
pouvoir,
c'était le premier
pas vers l'idéologie gestionnaire.
Le trotskysme
est
l'interprétation de
l'immédiat à l'aide de vieilles formules
puisées dans
l'arsenal de
la 3° Internationale
surtout de sa mauvaise
période (dés
le 3°
congrès) avec laquelle le mouvement
prolétarien n'a pas encore positivement rompu. D'où
sa persistance et, parfois, sa prospérité.
1.4.13.
- Le groupe lié à Socialisme οu
Barbarie
s'est affirmé au début comme une
critique du mouvement trotskyste et
en tant que dépassement du mouvement ouvrier traditionnel. Il s'est
fait en réalité
l'interprète du vide
théorique - à l'échelle mondiale -
dû
à la défaite du prolétariat. D'autre part, dans la tentative de dépasser le
marxisme, Il a
toujours présenté celui-ci
tel qu'il
venait d'être
déformé par le prisme
stalinien
(ainsi Socialisme οu
Barbarie
présentait toujours le socialisme classique comme revendication de la planification
et de
la nationalisation).
C'est pourquoi a-t-il toujours
préféré ignorer
l’œuvre théorique de la gauche communiste d'Italie et disserter oisivement à
partir
de
toutes les déformations du
marxisme.
1.4.14.
- Socialisme οu
Barbarie
se présente d'abord cοmme une
dissolution
du trotskysme en
poussant celui-ci jusqu'à son
extrême limite.
Non seulement la bureaucratie s'est
emparée de l’État,
mais aussi de
l'économie, puisque la bureaucratie est
une nouvelle classe
et
de ce fait Il
faudra,
en Russie, une révolution
anti-bureaucratique. Telle fut
la grande découverte qui
nécessita la publication d'un nouveau
manifeste qui
est un vrai "détournement" avant la lettre.
Cela
amène Socialisme οu
'Barbarie
à affirmer : "Nous
pensons que
nous représentons la continuation vivante du marxisme dans le cadre de la société contemporaine."
1.4.15.-
Cependant les barbaristes retombaient dans ce même trotskysme qu'ils pensaient
dépasser lorsqu'ils envisageaient
la situation immédiate
et la perspective. Pour eux -
en opposition avec les éléments de la gauche d'Italie, affirmant
que la
situation d'après-guerre était une
situation de recul - il y avait une possibilité
révolutionnaire et cclle-ci était liée à la
3° guerre mondiale
imminente. Cette possibilité était attestée
- selon eux -
par la
désertion des
partis staliniens de la part des ouvriers.
Dans cette perspective il fallait
lutter à fond contre le
stalinisme phénomène original, lié à la contre-révolution bureaucratique
et non simple
réédition du
réformisme au sein
du mouvement ouvrier (ce qui
ne les empêcha pas de caractériser ce même
stalinisme comme un
"moment de
la conscience prolétarienne"!).
Ainsi
'comme les trotskystes, Ils étaient amenés à mettre
au cœur de leur
préoccupation la question russe.
1.4.16,-
La prévision ne devait pas se
réaliser et au lieu
de la guerre, on eut la coexistence pacifique:
Socialisme ou Barbarie passa alors de la dissolution du trotskysme à celle du
mouvement des conseIls. La nouvelle
phase
(commençant peu près en 1957)
débute par une révision
du marxisme, avouée cette fois. À la bureaucratisation généralisée de la société, on oppose la revendication de la gestion ouvrière qui νa
être mise au centre du
contenu du socialisme. Belle découverte en réalité, alors que pour le
mouvement communiste, le socialisme c'est la destruction du
prolétariat!
En
fait
toute la
théorie
du prolétariat est mystifiée et
transformée en une philosophie
de l'exploitation. Socialisme οu
Barbarie
pousse jusqu'à l'absurde la position des différents courants se réclamant
des
conseils
ouvriers. Cependant en 1957,
Il ne peut encore couper le cordon ombilical qui
le lie
au trotskysme et au stalinisme puisqu'il considère
encore que le socialisme se construit:
"οn
ne peut pas attendre, on ne peut tenir
qu'en construisant le socialisme".
1.4.17.
- De la philosophie on passe à
la justification:
"Le
prolétariat ne pouvait éliminer le
réformisme et le
bureaucratisme avant de les avoir vécus c'est-à-dire
avant de
les
avoir produits
comme
réalités sociales. Maintenant, la gestion ouvrière,
le dépassement des valeurs capitalistes de la production
et de
la consommation comme fin en elles-mênιes,
se
présentent au prolétariat comme seule issue."
(N° 35). D'où le
programme socialiste est
"programme d'humanisation du travail
et de la société" et c'est la redécouverte des bons vieux
slogans des socialistes réformistes d'avant
1914, qui voyaient dans le socialisme
une
fin à l'exploitation humaine, une humanisation. Beau dépassement en vérité !
À
partir de ce moment le petit relan prolétarien et communiste est définitivement
rejeté et commence la
longue errance, pleine d'élucubrations οû
"Socialisme οu
Barbarie» se développe uniquement comme parasite de toutes les théories bourgeoises surgissant en
tant que dépassement du marxisme. En cela seulement, il
est fidèle à sa tradition: à
l'origine sa position était plus existencielle que marxiste.
1.4.18.-
En 1964, c'est l'aveu de la défaite avec la proclamation que le mouvement ouvrier est un cadavre,
que
le mouvement prolétarien en est encore à sa phase théologique;
avec l'affirmation que la
révolution est un accident:
"Tôt οu
tard, â la faveur d'un de ces
"accidents" inéluctables sous le système actuel, les
masses entrent de
nouveau on action pour
modifier leurs condition d'existence."
(n°35)
Le
marxisme est réexaminé après une étude de Hegel
en passant par
Lukacs
et
c'est à nouveau la découverte:
le marxisme est en fait un théorie bourgeoise, Marx
ne tient pas compte de la lutte des
classes, Marx n'a pas compris la dialectiqué,
etc…Il est arrivé
à Socialisme
οu
Barbarie
la même
mésaventure qu’à Proudhon: une indigestion
hégélienne. Tous les deux
ont voulu être une
synthèse. Ils ne
furent qu'une erreur composée.
1.4.19.-
La tentative de repenser le mouvement révolutionnaire
vu en tant que
totalité n’a été qu’un moyen
de vider de tout contenu
les
théories
de ce mouvement:
le
trotskysme οu
le communisme
de
conseil, et celui
de redéfinir "le contenu du socialisme"; ce qui débouche en fait dans une énorme accomodation identique à celle
opérée par Hegel. Celui-ci ne
voulait aucune
séparation entre la vie
civile et la vie politique. De ce fait
étant donné qu'il ne pouvait pas poser,
comme le fera Marx, la formation d'une autre Gemeinwesen, il en arrive à réintroduire
la nécessité des états :
"Le summum de l'identité de Hegel, ainsi qu'Il l'avoue lui-même,
était le .moyen-âge. Là les états de la société civile
en général et les
états au point de vue politique étaient
identiques.
"Hegel veut le
système constituant
médiéval mais
au sens
moderne, du pouvoir législatif,
et il veut le pouvoir législatif moderne, mais dans le corps du système constituant
médiéval: c'est du
très mauvais syncrétisme".
C'est
le même horrible syncrétisme que théorisait Socialisme οu
Barbarie
lorsqu'Il fondait le socialisme sur
l'entreprise capitaliste.
1.4-20.
- Socialisme οu
Barbarie
n'est pas un
accident. Il
exprima de façon nette une position diffuse
à l'échelle mondiale: interprétation de l’absence du
prolétariat et de la
montée des nouvelles classes moyennes (Cf. surtout à partir du n°35).
Socialisme ou Barbarie
a rempli sa mission
de dépasser les sectes
puisqu'Il
a débouché dans l'immédiat dans le présent coupant toute
attache avec le pass
devenant l'expression du phénomène autonomisé du capital, de sa mystification :
la circulation du capital voilant totalement le procès
de production immédiat, d'où
escamotage du prolétariat. Ainsi il finissait par le commencement de l'Internationale
Situationniste, idéologie plus
élaborée, plus adéquate à l'existence
des-nouvelles classes moyennes.
Il
révêlait réellement ce qu'il contenait
dès son origine
: qu'il
n'avait aucun rapport avec la théorie
du prolétariat.
1.5.-
La Gauche Communiste d'Italie après la guerre.
1.5.1.-
En 1943, le Parti communiste internationaliste d'Italie fondé par des militants de la gauche qui, dés
la fin de
la guerre, seront en contact
avec
des éléments français et
belges.
Ce
mouvement
naquit lesté
d'un certain nombre d'erreurs liées à l’idée que l'on pouvait
et devait répéter ce qui
s'était produit au cours du premier-aprés-guerre. IL y avait la croyance en la venueplus οu
moins proche d'une
phase
révolutionnaire comme celle de 1917 et donc possibilité d'une
intervention prolétarienne. À cela s'ajoutait la personnalisation de la contre-révolution
en la Russie soviétique laquelle conraitrait une
phase
nouvelle : le capitalisme
d'État
vu
comme
un stade
intermédiaire,
particulier entre le capitalisme et
le communisme.
Il
y
avait donc un fort courant qui
n'avait pas brisé les attaches
avec la
3° internationale, avec
ses polémiques ; Il
restait sur
son terrain et, par là, manifestait une déviation type trotskyste à tel point
que dans une
plate-forme de 1944 il était écrit ceci:
"Notre parti,
qui ne
sous-estime pas l'influence des autres partis à tradition
ouvrière et l'importance d'une telle influence
sur les
masses,
se fait
le défenseur du "front
unique" manifestation
organique
de l'unité ouvriére au-dessus des
partis, etc.."
1.5.2.
Mais
en
méme temps se trouvait un autre courant qui avait réellement tiré les leçons des évènements qui
s'étaient
produits
depuis 1928, pour
qui la constitution du
parti était prématurée, mais.pour qui,
aussi,Il était nécessaire de préserver les quelques
énergies prolétariennes afin qu'elles ne deviennent pas la proie de l’immédiatisme, Ce
courant accepta le parti un peu comme Engels reconnut la
fondation de la III°
internationale.
1.5.3.
Les positions "immédiates"
de ce courant peuvent être résumées de la
façon suivante :
Le
fascisme a
gagné
la guerre.
Pas de
3°
guerre mondiale imminente.
L'U.R.S.S.
est
pacifiste
et les E.U.
sont bellicistes.
Le
mouvement prolétarien
doit
en finir
avec toutes les scories
du passé; il doit en finir
avec la démocratie.
Lutte contre le nouveau révisionnisme
qui sème le
doute :
le
prolétariat ne pourrait
plus
accomplir
seul sa mission historique
(dernière
manifestation du passif de la théorie du
front
unique,
puis des fronts populaires).
Ces
positions furent défendues
dans
la chronique
de "Sul fIlo
del tempo "
de Battaglia comunista, puis de i1
programma
comunista et dans la ρ1upart
des
articles de la revue Prometeo (jusqu'en
1952).
1.5.4.
L'opposition entre les deux courants ne
devait que
s'amplifier. Le point d'achoppement en fut
la Russie et la question syndicale (plus exactement
le lien du parti à la classe, et les
possibilités
d'intervention
de celui-ci dans la situation immédiate). Le premier
courant influencé par l'idéologie ambiante et en particulier par Socialisme οu
barbarie,
en arrivait de plus en plus
à théoriser qu'en Russie il y
avait
des phénomènes nouveaux qui
nécessitaient une révision
de la théorie.
D'autre part
le prurit de l'agitation poussait à remettre en cause
l’anti-démocratisme du
mouvement (la
démocratie pourrait être utilisée dans un but
d'agitation). Ainsi les erreurs de 1945
se révèlaient dans
leur
plénitude, par une manifestation qui avait été sollicitée de
l'extérieur. En un mot l'absence
de reprise empéchaït une
soudure avec dépassement réel, Une séparation devint nécessaire.
1.5.5.
En
1951,
s'opère une épuration en ce sens que
les résidus de l’histoire
antérieure sont éliminés et le mouvement prend un aspect plus
pur, plus
réellement
communiste. C'est la rupture effective, efficace avec
la démocratie telle
qu'elle aνaίt
été
proclamée en 1921 à Livourne
(et dans le principe
démocratique) mais qui
n'avait pu étre réalisée à
cause de l’I.C.
elle-même.
Le principe vital du parti n'est
plus le centralisme démocratique mais le centralisme organique.
Les
thèses de 1945 sont reprises et
précisées :
-
Les leçons de la
contre-révolution ; la Russie n'est
pas au centre des précccupations, elle n'est pas
non plus le centre de la contre révolution.
-
Le stalinisme
ne fait que
réaliser le
contenu de
la socialdémocratie.
-
Condamnation de l'activisme et
explication du
renversement de la praxis.
-
Appréciation des révolutions anti-coloniales ccmme
phénomènes positifs même
s'ils ne
sont pas prolétariens et
aboutissent au triomphe de révolutions bourgeoises.
-
Lutte contre le révisionnisme
et le
doute ; réfutation qu'Il puisse
y avoir
une nouvelle
classe (en
Russie
d'abord, dans le monde ensuite):
la bureaucratie ;
dénonciation du
danger représenté par certains groupes reprenant les positions de Socialisme
οu
barbarie,
non pas pour l'immédiat, mais pour le futur,
parce
qu'Ils
défendent des positions qui
tendent, en définitive, à nier l'importance
de l'intervention du parti politique
de classe
dans le déroulement de la révolution.
1.5.6.
- Ainsi ce
petit regroupement pourra résister grâce
à un effort théorique
intensë
et
en créant en quelque sorte un cordon sanitaire autour de lui. IL préparera par là, la
transmission de
l'expérience révolutionnaire aux jeunes générations, la
formation d'un vrai parti de classe
à l'échelle mondiale.
Dans une
certaine
mesure Il pouvait être lui-même un parti car exprimant
la situation où se trouvait la classe
ouvrière : défaite sur le
plan politique mais victoire totale
sur le plan programmatique. Sa forme réduite sur le
plan organisationnel extraordinairement puissante sur le plan théorique, lui
était imposée par les données mêmes de la lutte de
classe totalement contraires au développement extensif du mouvement.
Ce
groupement
vivait en sachant bien que
la révolution était lointaine.
1.5.7.
- Après
le XX° congrès du
P.C.R. lors du 40° anniversaire
de la révolution
d'octobre la perspective
de la révolution future fut indiquée (cf.
2.1.). Celle-ci eut en définitive
un aspect négatif en ce sens que
certains éléments au lieu de
chercher à comprendre et
étudier comment la prévision pourrait se vérifier dans la réalité,
choisirent
une voie plus rapide, plus lestée d’impatience. Ils se polarisèrent sur
la Russie
et quêtèrent l’aveu fatal: la reconnaissance du capitalisme en Russie de la part des dirigeants de celle-ci. Sur le plan pratique,
considérant que
du moment que l'énigme russe
était résolue, tout était réalisé (preuve
de leur incompréhension du
devenir du grand
champ de luttes d'après-guerre et incapacité à
intégrer un phénomène dans le corps
de doctrine).
Ils proclamèrent
la doctrine restaurée, l'effort théorique fini, la nécessité d'aller dans la pratique. Or abstraitement, on peut concevoir qu'il
y a pour
un groupement d'hommes donné, réalisation d'une restauration. Mais
est-ce que
cela
veut dire pour-autant qu'il
soit
possible de
reprendre une activité
effective à l'extérieur?
Cela est
pur schématisme, métaphysique. La possibilité
d'intervention ne dépend pas uniquement d'une restauration théorique mais aussi,
fondamentalement, de secousses
profondes qui bouleversent toute la société. C'est pourquoi, on peut se demander dans quelle
mesure un tel mouvement - dans son ensemble - pouvait
avoir
intégré une "thécrie restaurée" lorsqu'il ne
savait pas que les conditions d'intervention du mouvement dépendent de facteurs en dehors de sa volonté.
En
fait, l’œuvre de
restauration n'en
était qu'à son début et elle fut assez vite abandonnée.
1.5.8.
- Un élément essentiel dans la décomposition du
mouvement, ce fut
la faiblesse critique. Dans le texte
de 1957,
Il était dit : "Au, cours des vingt
ans qu'il
nous
reste à subir, la
production industrielle et le commerce mondiaux connaîtront une
crise
qui aura
l'ampleur de
la crise américaine de 1929-32,
mais qui
n'épargnera pas, cette fois, le capitalisme russe."
Huit
ans après la prévision,
à peu près à la
moitié de
la distance historique
séparant de la grande crise pouvant amener la 3°
guerre mondiale, il
n'y avait pas manifestation de cette crise d'entre-deux guerres qui aurait permis la formation des premiers noyaux du
parti
de classe. Or
- sauf rares exceptions -
la non-vérification
de cette
prévision n'était
pas abordée. On fit comme si de rien
n'était, comme si la crise était simplement différée. Or, Il
était possible qu'à force
d'être différée, elle ait été finalement surmontée. En fait, Il y avait une certaine rupture dans la prévision. Il aurait
fallu l'affronter, au lieu de parler à n'importe quelle occasion de la crise du capital, de son agonie, etc..,
les
litanies classiques du trotskysme.
Or,
lorsqu'un mouvement
quelconque est devenu inapte à percevoir les discontinuités, c'est qu'il
a abandonné
la doctrine. intégrale et sa dégénérescence est inévitable. Ce
qui
se produisit.
1.5.9.-
La réalité est têtue et les désirs de ces éléments
n'étaient pas réalisés. Aussi
s'enfermèrent-ils dans leur schéma et retournèrent-ils
finalement
aux défauts antérieurs, dénonçant l'URSS comme le centre de la contre-révolution, étendant même
cela aux
différents pays qui
s'étaient émancipés des métropoles coloniales, en
se disant socialistes.
Pour
ces éléments, il semblait qu'il y
avait des potentialités révolutionnaires qui n'étaient
pas
utilisées; on ne
savait pas les exploiter. Enfin,
si le parti n'avait pas
plus d'influence,
c'est que tout simplement il
était mal organisé.
D'où un retour à Lénine. En
effet, celui-ci, en 1903, avait fait propagande pour la formation d'un organe central et la
création d'un parti plus centralisé et structuré (une
foule de cercles existait alors, il
fallait unifier les unités
existantes). On
devait donc faire comme
Lénine, exporter la théorie et, pour
ce faire-, on devait trouver un autre mode d'organisation. En particulier il
fallait reconsidérer le parti comme un
instrument qui pourrait utiliser
la démocratie.
On
se reférait donc à
Lénine,
comme en 1945 οù
l'on
avait rappelé que celui-ci, avec le parti bolchevik, avait été apte à transformer la guerre impérialiste en
guerre civIle. Il aurait
fallu en
faire autant. Ce fut
aussi un retour â la mystification démocratique. L'idéologie
bourgeoise refaisait fortement
son apparition au sein du
mouvement
parce que la théorie instrumentaliste n'est qu'une
variante de l'utilitarisme
né au ΧVΙΙΙ°
siècle.
La différence, c'est qu'elle exprime
que l'essentiel
n'est plus l'homme, mais l’instrument, la
machine.
D'autre part poser les questions sous
l'angle de
l'organisation, c'est
encore être victime de
l'idéologie ambiante, le fascisme, qui ne
voit que de questions organisationnelles, jamais de
théorie.
1.5.10.
- Au fond dans un premier temps on voulut forcer
la prévision à se réaliser:
"Ce qui est grave, c'est quand
on fixe un terme limite à l’histoire
pour
confirmer les prévisions
de la doctrine: l'opportunisme
n'a jamais eu d'autre origine
et n'a jamais conduit
sur une
autre base ses campagnes de sophistication dont celle du socialisme
en Russie a été la plus pernicieuse. "
(Dialogue avec les
morts, p. 132.)
En
1962, le Parti -communiste internationaliste crut possible -
à la suite
de
l'agitation commencée en 1960 et renforcée au
cours de l'année même - de faire un
organe syndical:
Spartaco. Ces mouvements
n'étaient que
des symptômes mais non la crise. Cela ne faisait rien
puisqu'il
était prévu qu'elle devait venir.
Mais
quand on commence à ne
plus
avoir un comportement matérialiste, nοn
volontariste, l'erreur est inévitable.
La parution
de cette feuille fut la première défaite
théorique, car elle
signifiait
l'abandon de la revendication de lier
en un tout indissoluble l'action
immédiate (syndicale οu
autre, selon les organisations :
comité d'usine, conseil d'entreprise, etc...)
et la lutte
médiate, "politique";
c'était reconnaitre la division de la classe, l'accepter et la théoriser. Tout cela parce qu'avec cette feuille on espérait être plus perméable à la classe. Il aurait fallu maintenir la
position qui affirmait que
le petit parti préfiguration
de celui
de demain devait conduire toutes les luttes et son
organe de presse être unitaire.
En 1963,
on s'enfonça un peu
plus en publiant
en France
"Le
prolétaire". Le mouvement quittait ses positions originales et se mettait au niveau du mouvement trotskyste avec lequel Il entrait en concurrence. D'οù les divers articles
οu
réunions
publiques proclamant la mort, du trotskysme, parlant de son autopsie, alors que leur manifestation était la meilleure preuve de la vigueur
de celui-ci.
Tout cela montrait aussi
l'insuffisance de
la thèse de la gauche sur le syndicat (1.3.7.d) dès lors que n'étaient pas clairement précisées l’évolution de celui-ci,
son
intégration dans
l'État et le comportement des prolétaires à son égard :
la désertion.
1.5.11. - Cette déviation ne fit que se renforcer. De 1964 à 1966 ce fut l’assaut du fétichisme démocratique (on voulut même structurer le mouvement on lui créant des "chefs"), du doute révisionniste. Celui-ci se manifesta surtout dans l’abandon de la perspective tracée en 1957. Ce ne fut pas de façon nette et précise mais par l'affirmation de perspectives ncuvelles sans essai de relier avec l’ancienne pour la confirmer οu la rejeter. On fit de la Chine un nouveau foyer révolιιtionnaire puis l'Inde fut proclamée poudrière de Asie; le marché commun était considéré comme réalisé et le stade des nations dépassé en Europe; on remettait en question l'importance des révolutions anticoloniales, on leur niait toute manifestation révolutionnaire (la révolution algérienne est-elle une révolution?) alors qu'au cours des années précédentcs on avait salué l'immense vague révolutionnaire (même si elle était bourgeoise) des pays d'Asie et d'Afrique et stigmatisé l'Europe enfoncée dans la stupidité démocratique. IL y eut même de très belles découvertes, comme celle-ci : "L'empire américain est immense mais plus vulnérable encore que les vieux empires coloniaux qui se sont survécu jusqu'à la seconde guerre mondiale. Il ne tient que sur la puissance du capital et la force vive des armes, à quoi se réduit sa politique coloniale et internationale."(Programme communiste, n°36) sans parler de celle de la proto-bourgeoisie οu de la rente usuraire capitaliste.
Il
y eut tout de même
des réactions importantes;
les
notes pour
les thèses,
les thèses de
Naples,
celles de
Milan rappelèrent
comment le parti avait
vécu depuis 1951, comment dans la réalité le centralisme organique s'était manifesté. Malheureusement le courant était trop fort et emportait tout.
L'acceptation des
thèses ne
fut
que
formelle car, dans la vie,
dans la pratique du
mouvement, le
mécanisme n'était même pas à
la hauteur du centralisme démocratique
tant
décrié; Il était à celui
d'un mouvement en décomposition.
1.5.12.
- Le faible parti formel de
1951, faible numériquement, mais fort sur le
plan programmatique succombait lui aussi à l'assaut révisionniste. Jamais
peut-être, sur une si longue durée, un
parti formel n'avait
eu une
expression aussi puissante. Jamais une
telle
résistance à la
contre-révolution n'avait été opérée. Malheureusement i1
succomba lui aussi en résolvant la question qui
l'avait minée dès le début
et qu'il
avait paru
surmonter: Quel doit être le mode de vie du parti ?
Réponse:
que
le regroupement défendant le programme -
donc les lignes théoriques
fondamentales ainsi
que la perspective de l'action
future
- du parti
dans sa large acceptation historique, soit un vaste mouvement οu
la réunion de quelques individus, un seul
et même mode de
vie:
le
centralisme organique; donc banissement absolu
de toute révérence ignomineuse à
la mystification démocratique. Dit
autrement, il ne doit pas y avoir
distorsion entre programme et tactique, acquisition
de la gauche au cours du premier
après-guerre; de même Il ne doit pas y en avoir entre programme et principe
d'organisation : acquisition
définitive du second après-guerre,
1.5.13. - Cette défaite est due à l'abandon des conditions de 1951, conditions qui exprimaient dans quelles limites le regroupement pouvait être un parti exprimant un certain moment de la vie de la classe. Il ne peut se considérer un parti et ne pourra continuer à l'être, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de rupture entre l'organisation actuelle et celle qui dirigera la révolution de demain, que si le parti est faible numériquement et ne regroupe que les éléments totalement persuadés de la validité de la doctrine non seulement pour tout l'arc historique p'assé mais surtout pour celui à venir. Il perdurera dans la mesure οù il sera apte à lutter contre le révisionnisme. Celui-ci ne naît pas à la suite d'une défaite sanglante du prolétariat mais en pleine période d'expansion de celui-ci (à l'époque de l'abrogation des lois anti-socialistes par exemple), en pleine période aussi du renforcement du capitalisme de telle sorte que le but semblait s'éloigner bien que la capacité d'intervention dans la société devenait de plus en plus grande. D'où l'idée de trouver une voie plus rapide (court-circuiter l'histoire): le but n'est rien, le mouvement a tout. Le doute révisionniste dénoncé en 1945, triomphe en 1966. On peut résumer son mode d'affirmation dans la phrase : la prévision n'est rien, l'organisation est tout. On retrouvait la même erreur qu'en 1925, lors de la bolchevisation.
1.5.14.
- Ce révisionnisme a donc été engendré par
le renforcement considérable du
capital dans la période
d'après-guerre, par son rajeunissement.
D'autre
part, les classes moyennes, produits du
capital, pénétrèrent le parti et firent
triompher une
position hybride. Celle-ci se manifesta
surtout au sujet
de.son organisation. Ceci était inévitable
puisque si on ne recherchait plus dans les faits matériels, la cause de l'absence
de
liens entre ce parti et la classe, restait, alors, à s'en prendre aux principes du mouvement.
La
contre-révolution triomphait
totalement. L'être du parti
était
remis en
cause, puisqu'il y avait négation du centralisme organique. Les forces de tension ont été
telles qu'elles ont réussi à désintégrer le
dernier noyau restant sur les bases du programme.
1.5.15.
- Il faut constater l'échec et en tirer toutes les
conséquences. La tentative de former un parti efficient,
apte
à se lier
à la classe,
a fait faIllite. Deux
événements auraient pu la
favoriser: 1°. La révolution anticoloniale, en
provoquant une
certaine radicalisation dans les métropoles capitalistes. Le phénomène
se produisit
mais
fut
de trop faible
envergure, d'autre part le parti abandonna
trop vite la juste interprétation de ces révolutions, ce
qui mit obstacle à
sa liaison avec elles. 2°. Une
crise
économique de type
1929. Celle-ci fut
escomptée pour le milieu de la décennie
1960-1970. Or
cette crise
fut
en fait surmontée par le capital. Ces deux mouvements expliquent la
stagnation du mouvement et son volontarisme tendant à surmonter
cette dernière
en changeant son
être
afin de
se rendre compatible avec la situation.
Il
faut
battre en
retraite, comme en 1852 lors de
la dissolution
de la Ligue des communistes,
en 1872 lors du transfert de l’A.Ι.Τ.
à
New
York, en
1906 après
la défaite de la Ι°
révolution russe, après
1928 lorsque certains éléments de la gauche jugèrent que
tout
était fini
et qu'il
fallait attendre une
autre phase révolutionnaire. Battre
en
retraite signifie
retourner aux positions fondamentales, celles
de 1951,
1945 et par
delà la révolution russe
aux
fondements du communisme
affirmé dans l’œuvre
de Marx et d'Engels.
1.5.16.
- Il faut aussi tirer
les leçons de cet
échec. Celui-ci ne dérive pas uniquement du
renforcement du capital et de l'action des nouvelles classe
moyennes, mais de l’ambiguité même du mouvement: il se prétendait parti
tout
en
disant
que
le vrai parti
ne serait possible que
demain.
Il dérive du fait de proclamer correctement le futur
sans
être apte à rompre réellement
avec le
passé; de
ne
pas être un véritable dépassement. Il fallait
clairement porter la critique
à la 3° internationale en
tant que
phénomène global. Or reprocher, à juste raison, à
l'I.C. que
l'adoption d'une mauvaise tactique n'ëtait
pas
seulement néfaste
sur
le plan de l'action immédiate, mais remettait
on cause
l'être du
parti, impliquait
que
l'I.C. réalisait correctement cet être. Il n'en était pas ainsi.
Que
la critique n'ait pas été portée au moment de la grande lutte qui va jusqu'en 1928 beaucoup de faits peuvent le justifier, mais il
n'en est pas de même
des
années après,
lorsqu'il n'y
a plus
rien. La non-coupure avec l’idéologie léniniste, avec la conception léniniste
de la tactique et de
l'organisation devait inévitablement produire des
effets néfastes.
En
un
mot le mouvement anticipait trop tout en ne réussissant pas à se distancier vis-à-vis du passé.
Il ne pouvait pas être reconnu en
tant
que
mouvement du futur.
Il fut dévoré par le
passé.
1.5.17.-
"Le parti
détruit pièce à pièce en trente
ans,
ne se recompose pas goutte à goutte comme un coktail, selon l'art bourgeois de se droguer. Il
doit se placer au
terme d'une
ligne
unique et sans rupture de continuité, qui ne
se caractérise pas par la pensée d'un
homme οu
d'un groupe d'hommes présents "sur le marché", mais
par
l'histoire cohérente d'une succession de
générations. Par dessus tout, il ne
peut surgir de cette nostalgie illusoirc
du succès
qui, loin
de se fonder
sur la certitude doctrinale inébranlable
(que nous possédons depuis un siècle) de
la réalité du cours révolutionnaire, compte bassement sur
l'exploitation subjective du
tatonnement et des
trébuchements d'autrui: ce serait là une voie bien mesquine, stupide et illusoire pour
un résultat historique immense!"
(Préface au Dialogue avec les Morts, p.
6)
La rupture de continuité organisationnelle impose une étude théorique
plus exhaustive, une rectitude
encore plus
grande et un enracinement dans le passé
plus
profond, une
intégration de tous les courants qui
- même
partiellement - défendent la théorie du prolétariat.
Cependant cette rupture
doit
permettre en
même temps
de rompre réellement avec la
ΙΙΙ°
internationale, car il est impossible que le parti de demain puisse
se former sur la base des thèses
même des
deux premiers congrès seulement (ceux qui
représentent le mieux la position révolutionnaire
intégrale).
1.5.18.
- Le parti nc
peut
se reformer
qu'avec
la soudure
de deux mouvements: celui
du retour à la totalité de la théorie du
prolétariat et celui de l’unification de la classe. Depuis 1914 le mouvement prolétarien
est à la recherche de
l'unité perdue. Certains croient la retrouver en
conquérant les syndicats, d'autres en théorisant un système
de conseils d'entreprise qui
escamoterait parti-direction-autoritê, etc...
Cependant l'exigence de réaffirmer
la doctrine en tant que totalité (alors que de tous côtés on veut y faire
des coupures, des séparations) ne s'est manifestée réellement que dans le parti communiste internationaliste, puis international. Ce mouvement a lui
aussi
fait faIllite. En conséquence, il
est nécessaire de reprendre l’œuvre unificatrice, en suivant toujours, en
même temps, le mouvement réel,
1.5.19.
- On ne crée pas un parti à plus forte raison à
une grande distance historique de la vague révolutionnaire. Il se formera du
mouvement d'unification de la classe. Son existence
formelle à l'heure actuelle est une gêne ne serait-ce que
parce qu'au bout d'un certain temps -
à cause même du marasme
politique -
il tend à se prendre pour un deus ex-machina
et à croire que tout doit
passer par lui, qu'il doit tout diriger. Ceci
juste au moment où il est le
moins reconnu par le mouvement réel. Il faut au contraire montrer
comment la triple
exigence de
l'unification, de
la réaquisition de la totalité
de la doctrine et de
celle
de la
formation de
la Gemeinwesen implique obligatoirement
la formation du parti.
1.5.20.
- Un
élément fondamental pour la réaquisition de
la totalité
doctrinale
est fourni par
l'apport de la gauche communiste
d'Italie. Cependant beaucoup
d'éléments parallèles peuvent être
nécessaires: Tribunistes, KAPD, divers
mouvements se réclamant des conseils, Lukacs,
etc… Le
travail d'unification implique le refus des
anathèmes.
Cependant cette unification
implique
en même temps une
très nette délimitation, sinon c'est
l'unification de
n'importe quoi.
Réunifier
n'est pas abjurer les schismes
(avec la
démocratie sous
toutes
ses formes, avec le mouvement anarchiste).
C'est au contraire grâce
à des délimitations rigoureuses que le
mouvement d'unification
peut réellement déboucher
sur la formation
d'un être
unitaire : la
classe en tant que classe et donc
constituée en
parti.
1.5.21.
- Après
la deuxième guerre mondiale, le
rajeunissement du
capital, le blocage de la
plupart
des révolutions coloniales au stade de révolutions par
le haut, tout cela a favorisé la destruction du mouvement
révolutionnaire. Il ne reste plus rien
d'organisé, de structuré. Tel est le triomphe de
la contre-révolution. Elle est allée jusqu'au bout. Mais la
révolution réapparaît, émerge.
1.5.22.
- Le mouvement prolétarien noir des E.U.,
la
rupture
de mai-juin,
la réapparition des diverses
positions affirmées
au cours de la révolution
russe, la revendication des conseils ouvriers et même la
manifestation du communisme
grossier à quoi se réduit
la théorie diffusée par l'Internationale
Situationniste, tout cela montre qu'une nouvelle
phase est en cours. Ajoutons à cela la
persistance du front de classe de
l'Europe centrale, les profondes
transformations s'opérant en Chine,
la guérilla endémique de l'Amérique Latine, le réveil du l'Afrique,
et on comprendra que
comme le disait
Engels (1.1.11.)
des événements mûrissent qui préparent la réunification de
la classe
et la reformation du
parti.
Nous l'avons souvent affirmé le monde
entier (surtout
l'aire euro-nord-américaine) souffre du retard de la révolution communiste.
Le triomphe de la révolution russe en tant que révolution uniquement
bourgeoise a asiatisé l’Europe, l'a figée dans son capital. Depuis 1848, la révolution communiste est possible, depuis
1914 elle
est
absolument nécessaire.
À l’heure actuelle nous avons une situation sublimee, c'est-à-dire que
depuis
longtemps la société aurait dû devenir communiste. Le "point de transformation"
est dépassé
depuis
longtemps. De même
qu'une
eau peut être portée à une
température inférieure à 0° sans qu'elle se prenne en glace (elle est sublimée); Il
suffit alors d'un cristal de glace pour que
tout
se solidifie. Demain la crise rendra apparente
la
sublimation de cette société. Les quelques groupes révolutionnaires -
ceux
demeurés fermes sur la position de classe,
reliês à la tradition
historique et ceux surgis
sur la
base même de la lutte
sociale - seront autant de cristaux qui
provoqueront l'érection de la
classe en parti.[1]
[1]
J’ai placé de part
et d’autre de l’Atlantique l’étude du devenir de la classe ouvrière.
Toutefois,
surtout pour la période initiale de sa formation (fin du XVIII° début
du XIX°
siècle) je n’ai pas fourni de données importantes étayant ma
perspective, parce
que je ne les avais pas. Depuis divers ouvrages ont comblé largement ce
manque.
Ainsi The London hanged de Peter Linebaugh, L’hydre
aux mille têtes –L’histoire
cachée de l’Atlantique révolutionnaire de Peter Linebaugh et
Markus
Rediker, Ed. Amsterdam, Paris 2008, le titre original du livre n’est
pas
indiqué. Il est certain que c’est une « version »
amplifiée de The
many Headed Hydra-Sailors, Slaves, and the Atlantic Working class in
the
Eighteenth Century des mêmes auteurs dans un recueil de
R.Sakolsky et James
Koehnline, Gone to Croatan, Ed. Autonomedia/AK Press, 1993. Les titres
des deux
ouvrages se complètent, le second explicitant mieux ce que veulent
exposer les
auteurs et surtout il signale bien la classe ouvrière atlantique. Ainsi
dans
l’introduction de ce second texte les auteurs nous parlent d’une
conspiration
fomentée à New-York lors de l’hiver particulièrement rude de 1740-41
dont
« Les conspirateurs incluaient des irlandais-es, des
anglais-es, des
espagnol-e-s, des africain-e-s, qui parlaient gaélique, anglais,
espagnol,
français, hollandais, latin, grec et de façon certaine plusieurs
langues
africaines et amérindiennes. Ils formaient un mélange principalement
d’esclaves, et de travailleurs salariés, particulièrement des soldats,
des
marins, et des journaliers. (p. 129) En fait il s’agit comme pour tous
les
mouvements dont il est question dans les deux ouvrages d’un soulèvement
de tous
les opprimés de l’époque où ce qui va devenir la classe ouvrière n’est
qu’une
composante. C’est une donnée que l’on trouve également bien exposée
dans The
Making of the English Working Class, Ed. Penguin Books, de
E.P. Thompson.
Ces
ouvrages nous donnent une idée de la formation de la classe
ouvrière, du prolétariat, mais ne nous exposent pas comment s’est
constitué le
salariat, le rapport social qui fonde le capital. Le salaire est une
forme de
paiement qui
concerne l’utilisation de
l’homme, de la femme qui, à cause du contenu de la transaction
effectuée se
distingue des autres formes de paiement comme solde, émoluments,
honoraires,
etc., postulant d’autres relations sociales et donc d’autres types
sociaux : soldats, domestiques, etc.
Étant
donné que ce qui est payé est l’activité des hommes, des femmes,
et que cette activité peut opérer dans de vastes domaines, il est
évident que
grâce à ce moyen terme , tout va pouvoir être affecté
par la valeur
devenue capital, ce que de façon incorrecte et grossière est décrit
comme
« marchandisation ».
Cette
note ne peut pas être le lieu où puisse se traiter la question de
l’origine du rapport capital et donc du travail salarié. Je désire
seulement
souligner que celui-ci surgit en même temps que persistent d’autres
formes d’exploitation
comme l’esclavage, à l’époque où la fonciarisation, et la valeur dans
sa
détermination de monnaie universelle sont encore prépondérantes. De même
que
l’est l’anthropomorphose du travail se manifestant à travers
l’importance des
artisans, des artistes, et la naissance de l’ingénieur.
Le
contenu de ces livres permet d’aborder d’autres questions sur
lesquelles il conviendrait de faire retour ultérieurement, mais que je
signale
seulement.
1°-
L’importance de la révolution anglaise des années quarante du XVII°
siècle, qui est souvent occultée surtout en France. Je tiens compte à
ce sujet
de Christopher Hill, The world turn upset down qui
a assuré la
publication des œuvres de G.Winstanlley : The law of
freedom and other
writings et du livre édité dans la collection Archives
Julliard: Les
niveleurs, Cromwell et la République, présentés par Olivier
Lutaud.
2°-
L’importance des sectes protestantes qui se réfèrent au
christianisme primitif et à sa dimension de refus du mouvement de la
valeur. Il
conviendrait de faire le rapprochement avec la dynamique exposée par M.
Weber
au sujet de l’importance du protestantisme dans le surgissement du
capitalisme.
3°
La révolution industrielle et le surgissement du capital et le triomphe
du salariat dans l’usine ainsi que le remplacement de l’artisan par
l’ouvrier.
On devra tenir compte qu’il ne s’est pas agi en réalité d’une
révolution mais
d’une évolution assez longue.
4°-
Importance des pirates dans la révolution étasunienne, indiquée dans
L’hydre aux mille têtes. Il est intéressant de
compléter cette approche
de la piraterie par celle que met en avant Gilles Lapouge
dans :Les
pirates –forbans, flibustiers, boucaniers et autres gueux de la mer,
où il met
en évidence chez ceux-ci un désir d’abandonner ce monde.
5°-
Le surgissement des concepts de race (racisme) et de nation
(nationalisme) en connexion avec ceux de progrès et de hiérarchie ainsi
qu’avec
le mouvement de la valeur dans sa dynamique horizontale et verticale.
6°- Originalité du mouvement radical (révolutionnaire) des U.S.A. Ceci est mis en évidence dans L’hydre aux mille têtes, mais également dans un article de Loren Goldner : La fusion afro-indiano-anabaptiste. Les sources du radicalisme américain, paru dans le livre de cet auteur: Nous vivrons la révolution –Revolution in our lifetime, Editions Ni patrie ni frontières, pp.263-279. « La véritable tradition radicale américaine est née là, dans la rencontre entre les anabaptistes, les Indiens et les Africains aux XVII° et XVIII° siècles. » p. 269. Fredy Perlman avait déjà abordé cette question.
Toutefois, il y a un certain escamotage, car le phénomène s'est effectué des deux côtés de l'Atlantique. En Europe il s'acheva environ à la fin des guerres napoléoniennes. Á partir de la fin des années 1820 et surtout à partir de 1830 un autre phénomène de rejet de la société en place se développe: le mouvement prolétarien, qui concerne fondamentalement une classe dont la mission est de détruire le capitalisme. Cela n'empêche pas que des éléments venant d'autres couches sociales, comme des poètes, des romanciers des artistes, participèrent aux divers soulèvements prolétariens au XIX° et au XX° siècle. L'horreur de la domination capitaliste fut et est ressentie par une foule d'hommes et de femmes qui recherchèrent constamment un sujet subversif pour pouvoir décharger leur haine et affirmer leur dimension humaine. Le cheminement de libération-émergence ne passe pas par l'insurrection, la violence de classe, etc. mais ceux qui l'empruntent peuvent se potentialiser en tenant compte de tous ces mouvements de refus, en en percevant l'immense continuité. C'est pourquoi il est important pour les européens, également, de tenir compte de la tradition anté-prolétarienne. Ce qui est essentiel c'est la mise en continuité qui ne peut s'opèrer qu'à partir de chaque individualité - également quand des foules se mobilisent - sinon on en reste toujours à la dualité masses (multitudes) et chefs, même si momentanément ils ne sont pas apparents. La vieille dynamique les réimpose toujours.
7°-
Importance du mouvement anti-réductionniste qui se manifeste à travers religiosité,
occultisme,
ésotérisme, spiritualisme et ceci en rapport tant avec l’importance des
sectes
protestantes mais aussi avec l’œuvre de poètes, d’artistes favorables
au
mouvement d’émancipation. Le cas emblématique est celui de William
Blake.
D’ailleurs celui-ci est très souvent cité par tous les auteurs
précédemment
indiqués. Ils ont également abondamment utilisé ses œuvres picturales,
particulièrement le tableau représentant l’Europe soutenue par
l’Amérique et
l’Afrique qui montre bien qu’il avait profondément perçu, comme
certains de ses
contemporains, ce qu’il advenait à son époque; perception qui
fut en
quelque sorte transitoirement perdue.
8°-
Importance de la diaspora noire et des amérindiens, des peuples non
lancés dans une dynamique de type occidental, ce qui est d’ailleurs en
rapport
avec le point 6. À ce sujet, outre F. Perlman (et avec lui, les auteurs
sur
lesquels il s’appuie) déjà mentionné, je citerai de Loren
Goldner : Herman
Melville – Between Charlemagne and the antemosaic cosmic Man-Race,
Classs and
the crisis of the bourgeois ideeology in an American writer
où il expose un
parallèle entre K. Marx et H. Melville en ce qui concerne le mode de
concevoir
le devenir de l’humanité depuis la période où hommes et femmes étaient
en
connexion avec la nature, le cosmos, jusqu’à leur époque.
En
ce qui concerne la diaspora des noirs, le livre de Philippe
Wemba: Kindship, Ed. A Plume Book, 2000
fournit une stimulante
approche de la question. En effet à sa lecture on peut se poser la
question de
savoir si le XX°siècle ne fut pas le siècle des noirs. En outre, en
tenant
compte de la véracité possible de l’origine africaine de notre espèce
et de ses
diverses migrations à partir de l’Afrique, on peut se demander si la
réalisation de cette diaspora ne peut pas être comparée à celles-ci.
On
peut noter également que les USA sont parvenus idéologiquement à
dominer le monde grâce à leurs opprimés.
Enfin,
à la lecture de ces livres et en fonction de la fin du mouvement
révolutionnaire, nous vient à l’esprit l’idée de savoir si de poser la
question
de l’accès au communisme par l’intermédiaire d’une lutte de classes ne
fut pas
une vaste erreur immédiatiste. Ou, dit autrement, la classe ouvrière ne
fut-elle pas une réduction d’un groupement plus vaste pouvant s’opposer
au
capitalisme et apte à le détruire ? Est-ce que la déviation de
la lutte,
sur la race, sur la nation, ne s’est-elle pas accompagnée sur celle de
la
classe ? Ce faisant on restait dans le cadre même imposé par
les tenants
du pouvoir, et aucun dépassement ne s'imposait du
fait de la pérennisation de la dynamique de la lutte
et de la haine; celle de classe fut souvent
proposée par les tenants de la théorie du prolétariat.
Tout
ceci est affecté d’obsolescence, toutefois on ne peut pas
l’escamoter, si on ne veut pas rejouer l’impasse au cours même de notre
cheminement de libération émergence
Novembre
2009