Les concepts de la psychanalyse
À nouveau une pause dans notre exposé historico-théorique! Mais, cette fois, plus
longue parce qu’il s‘agit de montrer que les phénomènes mis en évidence par S. Freud, ainsi que les concepts, qui
sont fondamentaux et servent de points d’appui à la compréhension de la
dynamique psychotique, sont ceux abordés lors de la mise au point de la théorie
de la séduction. C’est en s’appuyant sur eux qu’A. Miller, par exemple, a pu
comprendre les troubles psychotiques de
ses patients et patientes[1].
La théorie du fantasme et des pulsions telle qu’elle apparaît en 1905, est une
immense construction déstinée à masquer. Elle amplifie le compromis déjà
présent dans la théorie de la séduction, entre le devenir réel, non réprimé de
tout homme, toute femme, et les nécessités sociales. C’est une théorie visant
l’intégration dans le complexe social. Or les compromis nécessitent des
élaboratio
Au
début se placent le traumatisme et l’hypnose. Cette dernière doit être
envisagée du point de vue thérapeutique, en tant que phénomène permettant de
faire révèler l’origine des troubles psychiques ainsi que d’un point de vue
étiologique, en tant que phénomène exprimant un profond trouble lié à un
traumatisme.
Voyons
d’abord comment S. Freud et J. Breuer abordent la question dans “Le mécanisme psychique des phénomènes
hystériques”, texte de 1892 qui a
été inclus dans Etudes sur l’hystérie qui
date de 1895.
“Lorsque,
en traitant des hystériques, nous apprenons de leur bouche que, lors de chacun
de leurs accés, ils ont la vision hallucinatoire de l’incident qui a provoqué
la première attaque....”[2].
“Trés
souvent, ce sont des évènements survenus dans l’enfance qui ont provoqué, au
cours de toutes les années suivantes, un phénomène pathologique plus ou moins
grave”[3].
“De
semblables observations nous paraissent démontrer l’analogie
existant, au point de vue de la pathogénie, entre l’hystérie banale et la
névrose traumatique et justifier une extension du concept d’hystérie
traumatique. Dans la névrose traumatique, la maladie n’est pas vraiment
déterminée par une passagère blessure du
corps, mais bien par une émotion: la frayeur, par un traumatisme psychique. Nous
avons, de façon analogue, constaté que la cause de la plupart des symptômes
hystériques méritait d’être qualifiée de traumatisme psychique.”[4]
Comme
nous l’avons vu précédemment, il semble bien que toute la période qui va de
1881 jusqu’à 1896, S. Freud soit totalement préoccupé par la question du
traumatisme. Ultérieurement il le sera également mais de façon pour ainsi dire
négative: remplacer le traumatisme par le fantasme.
“Mieux
vaut dire que le traumatisme psychique et, par suite, son souvenir agissent à
la manière d’un corps étranger qui, longtemps après son irruption, continue à
jouer un role actif”. En fait c’est plus qu’un corps étranger, c’est une
présence étrangère, une possession.
“A
notre très grande surprise, nous découvrîmes, en effet, que chacun des symptômes hystériques
disparaissait immédiatement et sans retour quand on réussissait à mettre en
pleine lumière le souvenir de l’incident déclenchant, à éveiller l’affect lié à
ce dernier et quand, ensuite, le malade décrivait ce qui lui était arrivé de
façon fort détaillee et en donnant à son émotion une expression verbale “[5].
“...c’est de réminiscences surtout que souffre
l’hystérique”[6].
“Il
semble au premier abord surprenant que des évènements depuis longtemps passés
puissent exercer une action aussi intense et que leur souvenir ne soit pas
soumis à l’usure, comme cela se produit pour tous nos autres souvenirs”. Les auteurs cherchent alors à expliquer pourquoi il en est ainsi.
“En
premier lieu, il importe de savoir si l’évènement
déclenchant a ou non provoqué une réaction énergique”. Et là se trouvent exposées quelques remarques
qui, développées auraient pu fonder une approche psychosomatique sur la
“décharge d’affects”, au fond toutes les conduites qui permettent de produire
un soulagement sans rien résoudre. “Quand cette réaction se trouve entravée,
l’affect reste attaché au souvenir”. C’est ce que F. Perls décrira sous le nom
de gestalt inachevée, c’est ce que je nomme l’enrayement d’un procés, il n’y a
jamais achèvement, perfection. “ On ne se souvient pas de la même façon d’une
offense vengée - ne fut-ce que par des
paroles - ou d’une offense que l’on
s’est vu forcé d’accepter”. C’est la situation où se trouve le petit enfant par
suite de son “infériorité organique”, qui n’est telle que par la non acception
des parents, la non réalisation de la symbiose lors de l’hapto-gestation. “Le
langage lui-même tient compte de cette différence dans les conséquences morales et physiques
en donnant, très à propos, à cette souffrance endurée sans riposte
possible, le nom d’”affection”. La réaction du sujet qui subit quelque
dommage n’a d’effet réellement
“cathartique” que lorsqu’elle est vraiment adéquate, comme la vengeance[7].
Mais l’être humain trouve dans le langage un équivalent de l’acte, équivalent
grâce auquel l‘affect peut être “abréagi” à peu prés de la même façon. Dans
d’autres cas, ce sont les paroles elles-mêmes qui constituent le réflexe
adéquat, par exemple les plaintes la révélation d’un secret pesant
(confession)”[8].
On peut
dire d’une certaine façon qu’une affection est une profonde perturbation qui
laisse une trace parfois indélébile. Mais souvent quand on parle d’affection on
a en vue un attachement à quelqu’un, une modalité d’amour. Cela implique que
même dans cette dynamique positive il y a manifestation de la psychose au sens
où je l’emploie. En effet nous n’avons plus un flux, expression de la continuté
entre les individualités, mais un attachement qui affecte et dans une mesure
plus ou moins puissante aliène - rend autre - aussi bien celui ou celle qui
donne l’affection, que celle ou celui qui la reçoit.
C’est
dans ces Etudes sur l’hystérie que la
question de l’importance du langage verbal apparaît de façon déterminante. Elle
ne fut pas abordée de façon exhaustive par S. Freud sinon il aurait pu se
rendre compte de sa fonction de simulation: il concrétise la virtualité.
Cependant, surtout avec la pratique de la libre association exposée dans cet
ouvrage, le langage verbal lui apparaît comme ayant une fonction déterminante.
Toutefois cette fonction est en quelque sorte détournée par le phénomène
psychotique. J. Lacan a développé à sa façon cette partie de l’oeuvre de S.
Freud. Sa théorisation est fort absconce et il m’est difficile de n’y pas voir une mystification où l’auteur
essaie vainement de dire ce qui l’affecte en profondeur. La langue naturelle ne
sera pas suffisante, aussi fera-t-il appel à quelque chose de plus formalisé,
“artificiel”, la mathématique afin de dénouer un noeud qui l’asphyxie, comme on
le sent avec ses développement sur les bandes de Moebius et sur les noeuds
borroméens. L’intense formalisation qu’il produisit semble avoir eu pour
fonction de diluer sa psychose, diluer sa souffrance. Ceci dit, et j’y reviens,
il a abordé une question fondamentale: le rôle du langage verbal. Pour le
comprendre en profondeur, il faudrait que la psychose n’opère pas. C’est pour le moment un pieux souhait. Il nous faudra
donc essayer de saisir comment le procès de conscientisation nécessite une
verbalisation. En affirmant cela, en une première approche sommaire du
phénomène, nous nous différencions de tous ceux qui le conçoivent comme étant
le produit de ce que je nomme le procés de la psychose, la domestication[9].
Les
auteurs exposent ensuite d’autre modes de décharge, autre que l’abréaction. Ce
sont en fait tous des expédients qui ne permettent pas effectivement
d’annihiler l’effet du traumatisme, mais là n’est pas la question. Ce qui
importe c’est la mise en évidence de l’importance de ce dernier.
“Nos
observations prouvent que, parmi les souvenirs, ceux qui ont provoqué
l’apparition de phénomènes hystériques
ont conservé une extraordinaire fraîcheur et, pendant longtemps, leur pleine
valeur émotionnelle. Il faut cependant souligner, comme un fait remarquable
dont il y aura lieu de se servir, que ces souvenirs, contrairement à bien
d’autres, ne sont pas tenus à la disposition du sujet. Tout au contraire, la mémoire des malades ne garde nulle trace
des incidents en question ou alors ne les conserve qu’à l’état le plus
sommaire. Ce n’est qu’en interrogeant
des patients hypnotisés que ces souvenirs ressurgissent, avec toute la
vivacité d’évènements récents”[10].
“On
constate, en effet, que ces souvenirs correspondent à des traumatismes qui
n’ont pas été suffisamment “abréagis”. En étudiant de plus prés les motifs qui
ont empéché cette abréaction de s’effectuer, nous découvrons deux séries, au
moins de conditions capables d’entraver la réaction au traumatisme.
“Dans
le premier groupe nous rangeons les cas où les malades n’ont pas réagi au
traumatisme psychique parce que la nature même de ce dernier excluait toute
réaction... (...) Dans la seconde série
des conditions nécessaires, la maladie n’est pas déterminée par le
contenu des souvenirs mais bien par l’état psychique du sujet au moment où
s’est produit l’évènement en question”[11]. C’est ici qu’est vraiment exposée la
puissance persistante du traumatisme et que nous allons rencontrer l’hypnose.
“L’hypnose montre, en effet, que le symptôme hystérique est dû à des
représentations qui, sans importance propre, doivent leur maintien du fait
qu’elles ont coïncidé avec de fortes émotions paralysantes, telles, par
exemple, une frayeur, ou qu’elles se sont produites directement au cours de
certains états psychiques anormaux, pendant un état d’engourdissement
semi-hypnotique, de rêverie, d’auto-hypnose, etc”[12].
Donc ce
qui est dénommé inconscient qui découle du traumatisme, du refoulement, se
présente comme une perturbation profonde de la mémoire, le moment où il y a
accés au souvenir; phénomène qui fut perçu, sans lui trouver son fondement, par
divers théoriciens comme ce fut le cas pour A.Schopenhauer[13].
Il ne me semble pas que S. Freud ait accordé toute l’importance requise au
phénomène de la mémoire[14]
qui contient en son sein un procès inconscient. Non pas l’oubli, mais la non
présence des souvenirs, est un phénomène absolument nécessaire pour que l’individualité puisse
sans encombre accomplir son procés de vie. Cela apparaît de façon
extraordinaire dans l’”Etude psycho-biographique” de A.R. Luria Une prodigieuse mémoire[15], qui montre, en même temps, que rien
n’est en réalité oublié.
A
partir de là sont définis les états hypnoïdes. “Nous voudrions ainsi substituer
à la formule fréquemment employée, et d’aprés laquelle l’hypnose serait une
hystérie artificielle, la proposition suivante: le fondement, la condition
nécessaire d’une hystérie est l’existence d’états hypnoïdes. Quelles que soient
leurs différences, ces états concordent entre eux et avec l’hypnose sur un
point: Les représentations qui y surgissent tout en étant fort intenses n’ont
aucune corrrélation avec le reste du contenu du conscient”[16].
L’importance du traumatisme est donc à nouveau soulignée.
“Mais
nos observations montrent qu’un traumatisme grave (comme celui d’une névrose
traumatique), une répression pénible (celle de l’affect sexuel, par exemple)
peuvent provoquer, même chez un sujet normal, une dissociation des groupes de
représentations et c’est en cela que constituerait le mécanisme de l’hystérie
psychiquement acquise”[17].
À partir de ces considérations, je pense que le traumatisme initial produit une
perturbation telle que s’effectue l’induction d’un état hypnoïde qui vient se
surajouter aux deux autres états: de veille et de sommeil. C’est au sein de cet état que s’implantent
les empreintes. Tout élément, opérant dans la réalité immédiate, dans l’ici et
maintenant, pouvant activer une
empreinte, opère une espèce d’hypnose, dans le sens où elle révèle cet état.
Les puissantes remontées émotionnelles font affleurer cet état hypnoïde qui
s’accompagne souvent de la sensation d’être manipulé, possédé. Précisons: étant
donné la faiblesse physique du tout jeune enfant,[18
le non déploiement de ses capacités intellectuelles, l’absence, au sein de son
plan de vie, de toute donnée qui lui permette d’affronter le traumatisme qu’il
subit, il est placé dans une situation hypnotisante qui rend possible la
formation des empreintes, comme des hallucinations. C’est justement pour cela
que l’hypnose est efficace puisqu’elle remet le sujet dans l’état de
suggestionnalité, de recéptivité d’empreintes qu’il connut quand il était très
jeune. La regression dont parlent beaucoup de psychanalystes et les
psychothérapeutes actuels, correspond en fait à la manifestation de l’état
hypnoïde qui habituellement est latent en tout individu. Cet état persiste
toute la vie, si les évènements traumatiques ne sont pas revécus dans une
dynamique de conscientisation[19].
On peut
dire qu’au début, pour expliquer la génèse des troubles psychiques, prévaut
chez S. Freud, une théorisation hypnotique, dans la mesure où il prend en
compte le phénomène de l’hypnose, mais de façon pour ainsi dire cachée, voilée;
parce qu’il la refuse, en fait. Sa pleine acceptation tendrait à le placer inconsciemment en face d’un
évènement douloureux. Cela dénote qu’il se trouve alors en présence d’une
donnée qui l’a profondément affecté, de même que la séduction par sa mère. Je
n’insinue nullement par là qu’il aurait subi de sa part une violence
sexuelle - même si c’était le cas, elle
ne serait que la réactivation d’une violence antérieure absolument pas
sexuelle. Je fais exprès, là, de rester sur le plan freudien. Ajoutons qu’en outre
la séduction précède une relation sexuelle et, il est certain que, parfois elle
se présente comme un simple euphémisme du viol[20].
Ainsi de même que la théorie du fantasme remplaça celle de la séduction, celle
de la libido se substitua très vite à celle de l’état hypnoïde qui
impliquait un traumatisme à l’origine de celui-ci. Dans tous les cas,
la sexualité fait écran devant le réel. Elle est un masque.
Sa
polarisation sur la sexualité qu’il dut constamment justifier lui a fait
escamoter toutes sortes de phénomènes, et l’a empéché de les envisager en tant
que tels et parvenir alors à fonder une psychologie de grande amplitude[21].
Accorder la primauté à la sexualité c’est une façon de maintenir, mais occulté,
le traumatisme. En effet pour S. Freud ce dernier ne peut être que d’orgine
sexuelle.
En
rejetant, refusant la théorie de la séduction, il refuse inconsciemment un
détournement. En effet le mot séduction se dit en allemand Verführung qui est le substantif du verbe Verführen qui signifie séduire mais aussi, d’après le dictionnaire,
détourner dans un sens moral, détourner du droit chemin, pervertir, corrompre
etc.. J’ajouterai qu’il y a l’idée de perturbation dans l’acte de conduire, je
pourrai dire qu’il signifierait dysconduire en quelque sorte. En effet ce verbe
se compose à partir d’un autre, führen,
conduire, et de la particule inséparable
ver qui est la particule de l’aliénation, de ce qui rend autre, déforme,
détourne, etc.. L’ambiguité de sa décision d’abandonner la théorie de la
séduction se loge pleinement dans ce mot Verführung,
habituellement traduit pas séduction, mais qu’on aurait pu rendre par
détournement. Le choix des traducteurs implique une certaine prise de position
par rapport au discours de S. Freud et une certaine affirmation inconsciente
par rapport à la sexualité. Quoi qu’il en soit leur non utilisation de ce terme est un déni au sens où il
l’entend. Par cette affirmation j’anticipe fortement puisque “C’est à partir de
1924 que Freud commence à employer le terme de Verleugnung dans un sens relativement spécifique”[22]. Ce sens les auteurs du Vocabulaire de la psychanalyse
l’expriment ainsi: ”... mode de défense
consistant en un refus par le sujet de reconnaître la réalité d’une
perception traumatisante, essentiellement celle de l’absence du pénis chez la
femme. Ce mécanisme est particulièrement invoqué par Freud pour rendre compte
du fétichisme et des psychoses”[23].
C’est aussi une dénégation, Verneinung,
ici encore au sens freudien. “Procédé par lequel le sujet, tout en formulant
un de ses désirs, pensées, sentiments jusqu’ici refoulé, continue à s’en
défendre en niant qu’il lui appartienne”[24].
Ainsi par cette dénégation, il affirme qu’il fut détourné. Et là il n’y a pas
obligatoirement une dynamique sexuelle. Disons encore une fois qu’il s’est
servi de la sexualité pour signifier son détournement. Or S. Freud connote dans le mot sexualité, la perversion
dont la notion est justement contenue dans le mot Verführung. Le choix des
mots n’est pas régi par le hasard et, ça, il le sait pertinemment.
Ce
n’est pas un hasard également si, dans les années soixante et particulièrement
au cours de mai-juin 1968, le mot détournement fut tellement employé par ceux
qui se soulevérent contre le phénomène du capital. Ils proclamaient
inconsciemment le détournement qu’ils avaient subi et pensaient pouvoir se
retrouver en détournant le système. Celui-ci était le support pour signifier
leur détournement qu’ils n’ont pas vu voir. C’est pourquoi, en termes marxiens,
Mai-Juin 1968 fut le triomphe de la fausse conscience, en termes freudiens, celui
de l’inconscient. Arrêtons l’anticipation et revenons à S. Freud.
Il
abandonna vite l’idée d’état hypnoïde mais, tout comme pour le traumatisme, il
continuera à en tenir compte, à le retrouver dans divers phénomènes. Nous le
signalerons à l’occasion.
“On
comprend maintenant pour quelle raison le procédé psychothérapique (la
libre-association, n.d.r) que nous venons de décrire agit efficacement. Il supprime les effets de la représentation
qui n’avait pas été primitivement abréagie, en permettant à l’affect coïncé de
celle-ci de se déverser verbalement; il
amène cette représentation à se modifier par voie associative en l’attirant
dans le conscient normal (sous hypnose légère) ou en la supprimant par
suggestion médicale, de la même façon que, dans le somnambulisme on supprime
l’amnésie”[25]
L’hypnose
ne peut agir que parce qu’il y a un état hypnoïde. Ce dernier est également révèlé, comme l’a perçu S. Freud,
par la suggestion, la séduction. Ainsi lorsqu’il parle de théorie de la
séduction, il est sur le plan de l’hypnose, car la première est une forme de la
seconde. En conséquence, il ne parvient pas de façon nette à mettre au premier
plan les éléments fondamentaux déterminant la psychose: le traumatisme et
l’état hypnoïde qui en découle.
“Sur
quoi s’édifient donc les états hypnoïdes prédisposants? (...) Dans les états hypnoïdes, il ne s’agit
plus que d’un aliéné, comme nous le sommes tous dans nos rêves. Toutefois,
tandis que nos psychoses oniriques n’exercent, à l’état de veille, aucune
action, les productions de l’état hypnoïde penètrent dans la vie du sujet
éveillé sous la forme de phénomènes hystériques”[26].
Il y a
ici une coupure comme si, selon un processus inconscient, les rêves ne
retentissaient pas sur notre conduite éveillée.
Mais
finalement le fait de ne pas accéder, en le revivant, au traumatisme originel
fit que S. Freud ne put réellement élucider ce qu’était l’hystérie.
“La
cause interne de l’hystérie reste encore à découvrir”[27].
Or,
selon moi, le traumatisme fondamental
est d’origine affective, émotionnelle, c’est celui de la rupture de continuité
du flux de vie entre la mère et l’enfant, du fait de la non acceptation de la
part de celle-ci. Elle peut se réaliser très tôt, durant la vie intra-utérine
et devenir effective lors de la naissance: traumatisme de la naissance. C’est
le rejouement au niveau de chaque homme, de chaque femme, de la séparation
d’avec le reste de la nature, moment de la dynamique où l’espèce tend à se
constituer en dehors et en opposition à
elle[28].
La rupture de continuité avec la mère en induit une autre tout aussi puissante
et catastrophique: celle de l’être, subissant la domestication, avec son plan
de vie.
Le
refoulement est le concept essentiel déterminant parce qu’il est opérant dans
tout le procès théorique de S.Freud, dans la théorie de la séduction comme dans
les utlimes théorisations et, qu’en outre, il a été repris, dans une mesure
plus ou moins grande et avec certaines modifications, par tous les thérapeutes.
Nous
avons vu que K. Marx dans sa critique à Luther met en évidence une forme de
refoulement et que dans l’Idéologie
allemande, il utilise même le terme dans un sens très proche de celui où
l’entend S. Freud, mais il ne parvint pas à théoriser le concept. À ce propos,
et j’y reviendrai pour d’autres données théoriques, il ne s’agit absolument pas
de diminuer l’apport de S.Freud, de même qu’il ne faut pas occulter l’apport de
ses prédécesseurs. Ce qui est important, c’est de montrer qu’à un moment donné,
une individualité déterminée est à même d’achever un procés théorique enclenché
bien avant elle. Ceci dit je voudrais citer un texte de Marx où l’on voit
opérer le refoulement. C’est un texte où il dit ce qui l’a tourmenté
originellement et qui perdure en lui de façon inconsciente. Ceci afin de
montrer à la fois la puissance de ce qu’a découvert S. Freud, et le possible en
K. Marx de la perception de ce concept, perception qui ne put parvenir jusqu’à
une représentation. Il s’agit d’un passage d’un article de 1842, il a 24 ans, Débats sur la liberté de la presse et
publications des discussions de la diète. Nous avons déjà cité une
phrase de ce passage dans Présentation[29].
Il apparaît comme une digression, un exercice rhétorique où l’auteur semble
s’éloigner de son sujet. En fait cette digression est un support pour dire
quelque chose de lui qui a été refoulé.
“Le
corps de l’homme est, de par sa nature, mortel. Les maladies ne sauraient donc
manquer.” Donc s’impose l’idée qu’on ne meurt pas de façon naturelle, à la fin
d’un procès, mais à la suite d’un mal. Déjà perce ce qui le perturbe
inconsciemment. Et ceci va se révéler dans la réponse qu’il va donner à la
question que ceci lui suggère. “ Pourquoi l’homme ne relève-t-il du médecin que
lorsqu’il tombe malade, et non pas tant qu’il est bien portant?[30]
Parce que non seulement la maladie, mais le médecin lui-même est un mal”. Ceci
peut se prêter à diverses interprétations. En particulier celle-ci: il est un
mal parce que justement du fait qu’il n’est pas présent à temps, il ne peut pas
prévenir; sa présence est le signe de la maladie, donc du mal; sa présence est
inéfficace et K . Marx devait amplement le vérifier à la fin de sa vie. “Si
l’homme était constamment sous la tutelle du médecin, on déclarerait par
là-même que la vie est un mal et que le corps humain est pour les groupements
médicaux un objet de traitement”. Ici s’opère un glissement: pourquoi
parle-t-il de tutelle? Glissement qui est préparé par le fait qu’il considère
que l’homme relève du médecin, ce qui signifie qu’il y a dépendance, l’homme
devenu patient ne s’appartient plus, il n’a plus puissance sur lui-même;
celle-ci, c’est un autre qui l’exerce sur lui. Donc en fait, le mal c’est de
dépendre de quelqu’un d’autre, c’est la dépossession (Entaüsserung). De là se
comprend l’affirmation suivante. “La
mort n’est-elle pas plus désirable qu’une vie qui ne serait qu’une simple
mesure préventive contre la mort”[31]?
Vivre avec un médecin, serait vivre dans la prévention perpétuelle ce qui
équivaudrait à entériner de façon absolue la maladie qui serait la potentialité
toujours sur le point de devenir acte, manifestation. Voilà ce que le texte dit
dans sa littéralité, et dans sa logique immédiate. Mais en fait, il y a un
saut, une transcroissance due à l’irruption de quelque chose qui a été refoulé:
l’horreur de ce qui a été vécu enfant. Le médecin c’est le parent[32]
qui se meut dans la prévention, parce que l’enfant est incapable, voire débile,
il est potentiellement dans le mal, et ce mal potentiel risque perpétuellement
de se manifester. Le parent qui prévient opère pour le bien de l’enfant - c’est pour ton bien[33]
- car la vie immédiate, la vie spontanée de celui-ci est un mal, dont il doit
être protégé, dont il doit être guéri. Mais K. Marx ressent cela non seulement
à son niveau individuel, mais à celui de l’espèce. Voilà pourquoi j’ai utilisé
cette phrase dans un contexte où elle pouvait se trouver en cohérence, en
concordance avec la transcroissance qu’elle recèle. La suite du texte permet de
mieux saisir ce qui se passe en lui, l’expression de ce qu’il a subi. “La
liberté des mouvements ne fait-elle pas également partie de la vie”? Apparemment, il semble revenir simplement au
thème de son article, la liberté, en parvenant au bout de la comparaison,
l’autre terme de celle-ci, le support qui l’a induite, n’étant pas encore
explicitement dévoilé. Mais en fait, on demeure dans la transcroissance.
“Qu’est-ce que n’importe quelle maladie, sinon de la vie entravée dans sa
liberté[34]?
Un médecin permanent, ce serait une
maladie[35]
dont on ne pourrait même pas espérer mourir et avec laquelle il faudrait
vivre”. Arrêtons: n’est-ce pas une prémonition? n’est-ce pas ce qui se réalise
dans la société-communauté du capital, où le médecin est omniprésent, où il y a
la sécurité sociale qui apparaîtrait au jeune K. Marx comme permettant de réaliser la vie en tant que mesure
péventive contre la mort, et où, en complémentarité surgit le droit de mourir,
revendication de la réalisation d’un possible de la combinatoire, qui résulte
de l‘arrachage et de l’autonomisation de tous les moments du procès de vie de
l’espèce. Or, nous l’avons plusieurs fois indiqué, le droit ne s’impose qu’à
partir du moment où il y a eu dépossession. Ainsi, pouvons-nous dire à Don
Carlo, comme aimait le faire A. Bordiga: l’espèce vient à être dépossédé non
seulement de la vie comme tu l’as
montré, mais aussi de la mort. Ce qui est le plus horrible c’est que ceci est
encore une mystification parce que la vie et la mort, telles qu’elles sont
posées, résultent de la mise en place d’un couple antithétique, du fait de la
séparation, de la perte de continuité. En réalité, la mort est un moment du
phénomène vie, de telle sorte que la vie ne peut pas se présenter comme une
mesure préventive contre la mort, ni celle-ci comme une prévention contre la
vie. Nous pouvons ajouter qu’au moment où fulgure en lui, la vision de ce qu’il
subit s’impose la confusion où il fut placé[36].
“Que la vie meure, soit; mais il est impossible que la mort vive”. La vie ne
peut pas mourir, de même que la mort ne peut pas vivre. Celle-ci, je le répète
est une modalité non pas de la vie - une entité - mais du phénomène vie. Donc un être vivant
peut mourir. Peut-etre que sa confusion dérive du refus de voir la réalité: les
morts-vivants. Après cela il revient à
sa comparaison. Comparer implique souvent la séparation. Or que dit-il?
“L’esprit n’a-t-il pas plus de droit que
le corps? Il est vrai qu’on a bien des fois interprété cette vérité de façon
bizarre, en disant que la liberté physique était même nuisible aux esprits
libres et indépendants, et qu’il fallait donc la leur ôter!” Nous arrivons
enfin au terme de la comparaison, à son dévoilement.
“La
censure pose en principe que la maladie est l’état normal, ou que l’état
normal, la liberté, constitue une maladie. Elle assure toujours à la presse
qu’elle est malade, et que celle-ci a beau donner les meilleures preuves de sa
saine constitution physique, elle est obligée de se laisser traiter. Mais la
censure n’est même pas un docteur instruit qui applique des remèdes internes variables suivant la maladie. C’est
un chirurgien de campagne qui ne connait qu’une panacée universelle convenant à
tout: les ciseaux”[37].
Mais
nous sommes étonnés parce que la comparaison n’est pas complète, le référant
n’apparaît pas de façon effective. Ce qui est comparable au médecin c’est le
censeur, le représentant de l’autorité et non la censure. Ceci me conforte dans
l’idée que ce qui est essentiel dans la comparaison, ce n’est pas une
explicitation de ce qu’il expose, mais c’est le support à la remontée de quelque
chose d’amplement refoulé. En outre ce qui devient essentiel en définitive ce
n’est pas le médecin, mais le chirurgien parce qu’alors il est possible de
faire état des ciseaux et donc de pouvoir signaler qu’il s’est senti coupé,
réduit.
C’est
comme si subitement il avait une vision, qu’il ne peut pas accepter en tant que
telle à cause de son horreur, alors il la place dans une comparaison ce qui
diminue sa puissance émotive.
L’idée
d’être en quelque sorte habité par un être étranger à qui on se soumet, sera à
nouveau émise dans le texte que nous avons cité à propos de Luther. Dans ce
cas, l’homme est habité par un prêtre intérieur; le prêtre qui doit lutter
contre le péché et qui devient le péché lui-même, la damnation et dans ce cas
la vie n’est qu’une antichambre à la mort, peuplée de l’immense mystification
selon laquelle elle est accés à la vie réelle[38].
De même
que le prêtre a été intériorisé, le censeur le fut: déploiement de la
conscience repressive et ceci entre dans la dynamique du refoulement. Toutefois
je le répète K. Marx n’a pas perçu à fond ce dernier et surtout son contenu.
C’est la souffrance qui est refoulée afin de pouvoir survivre. Mais cela même
S. Freud, découvreur de ce phénomène, ne l’a pas perçu. Il ne met pas
effectivement en relation refoulement et souffrance. Et ceci est déterminé par
le fait qu’il s’est arrêté devant le refoulement le plus puissant celui de la
souffrance de la non acceptation de la part de sa mère. C’est, je le répète,
dans ce non-voir qui a pour conséquence une non conscientisation de ce qui a
été refoulé - rendant évident le phénomène - que s’effectue l’escamotage du
réel dont parle J.M. Masson et que s’enracine l’immense mystification qui l’a
habitée toute sa vie. Son oeuvre est parsemée de remontées non perçues
signifiant autant de refoulements, comme celui de K. Marx que nous venons
d’analyser. Le réel escamoté c’est son propre escamotage, l’impossibilité de se
découvrir tel qu’il émerge du sein du phénomène vie.
Mais
pourquoi, ce long détour par ce dernier? C’est parce qu’il fut le théoricien de
l’aliénation et que l’auto-répression, le refoulement sont des comportements
qui nous mettent totalement dans la dynamique de l’aliénation: nécessité de
s’objectiver pour être perçu, mais cette objectivation (Vergegenständlichung)
est en fait une dépossession (Entaüsserung); pour compenser l’individu se vit
surtout à travers les objets, ce qui est une forme de réification, le tout
conduit à l’extranéisation, l’individu devient étranger à lui-même, c’est-à-dire
à son innéité. Cela implique que le refoulement est toujours accompagné d’une
injection en l’individu d’un être autre, celui qui correspond aux normes
sociales, d’où la sensation d’être habité par un étranger. Or ce qui est
fondamental et qu’a intuitionné K. Marx c’est: le développement du mode de
production capitaliste est connexe (isomorphe à) de celui de l’auto-repression,
pleinement cernée, et du refoulement à peine abordé; ce n’est pas un hasard si
le thème de la conscience devient le thème fondamental: l’autorepression
implique l’exaltation de celle-ci. Là réside à nouveau une immense
mystification. Ce qui m’importait de signaler par ce détour c’est justement
l’importance de la découverte de S. Freud qui le conduira à sa théorisation de
l’inconscient et celle-ci peut se concevoir comme la manifestation d’une
rebellion contre la conscience repressive.
Ce long
détour par K. Marx pour signaler aussi que celui-ci a pu toucher nombre
d’hommes et de femmes révolutionnaires non seulement à cause du contenu révolutionnaire
explicite de son œuvre, mais aussi parce qu’ils se reconnaissaient dans la
partie non clairement dévoilée de celle-ci, grâce à une mise en continuité de
leurs procés inconscients.
Liés au
refoulement et souvent confondus avec lui, surtout au début de sa théorisation,
se placent les mécanismes de défense. Ils ont été élaborés pour ne pas voir la
souffrance; ils viennent donc protéger le refoulement. Ceci n’est pas explicité
chez S. Freud et j’ai déjà, à plusieurs reprises expliqué pourquoi. Mais ce qui
importe c’est qu’il ait perçu ces phénomènes et ait tenté d’en fournir une
explication. Ceci aura une importance considérable dans l’approche que feront
tous ceux qui chercheront à mettre au point une thérapie de libération[39].
Nous aurons donc l’occasion de revenir sur ce sujet et d’insister sur
l’importance de cet apport de S. Freud. J’ajouterai seulement
ceci: un autre source essentielle de la mise en place des défenses, des
résistances, c’est la peur de remettre en cause les parents. Nous l’avons vu
concrètement dans le cas de ce dernier.
Refoulement,
résistances, défenses relèvent d’une dynamique inconsciente. Ce sont eux qui
forment l’inconscient freudien. C’est tellement important qu’il est parfois
affirmé que c’est S. Freud qui a découvert l’inconscient. Ce n’est pas le lieu
d’aborder cette question. Il s’agit seulement de cerner ce qui est déterminant
dans la théorie de la séduction et qui demeure valide pour fonder une approche
du phénomène psychotique. Toutefois, tout en reconnaissant pleinement
l’importance capitale de cette découverte, je veux signaler la réduction
importante en laquelle elle s’exprime. L’inconscient est une hypostase qui a un
contenu. Or l’inconsicent normalement relève d’une dynamique qui est du domaine
biologique, inné. Ce n’est pas un acquis. Ce qui l’est c’est ce qui se greffe
sur elle et l’amplifie. C’est bien une greffe parce que c’est un être étranger
qui est enté sur celui originel et qui de ce fait le hante. Autrement dit
l’inconscient freudien découle de relations entre les personnes, qui sont
intériorisées. L’approche freudienne est réificatrice, mais par là même elle
permet à son auteur de constituer son objet d’étude ce qui lui permet de faire
oeuvre scientifique. Initialement c’est un traumatisme infligé par un être
féminin qui place l’enfant dans une dynamique inconsciente. C’est le blocage du
procés naturel qui fonde cette dernière.
Le
blocage est une source pour un autre phénomène essentiel mis en lumière par S.
Freud, sans en avoir perçu réellement la mécanique interne: le transfert. En
particulier il n’a pas mis en évidence comment ce dernier entrait dans la
dynamique de réalisation de l’aliénation. Là encore ce qui compte c’est la
découverte en elle-même, qui ouvre une voie d’accés à la compréhension du
phénomène psychotique. Une étude plus détaillée sera, ici aussi, nécessaire.
Pour le moment, afin de faire ressortir l’importance de cette découverte, je
dirai que le transfert ne se ramène pas simplement à la projection mais il est
en relation avec la dynamique projective. Les êtres humains, féminins, sont non
seulement doués de perception mais de projection selon une dimension
extraordinaire. Cela peut aboutir à la possibilité de vivre totalement à
l’extérieur de soi, à la virtualisation. Donc quand l’individu se trouve
bloqué, il a une solution c’est de transférer, afin de rétablir la continuité.
Ce n’est pas un être - la mère où le père qu’on transfère - c’est le désir
profond de continuité avec eux. En conséquence, par de multiples projections,
grâce à un support - un homme, une femme - les parents sont virtuellement
reproduits et la dynamique d’être enfin reconnus par eux peut se renouveler.
Lié à
la dynamique projective se trouve aussi le fantasme qui n’est pas seulement une
mystification permettant d’escamoter le réel, le traumatisme originel, mais a
une réalité. Pour survivre, l’individu psychosé fantasme énormément. S. Freud
l’a bien montré et cela constitue encore un apport fondamental. La dynamique du
fantasme débouche elle aussi dans la virtualisation[40].
Tout ce
que nous avons considéré jusqu’à présent relève de l’étiologie, voyons
maintenant ce qui concerne la thérapie. Nous retrouvons l’hypnose comme méthode
qui permet de vaincre les résistances, les défenses. Les réticences de S. Freud
à l’utiliser ne relèvent pas seulement du fait, en particulier, qu’il aurait
été un piétre hypnotiseur, mais parce que cela évoquait quelque chose de trop
profond en lui qui avait rapport à sa souffrance. Voilà pourquoi acceptera-t-il
immédiatament la méthode de Bertha Papenheim, la cure par la parole
(talking-cure) définie aussi comme un ramonage de cheminée, et qu’il en perçut
l’immense portée, de telle sorte qu’on peut considérer qu’il l’a réinventée, ce
qui ne diminue en rien l’apport de cette patiente. S. Freud parlera de
libre-association, méthode conçue comme moyen de faire révèler ce qui est
inconscient. C’est une ouverture vers une compréhension profonde, mais il
semble que l’essentiel n’est pas assez souligné, bien qu’il en parle. Ce qui
est déterminant c’est l’écoute, la mise en continuité avec
[1]. Lorsque nous reviendrons sur
l’importance du mouvement de Mai-Juin 1968 (La
levée d’un verrou: Mai-Juin 1968) nous
ferons ressortir à quel point toutes les notions abordées par S. Freud furent
reprises en leur donnant une plus vaste ampleur afin d’ailleurs de fonder
diverses théorisations ou pratiques. Il en fut de même en ce qui concerne
l’oeuvre de C.G. Jung, mais cela n’est pas comparable et est dû au fait que
c’est S. Freud qui est au point de départ de tout. J’ajouterai, pour être dés
maintenant plus précis, ainsi que certains de ses contemporains comme W.
Fliess, J. Breuer, E. Bleuler, G. Groddeck par exemple.
D’autre part, je reprendrai l’étude de ces
divers phénomènes et concepts au cours d’une approche théorique plus
approfondie, dans l’article Advenir. Enfin dernière précision: il s’agit des
principaux concepts tels qu’ils se présentent dans la théorisation en 1905. En ce
qui concerne ceux produits ultérieurement, ils seront vus au fur et à mesure de
leur apparition effective.
[2]. Etudes
sur l’hystérie, Ed. PUF, p. 1.
[3]. Idem, p. 2.
[4]. Idem, p. 3.
[5]. Idem, pour cette citation et celle
qui la précède, p. 4.
[6]. Idem, p. 5. Il en sera de même pour
les citations suivantes.
[7]. Il n’est pas possible d’en faire
état pour J. Breuer, mais en ce qui concerne S. Freud, il est clair que, là, il
dit parfaitement quelque chose qu’il a profondément vécu, comme nous le
montrerons en un autre lieu.
[8]. Idem, p. 6 ( à partir de peut être
“abréagi”).
[9]. Je reviendrai sur ce sujet, de
façon plus approfondie, dans Advenir.
Je l’ai déjà abordé dans mon étude Emergence
de Homo Gemeinwesen , Invariance, série IV, n° 1.
[10]. O.c p.
6.
[11]. Idem,
p. 7.
[12]. Idem,
p. 7.
[13]. Cf. la citation à la note
[14]. Dans une lettre du 06.12.1896, il
déclare à W. Fliess: “Le conscient et la
mémoire s’excluent mutuellement”. Ce
qui me semble inéxact et tend à faire de la mémoire un phénomène passif.
[15]. Ed. Delachaux et Niestlé. Il est
intéressant de noter que le sujet de cette prodigieuse mémoire était juif. La
mémoire est très importante chez les juifs parce qu’il ne faut pas oublier le
moment fondateur qui installa l’interdit, sinon plus de possibilité d’être,
d’exister et c’est la dissolution. De même l’importance de l’histoire est liée
à la nécessité de montrer comment, de façon récurrente, a été réactualisé ce
moment: l’alliance avec l’éternel et la séparation d’avec la nature.
[16]. Idem, p. 8.
[17]. Idem, p. 9.
[18]. Elle dérive de son dépouillement de
ses participations. Il en est exclu.
[19]. La latence de cet état sous, pour
ainsi dire, l’état de veille comme sous celui de sommeil, permet d’expliquer
les phénomènes suivants, comme nous l’exposerons dans Advenir: hallucination, fascination, envoûtement (auquel la transe
est liée), possession, séduction, prestige, méditation, prière et diverses
pratiques religieuses utilisées par les moines, contemplation, mimétisme (qui
se greffe sur l’empathie), somnambulisme, rêve éveillé, idée fixe. En tenant
compte de cet état il est possible de mieux comprendre ce que S. Freud appelle
compulsion de répétition que, à la suite d’autres auteurs, je nomme rejouement,
ainsi que la remontée.
[20]. Séduire les foules ou les violer,
quelle différence?
[21]. Ou parvenir à un dépassement de la
psychologie.
[22]. Vocabulaire
de la psychanalyse, p. 115. N’ayant pas les oeuvres de S. Freud en
allemand, c’est en lisant Vizir secret et
tête de turc, préface de Pierre Sabourin au tome IV des Oeuvres complètes de Sandor Ferenczi, p.
13, que j’ai pris connaissance de ce mot Verführung..
L’auteur, fidéle à la perspective de S.Ferenzi, sur laquelle nous reviendrons,
affirme: “... détournement, détournement du désir de l’enfant par l’adulte, et
non pas séduction au sens passif, comme c’est le cas en français...” p. 13.
[23]. Idem, p. 24. J’essaierai
d’expliquer pourquoi ce concept s’impose si tard dans la vie de S.Freud. Etant
donné qu’il est lié à celui de clivage (Spaltung)
du moi, qui s’impose vers 1927, on comprend que c’est à la suite d’un certain
vécu en rapport à une remontée ou a un revécu que ce concept s’imposera.
Lorsque nous envisagerons la période finale de la vie de S. Freud, s’imposera à nous de situer sa signification
au sein de son procés psychique saisi dans son devenir. A noter aussi avec
quelle facilité il fait porter son déni par la femme.
[24]. Idem, p. 112. Je ferai noter avec
insistance la présence de la particule ver dans Verneinung et dansVerleugnung. Ici encore elle opère comme un opérateur de déformation
de la réalité, de ce qui naturellement s’offre à l’homme, à la femme.
J’aimerai montrer ultérieurement à quel
point déni et dénégation sont liés.
[25]. O.c,
p. 12.
[26]. Idem,
p. 9.
[27]. Idem,
p. 13.
[28]. Ceci a déjà été signalé dans De la vie et sera repris dans Totem et Tabou et le moment fondateur,
ainsi que dans Advenir. Dans ce
dernier article seront repris également tous les autres concepts qui sont dans
cet article, ensuite, abordés.
[29]. Cf. Invariance, série V, n° 2.
[30]. “L’avenir est dans la prise en
charge préventive des bien-portants”. Déclaration de Luc Montagnier dans
Science et Vie, n° 973, Octobre 1998.
[31]. Phrase citée dans Présentation. Elle nous fait penser que
S. Freud a vécu cela de façon réelle à partir de 1923, avec les multiples
interventions chirurgicales qu’il dut subir, afin de prévenir sa mort, jusqu’au
jour où il se fit donner une dose de morphine pour rendre celle-ci effective!
[32]. Il ne s’agit pas d’une comparaison
mais, en quelque sorte du dévoilement
d’un rejouement. Le parent est le médecin permanent. Je pourrais dire tout au
plus le médecin est comparable au parent.
[33]. Comme l’a bien montré A. Miller.
[34]. Pour le moment j’accepte le contenu
du concept de maladie tel qu’il est posé par K. Marx. En effet, avec les
hygiénistes, je puis considérer cette dernière comme une réaction vitale de
l’organisme tendant à se liberer de la dynamique de la toxémie. Dans ce cas là
le rôle du médecin s’évanouit et lui-même avec.
[35]. Ce serait pire que la iatromaladie
dont parle I. Illitch, puisque ce serait le médecin lui-même qui serait la
maladie qui ne découlerait pas simplement d’une intervention de ce dernier;
[3. S’impose à moi la nécessité
d’ajouter ceci qu’il me faudra longuement développer. Dans une remontée on va
au-delà du vécu immédiat (transcroissance). C’est la base du phénomène de
l’inspiration, de l’intuition, parce que dans la remontée on essaie d’exprimer dans toute sa puissance,
sa prégnance, son éruptivité, ce qu’on a subi. Les visions des prophètes, de
Mahomet, les auditions de divers mystiques, les boutades d’A. Bordiga sont
toutes des remontées.
Dans Advenir
j’analyserai en quoi consiste
précisément la remontée et je tenterai de cerner en quoi elle se distingue de
l’état hypnoïde.
[37]. Tout ce passage se trouve dans Oeuvres philosophiques, t, V, pp. 58.59.
Pour mieux le percevoir, il convient d’indiquer que cet article est rempli
d’une profonde indignation et vibre d’une ardente révolte qui se manifeste
parfois en sarcasmes éclatants, autres remontées.
[38]. A l’heure actuelle il y a fusion
des deux figures, celle du prêtre et celle du médecin. La dimension
thérapeutique du premier est absorbée par le second. Cela exprime en même temps
comment la science se substitue à la religion, tout en la maintenant: autre
modalité de la combinatoire.
[39]
[40]. Nous analyserons ultérieurement le
rapport entre fantasme, transfert, d’une part, et roman familial,
réincarnation, société du spectacle, d’autre part. Cela nous conduira au
phénomène de compensation dont voici un exemple: la toute puisssance de la mère
inaccessible est compensée, pour l’homme, par l’infériorité de la femme. La
compensation apparaît comme le rétablissement d’une totalité, d’une continuité.
Ce qui n’est qu’une illusion, un fantasme.
[41]. Je précise que je n’expose pas tous
les concepts psychanalytiques mis au point par S. Freud du début de sa
théorisation jusqu’à 1905. C’est pourquoi je n’aborde pas la question de
l’extension du concept de sexualité avec la sexualité infantile, la
bisexualité, l’étayage, etc. Je le ferai dans Sexualité et mystification.