GLOSES
EN MARGE D'UNE
RÉALITÉ
VI
Nous
avons plusieurs fois affirmé que
la philosophie de Hegel était celle du capital. Dit â la façon
de A. Bordiga on peut
affirmer que le roman du
capital a été écrit avant qu'il ne se soit totalement manifesté,
c'est-à-dire
avant qu'il n'ait pleinement développé tous ses possibles.
Ecoutons
Hegel.
"L'Ésprit
se développe
jusqu'à constituer
une (nouvelle) nature un monde qui lui soit
adéquat, en sorte que le sujet trouve
son concept de l'esprit dans cette seconde nature,
dans cette nature
créée par le concept de l'esprit et possède dans cette,objectivité
la conscience de sa liberté et de sa rationalité objectives. C'est en
cela que
consiste le progrès de l'Idée en général et cette situation représente
pour nous le dernier mot de l'histoire même: 1e fait qu-il
y a
encore du travail à faire est une
question empirique. Dans la considération de l'histoire universelle
nous devons
parcourir la longue route qui vient d'être indiquée sommairement et par
laquelle elle accomplit ses fins. Mais la longueur du temps est une
chose toute
relative et l'Esprit appartient à l'éternité. Pour lui, la longueur
proprement
dite n'existe pas. Son travail ultérieur
consiste à ce que ce
principe se développe et se perfectionne, arrive à
la réalité, à la
conscience de soi dans la
réalité. (La raison dans 1'histoire, Ed.
10/18,p. 296)[1].
Le
capital et l'œuvre de Hegel sont des réalités isomorphes. Hegel a
décrit une
réalité qui allait au-delà de celle que de son vivant il pouvait
appréhender
grâce au roman, à l'épopée de l'esprit. K. Marx a décrit l'incarnation
de
l'esprit.
Maintenant
tout
est dépassé et toutes les représentations du capital confluent dans la
publicité qui est la conscience du marché, la conscience active de soi.
La
conscience est étalée et non séparée de la réalité mise à la portée de
tous. La
réalité est sa propre
représentation, puisqu'elle est
seconde nature qui n'a pu s'édifier que par l'entremise de la
représentation.
Ce qui n'empêche pas qu'il
y ait un certain
ésotérisme en ce sens qu'il y a un
être caché, le capital, qui s'est épuisé dans sa réalisation-incarnation.
Cette
seconde nature c'est le marché.
Aussi pour désigner quelque chose qui dépend de ce dernier (qui en
relève) nous
utiliserons le mot mercatel.
En conséquence on ne
peut plus parler de lois naturelles mais de lois mercatelles
non seulement à cause du marché dans son existence immédiate, mais
parce que
celui-ci est un paradigme pour la compréhension de l'univers D'où la
nécessite
d'une nouvelle logique, d'une nouvelle mathématique, etc.
Enfin
on doit
noter que Hegel nous annonce la fin de l'histoire avec cette
réalisation d'une
seconde nature. En revanche, faut le rappeler, pour Marx il ne s'est
jamais agi
que de la fin de la préhistoire liée à la fin des sociétés de classes
et à la
réalisation d'une réconciliation avec la nature. Cette fin de l'histoire amène selon
Hegel le triomphe de l'empirisme. Or, si ce dernier est souvent rejeté
(après
avoir été fortement critiqué ces dernières années), on peut constater
tout de
même que, sous couvert de théorisations fort prétentieuses, nous
n'avons que
des superficialismes
qui n'atteignent pas le niveau
de l'empirisme historique.
Nous
retrouvons
également le thème de Marx au sujet du capital
prétendant accéder a 1'éternité. C'est ce qui se réalise encore une
fois à
travers la publicité. Même si l'on peut dire que l'être du capital s'y
est
évanoui.
Toutes
les connaissances, mythiques,
ésotériques, religieuses, scientifiques (même celles des fausses
sciences),
toutes les activités humaines sont réinterprétées,
réorganisées selon la dynamique du capital qui a désormais franchi tous
les
verrous. En même temps qu'un homicide des morts (A. Bordiga)
généralisé, on a une métamorphose infernale de tout ce qui fut engendré.
"Nous
vivons dans une ère de communications globales. Les scientifiques et
les
technologues ont réalisé ce que 'depuis
longtemps les militaires et
les hommes d'Ėtat
ont tenté d'établir sans y arriver:
l'emploi global. Il n'y a aucun doute de ce que le monde est en train
de
devenir marketplace.
Marché
de capitaux produits
et services, management et technique
de fabrication sont devenus globaux par nature. Résultat, les firmes
trouvent
de plus en plus qu'elles doivent concourir à travers le monde entier
sur la global
marketplace.
Ce nouveau développement émerge
au moment
où les technologies
avancées transforment l'information et la communication" (Rapport de
Saatchi et Saatchi cité par A. Matttelart
in L'internationale
publicitaire, Ed. La découverte).
Après
avoir signalé le bouleversement en acte, passons à
quelques citations extraites du livre Socrate et le business
de P. Koestenbaum, Interéditions,
mettant en évidence la mise en place de la seconde nature, le marché,
et
comment l'esprit, la capital en tant que représentation achevée, y est
chez lui.
"Aux
EtatS-Unis comme en Europe, j'ai
trouvé dans le business bien plus d'idéalisme que je ne m'y attendais.''
"La
crise que traverse l'économie n'est pas seulement financière ou
culturelle,
elle est personnelle, intériorisée, en un mot spirituelle. "
"L'esprit
marketing est en résonance avec les mystères et les miracles de l'être.''
"N'oubliez
Jamais qu'il faut organiser et faire
travailler les autres.
Pensez-vous vous-mêmes comme un "produit" qu'il s'agit de
promouvoir."
"La
morale du business c'est la réussite d'agir.''
"Le
business est un langage. C'est une façon de penser, d'agir,
de voir
le monde. le business
n'a qu'une perspective. sur
le réel: faire en sorte d'aboutir." (
n'a-t-on pas là le triomphe de l'empirisme et de
l'utilitarisme? n.d.r)
"La
morale est un bon business, ce n'est pas là une observation
scientifique, mais
une décision, un choix que font des hommes et des femmes libres."
"L'argent
n'est pas une chose, c'est une idée.''
"Le
business se caractérise par l'engagement dans le réel (le marché).
"Oui
les gens ont besoin de leaders"
"Le
changement est rapide et incessant comme l'affirmait déjà Héraclite 600
ans
avant J.C, notamment sur les marchés qui évoluent de façon
imprévisible, mais
aussi dans les habitudes sociales et culturelles, dans la nature des
besoins et
1'adaptationdes produits. La vie économique n'est pas favorable aux
esprits
paresseux." (réactivation
du travail, n.d.r)
"Toute
entreprise est
porteuse
de valeurs éthiques fondamentales (…) en résolvant ses problèmes
internes, une entreprise
contribue à résoudre ceux de la société."
"Le
marché fait partie de la nature, ses fluctuations obéissent à des lois
naturelles,
et c'est l'essence même du
business de s'adapter rapidement aux changements.''
"Le
marketing
est après tout, ni plus ni moins que ce que les biologistes appellent l'adaptation."
"Lorsque
le communisme ou tout autre système
totalitaire
tente de supprimer le marché, celui-ci refait surface d'une façon ou
d'une
autre.''
"Il
s'agit d'explorer comment les grandes questions existentielles - la
mort, l'angoisse, la conscience, la
liberté, le mal, le courage, etc. - trouvent leurs traductions dans les
problèmes du marketing de l'entreprise.''
Il
s'agit toujours
de 1'œuvre substitutrice,
premier moment d'une domination formelle, du capital. Ainsi la mort
entité,
hypostase, pourra être séparée, et être promue au rang de quantum mercatélisable. Il sera possible
d'avoir la mort en prime
comme c'est le cas actuellement pour un banal produit.
Le
marché c'est la réalisation sensible de la combinatoire qui se fait
indépendamment des hommes et des femmes mais qu'ils ont l'illusion de
mettre en
mouvement, de faire fonctionner.
"Un
leader doit reconnaître son véritable patron (…) le patron, c'est le
marché
toujours.''
"Comme
le business, l'existentialisme définit l'existence
par
l'action."
"Ce
que 1'entreprise d'aujourd'hui a besoin
d'acheter,ce n'est plus
la force de travail, ce sont
les moeurs, les esprits et les volontés de ses employés (...)
L'essentiel de la
transformation se fixe dans la tête des gens."
"Les
Idées sont la réalité suprême."
Nous
avons dit, en nous appuyant sur K. Marx, que ce qui fondait le capital
c'était
1'existence d'un mouvement d'échange où il n'y a pas indifférence par
rapport
au contenu, la force de travail, et qu'il est en fait conjonction entre
deux
mouvements antérieurs, celui de l'expropriation des hommes et des
femmes et
celui du mouvement de la valeur. Ce qui fonde maintenant son éternisation c'est
la conjonction entre toutes
les représentations et le mouvement réel lui-même et sa représentation,
ce qui
débouche dans l'épanouissement total du marché, représentation en acte,
sensible du capital où les hommes et les femmes sont réduits, eux
aussi, à des
hypostases capitalistes
Il
ne pouvait en être qu'ainsi à
cause de la coupure
qui
engendra la dynamique de la représentation de la réalité qui,
ultérieurement se
pose en tant que réalité, etc...
Ainsi
on a unicité du
capital et infinité
de ses attributs, de ses diverses hypostases. Comme
pour la divinité chrétienne ou islamique; c'est une unité supérieure
œcuménique
parce qu'elle tend à absorber toutes les figures antérieures qu'elle .fait
coexister.
La
substitution
est l'essence de la dynamique fondamentale de la
valeur puis du
capital. Or que dit P.Koestenbaum:
"L'argent,
par exemple, a un équivalent idée. La fonction anthropologique et/ou
métaphorique de l'argent peut-être exprimée par deux équations
fondamentales:
Argent = Vie, et Argent = Idée."
Enfin
une
affirmation qui se prête à plusieurs interprétations: "On naît avec
l'esprit marketing on ne l'acquiert pas." Or,
ceci est en contradiction avec la tendance que nous avons maintes fois
exposée
de la transformation de tout inné en acquis et de la participation en
propriété. On peut penser que ce stade sera vite dépassé grâce à des
techniques
d'acquisition. Cependant on peut considérer la chose autrement et
penser que
ceci implique qu'une
autre espèce est en train de se former pour qui
l'esprit marketing sera inné Ainsi comme pour 1'islam, posée religion
naturelle
par Mahomet, le capital dans ses manifestations sera inné pour l'homme
nouveau
ce qui assurera son éternisation[2].
Paraphrasant
Hegel
on peut conclure en disant: bien creusé vieux capital ! L'esprit
marketing peut
désormais s'affirmer et
ici il faut noter la progression par rapport à Hegel. Il
posait l'esprit
dans un indéfini. C'est
pourquoi, d'ailleurs, devait-il parfois préciser en parlant d'esprit
absolu.
Avec le capital il a sa détermination, son essence, c`est 1'esprit
incarné dans
le marché, réalisé en celui-ci. Mais le
procès n'est pas fini: le marché peut devenir
virtuel. La spiritualisation atteindra sa plénitude tandis que
la
matérialité ne sera plus constituée que par l'évanescence de l'espèce
(cf."Mondes virtuels" in Le Monde du 26.01.91)[3].
Implacablement
cela
impose de savoir ce qu'est la vie, de la retrouver, pour pouvoir non
seulement
ne pas se laisser contaminer et métamorphoser par le capital-Circé,
mais enclencher une dynamique de vie autre que celle que Homo sapiens a
emprunté depuis des millénaires.
Le
19 janvier 1991
Cher
Ernest,
Les
évènements en cours dans le
Proche-Orient vont marquer dans un avenir proche une discontinuité
profonde. Il
s'agit de la situer. tout
d'abord, c'est une
discontinuité négative, c'est-à-dire qu'elle n'est pas due à une
activité de
l'espèce tendant à instaurer une communauté en accord avec l'ensemble
des êtres
vivants. Elle est due à un crise dans le développement total de la communauté-société du capital;
d'une crise non dans le sens
que cela va conduire à la fin immédiate du capital, mais dans le sens
de
paroxysme de heurts, de tensions qui impose inéluctablement la genèse
d'un
compromis. Dans une certaine mesure on peut la comparer à celle de … ce qui n'implique
absolument pas que
nous pensions que ces événements soient gros d'une révolution. Le
procès est
fini.
Notre
analyse se fait en fonction de l'étude du devenir du
capital dans son intimité et dans son extension planétaire, en fonction
des
évènements s'étant déroulés depuis au minimum 1914 et en nous posant la
question de savoir si ce qui va résulter du conflit en cours peut
favoriser la
genèse d'un possible d'affirmation de notre dynamique. Ce dernier point
requiert de tenir compte de notre étude sur le devenir de Homo sapiens
comme
`tant totalement dé terminé par sa sortie de la nature. En conséquence
notre
préoccupation au sujet des heurts en cours sera aussi fortement
orientée vers
cette dernière.
J'ai
dit plusieurs fois que ce qui se passait dans le Golfe
était une vaste mascarade (par exemple faire croire à l'éventualité
d'une
troisième guerre mondiale et fantasmer sur un conflit nord-sud) pour
deux
raisons: 1° parce que cela participe du spectacle de l'intimidation sur laquelle
nous reviendrons, 2° parce que cela masque le vrai conflit.
En
ce qui concerne. le
premier aspect il est intéressant de noter les analogies
qui ont été faites: on a parlé d'un remake de 1'affaire de la nationalisation
du canal de Suez. On aurait pu également
citer les croisades (les pays occidentaux allant délivrer le saint-pétrole). On pourrait même
aller plus loin en tenant
compte de l'hypothèse de certains historiens sur le rôle de l'Islam
dans la fin
de l'empire romain et poser de façon analogique que le conflit actuel
risque de
signer la fin de l'Occident. On pourra revenir là-dessus.
En
ce qui concerne le second aspect, je veux dire que le conflit réel est
celui
entre une affirmation du capital encore foncière et nationaliste ayant
besoin de
la guerre (les USA) et celle où celui-ci est parvenu à un stade plus
élaboré et
où il n'en a plus besoin (Japon et Allemagne). C'est ce conflit qui
constitue
le contenu essentiel des évènements du Proche-Orient.
Pour
comprendre notre affirmation il faut tenir compte de la mise en
évidence par
Engels, les bolcheviks, la gauche communiste d'Italie, surtout A. Bordiga, de l'agression
étasunienne à l'Europe dont la
victoire a provoqué un recul historique d'au moins quarante ans. Les
USA ont
dominé de façon absolue depuis 1945 et ont obligé leurs vaincus à ne
pas avoir
d'armée. Ceux-ci ont riposté en s'adonnant
à un développement économique effréné, médiation par laquelle le
capital a
pu
franchir des verrous. En
particulier
il arrive maintenant à transformer des institutions, apparemment
rétives à
toute capitalisation, en entreprises capitalistes. Je veux
parler
de l'armée
et de l'université. En outre 1e
capital
n'a
plus besoin de la guerre pour affirmer soit la différence,
soit, l'homogénéisation en fonction du moment de son procès. C'est
par le déploiement de sa propre activité qu'il y parvient. Laguerre est
un
archaïsme foncier (je me réfère ici à la propriété
foncière telle
que la pose K Marx dans Le Capital).
Ceci
dit
phénoménologiquement;
les étasuniens ont déployé une
énorme force armée contre 1'Irak en pensant que cela ferait plier leur
adversaire, pour tenir foncièrement le pays (ceci vise tous les pays du
Proche
-Orient, même Israël, les USA pourraient alors se poser en médiateurs
indispensables et tout puissants) ici évidemment le pétrole a son
importance,
et contre l'Allemagne, le Japon et l'URSS. Les dirigeants étasuniens en
sont
restés à la deuxième guerre mondiale et à la guerre froide. Il est
curieux que c'est au
moment
où paraissent des
livres sur le déclin de l'empire
étasunien que de tels évènements se produisent.
Donc
tout d'abord
le seul fait d'être allé se concentrer dans la péninsule arabique, de
jouer à
la guerre, est une défaite pour les USA parce qu'ils opèrent en retrait
du
devenir historique. A Panama cela ne pouvait pas avoir de grosses
conséquences.
Toute fois l'évènement a
son importance pour indiquer
l'impasse étasunienne En effet dans ce pays les investissements
japonais
deviennent hégémoniques, donc à la fin du contrat USA-Panama
le canal pourrait passer sous contrôle japonais. D'où l'intervention
exorciste.
La
seconde défaite c'est que les USA n
'ont pu intervenir qu'avec
l'accord de 1'ONU. Auparavant, ils intervenaient quand bon leur
semblaient
(Liban en 1958 ou le Vietnam en 1964). Cet évènement montre la
nécessité
impérieuse d'une unité supérieure réellement capitaliste ainsi que
celle de
réorganiser l'ONU en accordant à certaines nations comme 1'Allemagne,
le Japon,
l'Inde, le Brésil, par exemple, une importance plus grande.
La
troisième défaite c'est que l'Irak n'a pas cédé à la pression
occidentale et
que les USA doivent intervenir. Certains pourront expliquer cette
intervention
par la nécessité qu'avaient les USA de consommer les armes devenues
inutiles
par suite de la disparition du heurt avec l'URSS. Toutefois, étasuniens
et
soviétiques ont déjà détruit certains stocks d'armes. Ce qui prouve
bien que la
guerre n'est plus nécessaire pour la consommation capitaliste.
La
quatrième défaite consistera dans l'intervention israélienne: les USA
n'auront
pas réussi à escamoter Israël.
Ainsi
l'interventionnisme étasunien rencontre sa limite. Ils avaient réussi à
conquérir l'Europe, ils s'engageaient dans une action similaire
vis-à-vis de
1'aire islamique, tout confiants de la victoire qu'ils avaient acquise
sur
l'aire soviétique, Ceci va faciliter 1'affirmation de la forme plus
évoluée du
capital personnifiée dans les vaincus de 1945. Au fond les étasuniens
ont cru
que la victoire du capital (était leur victoire, leur propriété
nationale. Car
il y eut effectivement triomphe du capital développé
sur
le
socialisme en seul pays (Ce qui était simplement
le développement des bases
du capital). Ce
triomphe ne fut pas dû à la guerre, à la puissance des armes, mais à
celle du
capital lequel, au cours des dix dernières années a fait sauter les
divers
verrous s'opposant à son développement dans des pays ancrés dans le
passé comme
la France, 1'Italie, l'Espagne, le Portugal, etc. comme dans ceux de
1'Union
Soviétique. On ne doit pas oublier que l'économie de marché,
n'est
qu'une hypostase du capital.
Ce
dernier en sa
totalité s'attaque donc à l'aire islamique, l'aire l'intermédiaire
(comme celle
slave) qui offre encore une résistance à son déploiement. Ensuite ce sera le tour de l'aire
chinoise, de l'aire
hindoue, l'Afrique noire, etc. Il est donc clair que le problème est
déterminant. Si les USA ont fait fail1ite cela n'implique pas l'échec
du capital
C'est 1a vérification de 1'évanescence des nations; évanescence à
laquelle les
USA avaient pensé échapper. Á
ce sujet un article intéressant a paru dans International
Herald Tribune posant
la question du possible de
l'éclatement de l'Union, analogue – selon l'auteur – à celle en cours
en URSS.
Les USA sont
composés de régions qui
pourraient avoir meilleures
connexions soit
avec le Mexique, soit
avec le Canada ou qui pourraient mieux se développer en étant séparées
du tout.
Je ne pense pas qu'il puisse y avoir un éclatement des USA, mais il
peut y
avoir au sein d'unités de plus vaste amplitude, telle la zone de
libre-échange
qui devrait englober Canada, USA, Mexique, des groupements qui
dissolvent en
fait la réalité étasunienne. Cela veut dire que les USA ne sont pas la
nation
élue.
Alors
on
peut penser que par le relais de l'ONU se réalisera un vaste compromis
au
Proche Orient. Celui-ci sera dû à 1'intervention de l'URSS (ne jamais
oublier
que la Russie a toujours gagné ce qu'elle avait pu ne pas obtenir par
la
guerre). Celle-ci pour le moment est contrainte à une alliance stricte
avec les
USA mais elle ne peut pas appuyer la destruction de l'Irak et ce, non
seulement par
rapport â tous les pays arabo-musulmans,
mais par rapport à ses propres États
musulmans. Le triomphe du capital
en URSS n'est pas encore total pour que ce pays ne puisse pas encore
jouer le
possible d'une troisième voie. Toutefois, et
c'est là l'aspect
contradictoire, ce ne sera pas pour réaliser cette dernière,
impossibilité
historique, mais pour un développement plus pur de la domination da
capital
dans des zones où il n'avait pas pu se développer à partir du pôle
valeur
(phénomène qui s'est déjà vérifié avec la révolution de 1917).
Les
autres protagonistes seront le Japon avec ses satellites, l'Allemagne
(laquelle
sera implicitement appuyée par l'URSS, ceci réalisant l'antique
alliance
recherchée dans les années vingt). Ils opéreront en tant que
réalisateurs des
déterminations les plus pures du capital tandis que la Chine, l'Inde
(dans
quelle mesure, on ne peut pas encore l'envisager) le feront dans la
dimension
d`affirmer le possible (non effectuable) d'une troisième voie.
En
ce qui concerne le Japon, et dans une moindre mesure l'Allemagne, son
affirmation neutraliste est essentielle et représente déjà une revanche
par rapport à
sa défaite de 1945. Il pourra intervenir à la fin du conflit (un peu
comme le
firent les USA lors des deux conflits mondiaux) pour effectuer une
médiation et
se purifier de tout péché militariste dévolu désormais exclusivement à
l'Occident. Il
pourra bénéficier des effets de la propagande
anti-occidentale qui se propagera dans le monde (en la favorisant) ce
qui lui
permettra de justifier son emprise sur l'ensemble mondial.
La
fin des nations opère aussi pour lui, cela signifie que ce ne seront en
aucune
façon les valeurs japonaises qui seront affirmées. Ce sera le capital
dans ses
déterminations affranchies de toute limite.
Donc
nous avons la fin d'un phénomène commencé en 1914: la domestication
opérée par
la terreur armée, l'intervention étasunienne pour enrayer le procès
révolutionnaire en Europe. Par là même se clôt également l'ensemble des
procès
initiés dans les années vingt et qui furent réactivés dans les années
60 (par
exemple le rapprochement soviéto-allemand,
sino-japonais). En ce qui concerne l'Asirope
nous
avons une unification qui s'opère surtout dans tout le domaine de l'Ouest
laissant encore en suspens les aires hindoue et chinoise.
En
tenant
compte de tous ces faits nous
avons en acte la fin de l'Occident, donc la défaite par excellence des
USA.
C'est une question sur laquelle il faudra longuement revenir, ne
serait-ce qu'à
cause du contenu différent placé dans le concept Occident. L'extrême
droite par
exemple veut exclure de l'Occident tout ce qui a trait au devenir du
capital,
comme si ce dernier n'était pas né en cette partie du monde (ce qui ne
veut pas
dire qu'on réduise ce concept à une détermination purement
géographique). À ce
sujet les protagonistes et le lieu du conflit indiquent un véritable
jugement
dernier (Weltgeschichte ist
Weltgericht selon
Hegel). En effet les acteurs
fondamentaux de la pièce qui se joue au Proche-orient sont rassemblés
au lieu
où les éléments fondamentaux constitutifs de ce qui est subsumé dans ce
mot, ce
concept "Occident": les apports égyptiens, sumériens, syriens,
araméens, perses, etc.. qui
ont permis l'édification des diverses représentations mais aussi
le mouvement de la valeur puisque
c'est dans la Turquie actuelle que celui-ci est parvenu pour la
première fois à
une autonomisation (Lydie), etc. Il y a donc confrontation entre les
initiateurs du phénomène capital conçu dans sa totalité historique (la
valeur
étant sa présupposition) et les derniers représentants de ce qu'on
pourrait
appeler sa forme occidentale. Cela implique le
possible d'un
devenir du capital dans des formes orientales,
c'est-à-dire des formes où la communauté soit essentielle. Mais là,
nous le
verrons, il n'y aura
plus qu'une
domination formelle du, capital correspondant à que nous avons appelé
sa mort
potentielle.
La
fin de
l'Occident et la haine contre lui qu'amplifie ce conflit va donc
obliger la
communauté capital à se
développer selon un mode non
occidental. Il est intéressant de noter les critiques que font les
japonais aux
étasuniens, les accusant d'être trop violents,
de manifester une
arrogance, une superbe exaspérantes, etc..
Mais les
USA eux-mêmes - grâce à 1'importante minorité asiatique extrêmement
active,
souvent aidée pour certaines questions par celle hispanique - qui
réclame que
l'enseignement ne soit plus centre sur les valeurs occidentales, vont
remettre
en cause une appartenance exclusive à l'Occident. Ceci est le pendant
du
transfert du centre fondamental du développement capitaliste de l'aire
atlantique à
l'aire
pacifique. C'est là que
nous retrouvons le problème de la Chine
et du Japon et la question de la possibilité de l'unification de
1'Asirope à
partir de son pôle oriental.
En
ce qui concerne
maintenant 1'aire islamique dont l'Irak fait partie il est clair que à
1'heure
actuelle comme nous l'avons dit lors de la révolution iranienne, aucune
autre
voie en dehors de celle du capital n'est possible. Tout d'abord il y a
la fin
de toute solution nationale consistant en une adaptation du marxisme à
cette
fin, et ce depuis Sultan Galiev.
La disparition de
cette possibilité renforça l'Islam en tant que communauté. Toutefois le
capital
maintenant constitué en communauté peut se passer de 1'Islam, et c'est
ce qui
est en train de se produire, même en Iran où l'on voit un renforcement
de
l'occidentalisation.
Dans
le
prochain n° d'Invariance j'aborderai, dans Émergence
de Homo Gemeinwesen,
l'instauration
de
l'Islam, et je veux insister sur l'importance exceptionnelle de ce
phénomène,
parce qu'il est une réponse non seulement à la dissolution de la
communauté
bédouine, mais à celle de l'empire romain et à celui sassanide, ainsi
qu'une
intégration du mouvement de la valeur (c'est par là qu'il répond aux
divers
problèmes posés par la dissolution) et en conséquence pose une représentation-comportement
originale de la séparation de
l'espèce de la nature. L'Islam
a anticipé. C'est bien
pour cela qu'il ne connut pas de réforme. Toutefois maintenant son
anticipation
est réalisée par le capital. Il peut donc être intégré dans sa
combinatoire, en
apportant l'élément de transcendance que le capital englobe.
Pour
en revenir à
l'immédiat, la résistance
de l'Irak pose problème. Se
féliciter dé l'échec de l'Occident n'implique en aucune façon une
glorification
des actions de ce pays. Le régime de Saddam Hussein est des plus
exécrables.
Cependant il convient d'essayer de comprendre pourquoi il a été à même
de
prendre la décision de ne pas capituler. Ceci ne peut se concevoir que
si l'on
considère que
le
potentiel de refus de l'Occident, qui est celui de la domination réelle
du
capital sur la société, se polarise, se focalise, momentanément en
Irak; ce qui
ne justifie en rien une défense même la plus partielle de ce dernier.
On doit noter
qu'il a tout de même subi une défaite en ce sens que ceci ne s'effectue
pas à
partir du pôle nation mais du pôle Islam, d'une communauté
transnationale. En
même temps, du fait que c'est un pays à tendance laïque voire
anti-islamique
qui lance le djihad, on a une certaine défaite de l'Islam. Je voudrais
en
profiter pour signaler une analogie inverse, du fait d'un repli sur une
base
nationale: l'appel à la grande guerre patriotique pour défendre la
patrie
orthodoxe de la part de Staline!
Une
fois le conflit lancé - en
tenant
compte que les
dirigeants irakiens
aient pu escompter que les USA
n'interviendraient pas militairement - pour que ceux-ci puissent tenir
contre
la coalition occidentale (les pays arabes y participant sont dirigés
par des
gouvernements occidentalisés), il faut donc que se renforce le
potentiel
islamique et ceci aussi bien en Irak, que dans les divers pays
musulmans, ce
qui va accélérer la mise en place, de la part du capital en sa
totalité, d'une
forme de domination intégrant les éléments orientaux.
Quoi
qu"il arrive, le résultat du conflit correspondra à la fin de l'Islam
qui
sera réduit à l'état où, se trouve l'Église
catholique.
Á
Ce propos i1
faut
tout de même noter l'importance de
la
mascarade qui consent d'avoir 1'événement et sa
représentation, préparant le stade où
i1
n'y aura plus qu'une représentation (ou bien l'évenement sera sa
représentation). Cela permet de spéculer sur les deux et même sur les
possibles
qui ne se réaliseront pas. En tant que bourrage de crâne c'est
extraordinaire
(donc domestication) parce qu'il y a despotisme absolu sur toutes les
formes de
réalité.
Peut-être
que pour bloquer, intégrer l'Islam et l'amener
au stade d'un élément de la combinatoire, il fallait puissamment opérer
sur la
représentation parce que l'Islam s'érige contre celle-ci, en posant le
monde
est la représentation de dieu. Donc créer l'évènement et sa
représentation dans
une unité presque indissoluble, c'est se passer de dieu, tout en lui
accordant
une réalité, puisque c'est opérer à sa façon.
Négativement
ceci constituera une base de réflexion
pour réaliser une autre communauté.
Il
est clair qu'au cours de ce conflit diverses
ratées peuvent se produire et conduire à des faits qui peuvent modifier mais non changer l'issue
finale. I1 y a eu déjà la
ratée de l'attaque à l' Irak,
mais il peut y avoir
(bien que cela me semble fort improbable) une destruction de 1'État
d'Israël. Quoi qu'il en soit celui-ci sera
placé dans une situation tout à fait nouvelle. En outre, on ne peut pas
déterminer à l'avance le degré de volonté de participation des masses
musulmanes au conflit en cours, et ce dans tous les pays, même là où
elles sont
minoritaires (France par exemple).
Ce
conflit singe celui de la seconde guerre mondiale: la
croisade antifasciste et, en tant que dernière guerre, il somme tous
les
aspects de celle-ci; c'est-à-dire qu'on y
trouvera les caractères de
la guerre de 14-18, ceux de celle de 39-45, de celle du Vietnam, etc.
Sur le
plan de la représentation il en est de même, mais ceci risque d'avoir
un effet
fort négatif pour les tenants du système. En effet comparer Saddam
Hussein à A.
Hitler risque de conduire à poser la question de savoir si A. Hitler
n'était
pas un simple Saddam Hussein. Peut-on traiter l'Irak comme une
Allemagne? Or
sans cette dernière comment avoir un A. Hitler? En outre l'Allemagne
vaincue conquérit ses
vainqueurs. Le fascisme a gagné la guerre
(son dépassement s'opère actuellement) et, nous l'avons déjà dit,
1'Allemagne
en optant pour un développement pleinement capitaliste a finalement
triomphé
sur tous les plans, en perdant d'ailleurs toutes ses caractéristiques
nationales. En sera-t-il de même pour 1'Irak?
L'immense
cycle historique dont nous avons parlé se termine également en ce qui
concerne
d'autres déterminations. A ce sujet je voudrais apporter un ajout à ce
qui est
écrit dans Émergence
et Dissolution,
qui signalait la fin du mouvement
révolutionnaire: les événements actuels marquent celle de la
contre-révo1ution,
ce qui ne veut pas dire celle du capital. Cela signifie que nous sommes
sortis
d'un cycle donné.
Avant
d'aborder notre dernier point je voudrais signaler l'insuffisance et
l'inefficience du pacifisme, comme ce fut le cas en 1914. La paix ne
ferait que
conserver le système. En outre à
l'heure
actuelle
elle peut favoriser le groupe capitaliste
le plus en avancé. Je ne pense pas dans tous
les cas qu'il faille polémiquer avec les pacifistes. Nous sommes en
dehors. Ce
qu'il faut tout de même noter c'est que les interventionnistes comme
les
pacifistes sont à l'intérieur du système.
Le
conflit va
accélérer la mise en place de la mutation dont il a été question et ce
d'autant
plus qu'il durera
ou s'étendra. Ce qui
est essentiel c'est- qu'elle doit se faire en
tenant compte de
l'opposition fondamentale qui, avait été masquée jusqu'ici
par les
conflits entre les sexes ou entre les classes, entre Homo sapiens et
l'ensemble
du monde vivant, on peut même dire
la
planète entière, puisque la lithosphère est remise en cause par
1'activité
anthropique. En conséquence négativement vont se poser les bases de la
manifestation d'une dynamique autre dont nous parlons depuis années.
Alors
notre injonction: il faut quitter ce monde pourra
rencontrer un écho. La
nouvelle forme de la domination du capital intégrera encore plus la
dimension
communautaire et tâchera de faire un compromis avec la nature. Ceci
obligatoirement conduira à une remise en cause de l'individualisme et
du particulisme et des
diverses représentations justifiant
la domination de la nature par l'homme.
"Cette
guerre est une guerre contre la Terre et contre ce qu'elle porte et qui
y
vit." Déclaration du roi Hussein de Jordanie. Le Monde
du
17.01.1991. On peut dire que toutes les guerres eurent un tel
caractère. Mais
actuellement ce dernier devient prépondérant et dévoile bien le conflit
aberrant de l'espèce, qui s'autonomise complètement, contre la planète.
Elle
veut même -
prisonnière qu'elle est de la dynamique de substitution qui se met en
place
avec le déploiement du mouvement de la valeur - la remplacer par un
monde
artificiel. De telle sorte que nous allons avoir une opposition entre
ceux qui
veulent gérer la planète telle qu'elle est (gérer la catastrophe) et
ceux qui
tenteront de réaliser le summum du rêve faustien: créer matériellement
une
autre nature. Cependant tout ceci ne sera pas suffisant pour maintenir
la
domestication des hommes et des femmes et limiter la destruction de
l'environnement, il faudra faire consommer de plus en plus sous forme
de
représentations ce qui ne peut plus être livré dans sa matérialité.
En
outre pour
pouvoir réaliser un développement capitaliste sans capital, il faudra
que le
verrou causé par la peur de l'inflation saute; dans cette levée les USA
auront
un rôle déterminant étant donnés leur déficit et endettement énormes
Ceci
mettra en question tous les référents et référentiel accroissant le
procès de
dissolution
Pour
se justifier le système mondial de despotisme et d'oppression devra se
mettre
sur le terrain de la vie et donc négativement fonder le possible de la
manifestation d'un mouvement d'hommes et de femmes tendant à instaurer
une
communauté en adéquation avec tous les êtres vivants, avec la planète.
Jacques
Nous
reviendrons
sur tous les thèmes abordés
dans cette lettre. Pour le moment je voudrais,
en premier lieu,
signaler une omission importante. Je n'ai pas parlé de la présence de
femmes
dans l'armée étasunienne. Cela a une importance considérable et
représente 1e
parachèvement de la défaite du sexe féminin, sa dépossession intégrale
de
sa réalité
diverse de celle des hommes.
En effet, comme
eux,
les femmes
sont
devenues – comme
l'aurait
dit P. Clastres - des
êtres pour la mort. Elles ne sont plus des êtres
pour la vie. Certes il apparaît que ces femmes
voulaient être des militaires mais ne pas combattre, ce que d'ailleurs
les
hommes ne désiraient pas plus. Ce n'est que lorsque les irakiens eurent
été
écrasés sous les bombes et autres produits largués par les avions
occidentaux,
que les militaires hommes fanfaronnèrent leurs désirs belliqueux. Dans
tous les
cas les femmes s'intégrèrent dans la guerre. On est loin de leurs
extraordinaires manifestations contre cette dernière en 1917.
Cette
défaite totale du sexe féminin par délestage absolu de sa dimension
naturelle,
biologique, fondatrice de la réalité de l'espèce intégrée dans le
cosmos qui
est vie, n'implique pas que ce sexe
se soit
mis, par là, à l'abri des malversations des hommes.
En effet, il est possible que les réactionnaires occidentaux
considèrent les
femmes comme des boucs -émissaires, leur
libération
étant présentée comme constituant le point de départ de la désintégration-dissolution
de la société occidentale, ce qui en première approximation est vrai
(en fait
cette émancipation est le résultat de
l'émancipation du capital). On peut même penser que se
régénère une lutte contre les femmes, une lutte-phantasme,
souvenir de celle antérieure qui fonda la réalité des hommes. Elle
opèrera
uniquement dans la représentation et sera un parasitage énorme pour le
cerveau
des occidentaux.
L`errance
de
l'espèce a fondé une haine des hommes vis-à-vis des femmes qui se
révèle le
mieux chez les fondateurs de l'Occident, les grecs. "Oh! Zeus! Pourquoi
as-tu donc, sous la lumière du soleil, établi auprès des hommes ces
êtres de
vice et de mensonge, les femmes? Si tu voulais ensemencer la terre des
mortels,
il ne fallait pas à cette oeuvre associer les femmes; dans tes temples,
les
hommes, contre remise d'un poids d'or, de fer ou de cuivre, auraient dû
acheter
de la graine d'enfants, chacun en proportion de son offrande dûment
estimée;
puis, dans leurs libres demeures, ils auraient vécu, affranchis des
femelles!
(Euripide Hippolyte).
"Ah!
i1 fallait que les
mortels puissent avoir des enfants par
quelque autre moyen, sans qu'existe la gente féminine; alors il n' y
aurait
plus de maux chez les hommes." (Euripide, Médée)
Euripide
a rêvé ce
qui advient aujourd'hui ou qui adviendra dans un proche avenir; l'achat
d'embryons congelés. Il ne pouvait pas prévoir que ce serait le
triomphe
complet du capital qui vient de conquérir un autre domaine, celui du
vivant et
de sa reproduction. Analysons le phénomène. Un homme, une femme,
s'aiment; ils
s`unissent. ils ont un
enfant. Pour 1'esprit-capital
c'est un crime parce que c'est un acte gratuit. Ils ont obtenu un être,
considéré par les partisans de la dynamique capitaliste, comme un
objet, un
produit, sans rien payer. En revanche, demain, ils ne s'accoupleront
plus, mais
ils achèteront en commun un embryon. En fonction de leur
disponibilités financières, ils pourront se procurer un
génie ou un
crétin. L'avantage c'est qu'ils pourront toujours récriminer, si le
produit ne
correspond pas à ce qu'ils désirent en ce qui concerné le sexe, la
couleur des
yeux, le QI, etc. En outre, la séparation des sexes sera pleinement
possible,
comme le voulait Euripide; puisqu'il sera possible, ensuite, de faire
poursuivre le développement de l'embryon in vitro.
.
Pour
faire
triompher la génération artificielle, rémunératrice et pourvoyeuse
d'emplois,
on utilisera effectivement de tels arguments. On invoquera l'avantage
de
l'asepsie intégrale, la possibilité d'éliminer les tares. Ce qui a pour
corollaire la nécessité de démontrer que tout être humain est
normalement taré
(à moins que la science n'intervienne). La tare médicale remplacera le
péché
originel, et le christianisme sera par là même sauvé. Les prêtres
pourront
s'occuper de leurs ouailles artificielles. Mieux, on montrera, comme
c'est en
train de se faire - et là on va au-delà d'Euripide - que la sexualité
est
dangereuse, que tout contact est un risque pathogène. De là, toute
l'exaltation
mercatelle du sida, des
maladies sexuelles
transmissibles. À la limite être naturel ne pourra (comme l'ont déjà
écrit les
auteurs de science-fiction, cf. Défense de coucher
par exemple)
qu'engendrer du dégoût, d'où la plongée obligée dans la virtualité
(cela,
Euripide ne l'avait pas envisagé!). S'il n'y a plus de contact tout
peut être
sauvé, mais Homo sapiens sera dépossédé de la sexualité comme il tend à
l'être de
la pensée, grâce à l'ordinateur. ainsi
que de toutes les relations intra-spécifiques,
En
ayant
abandonné "l'être pour la
vie", en s'intégrant
dans les conflits armés
réels ou représentés, comme ce fut le cas en Irak, les femmes ont perdu
tout
contrôle sur la vie. Désormais tout le devenir cauchemardesque qui va
au-delà
de ce que décrivit A. Huxley, est possible. On doit noter que ce n'est
pas un
devenir "totalitaire" comme le présentèrent aussi bien ce dernier,
que G. Orwell, Zamiatine, chez qui l'unité supérieure l'emportait, qui
prévaut. C'est un devenir démocratique, de libre concurrence, avec le triomphe
du
marché, hypostase du capital.
Voyons
maintenant quelques précisions.
I1
est évident que
la prévision concernant Israël fut une erreur. Toutefois nous sommes
persuadés
que ce pays participa à la guerre. En outre sa prise de position
officielle de
non-intervention donne maintenant de la force aux israéliens pour faire
chanter
les étasuniens afin de pouvoir se protéger des successeurs de 1'Irak,
la Syrie
par exemple.
Ajoutons,
ce qui
nous semble le plus important à l'inverse de ce qui se produisit --
au cours de son cycle antique où il se dressa contre l'Occident, en se
dressant
contre Rome, l'Israël actuel a pactisé totalement avec ce dernier. En
conséquence il perd toute sa substance, se réduisant à un quantum
de capital se capitalisant dans une aire donnée.
À propos de
l'Occident, dont la mystification constitue son mythe (et
réciproquement), il
est savoureux de rapporter une intervention d'un professeur étasunien
d'histoire ancienne, Elias J. Bickerman,
à un congrès
organisé par 1'Accademia Nazionale
dei Lincei, en 1964,
sur le thème: "La Perse et le
monde gréco-romain. "Il est naturel et juste que nous soyons
du côté
des Hellènes qui ,triomphèrent
sur l'Est. Nous sommes
tous spirituellement des hellènes, que nous soyons nés à Washington ou
à
Téhéran, parce que
nous sommes tous fils de la
civilisation "européenne", la différence réelle entre les
"Européens" et le reste du monde fut l'œuvre des grecs…" Il
cite ensuite Voltaire: "Si Xercés
avait vaincu à
Salamine nous serions peut-être encore des barbares." (cité
par Amir Mehdi Badi': Les
grecs et les barbares,
t.IV, p. 143)
Probablement
que
dans leur désir d'annexion, dans leur propension expansionniste, qui ne
connaît
plus de frontière depuis qu"ils ont atteint les rives du Pacifique, les
étasuniens considéreront un jour que Bagdad fait également partie de
l'Occident. Je ne veux pas insinuer par là que le capital ne puisse pas
y
régner.
Solon
rapporte que les prêtres égyptiens
lui dirent que les grecs étaient des enfants. On peut constater qu'en
passant d'eux aux étasuniens, qui se disent leurs successeurs, non
seulement il
n'y a pas eu maturation, mais régression.
En
dernière
précision, faisons remarquer que les gens des média ont tendance à
transformer
tout évènement en événement unique. Pour cela, ils le distinguent en
lui ôtant
toute qualification. Dés lors il ne peut plus être comparé. Voilà
pourquoi il
ne fut question
que de la
"guerre du Golfe" (évidemment avec une majuscule parce son
affirmation occulte celle des autres) sans
préciser de quel
golfe il s'agissait, ce qui
permit de lui donner
une dimension mythique. À mon
corps défendant, j'ai moi aussi pactisé avec la stupidité en parlant du
Golfe.
Comme quoi, il est difficile de s'extraire de ce monde.
Ce
phénomène n'est pas nouveau. À l'époque Mussolinienne,
A. Bordiga se moquait des italiens qui
avaient pris l'habitude
de parler de B. Mussolinien disant "Il", sans préciser de qui i1
s'agissait. La
référence était implicite.
D'où il avait mystification, surtout de la part des antifascistes
Avril 1991
[1]
Hegel a bien montré
le phénomène de la séparation qui permit l'instauration de la seconde
nature.
"La société civile arrache cependant l'individu à cette union
familiale,
en disperse les membres et les reconnaît en tant que personnes
autonomes. Enfin
elle substitue à la nature inorganique extérieure, au sol paternel,
auquel
l'individu tirait sa subsistance, le sien propre, et réduit l'existence
de
toute la famille à une existence dépendante d'elle, c'est-à-dire de sa
contingence. L'individu est ainsi devenu le fils de la société civile".
Principes
de la philosophie du droit, p.238)
[2]
Socrate
et le business
est une réécriture de toute l'histoire et une
réinterprétation de
toutes les
connaissances, afin de fonder
l'éternité du capital. Il
comporte donc exégèses et
herméneutique, de même que la mise en évidence de divers prophètes de
ce
dernier. Nous y reviendrons.
Signalons
que toutefois 1e mythe de
l'Occident, lui, nous est livré tel que nous le transmit Hérodote.
"J'imagine
les forces unies de 1'Hellade, 50.000 hommes commandés par le
spartiate Pausanias, affrontant à Platées 300 000 envahisseurs perses, je les
sens tenaillés par la
peur de voir leurs fragiles cités, leurs femmes et leurs enfants tomber
aux
mains des hordes de l'Est …La victoire des Grecs fut celle de la pure
volonté,
de l'engagement, de la grandeur, du besoin de sauvegarder leur identité
- tout
ce que les Perses, enfoncés en terre étrangère, ignoraient.''
Je
renvoie au
livre de Amir Mehdi Badi'
Les grecs et les barbares,
particulièrement au tome IV pour que le lecteur se rende compte de
toutes les
absurdités et médisances contenues dans
ce texte.
Que
P. Koestenbaum défende
le mythe de l'Occident, la
citation suivante le confirmera amplement: " Depuis vingt-cinq siècles,
l'Occident tire son inspiration de la Grèce."
[3]
Actuellement
nous assistons à une explosion floraison de
la pensée capitaliste liée au triomphe du capital dans toutes les aires
et dans
tous les domaines. Rien ne peut l'arrêter. Il n'y de révolution
prolétarienne
qui puisse le faire, comme le pensa A. Bordiga
En
plus de Socrate et le business nous analyserons
ultérieurement d'autres
ouvrages traitant du même thème Ils sont fort nombreux; de même que le
sont ceux
qui traitent du chaos,
du
désordre. Ils
témoignent du procès de dissolution en même temps qu'ils signalent, la
volonté
de trouver un principe transcendant pour se sauver, se sécuriser D'où
l'intégration dans la combinatoire de toutes les théories prônant un tel
principe.
.