CARACTÈRES DU
MOUVEMENT
OUVRIER FRANCAIS.
Introduction
: le
point d’arrivée.
Ιl
y
a deux mois se tenait le XVII° Congrès
du
P.C.F. Ιl
était bien dans la ligne des précédents, en particulier du XVI° à, propos duquel nous avions
consacré un
article Les amis du
peuple[1]. En effet, nous retrouvons dans ces
deux
congrès trois revendications fondamentales : 1° une démocratie
rénovée
avec un État républicain; 2°
unification des forces démocratiques (unification
d’autant plus nécessaire à
l’heure actuelle
que le pouvoir personnel est plus fort); 3° reconnaissance du rôle
irremplaçable du P.C.F. dans la nation. Mais les insultes
au prolétariat,
la dérision de sa
mission historique y ont été faite
de façon
plus précise. Deux exemples suffiront;
tous deux tirés
de ce que l’on
peut appeler la question algérienne. Le
premier a trait à l’action du P.C.F. en
vue d’aider la révolution algérienne. Waldeck Rochet raconte : « L’ampleur
des efforts que nous avons déployés était d’autant plus nécessaire
qu’il
s’agissait de vaincre des préjugés
nationalistes
et chauvins solidement implantés
depuis
plus d’un siècle, par la bourgeoisie française dans les couches les
plus larges du peuple
français ». Or, chacun sait que pour
les stalino-krouchtchéviens le
prolétariat fait partie du peuple. Donc le prolétariat est chauvin et
colonialiste.
Première insulte. Mais, qui a diffusé dans les rangs du prolétariat l’amour de la patrie, la
volonté de concilier l’internationalisme
prolétarien avec la grandeur de la France, sinon Saint-Thorez?
D’autre part W. Rochet
continue en citant comme exemples de luttes pour aider la
révolution algérienne
« les grèves
politiques de masse du 1er février
1960 et du 27 avril 1961 » qui
furent en fait des grèves contre
la
droite, contre pour soutenir de Gaulle contre
lequel il faudrait, aujourd’hui, lutter. Rochet
se garde bien de parler du mouvement spontané des rappelés et des
grèves de Saint-Nazaire de 1956. Il lui aurait fallu
expliquer
pourquoi ces mouvements ne purent avoir une quelconque efficacité ce
qui l’aurait
amené à expliquer, â grands renforts de citations de Lénine
et d’alchimie dialectique que le P.C.F. avait été obligé de trahir ces mouvements et
donc la révolution
algérienne dans l’intérêt de
la
grandeur française. Ils ont détruit toute lutte autonome du
prolétariat, puis ils
viennent l’insulter.
Le
second exemple a trait à la caractérisation donnée à la
société algérienne actuelle. W. Rochet salue « les
progrès réalisés par la jeune République Démocratique Populaire
Algérienne et la
volonté de son gouvernement
de suivre
le
chemin du socialisme ». Ce qui veut dire tout simplement
que l’acheminement au socialisme
peut se faire sans l’action du Parti Communiste. Ici, l’insulte a une
ampleur
historique. Le prolétariat a toujours lutté pour se constituer en
classe et
donc en parti afin de pouvoir abattre l’État
de
classe de la bourgeoisie et instaurer sa dictature qui permettra le
développement
du socialisme. L’affirmation de W. Rochet revient à jeter par dessus
bord tout le
marxisme et
dire – en fait –
au prolétariat
que tous ses
efforts en vue de s’émanciper furent inutiles puisqu’il luttait pour
quelque
chose d’inessentiel.
Tout
cela est élément permanent de l’activité du P.C.F. Seulement le XVII°
Congrès
se présente comme ayant des caractères bien
propres qui lui donnent une
grande
importance dans la décomposition totale de ce Parti.
Ce
fut, en fait, un congrès non pour les
communistes mais pour les socialistes, une réunion où l’on venait
proclamer que
la seule façon d’exister pour le P.C.F. était de faire l’unité avec la
S.F.I.O.
Cela avait été préparé bien
avant
l’ouverture du
congrès par
une série d’articles intitulés Problèmes idéologiques
et unité, parus dans L’Humanité du
mois de mars. Le premier de
ceux-ci donnait largement le ton: «Le
rétablissement de
l’unité, par la réunion des communistes et des
socialistes dans
un seul parti, est une
aspiration profonde
des
travailleurs qui mesurent tout le profit que
la bourgeoisie
tire
de la division».
«La
liquidation de la scission est un
objectif constant des communistes. « Nous n’aurons de cesses
que nous
ayons assuré l’unité du prolétariat… Une classe
ouvrière unie
contre la bourgeoisie, un seul syndicat, un seul parti du prolétariat»
(Thorez, discours du
02.12.1932) ».
« En
finir
avec la scission qui existe
depuis 1920 signifie tirer
les leçons de l’expérience
vécue par la classe ouvrière et
le peuple de
France » (L’Humanité
du 17.03.1964).
Oui,
le ton était
donné et
le slogan trouvé – il faut surmonter la
scission de 1920.
Thorez en
donnait, ensuite, la
justification historique: «Que de chemin parcouru
depuis
1922; depuis ce congrès de Paris
où jeune ouvrier, j’étais délégué par la
Fédération du
Pas-de-Calais. C’est alors
que
pour
la première fois, sur la
recommandation de Lénine,
furent posés
devant notre
parti
les problèmes de l’unité de
la classe ouvrière, du
front unique avec le
parti socialiste.»
«
Dès cette époque
lointaine, nous avons lutté
sans répit
pour liquider la scission. Pour unir à nouveau tous les travailleurs dans un même front de combat. Nos efforts devaient aboutir
en
1934, il
y a juste trente ans, quand la
France du
travail se leνa contre le fascisme, au pacte
d’unité
d’action entre le
Parti
Communiste
et
le
Parti
Socialiste. Bientôt devait suivre la
formation du Front Populaire.... »
!!
« Les
communistes dénonçaient et combattaient ceux qui
compromettaient le patrimoine national et poussaient le
pays à la décadence. Ils
rendaient au peuple la Marseillaise
et le
drapeau tricolore. »
Pour
réaliser cette unité tant désirée il faut écarter tout
ce qui risque de séparer. Ιl
faut enlever tout
préalable. Unissons-nous, nous
trouverons un
programme ensuite. Le P.C.F,
fait de
l’œil à toutes-les
formations politiques de gauche, comme la pute sur
le trottoir. Ιl
reste dans
l’immédiat pour n’effrayer personne;
il ne courtise que l’actualité pour
avoir
succès du jour.
La parabole du P.C.F. est presque achevée. C’est la pute et son grand sentiment,
la grandeur nationale.
Pour
s’unir, il faut éliminer, après le parti unique, la
dictature du prolétariat. C’est ce que réclamait une cellule de Paris
qui
faisait remarquer que « dans l’esprit
du public,
cette expression »
est «interprétée comme signifiant l’existence
d’un seul parti»; que d’autre part: « Lorsque l’expression a
été utilisée par Lénine
il n’y avait pas
eu l’expérience Hitler-Franco
et l’expression de dictature dans la tête
de
tous les
travailleurs est un peu liée à la dictature d’une minorité « . G. Marchais
répond à ces « camarades
trop
pressés » « que
notre Parti
a rejeté
l’idée que l’existence d’un parti unique était une
condition obligatoire du
passage au socialisme ».
« Mais
nous sommes allés plus loin. En
effet, nosus considérons qu’aux
côtés d’un
parti unifié de la classe ouvrière, aux services du socialisme et de
l’intérêt
national, d’autres partis pourront exister et collaborer à
l’édification du
socialisme, permettant ainsi de réaliser celui-ci dans les meilleures conditions, grâce à une large
alliance entre la
classe ouvrière, la
paysannerie labnrieuse, les
intellectuels et les classes
moyennes ». Comme on le voit, cela aboutit à nier, en fait, la dictature du prolétariat. Ιl
faut seulement garder encore le terme, il ne faut pas aller trop vite comme le dira J. Vermeersch. Pour ce qui est de la
seconde
raison ïnvoquée, G. Marchais se garde bien de faire
remarquer que ce
n’est pas Lénine qui "a créé"
le
mot mais que Marx dès 1850 l’utilisait
tout comme Flora Tristan dès 1840. Ce pauvre Marx n’avait pas connu la dictature. Ιl
ne
pouvait pas en trouver un exemple chez Napoléon 1er,
Napoléon III, le roi de Prusse
οu
l’empereur
d’Allemagne,
tandis que Lénine ne
savait
pas que le pouvoir du tsar était un
pouvoir dictatorial !
Vraiment les maîtres
du marxisme étaient des innocents !
On
ne peut donc pas enlever
des statuts la dictature du prolétariat.
Mais
on peut
l’escamoter. C’est ce qui
ressort nettement à la lecture de la Résolution politique adoptée par le XVIII°
Congrès comme du discours de W. Rochet.
On connaît la solution : la coexistence pacifique doit
remplacer le
phénomène dictature.
Arrivés
à ce point, ils
retrouvent, pour appeler les
socialistes à
l’unité, le langage des minoritaires du congrès de Tours.
C’est-à-dire de ceux qui étaient contre l’adhésion à la ΙΙΙ° Internationale. Quelques
comparaisons
entre les deux seront édifiantes.
Voici
comment Léon Blum caractérisait
le Parti Socialiste :
« Notre
Parti était de recrutement aussi large que possible. Comme
tel il était un parti de liberté
de pensée, car les deux idées se tiennent et l’une dérive
nécessairement de l’autre.
Si vous voulez grouper dans le même parti
tous les travailleur; tous
les salariés, tous les
exploités, vous ne pourrez les
rassembler que sur des formules simples et générales. Vous leur
direz : « Sont
socialistes tous ceux qui veulent
travailler à
la substitution d’un régime économique à un autre,
tous ceux qui croient, car c’est le fond
du marxisme, qu’il y a
liaison et
connexion inéluctable entre le développement du
capitalisme, d’une
part, et du socialisme, d’autre
part, Si vous êtes
d’accord
pour travailler à cette œuvre votre acte de
foi est
consommé, vous êtes socialistes »[2].
Les
communistes ont bien compris le conseil et déclarent
dans les nouveaux statuts du P.C.F:
« Entre
ceux et celles qui acceptent
les présents
statuts, il est constitué une association se dénommant
Parti Communiste Français ».
« Le
Parti Communiste Français est le parti de la classe οuvrière de France. Ιl
rassemble les ouvriers, les paysans, les intellectuels, tous ceux qui
entendent
agir pour le triomphe de la cause du
socialisme, du communisme ».
« Le
Parti communiste français a été
fondé pour permettre à la classe ouvrière
de créer les conditions du bonheur et de la liberté pour tous, de la
prospérité
et de la sécurité de la France, de l’amitié et de la paix définitive
entre les
nations ». L’acte de foi peut, ici, être encore consommé. Le
parti est
ainsi un parti de masse, c’est ce dont parlait L.Blum lorsqu’il disait
que la
parti socialiste était un parti de recrutement. Le P.C.F. abolit en
fait les
limites. « Il est ouvert aux souffles de notre
temps », comme le
déclara Garaudy. C’est le parti du réalisme. Or, toujours selon
Garaudy,
celui-ci doit être sans rivages, donc, le parti n’en a pas !
En
ce qui concerne
la dictature du prolétariat
L. Blum avait la
même position que celle adoptée par le XVII° congrès, Ιl
déclare en
effet : « nous
en
sommes
partisans.
Là aussi nul désaccord de principe. Nous en sommes
si
bien partisans
que la
notion et
la théorie de la dictature
du
prolétariat ont été insérées par
nous
dans un programme qui
était
un programme électoral ».
Ici,
L.
Blum se montre encore
plus fort puisqu’il est possible, selon
lui, d’escamoter la réalité
afférente
à ce mot. « Je
crois impossible,
dit-il, d’abord, comme on l’a tant répété, de concevoir
d’avance
et avec
précision, quelle
forme revêtirait une telle
dictature, car l’essence même
d’une
dictature est la suppression de
toute
fοrme préalable et
de toute
pres_c_r_i_p_tion constitutionnelle ».
Et après
avoir analysé
différentes formes de dictature, il en arrive
à condamner le terrorisme.
Adieu la dictature
du prolétariat
puisque celle-ci n’est
pas une idylle entre les classes mais abolition des classes et donc
application
du terrorisme.
Pour ce qui est du programme, la
similitude est encore plus
frappante Nous
ne citerons qu’un
point parce qu’il est-
très cher à nos communistes actuels : la
réunion d’une constituante !
La
comparaison est toujours valable pour la
défense nationale et le patriotisme.
L. Blum affirmait ce que W.Rochet et compagnie
proclament maintenant :
« que, même en régime
capitaliste, le
devoir
internatiοnal
et le devoir national
peuvent coexister
dans une
conscience socialiste. »
Ainsi,
la phrase de Léon Blum : « Nous sommes convaincus,
jusqu’au fond de nous-mêmes que, pendant que vous irez courir
l’aventure, il
faut que quelqu’un reste garder la vieille maison », prend
maintenant une
drôle de saveur prophétique. Nos communistes actuels retournent à la
vieille
maison. Voilà la signification de leur dernier congrès. La recherche de
l’unité
et de l’intégration communautraire fut la « passion »
de Thorez. Le
moment est arrivé où elle trouve sa réalisation. L’histroire dit-on a
besoin de
grands hommes. Quand elle n’en a pas, elle en invente. Cela veut dire
qu’elle
leur donne vie tout le temps qu’ils sont nécessaires. Elle la leur
retire dès
que leur rôle est terminé. Thorez était devenu un être inutile depuis
que
l’unité se réalisait dans les faits. Sa mission était terminée. Il
devait
disparaître… La vieille maison étant, à nouveau, habitée par tous, il
n’y avait
plus besoin de l’apôtre du grand retour.
La
vieille maison c’était l’ancien parti socialiste avec ses
traditions républicaines et démocratiques, et, Faure, Blum, Longuet, de
rappeler
- à Tours en 1920 - 1830, 1848, 1871… tout cela considéré sous l’angle
uniquement démocratique. On veut disaient-ils, remplacer cela par une
nouveauté : « nous
sommes en
présence de quelque chose de neuf »
(Blum).
Le bolchevisme est un phénomène particulier dû à l’état arriéré de la
Russie. Il
ne peut être valable pour un pays civilisé comme la France
En
conséquence, comment accepter le
diktat
de Moscou,
les fameuses 21 conditions et,
en
particulier, la dernière : « Les adhérents
du
parti qui rejettent
les conditions et les thèses établies par l’Internationale
doivent être exclus
du
parti. Ιl
en
est de méιne
des délégués au
congrès
extraordinaire ».
Nos
martyrs socialistes ne savaient pas que les 21
conditions n’étaient pas le
diktat de
Moscou mais qu’elles avaient été réclamées,
aussi,
par les délégués occidentaux comme Zinoviev,
au
congrès de Halle, le rappelait aux socialistes allemands. La 21°
condition tant décriée avait été adoptée sur proposition d’un délégué
italien,
membre de la Fraction abstentionniste qui devait devenir la Gauche
Communiste
Italienne.
Les
stalino-kroutchéviens désireux
de s’installer pleinement en la vieille- maison proclament. « Le parti communiste
français est l’héritier
des traditions
démocratiques du peuple
français [et non du prolétariat, n.d.r.]. Ιl
s’inspire de ses luttes pour l’indépendance
nationale, la
liberté de l’homme et le progrès social, notamment
des expériences des combattants de la Commune
de Paris,
premier État
prolétarien du monde du parti ouvrier français, du parti unifié de Guesde et
de Jaurés, de l’ensemble du mouvement ouvrier et
démocratique de notre pays».
Ils
considèrent, comme les minoritaires de Tours,
que la Révolution
russe est un cas
particulier, contingent.
Ainsi le parti unique
ou la dictature du prolétariat purent être nécessaires en Russie parce
que
c’était un pays arrièré, Ils
rejettent en
fait la Révolution russe et les 21 conditions,
en escamotant la question:
« Quant à la
question : « Les
conditions [les 21, n.d.r.] sont-elles
toujours valables? »
elle ne peut plus
se poser puisque l’Internationale Communiste
« n’existe
plus depuis 1943 » (L’Humanité
du 17.03. 1964).
Ιl
ne
peut plus y avoir d’obstacle à l’unité. Il ne peut plus y avoir de
conditions, de
parti unique, de dictature du prolétariat parce qutil
n’y a plus de pays arrière
comme la Russie et qu’il n’y a plus d’Internationale. Quant à la
question: « Le
P.C.F. doit-il
toujours rester un parti communiste luttant pour la révolution
communiste
mondiale?» Elle ne
se pose plus
puisque l’Internationale Communiste n’existe plus depuis l943.
Le
cycle est donc bouclé de la scission - si
faible - de 1920
à la volonté d’unification de 1964. La seule question qui reste en
suspens - c’est nous cette fois qui la posons - est celle-ci : est-ce
que la véritable
tradition du prolétariat était celle enclose dans la vieille maison, véritable asile de vieillards, ou bien était-elle en fait représentée dans le quelque chose
de soi-disant nouveau
qu’était le bolchevisme? Est-ce que
les bolcheviks ne venaient pas en réalité rappeler au prolétariat français sa
véritable lutte; l’inviter à quitter la maison des
morts, remplie de souvenirs bourgeois ?
Pour
répondre à cette question nous allons étudier les
caractères originaux du mouvement ouvrier
qui sont liés
aux
particularités de
son origine (de son
enfantement). C’est-à-dire
qu’il faut expliquer le poids, l’influence
de la Révolution Française sur ce mouvement. Dans les périodes ascentionnelles de luttes il a pu
surmonter cela.
Lorsqu’il dégénéra, que la lutte autonome fut abandonnée,
le prolétariat s’immergea dans le
peuple, et devint le continuateur de l793 comme le disaient les minoritaires de
Tours en l920 et comme le proclament les communistes actuels.
Le
Mouvement ouvrier français et la révolution de 1789
L.
- La Révolution française dans le cycle de la Révolution bourgeoise.
« Le
seul modèle de la révolution de 1789, du
moins
en Europe fut la révolution de 1648; le seul
modèle de celle-ci, la
révolte des
Ρays Bas contre l’Espagne[3].
Toutes deux
étaient, non seulement dans le
temps, mais par leur
contenu, en avance d’un siècle
sur ces
modèles.
« Dans les deux révolutions, la
classe qui se trouva à la pointe du mouvement fut la
bourgeoisie. Le
prolétariat et les fractions
de la population
n’appartenant pas à la bourgeoisie
n’avaient pas
encore d’intérêts distincts d’elle
οu
bien ne représentaient pas encore des classes ou couches bien développées. Là où ils entrèrent
en opposition avec
la
bourgeoisie, comme par exemple de l789 à l794 en France, ils ne luttèrent que pour le triomphe de
ses intérêts, même nί
ce ne fut pas à la manière bourgeoise.
Toute la
terreur en France n’exprime rien d’autre que la manière plébéienne d’en
finir avec les ennemis de
la bourgeoisie, l’absolutisme, le féodalisme et les boutiquiers.
« Les
révolutions de 1648 et de 1789 n’étaient pas des révolutions
anglaise et française, mais des révolutions de style européen. Elles n’étaient pas la
victoire d’une classe déterminée
dc la Société sur l’ancien ordre
politique
pour la nouvelle société européenne.
Elles marquaient le triomphe de la bourgeoisie, mais celui-ci
représentait alors la victoire d’un nouvel ordre
social. La victoire de la propriété bourgeoise sur la propriété féodale, de la
nation sur le
provincialisme,
de
la concurrence sur
les corporations,
du partage sur le droit d’aînesse, du
propriétaire de la terre sur
la domination des propriétaires sur la
terre, des
lumières sur la superstition,
de la famille
sur les
titres de famille, de l’industrie sur
la fainéantise
héroïque, du
droit bourgeois, sur
les privilèges
moyenâgeux. »
«
La
révolution de 1648 fut
la révolution du 17°
contre
le 16° siècle ; celle de 1789
la victoire du 18°
siècle sur le
17°. Elles exprimaient plus encore les
besoins du monde de que
ceux
des secteurs où elles s’étaient
produites, l’Angleterre et la France ».
Cette
longue citation de Κ.
Marx extraite de Bilan
de la révolution prussienne de 1848 donne trois caractères
essentiels de la
révolution française qui permettent de la situer dans le cycle
historique de la
révolution bourgeoise : 1° elle est l’expression des besoins
de l’époque, 2°
elle est plus universalisation des rapports sociaux que création de
ceux-ci, 3°
apparition du prolétariat.
La
révolution française est l’expression des
besoins de l’époque, elle est
le signe de la montée, à l’échelle mondiale, d’une forme
sociale de production (le capitalisme) au sein d’une autre (le
féodalisme). En
effet, le mouvement d’instauration de rapports capitalistes qui commence au
XIII° siècle (mouvement des Communes et
révolte des Ciompi en Italie)
présente une accélération au XVII° siècle avec les révοlutiοns
anglaise et
hollandaise.
Cela aboutit à la destruction
de l’antique
communauté agraire et de
celle du
mode de production
féodal. Seulement, en
France, ce mouvement
est freiné et de ce fait la révolution
française apparait comme étant
une
révolution
en retard. Ceci explique
la contradiction que
présentait la France de la fin du XVIII° : présence d’un grand
capitalisme agraire, qui
fut théorisé par les physiocrates,
au milieu d’un féodalisme
agonisant et de
restes tenaces
de l’antique communauté.
Ιl
y avait
pourtant eu
une expropriation
de la
population campagnarde, une destruction des antiques liens de dépendance personnelle, libérant l’homme
qui pouvait aller
s’installer à la ville et devenir
le futur
prolétaire;
destruction qui permettait parallèlement à un certain nombre de paysans d’accèder à la propriété. Ceci ne se développa avec une
certaine ampleur qu’à partir du XVIII°
siècle,
et, en 1789 les paysans possédaient 30
à 40 % du sol. Mais
il n’y eut pas de
mouvement d’enclosures cοmme
en Angleterre.
Au
cours de la révolution, la révolte paysanne se manifesta
de deux façons : contre
les féodaux
pour le capitalisme,
pour la préservation
des droits communaux contre féodaux et capitaliste. L’on aboutit à un équilibre entre les différentes formes
économiques. « Ainsi la Révolutiοn française
a réalisé un
compromis. La
transformation capitaliste
de l’agriculture qui s’était
amorcée sous l’Ancien Régime a vu
disparaitre une partie des οbstacles
qui encombraient sa
voie, mais les
usages collectifs non pas été supprimes brutalement ; on s’en est remis au
temps et à l’ intérêt personnel
pour persuader les paysans de les abandonner ; en fait, ils ont
persisté à peu près tels quels jusqu’à une
époque très proche de nous et ils n’ont pas disparu tout à fait,
la loi de 1889 subordonne
encore l’abolition
de la vaine pâture à la volonté des paysans du village »
(G. Lefebvre)
Ici se manifeste
un
premier trait essentiel de
cette révolution : elle
ne détruisit pas complètement
les
antiques rapports sociaux, le
capitalisme buta
contre la
parcelle ; bien qu’elle
fut une révolution radicale,
violente parce
que justement elle venait en retard. Cela
devait marquer tout
le développement
ultérieur de la
France. L’expropriation
paysanne ne se fait réellement avec
l’aide de l’État que depuis l’avènement de
De Gaulle au pouvoir. Cette
masse de petits paysans, « cette
classe de barbares »
(Marx) allait être
un
frein énorme au développement du mouvement ouvrier.
Dans
un premier temps pour les
avoir ignorés et
pas su les toucher (1848-1871)
et dans un second temps pour avoir
voulu se les concilier
en faisant des concessions de principes (le mouvement socialiste à partir de 1890,
puis
les staliniens).
Ce
trait se retrouve dans un pays qui connut une révolution
encore plus puissante,
plus radicale : la Russie. La formation du kolkhoze est la
réalisation
d’un compromis entre différentes formes sociales puisqu’on y a une
parodie de
forme communautaire, une propriété foncière conservée en fait et le
salariat.
C’était la forme idéale pour enchaîner la lutte de classe à la campagne
et
constituer ainsi le plus sûr rempart de la contre-révolution
stalinienne.
La
destruction
de la commauté
naturelle n’est pas l’apanage de
la révolution française. Nous retrouvons cela dans tous les
pays qui sont minés par l’introduction
de rapports de
production capitalistes. Marx l’a décrite
pour l’Inde. « L’Angleterre a
détruit
les
fondements du régime social en
Inde, sans manifester jusqu’à présent la moindre velléité de
construire
quoi
que
soit. Cette perte
de leur vieux monde qui n’a pas
été suivie de
l’acquisition d’un monde
nouveau, confère à la misère actuelle
des Hindous un caractère particulièrement
désespéré, et sépare l’Hindoustan,
gouverné
par les
anglaise de toutes
ses traditions anciennes,
de son histoire passée dans son ensemble ».
(Marx, 10 juin 1853. New York
Daily Tribune.)
Rosa Luxembourg l’a décrite pour d’autres pays comme l’Egypte οu
l’Algérie.
Nous voyons le phénomène « en
action »
dans toute l’Afrique Noire.
Parallèlement,
il y
avait
eu accumulation
importante de
capital dans les villes, surtout par l’intermédiaire du commerce. Cela
permit, à la suite de
découvertes
scientifiques importées d’Angleterre, un
grand développement
des manufactures qui
absorba
les
hommes chassés de
la terre:
formation
du prolétariat. Seulement, très souvent, le nombre
de ces gens ëtait trop élevé
par rapport
au
« emplois offerts »
d’οù la
pénurie de travail et corrélativement la lutte pour en obtenir. La
bourgeoisie comprit le danger
d’une telle situation. « Assurez
du travail
à tous les citoyens, accordez des
secours aux vieillards
et aux infirmes, et,
pour couronner votre
ouvrage, organisez
promptement l’instruction
publique ». (Hébert) C’est ainsi que pour la première fois fut proclamé le droit à l’assistance [4]: « Les secours publics sont une dette
sacrée. La société doit la subsistance aux
citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors, d’état de travailler ».
L’apparition
de "citoyens prolétaires,
dont la seule prορriété est
le travail" (Lepeletier de Saint-Fargeau) posait de graves problèmes. Comment
assurer
leur
existence ? Le
prolétariat naissant
répondit à la question
en proclamant
le droit au travail. On voit poindre celui-ci
tout, au cours de
la Révolution de 1789, puis s’affirmer en
une nouvelle révolution en 1848 ;
là encore la révolution
française se présente
comme modèle
de celles
qui suivirent. Au cours de
toutes les
révolutions bourgeoises le
prolétariat se
manifesta et le fit toujours, dans υn premier temps
en demandant le droit au
travail.
Les révoltes des prolétaires
au Congo-Brazzaville comme
celles des algériens à Oran en
l963 en sont
les exemples
récents.
Cette double
série de
transformations, dans les villes et
dans les campagnes aboutissait
à la formation du marché
national; phénomène
que l’on retrouvera dans tous les pays subissant la même
transformation sociale. Lénine décrivit cela pour la
Russie dans
Le développement du capitalisme en Russie. La formation du marché
national est en même temps l’accession à une certaine
indépendance économique. C’est
dans
la réalisation de celui-ci
que
résident les grandes difficultés des pays récemment
parvenus à l’indépendance.
La
formation du marché intérieur
s’accompagne du remplacement de la
circulation simple des marchandises
M-A-M par celle
de la circulation du capital
A-M-A. C’est-à-dire
qu’une forme sociale οù
la νaleur
d’usage
était encore le
but de
la
production
était
supplantée par une forme οù elle n’était plus que
le prétexte peur
produire de plus en
plus de la valeur d’échange.[5]
Tous ces processus
étaient déjà fortement développés en 1789, de telle sorte que l’antique
communauté agraire et celle
fondée sur la
hiérarchie féodale étaient de plus en plus
supplantées par un nouveau mode de production défendu par la classe
bourgeoise.
« En 1789, au moment où la bourgeoisie se souleva, il ne lui
manquait pour
être libre que de participer au gouvernement du pays. Pour elle
l’affranchissement consistait à retirer des mains des privilégiés qui
possédaient
le monopole de ces fonctions de direction des affaires publiques, les
hauts
emplois civils, militaires et religieux. Riche
et éclairée,
capables de se
suffire à elle-même et de
se diriger toute seule, elle voulait, se soustraire au régime du bon plaisir »
(Michel Chevalier, cité par K. Marx in Vorwärts de Paris, août
1844).
Seulement elle était éloignée de la communauté ; elle ne
pouvait pas
accepter celle féodale qui était en contradiction avec ses intérêts
gnéraux et
particuliers. Elle était donc isolée. Elle ne pouvait briser cet
isolement
qu’en en fondant une autre. « Toute révolution dissout
l’ancienne
société » (K. Marx). « La révolution française
aurait-elle pu avoir lieu
sans cet isolement funeste qui séparait les bourgeois français de la
Gemeinwesen?
Elle était destinée précisèment à mettre fin à cet isolement »
( K. Marx, idem).
Il
semblerait donc qu’il y ait
contradiction avec le matérialisme historique disant que ce sont les
phénomènes
économiques qui déterminent les phénomènes politiques. Comme toujours
dans de
pareils cas, la soi-disant contradiction n’est que la reconnaissance
d’une
incapacité à intégrer les différentes données exprimées dans leur
mouvement. La
révolution apparaît d’autant plus nécessaire, d’autant plus inévitable
que l’homme
est coupé de la communauté. On ne peut
pas « acheter » l’espèce
humaine, on ne peut lui assurer une
certaine vie matérielle qui lui ferait oublier le malheur social de la
coupure
de la communauté. C’est pourquoi le despotisme éclairé a échoué[6].
Mais
la révolution en tant que mise en
mouvement des masses, que poussée d’énergie nécessaire pour détruire
l’État
oppresseur et fonder une nouvelle communauté est déclenchée par une
crise
économique. « Depuis le début du XVIII° siècle, il n’y a pas
eu de révolution
sérieuse en Europe qui ne fut précédée par une crise finanière et
commerciale.
Ceci ne s’applique pas moins à la révolution de 1789 qu’à celle de
1848 » (
K. Marx, New-York Daily Tribune,
1853).
La
bourgeoisie voulait fonder une nouvelle
communauté. Pour cela, il fallait trouver une forme d’organisation apte à lier
les hommes entre eux. C’est là que se place le second caractère donné
par K.
Marx à la révolution française: le phénomène
d’universalisation.
Dans
le Fragment de la version primitive de
la Contribution à
la critique de l’économie
politique, il explique l’origine du capital à partir du
mouvement
d’autonomisation de la valeur d’échange. C’est-à-dire d’une valeur qui
ne
serait plus liée directement aux paticularités des marchandises qui
l’engendrent.
Dans ce but, il est amené à montrer qu’une telle réalisation suppose
parallèlement
l’autonomisation de l’homme, donc sa libération (sa séparation) de la
communauté, et la propriété privée qui se concrétise dans l’égalité.
« Ainsi donc le procès de la valeur d’échange que développe la
circulation
ne respecte pas suelement la liberté et l’égalité, il les crée, il est
leur
base réelle. En tant qu’idées pures elles sont des expressions
idéalisées de
ses diverses phases ; leurs développement juridiques,
politiques et
sociaux n’en sont que la reproduction sur d’autres plans. Cette
affirmation a
été d’ailleurs vérifiée historiquement. Non seulement cette trinité,
propriété,
liberté, égalité, a d’abord été formulée théoriquement sur cette base,
par les
économistes italiens, anglais et français des XVII° et XVIII° siècles,
mais ces
trois entités n’ont été réalisés que dans la société bourgeoise
moderne ».
La
loi de la valeur opère, disait F. Engels,
depuis la dissolution du communisme primitif ; l’argent et le
commerce
sont les dissolvants de cette forme sociale. C’est pourquoi dans
certains pays,
où la propriété privée individuelle avait pu prendre une certaine
extension, la
personne « sujet d’échange » apparut. D’où la méprise
des révolutionnaires
français. « Le monde antique, qui n’avait pas fait de la
valeur d’échange la
base de sa production, qui, au contraire, mourut précisément de son
développement,
avait créé une liberté et une égalité de contenu tout à fait opposé à
celui-ci
et qui n’avait qu’un caractère essentiellement local. D’autre part, les
diverses phases de la circulation simple s’étant développées dans le
monde
antique, entre les hommes libres tout au moins, il est explicable qu’à
Rome et
spécialement dans la Rome impériale, dont l’histoire est précisément la
dissolution
de la communauté antique, on ait développé des déterminations de la
personne
juridique, sujet du procès d’échange ; ainsi s’explique que le
droit de la
société bourgeoise y ait été élaboré dans ses déterminatiosn
essentielles et
qu’on ait dû, surtout vis-à-vis du moyen-âge, le défendre comme droit
de la
société industrielle naissante ».
Le
monde romain et le monde bourgeois de la fin du XVIII°
siècle avaient un caractère commun : ils provenaient tous les
deux de la
dissolution de la communauté naturelle. Celle-ci ne fut pas totalement
détruite
par la société esclavagiste. D’autre part, elle fut pour ainsi dire
restaurée,
mais sous une forme aliénée, dans le féodalisme. Là, la communauté est
fondée
sur des liens de dépendance personnels reliant efficacement les hommes
entre
eux. La terre, source principale de la richesse, dominait l’ensemble de
la
communauté qui lui était directement liée: le seigneur en tant que
possesseur
(seigneur parce que propriétaire terrien) et les serfs par leur
dépendance
vis-à-vis du seigneur. Une telle forme de production où production et
consommation s’équilibraient, tendait à vivre en circuit fermé, à
limiter les
échanges et par là même à empêcher que la valeur d’échange puisse
accomplir son
mouvement d’autonomisation commencé sous l’empire romain. Il fallait
détruire
cette communauté pour
que les deux éléments
essentiels qui fonderont le capital, l’argent, valeur d’échange, et la
force de
travail (valeur d’usage) soient libérés. La communauté fut détruite.
Comment
fonder une organisation sociale qui puisse la remplacer ? De
là les
recherches de tous les philosophes du XVIII° siècle afin de trouver un
droit
qui eut une base naturelle, un ensemble d’institutions aptes à
maintenir les
hommes réunis. Ce fut aussi la recherche de Saint-Just qui disciple de
J.J.
Rousseau, se propos de définir le nouveau contrat social :
« On voit
que les hommes, se traitant eux-mêmes en ennemis, ont tourné contre
leur
indépendance sociale la force qui n’était propre qu’à leur indépendance
extérieure et collective ; que cette force, par le contrat
social, est
devenue une arme à une portion du peuple pour opprimer le peuple
entier, sous
prétexte de le défendre contre ses membres et contre des ennemis
étrangers »[7].
« Si
tel fut l’objet du contrat social de conserver l’association, les
hommes dans
ce sens sont considérés comme des bêtes sauvages qu’il a fallu
dompter ».
Dans
l’ouvrage d’où est tirée cette
citation, Fragments sur les institutions républicaines[8],
il définit de façon précise l’importance
des institutions : « Les institutions sont la
garantie du
gouvernement d’un peuple libre contre la corruption du
gouvernement ». Lutter
contre la corruption, voilà la préoccupation centrale des
révolutionnaires
bourgeois. Il faut encadrer les hommes sinon la société
serait en péril. « Sans institions, la
force d’une République repose sur le mérité des fragiles mortels ou sur
des
moyens précaires ».
« Les
institutions ont pour objet d’établir de fait toutes les garanties
sociales et
individuelles, pour éviter les dissenssions et les violences ;
de
substituer l’ascendant des mœurs à l’ascendant des hommes ».
Cedtte
vision institutionnelle suppose une
définition de l’homme. Elle se trouve dans la fameuse déclaration des
Droits de
l’homme et du citoyen. Robespierre trouvait celle de 1789 trop
incomplète car laissant
en dehors de son champ d’application un grand nombre
d’hommes : les
citoyens passifs. Ceux qui n’avaient pas assez d’argent
pour payer le cens. C’est là que s’exprime
toute la méprise des hommes de 93. Ils voulaient faqire comemches les
anciens
chez qui « nous ne trouvons jamais une étude pour déterminer quelle forme de
propriété foncière,
etc… est la plus productive ou crée
le plus de richesse. Même si Caton a pu rechercher quelle culture du
sol était la
plus avantageuse ou que Brutus a pu prêter son
argent à l’intérêt le plus élevé, la richesse n’apparaît
pas comme le
but de la production. L’étude porte chaque fois sur le mode de
propriété, qui
produit les meilleurs citoyens de l’État ». « La
richesse n’apparaît
comme fin en soi que chez les quelques peuples marchands monopolistes
du
carrying trade, qui vivaient dans les pores du monde antique comme les
juifs
dans la société médiévale ». En effet Saint-Just
proclame : « Il
ne faut ni riches, ni pauvres, l’opulence est une infâmie ».
Mais la révolution
à la tête de laquelle il
se trouvait
provisoirment libérait un mode de production où justement la richesse
est une
fin en soi. Il voulait abolir l’inégalité, mais il ne pouvait pas
comprendre
que la seule égalité entre les hommes acceptée par le capital, c’est
celle de l’exploitation.
Ils exprimaient la généralisatioon du mercantilisme. Seulement à un
stade de
généralisation donnée celui-ci se transforme en capitalisme[9].
C’est pourquoi ils expriment les
exigences des deux en essayant de les concilier avec les données
humaines.
« Il faut donner à tous les français le moyen d’obtenir les
premières
nécessités de la vie, sans dépendre d’autre chose que des lois et sans
dépendance mutuelle dans l’État civil » car « il faut
que l’homme
vive indépendant » (Saint-Just). Quel est dans ce cas le
premier droit de l’homme ?
« Le premier droit est celui d’exister, la première loi
sociale est donc
celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens
d’exister ;
toutes les autres sont subordonnées
à celle-là »
(Robespierre). De plus, pour que l’homme vivre indépendant, il faut lui
garantir la propriété : « La propriété est le droit
qu’a chaque
citoyen de jouir et de disposer de la portion des bien qui lui est
garantie par
la loi ». Enfin, cette propriété ne sera pas assurée par un partage égalitaire,
il n’y a pas d’égalité
des biens, mais par une intervention de la société qui doit faire en
sorte que
tous aient quelque chose en partage : « Âmes de
boue ! qui
n’estimez que l’or, je ne veux point toucher à vos trésors, quelque
impure
qu’en soit la source ». Robespierre connait très bien la
puissance de l’argent.
Il lui attribue tous les maux puisqu’il est cause de
déséquilibre : grâce
à lui il est possible d’accumuler aux dépens des autres. Cette
puissance de l’argent
corrompt. Robespierre ne se fait aucune illusion sur la valeur morale
des
riches. « Vous devez savoir que cette loi agraire, dont vous
avez tant parlé,
n’est qu’un fantôme créé par les fripons pour épouvanter les
imbéciles ; il
ne fallait pas une révolution sans doute pour apprendre à l’unviers que
l’etrême
disproportion des fortunes est la source de bien des maux et de bien
des
crimes, mais nous n’en sommes pas moins convaincus que l’égalité des
biens est
une chimère. Pour moi je la crois moins nécessaire encore au bonheur
privé qu’à
la félicité publique. Il s’agit bien plus de rendre la pauvreté
honorable que
de proscrire l’opulence. (Robespierre, Sur la pauvreté)[10]
La propriété
est donc la solution, mais la propriété dans des limites données.
Robespierre
se faisait le héros d’un monde disparu[11].
La petite propriété individuelle fondée
sur le travvail allait être de plsu en plus supplantée
par l’appropriation capitaliste ; tandis
que l’inégalité des richesses allait en s’accroissant. Le paupérisme
est un
produit du capitalisme. Robespierre indiquait ici un moyen pour
escamoter la
réalité. La Suisse moderne a poussé la décence jusqu’à empêcher ses
« pauvres » de se montrer dans la rue ; d’où
négation du problème.
Cette proposition de Robespierre est en fait le premmier principe de la
philosophie
de la misère commune à J.P. Proudhon, au romantiques, ainsi qu’aux
déchets
de la révolution
russe :
krouchtchéviens, staliniens, etc. Les hommes à la Thorez lui donnèrent un vernis
marxiste en parlant
de la misère absolue, niant que le
capitalisme ait amélioré quelque peu la condition ouvrière sur le plan
matériel.
Dans tous les cas, il est vrai, la bourgoisie reste fidèle à elle-même
et
n’accorde à une grande partie de la société qu’un minimum vital. À
l’époque de
Robespierre et de Saint-Just, c’était une solution : abolition
de l’inégalité.
« Que l’Europe apprenne que
vous ne
voulez plus un malheureux ni un oppresseur sur le terrtoire
français ; que
cet exemple fructifie sur la terre ; qu’il s’y propage l’amour
des vertus
et le bonheur. Le bonheur est une idée neuve en Europe »
Saint-Just.
« Ainsi
[comme le dit A. Soboul dans
son Histoire
de la révolution française, n.d.r[12]],
était restaurée, dans la pensée républicaine la notion de droit
social : la
communauté nationale, investie du droit de contrôle sur l’organisation
de la
propriété, intervient pour maintenir une égalité relative par la
reconstitution
de la petite propriété, à mesure que l’évolution économique tend à la
détruire,
afin de prévenir le monopole de la richesse comme la formation d’un
prolétariat
indépendant » (t. II, p. 107).
La
communauté est donc la nation, le peuple
souverain constitué. De là, le cri de Kellermann à Valmy :
Vive la nation,
et non plus vive le roi ! Le bien commun du peuple est la
patrie. Le bien
commun de l’antique communauté naturelle est remplacée par une pure
évanescence. « La patrie n’est point le sol, elle est la
communauté des
affections qui fait que chacun combattant pour le salut ou la liberté
de ce qui
lui est cher, la patrie se trouve défendue » (Saint-Just). Les
révolutionnaires
avaient au moins l’avantage de proclamer des illusions.
Entre
la communauté nationale et l’individu
(intérêt particulier) se place l’État (intérêt général), comme A entre
M et M’.
L’État apparaît à la fois comme nécessaire, puisque garant des
institutions,
donc garant du lien entre la communauté et les individus, et comme
superflu,
comme une simple convention ; tout comme l’argent, entre les
marchandises
M et M’, apparaît comme nécessaire et comme quelque chose d’inutile et
même
perturbateur dans l’échange entre marchandises à valeurs équivalentes.
Là
est l’origine de toutes les aberrations
concernant l’État. La bourgeoisie, en général, comprit très bien la
fonction de
celui-ci : faire triompher les revendications économiques,
pour faire
reconnaître son monopole de classe. Ici, chez Saint-Just et
Robespierre, à une
époque où la bourgeoisie n’est pas encore assez puissante pour
s’affirmer dans
toute sa réalité, la question est vue de façon morale.
L’État
est la garantie
contre la corruption, à condition qu’il réalise la vertu. Donc le
véritable intermédiaire
entre communauté et individu devient une valeur morale. Ceci est une
autre
caractéristique de la révolution française. « La terreur peut
nous
débarasser de la monarchie et de l’aristocratie ; mais qui
nous délivrera
de la corruption ? Des institutions. On ne s’en doute
pas ; on croit avoir
tout fait quand on a une machine à gouvernement… »
(Saint-Just). Les lois
sont révolutionnaires, ceux qui les exécutent ne le sont pas… La
République ne
sera fondée que quand la volonté du souverain comprimera la minorité
monarchique et règnera sur elle par droit de conquête… Il faut
gouverner par le
fer ceux qui ne peuvent l’être par la justice… Il est impossible que
les lois
révolutionnaires soient exécutées si le gouvernement lui-même n’est
constitué
révolutionnairement» (Robespierre). Il théorise les rapports entre la
morale et
la politique : « Dans le système de la Révolution
Française, ce qui
est immoral est impolitique, ce qui est corrupteur est
contre-révolutionnaire». «Je parle de la vertu publique qui opèra tant de prodiges
dans la Grèce
et dans Rome ; de cette vertu qui n’est autre chose que
l’amour de la
patrie et de ses lois ».
« Le fondement
unique de la société civile,
c’est la morale… L’immoralité est la base du despotisme, comme la vertu
est l’essence
de la république…Ravivez la vertu publique. Commandez à la violence,
mais replongez
surtout le vice ans le néant ». Mais, bien qu’étant sur un
terrain moral,
Robespierre est beaucoup plus matérialiste que tous les politiques et
moralistes
actuels. Il est vrai qu’il fonde son système sur une valeur morale,
qu’il
chasse donc la violence de la société. Thèmes chers à nos pacifistes
actuels.
Mais en définitive, la vertu ne peut être fondée que par la force, par
la violence
organisée, la Terreur. Robespierre savait très bien que ce n’était que
par l’intermédiaire
de cette dernière que l’on pouvait, neutraliser la puissance des
trafiquants et
de tous les accapareurs, « les âmes de boue », mus
uniquement par la
recherche du profit.
La
Vertu ne peut être
acquise que par un long apprentissage. Il est donc nécessaire d’éduquer
le peuple
en conséquence. « Les révolutions qui se sont passées depuis
trois ans ont
tout fait pour les autres classes de citoyens, presque rien pour la
plus
nécessaire peut-être, pour les citoyens prolétaires, dont la
seule propriété
est dans le travail. La féodalité est détruite, mais ce n’est
pas pour eux,
car ils ne possèdent rien dans les campagnes affranchies. Les
contributions
sont plus justement réparties; par leur pauvreté même ils étaient
inaccessibles
à la charge… L’égalité civique est établie, mais l’instruction et
l’éducation
manquent… Ici est la révolution du pauvre… » (Lepeletier de
Saint-Fargeau).
L’instruction
doit
conduire à l’égalité sans laquelle la vertu ne peut s’exercer.
« L’instruction
est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir
les
progrès de la raison publique et mettre l’instruction à la portée de
tous les
citoyens » (Robespierre). Elle doit être commune et doit permettre de
former des hommes aptes
au travail et à l’abstinence : « Les enfants recevront
également et
uniformement, chacun suivant son âge, une nourriture saine, mais
frugale, un
habillement commode, mais grossier ; ils seront couchés sans
mollesse ;
de telle sorte que, quelque profession qu’ils embrassent, dans quelque
circonstance qu’ils puissent se trouver durant le cours de leur vie,
ils
apportent l’habitude de pouvoir se passer des commodités et des
superfluités,
et le mépris des besoins factices » (Lepeletier de
Saint-Fargeau).
La
culture de masse ne
date pas d’aujourd’hui. La volonté de donner âme commune, de
standardiser, de
produire les hommes en série n’est pas l’apanage de la Chine actuelle,
comme
voudrait nous le faire croire R. Guillain dans une série d’articles
relatifs à
ce pays. Les bourgeois actuels ironisent souvent sur ces méthoes et
parlent de
besoins de pays pauvres. La France de 1789 était – elle aussi – un pays
pauvre
en capital; d’où la
nécessité d’une exploitation
intense du prolétariat. Les chinois d’ailleurs semblent avoir un malin
plaisir
à reparcourir les étapes de la révolution française. Ils ont arrivés
actuellement
au culte de l’Être suprême. Il est vrai qu’ils ont rompu de façon plus
radicale
que les révolutionnaires français de 1789 avec la religion et que de ce
fait ils
ne parlent pas, comme Robespierre, d’une divinité supra-humaine.
Seulement la
révolution bourgeoise est aussi génératrice du culte des grands hommes,
de ces
individus qui seraient des êtres suprêmes. Ainsi les chinois
s’adonnent-ils au
culte de Mao-Tsé-Toung, tout comme les russes s’adonnèrent à celui de
Staline. La
révolution française est bien le modèle des contre-révolutions
actuelles.
La
révolution française
comme toutes les révolutions qui l’ont précédée, et toutes celles qui
la
suivront, est une révolutions sociale à âme politique. Une révolution
sociale
parce qu’elle ne peut se produire que s’il y a destruction des antiques
rapports sociaux, communataires ou féodaux. Elle a une âme politique
parce que
toute sa préoccupation fondamentale est de trouver un lien entre les
hommes ; lien qui a été détruit par les phénomènes
économiques, par l’introduction
de l’argent dans les échanges entre les hommes, par le commerce. La
république
apparaît, comme l’a montré K. Marx dans la Contribution à la critique de la
philosophie de l’État de
Hegel, comme la fin de la politique. La république avec ses
institutions
apporte les nouveaux rapports entre les hommes qui peuvent remplacer la
vieille
communauté. L’antique procès d’expropriation des hommes de celle-ci et
de leurs
moyens de travail atteint son plein développement au cours de
l’accumulation
primitive, genèse du capital, ainsi que de la classe bourgeoise qui le
représente. C’est justement cette classe qui pose les questions de la
vie sociale,
de l’ensemble du procès de production et de reproduction de l’espèce
huamine,
sous forme de questions organisationnelles. Pour le prolétariat, c’est
une
question d’être: restaurer l’être communautaire primitif maître de tous
les
apports productifs et techniques des sociétés de classe.
«La révolution
(dit Saint-Just) doit
s’arrêter à la perfection du bonheur et de la liberté publique par les
lois.
Ses élancements n’ont point d’autre objet, et doivent renverser tout ce
qui s’y
oppose ; et chaque période, chaque victoire sur le
monarchisme, doit
amener une institution républicaine».
Il
exprime en même
temps la vision gradualiste de l’histoire qui postule qu’on ne peut
progresser
que par étapes, qu’il est impossible d’en sauter une. Nous sommes en
présence
de la théorie menchévique. Mais c’est aussi la théorie de la révolution
indéfinie. Quand pourra-t-on dire que la révolution est accomplie,
terminée? Les révolutionnaires socialistes français devaient
être
prisonniers de cette vision, eux qui voulaient achever la révolution
française,
alors qu’ils œuvraient pour l’avènement d’un monde nouveau. Mais dans
cette
optique gradualiste Saint-Just avait raison de faire
remarquer : « On
parle de hauteur de la révolution : qui la fixera, cette
hauteur ? Elle
est mobile . Il fut des peuples qui tombèrent de plus
haut ».
Saint-Just
avait
compris l’ampleur de la vague révolutionnaire. Il ne voulait pas
l’arrêter et
empêcher l’entrée en scène des sans-culottes sans lesquels la
révolution ne
pouvait se développer pleinement. Il savait bien «que ceux qui font des
révolutions
à demi ne font que se creuser un tombeau »[13].
Pourtant l’ironie de l’histoire allait faire qu’il allait se conduire
ainsi.
Saint-Just et Robespierre refusèrent le 9 thermidor l’aide des
sans-culottes
qui leur aurait permis de triompher. Mais ils auraient été alors
prisonniers de
leurs alliés et donc contraints de pousser plus loin les merusres
révolutionnaires.
Il en fut de même de Napoléon qui refusa de libérer les moujiks comme
cela lui
fut conseillé, puis l’aide des ouvriers de Paris pour lutter contre
l’invasion.
Il fut battu. Staline connut le même sort. Il ne conduisit, lui aussi,
qu’une
révolution à demi, puisque la révolution ne devait pas s’arrêter, se
figer à l’étape
bourgeoise. Il est mort après sa mort réelle. La déstalinisation est
son
véritable tombeau.
La
révolution française
a universalisé des principes, elle ne les a pas créés. Ils sont passés
au
travers du brasier révolutionnair et y ont acquis valeur mondiale.
C’est
pouorquoi ils pont pu être adoptés ensuite par tous les pays. C’est ce
qu’exprimait Robespierre en disant que la France doit devenir le modèle
des
nations. « Nous voulons remplir les vœux de la nature,
accomplir les
destins de l’humanité, tenir les promesses de la philosophie, absoudre
la
providence du long règne du crime et de la tyrannie. Que la France
jadis illustre
parmi les pays esclaves, eclipsant tous les peuples libres qui ont
existé,
devienne le modèle des
nations, l’effroi
des oppresseurs, et qu’en scellant notre ouvrage de notre sang, nous
puissions
voir au moins briller l’aurore de la félicité universelle ».
Elle le
deviendra après les échecs militaires prouvant qu’elle ne pouvait pas
englober les
autres pays, montrant par là même, aussi, que la révolution ne
s’exporte pas. Les
révolutionnaires pensaient en effet que la Déclaration des Droits de
l’Homme
était valable pour tous les pays et que de ce fait les nationalités
devaient
disparaître. Ce qui, dans la réalité, se traduisit en la tentative
d’hégémonie
de la France sur l’Europe. La lutte de la Prusse, de l’Autriche, etc.,
contre la
nation révolutionnaire ne pouvait se faire qu’en trouvant des motifs
révolutionnaires
à celle-ci. D’où les promesses de libération des paysans faites par le
roi de
Prusse, par exemple. D’où aussi la théorisation de Hegel de ce que l’on
peut
appeler les voies nationales de la libération, de l’accession au
capitalisme.
Hegel ne pensait pas qu’une nation dût englober les autres, mais posait
la
nationalité comme un mode d’incarnation de l’Idée dans le réel. Chaque
peuple,
chaque nation a des caractères originaux, des qualités qui sont la
manifestation de l’Idée: «c’est pourquoi chaque
peuple a la
constitution qui lui est appropriée et qui lui convient ». Les
nations ne
doivent pas être détruites mais renforcées. La nation française
devenait simplement
la nation guide. Dans l’un et l’autre cas, on voit comment la
bourgeoisie utilise
la nation à des fins propres.
La
défense de la grande
nation, de la France éternelle sera le thème majeur de la propagande
bourgeoise. Malheureusement beaucoup de prolétaires en seront infestés.
En 1914,
non seulement les ouvriers français, mais beaucoup d’étrangers
s’engagèrent
pour défendre la patrie menacée, puisque tout homme a deux patries, la
sienne
et puis la France. Le succès de la propagande gaulliste est dû lui
aussi au
fait qu’elle s’orchestre autour de ce leit-motiv.
L’ONU
et la déclaration
universelle des droits présente à la fois le triomphe de la vision
hégelienne:
pullulemùent des nations, et la généralisation la plus extrême des
principes de
la révolution française. Ceci se retrouve enfin chez les
krouchtchéviens qui ne
peuvent concevoir l’internationalisme prolétarien que de la façon
suivante: «Tous les partis sont indépendants et
égaux en droits.
Tous sont responsables du Mouvement communiste et membres égaux de la
grande
communauté révolutionnaire mondiale » L’internationalisme
prolétarien,
in L’Humanité du
19.03.1964.
La
France est le
berceau de toutes les idéologies néfastes au prolétariat. Les ouvriers
doivent
avant tout lutter contre leur nation du fait de l’importance
internationale de
celle-ci, foyer de toutes les illusions bourgeoises pour tous les pays.
Révolution
bourgeoise et
prolétariat
Cependant
cette
universalisation ne semblait pas réelle. La révolution bourgeoise avait
détruit
les états, elle avait englobé les hommes dans une communauté: la
nation. Mais
en fait beaucoup d’hommes demeuraient en dehors de celle-ci. Ils
avaient été
déracinés, arrachés à celle naturelle ou féodale; la nouvelle ne
pouvait pas les
englober. Comment les «citoyens prolétaires allaient-ils réagir à la
dissolution
des liens communautaires? La première réaction fut de proclamer,
puisque le
nouveau monde ne pouvait pas les intégrer sinon de façon antagonique,
que la
révolution avait échoué. Pour eux, comme pour Marat, il fallait que la
révolution fût
proclamée en permanence[14]
sinon c’était l’échec.
Là réside une autre source de déviations, d’influences néfastes au sein
du
mouovement ouvrier. Les prolétaires doivent reprendre l’œuvre des
jacobins;
tout ce qui est fait dans ce sens est un mieux absolu, c’est une étape
nécessaire qu’on ne peut pas sauter. Avant quoi que ce soit il faut
compléter
1793. Dans La Sainte Famille, K. Marx critiqua
violemment cette
position : « Dans la Révolution de 1789, l’intérêt de
la bourgeoisie
bien loin d’être « manqué » a tout
« gagné » et a eu le
résultat le plus « durable », bien que le
« pathos » se fût
évanouit que se fussent fanées les fleurs
« enthousiastes » dont l’intérêt
avait orné son berceau. Cet intérêt fut tellement puissant qu’il
vainquit la plume
de Marat, la guillotine des terroristes, l’épée de Napoléon, le
crucifix et le
sang royal des bourbons. La révolution n’a été
« manquée » que pour la
masse, qui ne possèdait pas dans l’« idée » politique
l’idée de son
« intérêt » réel, dont le véritable principe vital ne
se confondait
donc pas avec le principe vital de la révoluion, dont les conditions
réelles d’émancipation
différaient des conditions dans lesquelles la bourgeoisie et la société
voulaient
s’émanciper. Si donc la Révolution, qui peut représenter toutes les
grandes
« actions » de l’histoire est
« manquée », elle l’est parce
que la masse, dans les conditions d’existence de laquelle elle se
cantonna quant
à l’essence, était une masse exclusive et n’embrassait pas la totalité
de la
société, mais une masse limitée. Et si elle fut manquée, ce ne fut pas
parce
que la masse « s’enthousiasmait » pour la Révolution
ou s’y
intéressait, mais parce que la partie la plus nombreuse de la masse,
celle qui
était distincte de la bourgeoisie, ne possèdait pas dans le principe de
la révolution,
son intérêt réel, ni son principe révolutionnaire propre, mais une
simple idée,
donc un simple oblet de l’enthousiamse momentané et d’une excitation
purement
apparente » (Œuvres philosophiques,
éd. Costes, t. II, p. 144-145).
La
révolution n’avait
pas échoué. Elle avait profité à une seule classe : la
bourgeoisie.
L’émancipation n’avait pas été universelle.
« Toutes les
révolutions ont abouti
jusqu’à présent à l’évincement de la domination d’une classe déterminée
par
celle d’une autre ; … Mais si nous faisons abstraction du
contenu concret
de chaque cas, la forme commune de toutes ces révolutions était d’être
des
révolutions de minorités. Même lorsque la majorité y collaborait, elle
ne le
faisait – sciemment ou non – qu’au service d’une minorité ;
mais par là,
et déjà aussi du fait de l’attitude passive et sans résistance de la
majorité,
la minorité avait l’air d’être le représentant du peuple tout
entier »
(Engels, Introduction aux luttes de
classes en France).
La
révolution française
– révolution en retard – portait les germes d’une autre. C’étaient les
fleurs
enthousiastes dont parle Marx. C’est pourquoi le heurt entre
prolétariat et
bourgeoisie fut plus puissant que dans les révolutions
antérierues ; le
prolétariat s’affirme de façon plus autonome et non plus comme simple
adjuvant
de la bourgeoisie. « Dans toutes les proclamations aux
prolétaires, de
1688 à 1846, la bourgeoisie libérale a-t-elle fait autre chose que
« tailler des systèmes et arranger des phrases » afin
de briser, par
la force du prolétariat, le pouvoir des aristocrates » (Marx, Herr Vogt, t. I, p. 128).
Comment
s’est donc
développé le conflit entre les classes au cours de la révolution
française et
comment est apparu celui entre prolétariat et bourgeoisie ?
« Le nom sous
lequel une révolution
s’introduit n’est jamais celui qu’elle portera sur ses bannières le
jours du
triomphe[15].
Pour
s’assurer des chances de succès, les mouvements révolutionnaires sont
forcés,
dans la société moderne, d’emprunter leurs couleurs, dès l’abord, aux
éléments
du peuple qui, tout en s’opposant au gouvernement existant, vivent en
totale
harmonie avec la société existantge. En un mot, les révolutions doivent
obtenir
leur billet d’entrée pour la scène officielle des mains des classes
dominantes
elles-mêmes » (Marx, New-York
Tribune, 27.7.1857). En effet, « les premiers coups
portés à la
monarchie française venaient de la noblesse et non des
paysans » (Marx, idem.).
La révolution bourgeoise se
caractérise de plus en plus par la mise ne mouvement des masses
libérées des
antiques liens de dépendance à la terre ou à la hiérarchie (lorsque le
cordon
ombilical liant l’homme à la communauté a été coupé). Elle est la
destruction
des ordres, des états en lesquels celles-ci étaient enfermées. Aussi,
pendant
une certaine période, la révolution revêt-elle l’aspect d’une
révolution
populaire intéressant l’ensemble de la société (le pathos et les fleurs
enthousiastes dont parlait Marx) ; une force impersonnelle
liée à aucune
classe parce qu’aucune classe n’est individualisée.
Le
clivage se produit
très tôt et l’on constate le regroupement de certains
éléments :
Girondins, Montagnards, Sans-Culottes (Bras-Nus). De là, la question du
pouvoir. Qui va diriger les masses ? Qui va contrôler l’État
qui vient
d’être instauré ? Un phénomène que l’on retrouvera dans toutes
les
révolutions va, alors, se produire : la dualité des
pouvoirs :
Convention et Comité du Salut Public ; la république
bourgeoise de 1870 et
la Commune ; l’Etat bourgeois de Kérensky et les Soviets.
Le
prolétariat est une
force motrice mais non un protagoniste dirigeant. Il est une des
couches qui
conduiisent la révolution, l’émancipation. Il peut contester le pouvoir
à la
bouorgoisie mais il ne peut le lui ravir
(Germinal et Prairial, la conjuration des Égaux). Par là,
il marque la
caractéristique essentielle de son être: la soif du poouvoir, il pose
la
contestation fondamentale : les forces écon omiquies
développées avec le
capital peuvent être dirigées soit par le prolétariat, soit par la
bourgoisie.
D’autre part, seule son intervention a permis que l’on ne compose pas
avec la
féodalité (terreur = manière plébéienne d’en finir avec le vieil ordre
de
choses, K. Marx).
Mais
la contre-révolution
triomphe en 1795. La poussée plébéienne est stoppée. C’est de ce moment
que
date le développement de la société bourgeoise :
« Après la chute de
Robespierre, le progrès politique, qui avait vouolu se surpasser
luit-même, qui
avait pêché par excés d’enthousiasme, commence seulement à se réaliser
prosaïquement . sous le gouvernement du Directoire, la spociété
bouorgeoise,
que la libération avait elle-même libéré des entraves féodales et
reconnu
officiellement, bien que le terrorisme ait voulu la sacrifier à une
conception
antique de la vie politique, manifeste une vitalité formidable. La
course au
entreprises commerciales,
le désir de
s’enrichir, l’ivresse de la nouvelle vie bourgeoise dont la première
jouissance
est encore audacieuse, primesautière, frivole, enivrante ; le
progrès réellement
éclairé de la propriété foncière française dont l’organisation féodale
a été
brisée par le amrteau de la révolution, et que, dans la premièree
fièvre de la
possesssion, les nombreux nouveaux propriétaires soumettent partout à
la culture
intense; tous ces premiers mouvements de l’industrie devenue libre,
voilà quelques
manifestations de la nouvelle société bourgeoise. La société bourgeoise est positivement
représentée par la
bourgeoisie. Le bourgeois inaugure donc son régime. Les droits de
l’homme
cessent de n’exister qu’en théorie » (La Sainte
Famille, in o.c., t. II,
p. 220).
Ainsi
la première révolution
bourgeoise s’est édifiée sur la défaite des ouvriers[16].
En effet,
les ouvriers du faubourg Saint-Antoine sont désarmés, privés
d’organisation
(1797). Ils durent
ensuite soutenir Napoléon
qui accomplissait une tâche révolutionnaire.
« Napoléon,
ce fut le dernier combat du terrorisme
révolutionaire contre la société
bourgeoise et sa politique, également proclamée par la
révolution. Certes,
Napoléon comprenait déjà la nature de l’État moderne; il savait qu’il
était
fondé sur le libre développement de la société bourgeoise, sur le libre
jeu
dres intérêts particuoliers, etc… Il décida de reconnaître ces
fondements et de
les protéger. Ce n’était pas un terroriste rêveur. Toutefois, en même
temps,
Napoléon considérait encore l’État comme une fin
en soi et la
bourgoisie comme un bailleur de fonds, ujn subordonné qui ne devait pas
avoir
de volonté propre. Il réalisa pleinement
le terrorisme en
substituant à la révolution permanente la guerre
permanente »
(Ouvrage cité).
La
contre-révolution féodale se réalisa en
1815 avec la défaitre des troupes françaises à Waterloo. De telle sorte
que
pour le prolétariat la phase contre-révolutionnaire ouverte en 1795 ne
devait
se clore, pour peu de temps, qu’en 1830. Notre époque n’est donc pas la seule à connaître une
phase de recul aussi
longue. Celle qui suivit la vague révolutionnaire de la fin du XVIIIe
dura
35 ans. La nôtre en compte 38, mais il est vrai que l’aube des Trois
Glorieuses
n’est pas encore levée.
Le
mouvement de 1789-99 se répétera par la
suite conférant à l’histoire de la société française un air de parodie.
Mais
chaque fois un élément nouveau apparaîtra. La structure sociale se fera
de plus
en plus purement capitaliste, avec accomplissement des tâches de la
révolution.
« L’histoire de la révolution française commencée en 1789, ne
s’est pas
encore terminée avec l’année 1830, où l’un de ses éléments , grossi par
le
sentiment de son importance
sociale,
remporta la victoire ». (K. Marx, Œuvres
philosophiques, t. I, p. 222) Chaque fois, une couche sociale
apparaîtra plus
progressive et tentera de résoudre la question sociale. C’est
l’émancipation
progressive : « En France, il suffit qu’on
soit quelque chose, pour vouloir être tout. En Allemagne
personne n’a le
doit d’être quelque chose, à moins de renoncer à tout. En France,
l’émancipation
universelle est la condition sine qua non de toute
l’émancipation partielle.
En France c’est la réalité, en Allemagne c’est l’impossibilité de
l’émancipation
progressive qui doit enfanter toute liberté. En France, toute classe du
peuple
est idéaliste politique, et elle a d’abord le sentiment d’être non pas
une classe
aprticulière, mais la représentation des besoins généraux de la
société. Le rôle
d’émancipateur passe donc successivment, dans un mouvement dramatique,
au
différentes classes du peuple français, jusqu’il arrive
enfin à la classe quii réalise la liberté
sociale, non plus en supposant certaines conditions extérieures à
l’homme et
néanmoins créées par la société humaine dans l’hypothèse de la liberté
sociale »
(K. Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel, in Œuvres
philosophiques, éd. Costes, t. I, p. 104-105[17].
Dans
chaque phase le prolétariat s’est
manifesté. La révolution française fut de bout en bout une révolution
socilale
(Engels). À partir d’elle, l’importance du prolétariat va aller
croissante : « le développement économique de la
France depuis 1789 a
fait que depuis cinquante ans, aucune révolution n’a pu
éclater à Paris
sans revêtir un caractère prolétarien, de sorte qu’après la victoire ,
le
prolétariat qui l’avait achetée par le sang entrait en scène avec ses
revendications
propres ». (Engels. Préface à l’édition allemande de
La Guerre civile
en France.)
Dans
la dernière partie du drame qui s’est
dérouilé de 1789 à 1799 apparaît un courant qui rompt, sur le terrain
pratique,
avec l’ordre bourgeois et marque une discontinuité avec la révolution
bourgeoise, posant l’amorce du cycle prolétarien: la conjuration des
Égaux,
dite de Babeuf. Celui-ci procalmait : « La révolution
française n’est
que l’avant-courière d’une autre révolution bien plus grande, bien plus
solennelle,
et qui sera la dernière [18]».
Son
système n’est plus
simplement tributaire
du passé ; il contient les éléments de l’avenir, étant la
pointe ultime de
la révolution bourgeoise et déjà l’amorce, sur le plan pratique, du
mouvement
communiste. Babeuf est d’abord partisan de l’égalité à
la façon de Robespierre. Il veut une égalité
politique qui soit réelle. Pour qu’il en soit ainsi, il faut une
égalité
économique. Il revendique la propriété privée pour tous. Puis, il se
rend
compte que le mal réside justement dans cette dernière; en conséquence,
il veut
une propriété collective. Les citations suivantes vont mettre en
évidence son originalité
et son anticipation par
rapport aux
utopistes.
« Les
hauts et puissants du jour entendent singulièrement la mot révolution,
quand ils prétendent que la révolution chez nous, est faite. Qu’ils
disent plutôt
la contre-révolution ! (Ici, Babeuf fait
d’abord la même remarque que
Saint-Just: «La révolution est glacée ;
tous les principes
sont affaiblis ; il ne reste que des bonnets rouges portés par
l’intrigue».
Celui-ci parle de la
révolution de sa classe; il reste dans le cycle bourgeois. Babeuf parle au nom d’une nouvelle
classe,
très faible encore, embryonnaire. De ce fait la structuration de l’État
et donc
de la nouvelle société est un fait contre-révolutiionnaire vis-à-vis de
la
nouvelle classe qui tend, par le processus historique même, à se
développer au
sein de la nouvelle société.) La révolution encore une fois, c’est le
bonheur
de tous (c’est la même déifnition
que celle
de Saint-Just, seulement où tout va diverger ce sera sur :
comment
organiser celle-ci afin que
tous soient
heureux. La rupture s’opérera sur le but : pour Saint-Just la
petite
propriété privée et la antion, la propriété collective et la communauté
humaine
pour Babeuf) ; c’est ce que nous n’avons pas ; la
révolution n’est
donc point faite. La contre-révolution est le malheur du plus grand
nombre; c’est ce que nous avons: c’est donc la
cotnre-révolution qui
est faite!» Babeuf précise alors
« Qu’est-ce qu’une révolution poliitique en général ?
qu’est-ce, en
particulier, que la révolution française ? Une guerre déclarée
entre les
patriciens et les plébéiens, entre les riches et les pauvres ». «Des 24 millions
contre le million
doré ». Babeuf proclame de manière imparfaite, c’est-à-dire en
situant mal
les protagonistes, la lutte des classes. Tel est l’aspect social,
politiquement
comment cela se présente-t-il? «Révolutionner, nous
avons dit plusieurs
fois ce que c’est. C’est conspirer contre un état de choses qui ne
convient
pas, c’est tendre à le désorgansier et à mettre à sa place quelque
chose qui
vaille mieux. Or, tant que ce qui ne vaut rien n’est pas renversé et
que ce qui
serait bon n’est
pas stabilisé, je ne
reconnais point qu’on ait assez révolutionné pour le peuple ».
« La
révolution est à refaire » dit Babeuf. Il le démontre en
faisant une
critique de la société. Ainsi pour la déclaration des Droits de
l’Homme :
« selon moi très incomplète, trop peu substancielle et rédigée
dans des
termes tro peu précis et trop peu nets. Il y a abondance de mots, mais
sous
cette prolixité par trop métaphysique se cache
le perfide moyen de neutraliser ou de réduire à de simples
apprences qui
s’annoncent d’abord
comme une réalité. L’appât
et le piège s’y confondent si
bien qu’en
étudiant cette déclaration, on ne
tarde
pas à s’apercevoir qu’elle est un leurre, tel que devaient le concevoir
les
endormeurs du peuple. Leur déclaration n’a que la valeur d’un
hochet [souligné
par nous, n.d.r]. Elle admet, il
est
vrai, les grands principes de liberté et d’égalité, mais avec toutes
espèces de
réserve qhui permettent de les dénaturer dans leur application et en
les
mitigeant avec des
correctirfs qui ne leur
laissent plus aucune portée ». Babeuf apparaît réellement
comme un géant
par rapport aux
radicaux-socialistes qui
créèrent la ligue des droits de l’homme à laquelle adhérèrent non
seulement des
socialistes, mais aussi des communistes de fraîche date, 1920. La
déclaration des
droits de l’homme est un hochet
affirme
Babeuf et, prés de deux siècles après lui, des individus se réclamant
du
communisme convient les masses à lutter pour la défense des droits de
l’homme.
Il n’est donc plus possible de polémiquer à ce stade. Il nous faut
simplement
réaffirmer ce qu’est le communisme, ce qu’est le parti communiste à
cheval sur
plusieurs générations. Les autres sont des valets du capital.
Polémiquer avec
eux serait penser qu’ils puissent avoir quelque chose en commun avec le
parti,
qu’ils seraient en filiation avec Babeuf.
K.
Marx devait reprendre la critique de
Babeuf, lui donner une assise plus solide et donc fournir une arme plus
terrible
au prolétariat. « On démontra que la reconnaissance des droits
de l’homme
par l’État moderne n’a pas d’autre signification que la reconnaissance de l’esclavage par l’État
antique. La base de
l’État antique, c’était l’esclavage; la base de la société
bourgeoise, l’homme
de la société bourgeoise, c’est-à-dire l’homme indépendant rattaché
simplement
au autres hommes par le lien de l’intérêt privé et de l’inconsciente
nécessité naturelle,
l’esclavage du
travail utilitaire, de ses propres besoins et des besoins égoïstes
d’autrui.
Cette base naturelle l’État l’a reconnue comme telle dans les droits
universels
de l’homme. Et il ne les a pas créés. Produit de la société bourgeoise,
poussé
par sa propre évolution au-delà de ses entraves politiques, il ne
faisait que
reconnaître de son coté sa propre origine et sa propre base en
proclamant les
droits de l’homme » (K. Marx, La Sainte Famille,
p. 202). K. Marx
montre un phénomène qui ne pouvait pas être perceptible à Babeuf et que
ne
comprit aucun révolutionnaire de l’époque: la société bourgeoise
existait dans
le sein de la société féodale. La révolution brisa la séparation de la
bourgeoisie
et de la communauté. Elle fonda un État qui correspondait à la
situation
économique dont
elle était, elle-même, le
produit. En proclamant les droits de l’homme, elle ne faisait que
reconnaître
sa propre origine.
En
opposition à toutes les déclarations des
droits, Babeuf affirme : «qui a la force a raison»,
démasquant par là
toutes les mystifications et les supercheries de l’idéologie bourgeoise
et proclamant
que ce qui deviendra le prolétariat aura la force et donc fera
triompher la solution
humaine qu’il possède. Pour accomplir cette révolution il faut utiliser
la violence,
et il répond à ceux qui lui en font grief: «La guerre
civile ! je te
demanderai s’il en est une plus terrible que celle qui existe
perpétuellement
depuis l’établissement de la propriété, par le
moyen de laquelle chaque
famille est une république à part, qui, par crainte d’être dépouillée
et l’inquiétude
constante de manquer, elle ou les siens, conspire sans cesse pour
dépouiller les
autres ». C’est une première ébauche de la mise en évidence de
l’aliénation
de l’homme. C’est une virulente critique du principe d’incertitude de
la
société bourgeoise. Ce fameux principe énoncé par F. Engels dans sa
critique au
programme d’Erfurt: «Il est possible que l’organisation
des travailleurs, leur résistance toujours
croissante opposent une certaine digue à l’accroissement de la misère.
Mais ce qui grandit certainement, c’est l’incertituide de
l’existence».
Babeuf
n’a pas non plus d’illusion sur le
principe démocratique :
«Ce
sophisme, cette théologie sustile
qui établit la nécessité de la réunion du peuple à voter pour légitimer
une
insurrection, est une manière heureuse d’avoir l’air de rendre hommage
aux
principes, lorsqu’on sait que, par la forme, l’impossibilité certaine
assure le
règne éternellement paisible des oppresseurs. À ce compte, celles du l4
juillet
et du l0 août ne le furent pas. Ce ne fut que Paris qui s’insurgea
alors, et
Paris n’est pas toute la France…Paris même ne se mit pas tout entier en
mouvement; la classe qui reste toujours calme… ne voit
jamais dans les
mouvements populaires que les emportements d’une multitude indomptée…
Il n’y
eut que la multitude et ce que cette classe-là appelle la canaille
parisienne [maintenant
les staliniens parlent de blousons noirs ou de Teddy boys, lorsqu’il
s’agit de
prolétaires qui revendiquent sur des bases de classe, en dehors des
partis, nd.r] qui
s’ébranla ; et quelque
nombreuse que puisse être la multitude parisienne elle ne représente
qu’une
poignée de factieux relativement à la population de toute la
France; [donc,
non la démocratie,
mais un acte de
force, une action violente, fait triompher une couche sociale, n.d.r.] ainsi les mouvements tant vantés
du 10 août et du 14 juillet, qualifiés du beau nom de sublime, de grand
et de
généreux, ces mouvements ne furent au fond que des séditions dont les
auteurs,
la canaille parisienne, mériteraient la plus inéxorable comme la plus
exemplaire
punition. Aussi lui en a-t-on infligiée une bien conditionnée depuis
trois ans ».
Ce
qui est fondamental dans l’évolution de la
société humaine, ce n’est donc pas le mécanisme démocratique qui est
une
duperie, mais la force. Les Égaux ne pourront triompher qu’en utilisant
la violence,
qu’à l’aide d’un mouvement politique fortement organsié
qui conduira la révolte. C’est la leçon politique
que le prolétariat devait tirer au travers de Babeuf et de Ph.
Buonarotti et
que K. Marx devait intégrer dans le programme du parti communiste.
Il
part, pour conduire sa politique de la
révolution bourgeoise, de l’égalité. Il montre comment elle ne
généralise pas,
n’universalise pas complètement les données qu’elle avait trouvé toutes
prêtes.
Mais cela le conduit à faire la critique du lien de l’homme à la
commuanuté en
société bourgeoise. «La conscience c’est l’égalité de l’homme
avec lui-même
dans la pensée pure. La liberté, c’est la conscience que l’homme a de
lui-même
dans l’élément de la pratique, c’est-à-dire par conséquent, la
connaissance
qu’un homme a d’un autre homme considéré comme son égal. La liberté est
l’expression
française de l’unité de l’être humain, de la conscience générique et du rapport social et
humain de l’homme
avec l’homme. De même qu’en Allemagne la critique destructive, avant
d’arriver
avec L. Feuerbach à
l’intuition de l’homme
véritable, avait essayé de dissocier , par le principe de la conscience
de soi,
la critique destructive a tenté, en France, d’arriver au même but par
le
principe de l’égalité » (Œuvres
philosophiques,
éd. Costes, t. III, p. 67).
Babeuf
prend au mot la bourgeosie: réalisons
l’égalité. La bourgeoisie y voyait
le
principe unificateur de l’espèce humaine qui venait d’être fragmentée
par le
procès d’expropriation. Il était très au courant des données des
vieilles
sociétés communautaires, ayant vécu en Picardie, où celles-ci
subsistaient
fortement à la fin du XVIIIe[19].
Il connaissait fort bien, de même, le
processus de prolétarisation. C’est au nom des expropriés de la terre
qu’il parlait;
de ces hommes chassés de leur campagne par la misère ; de ces
hommes qui n’avaient
pour toute richesse que leur force de travail. En conséquence, comment
réaliser
l’égalité entre ceux-ci et les riches bourgeois de la ville ou les
propriétaires fonciers de la campagne ? Le mal réside-t-il
dans l’inégalité
des richesses, ou celle-ci ne réside-t-elle pas dans la propriété
privée ?
Alors, la solution ne consisterait-elle pas dans la communauté, dans le
communisme ? Ainsi, à la solution bourgoise de la la
dissolution de l’antique
communauté, s’oppose celle du prolétariat. L’avenir de l’humanité ne
réside pas
dans l’appropriation privée, mais dans celle collective.
Pour
atteindre ce but il faut une nouvelle
révolution. Seulement cela ne va-t-il pas entraîner des maux pour
l’humanité.
Cela n’engendrera-t-il pas l’anarchie? Babeuf
répond: «Fut-il
vrai que ce passage dût amener des écarts, je dis qu’ils seraient les
derniers
effets de l’anarchie mourante. À proprement parler, le désordre et
l’anarchie exitent
réellement dans toutes les sociétés d’Eurpope, où, sous différents
prétextes et
par différents moyens, le peuple est dépouillé de ses droits. Et certes
il
vaudrait bien la peine de courir le danger de quelquess écarts
momentanés pour
mettre fin à la grande anarchie organisée et perpétuelle ». Sa
réponse est
à peu prés la même que celle que fera K. Marx prés de cinquante ans
plus tard.
«L’anarchie est la loi de la société bourgeoise émancipée des
privilèges
classificateurs, et l’anarchie de la société bouorgeoise est la base de
l’organisation
publique moderne, de même que cette organisation est à son tour la
garantie de
cette anarchie. Malgré toute leur opposition, elles sont condition
l’une de l’autre»
(Œuvres philosophiques, éd. Costes,
t. III, p. 2l0).
Au
travers de Babeuf on voit bien le
caractère de la nouvelle révolution, la révolujtion
prolétarienne: elle
est politique à âme sociale. Révolution politique puisque seul un acte
politique: le renversement de l’état de choses actuel, donc la destruction de
l’État
bourgeois, lié à la prise du pouvoir par le prolétariat grâce à un
parti
fortement organisé, peut libérer l’humanité de l’oppression. Mais la
question
sociale ne peut être résolue que par des mesures sociales prises après
la révolution.
Dans l’énonciation de ces mesures, il anticipe sur celles que prendra
la
commune de Paris de 1871.
«Que
chaque article de la constitution soit pur des expressions et des
définitions,
à la portée du plus gros bon sens (pour Napoléon au contraire, il
fallait que la
constitution soit courte et obscure), sans ambiguité, sans possibilité
de commentaires
ou d’interprétations, sans la moindre prise laissée aux arguties des
fabricateurs de eprnicieuses doctrines, des embrouilleurs de tetes, des
chercheurs juristes des faux-fuyants et d’échappatoires, des secrets de
l’amphibologie
et de tous ces oiseaux faussaires
de la
basoche qui spéculent sur la place du point et de la virgule ;
que, par
exemple, toutes les libertés dont se composent la Liberté y soient
énumérées
sans en omettre une seule,et je réponds qu’on ne parlera pas d’attenter
à la
moindre d’entre elles, sans que chacun ne se croit aussitôt menacé dans
sa
propre vie… ».
«La
possibilité du retrait du mandat
est une menace utile, indispensable ; elle est avec la
publicité de tous les
votes, une des meilleures garanties pour le peuple».
Dans
toutes ces mesures, Babeuf intègre le
machinisme qui n’est pas considéré comme une calamité. Là encore, il
anticipe.
Ceci n’est pas aberrant. Babeuf est le porte-parole d’une nouvelle
couche sociale
qui est déjà dans la situation de ne pouvoir s’émanciper qu’en
émancipant l’humanité
entière. Les théoriciens qui suivront immédiatement vivront dans une
phase de
recul ; dans une phase où cette classe montante aura été
stoppée et, d’un
point de vue politique, complètement jugulée.
«Si
j’ai inventé une machine, un procédé qui simplifie et abrège la besogne
de mon
art, si je possède un secret pour faire mieux ou plus vite en quoi que
ce soit,
je ne tremble pas qu’on me le dérobe, je m’empresserai au contraire de
la
communiquer à l’association et de le déposer dans ses archives pour que
jamais
on est à déplorer de l’avoir perdu. Ce secret me sera compté, il me
vaudra du
repos, il en vaudra à tous, dans la catégorie des travaux que
faciliteera son
application, et ce repos ne sera plus un funeste chômage mais un
agréable loisir… ».
Plus
loin, Babeuf réfute l’objection
stupide de ceux qui considèrent la société future comme une société de
fainéants: «aucun oisif volotnaire ne pourra exister dans
son
sein». Cette formule doit être rapprochée de celle-ci:
«nul ne doit
se soustraire au travail». Toutes deux rappellent celle qui
caractérise la
phase de dictature du prolétariat et du socialisme inférieur :
«Qui ne
travaille pas, ne mange pas». La société de Babeuf ne
connaissait pas un
développement économique tel qu’il fut possible de libérer l’homme de
la
suggestion de la vie matérielle et d’arriver ainsi à la vision de K.
Marx: la
société communiste où l’homme social manifeste ses potentialités,
développe
toute son activité sans qu’il y ait de problèmes de reproduction de la
vie
matérielle, avec absence d’antagonisme entre travail obligatoire pour
entretenir la vie matérielle et travail manifestation de la joie de
produire.
Ce
qu’il est important de noter ce n’est
pas l’insuffisance liée au caractère borné de la production, c’est la
méthode, la
perspective, la vision. Celle-ci est déjà sur la trace de la société
communiste. Elle quitte l’utopie pour s’enraciner dans la réalité.
Vision limitée,
certes, mais il y a en elle les prémisses de la vision réelle. Elle est
dans le
devenir réel du communisme et Babeuf la tire de la lutte. En effet, les
révoltes
ont conduit à l’établissement du maximum; les émeutes de la faim de
Prairial et
de Germinal lui montrèrent la nécessité d’une organisation rigoureuse
de la
« distribution du travail et de celle des produits ».
Il y a là une
expression nette et claire de la dictature de classe sur les phénomènes
économiques et sur les classes. Pour Babeuf, nous l’avons vu, nul ne
doit se
soustraire au travail. Voilà le premier temps du devenir à la société
communsite, le premier temps encore marqué par les stigmates infâmants
de la
société bourgeoise.
Le
but de cette révolution qu’il faut absolument
faire, est d’instaurer une société communiste. C’est dans la
des_c_r_i_p_tion de celle-ci
que Babeuf arrive à la fois à la plus grande condamnation de la société
capitaliste
qui ait été faite avant K. Marx, et à saisir dans son essence intime ce
qu’est la
société communiste.
«Ce
gouvernement fera disparaître les bornes, les haies, les murs, les
serrures au
portes, les disputes, les procès, les vols, les assasssinats, tous les
crimes ; les tribunaux, les prisons, les gibets, les peines,
le désespoir
que causent toutes ces calamités ; l’envie, la jalousie,
l’insasiabilité, l’orgueil,
la tromperie, la duplicité, enfin tous les vices ; plus [et ce
point est
sans doute l’essentiel, n.d.r] le
ver
rongeur de l’inquiétude générale, particulière, perpétuelle de chacun
de nous,
sur notre sort du lendemain, du mois, de l’années suivante, de notre
vieillesse,
de nos enfants et de leurs enfants ».
Babeuf
avait bien compris l’incapacité où
se trouvait la société bourgeoise d’assurer à tous la sécurité et la
subsistance tel que cela est indiqué dans la constitution de 1793.
Art.
8. – «La sûreté consiste dans la
protectiona ccordée par la société à chacun de ses membres, pour la
cosnervation de sa personne, de ses droits et de ses
propriétés».
Art.
9. – «La loi doit protéger la liberté
publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui
gouvernent.»
La
même chose est indiquée dans le projet
de constitution de Robespierre que nous avons reporté plus haut.
La
société bourgeoise est en fait celle de l’incertitude
de l’existence, de l’angoisse sociale. Seul, K. Marx est allé plus à
fond dans la
critique de la misère sociale de l’homme, parce que l’homme devait être
encore
plus détruit, plus déshumanisé. Il devait faire ressortir avec une
extraordinaire violence toute l’inhumanité de notre monde, parce que
celle-ci
devient si forte qu’elle est intolérable. Mais comment ne pas saluer la
puisssance de classe et la virulence de la vision de Babeuf qui puise
sa force
non plus dans le passé mais
dans le
futur ; qui termine avec les antiques conceptions, laissant
les morts
enterrer les morts. Comment, corrélativement, accorder une quelconque
attention
à tous ces pseudo-philosophes et politiciens de l’heure actuelle qui
sont
incapables de comprendre le monde et, même, de l’interpréter. Le roman de leur stupidité
et de leur misère
est déjà écrit dans l’histoire depuis près de deux siècles. Tout
l’existentialisme,
l’inquiétude et l’angoisse de notre monde moderne sont fils de la même
société
que celle dénoncée et vilependée par Babeuf.
La
société bourgeoise est aussi celle du
super-individualisme qui fait de chaque homme un étranger pour l’autre,
ne lui
donnant que deux modalits d’existence : exploiteur ou
exploité. « Qu’est-ce
,en effet, que cette société où
l’on
trouve la solitudé la plus profonde au sein de plusieurs millions d’âmes où l’on peut être pris
d’un désir implacable
de se tuer, sans que qui que ce soit nous devine ? Cette
société n’est pas
une société, elle est, comme le dit Jean-Jacques, un désert habité de
bêtes
féroces…
« En
somme, les rapports entre les
intérêts et les esprits, les véritables relations entre les individus
sont
encore à créer de fond en comble parmi nous,
et le suicide n’est
qu’un des mille et
un symptômes du combat
social général et se développant sans cesse à nouveau, d’où beaucoup de
combattants se retirent parce qu’ils sont fatigués de compter parmi les
victimes ou parce qu’ils se révoltent contre l’idée de prendre une
place
d’honneur parmi les bourreaux » (K. Marx[20]).
Babeuf l’avait bien compris, c’est
pourquoi il proclamait que « dans la société
régénérée […] rien ne pouvait
être motif à se mettre en avant, à se faire valoir, à vouloir dominer.
Il ne
doit y avoir ni haut, ni bas, ni premier, ni dernier… ».[21]
Il
est évident que c’est surtout sur le plan
pratique que Babeuf marque une étape nouvelle, tandis que sur le plan
théorique
il a des intuitions géniales qui prennent racine au sein même de la
lutte du
Quart-État. Nous ne devons pas oublier à quel paroxysme de violence
était
parvenu la société française au cours des années 1793-1795. Dans cette
période
volcanique, certaines positions purent aller au-delà du contenu de la
révolution
bourgeoise. «La révolution française a fait éclore des idées
qui mènent
au-delà des idées de l’ancien état de choses. Le mouvement
révolutionnaire qui
commença en 1789 au Cercle Social, qui eut comme représentants
principaux au milieu
de son évolution, Leclerc et Roux et finit par succomber un instant
avec la
conspiration de Babeuf, avait fait éclore l’idée communiste que
Buonarotti[22],
l’ami de
Babeuf, réintroduisit en France après la révolution de 1830. Cette
idée,
haussée dans ses conséquences logiques, c’est l’idée du nouvel état de
choses» (K. Marx, Œuvres
philosophiques,
éd. Costes, t. II, p. 213).
Babeuf
avait compris que la révolution ne
devait pas s’arrêter à la « hauteur » qu’elle avait
atteinte en 1794,
mais qu’il fallait en faire une autre, la communiste, qui
solutionnerait la
question sociale. « La conspiration de Babeuf, écrite par son ami et compagnon
Buonarotti, montre
comment ces républicains ont pmuisé dans le
« mouvement » l’idée très
nette qu’en se débarassant de la question sociale : monarchie
ou république,
on n’avait encore résolu la moindre question dans le sens du
prolétariat » (K.
Marx, o.c., p. 135).
Ailleurs
K. Marx appelle Babeuf le
fondateur du premier parti communiste agissant « qui se
produit dans le
cadre de la révolution bouorgoise au moment où la mornarchie
constitutionnelle
est mise de côté ». C’est justement sur le plan pratique,
politique, que
se fait l’apport du mouvement ouovrier français, à la théorie marxiste,
intégration de toutes les données de la lutte et de la théorie. C’est
lui qui
donnera les bases de la dictature du prolétariat, parce qu’il en avait
cherché la
réalisation et la définition polittique (Flora Tristan).
Avec
Babeuf, commence réellement le cycle
prolétarien. À partir de lui la fameuse phrase de K. Marx est
valable :
« La révolution du XIXe siècle ne peut
tirer sa poésie du
passé, mais seulement de l’avenir. Elle ne peut commencer avec
elle-même avant
d’avoir liquidé complètement toute superstition à l’égard du passé. Les
révolutions
antérieures avaient besoin de
réminiscences historiques pour se dissimuler à elles-mêmes leur propre
contenu.
La révolution du XIXe doit laisser les morts
enterrer les morts pour
réaliser son propre objet. Autrefois la phrase débordait le contenu,
maintenant
c’est le contenu qui déborde le vase » (K. Marx, Le
l8 Brumaire de Louis
Bonaparte, éd. Sociales, p. 175).
Ceci
se réalisera dans la
période sujivante. Mais, en France, ce fut long, par suite du lent
développement
du capitalisme. En effet,
il ne suffit pas
que l’idée aille au-devant de la réalité, il faut que la réalité aille
au-devant de l’idée (K. Marx). Celle-ci naquit aa XVIIIe,
au moment
de la dissolution de la société féodale. Deux solutions à cette
désintégration,
celle bourgeoise : la communauté fondée sur l’individu privé
et la
nation ; celle prolétarienne : la communauté fondée
sur la propriété
collective et l’homme social, le communisme. C’était une
idée ; les forces
économiques étaient trop faibles pour mettre
la réalité à la hauteur de celle-ci. C’est pourquoi, seul
un faible
détachement, une petite avant-garde put s’opposer à la nouvelle société
bourgeoise : le premier parti communiste agissant, germe de la
future
communauté humaine. Il montrait par là qu’il avait résolu toutes les
questions
de forme d’organisation, puisqu’à un nouveau mode d’exploitation de
l’homme, il
opposait un être impersonnel : la communauté future. Depuis
les forces
économiques se sont tellement accrues que la société communiste est
prisonnière
de celle bourgeoise. Mais la contre-révolultion a chassé l’idée. La
réalité
déborde les théories parce qu’elles ne sont plus, même partiellement, à
sa
hauteur. Seule la lointaine idée émise par Babeuf et devenue, sous
forme du
Programme communiste, le prinicpe vital du parti communiste
internationaliste,
peut l’englober et, leur union, donner société nouvelle. Le cycle du
mouvement
prolétarien sera, alors, achevé.
APPENDICE I
Ce
travail sur le mouvement
ouvrier français fut abordé dès 1959, mais ce qui fut seulement en 1964
que ce
qui précède fut exposé à la réunion de juilet qui eut lieu à Marseille
et fut
publié, avec maintes coupures (censure oblige), dans il
programma comunista n° 4, 5 et 6 de 1965. Il devait se
relier à
l’étude de la «question militaire», où la
Révolution française fut
à nouveau abordée, à celle de la démocratie et enfin à celle de la
formation de
l’État belge où la révolution française fut encore une fois analysée
(cf. la
revue Le fil du temps, n° 1 et 4).
Voici quel en était le plan :
1.
Introduction :
le point d’arrivée.
2.
Le
mouvement ouvrier et la révolution française.
2.1.
La
révolution française dans le cycle de la révolution bourgeoise.
2.2.
Influences
de la révolution française sur le mouvement ouvrier.
2.2.1.
La révolution bourgeoise a
réalisé
toutes ses mesures importantes à la suite de mouvements populaires qui
venaient
imposer leur force à l’assemblée. Ceci a impressionné beaucoup de
révolutionnaires, ce qui les a conduit à la position
suivante : le mouvement
politique d’une élite serait suffisant pour arriver 1° à mobiliser de
larges
masses, 2° à transformer la société grâce à l’aide ce smasses opérantes
surtout
après le « coup de main ». C’est là l’essence du
blanquisme qui
théorisa la nécessité de la dictature du prolétariat. Bien que se
démarquant
nettement de la théorie bourgeoise, le blanquisme tend, en définitive,
à
compléter la révolution bourgeoise et ne parvient pas réellement à
penser la
nouvelle révolution. Ainsi il est arrivé au moment ouvrier français,
blanquiste
à l’origine, la même mésaventure qu’aux jacobins.
« Robespierre,
Saint-Just
et leur parti succombèrent parce qu’ils confondirent l’antique Communauté (Gemeinwesen) réaliste
démocratique qui repose sur l’esclavage
effectif, avec l’Etat représentatif
spiritualiste démocratique moderne. Quelle colossale illusion[23]
que de devoir reconnaître et sanctionner dans les droits
de l’Homme la société bourgeoise moderne, la société de
l’industrie, de la concurrence générale, des intérêts privés
poursuivant
librement leurs buts, l’anarchie et, en même temps, d’annuler chez
certains
individus les manifestations vitales de
cette société et de vouloir éduquer à la manière antique la tête
politique de
cette société.
Cette
illusion se manifeste (erscheint)
tragiquement quand Saint-Just le jour de son exécution montrant le
grand
tableau des droits de l’Homme accroché
dans la salle de la Conciergerie déclara : « C’est
pourtant moi qui
ait fait cela ». Ce tableau proclamait justement le droit d’un homme
qui ne
peut pas être l’homme de la communauté (Gemeinwesen) antique, pas plus
que les
rapports industriels, économiques actuels ne peuvent être ceux de la
société
antique » (Marx-Engels, La Sainte
Famille, éd. Costes, in Œuvres
philosophiques, t. 2, p. 218-219).
L’autre
caractère du Blanquisme
ce fut la surestimation de la politique (cf. Marx : le roi de
Prusse et la
réforme sociale. Par un prussien., Invariance, série I, n° 5, pp. 97 et
100, ou
Marx-Engels, Textes de 1842-47, pp.
81 et 86-87, Spartacus n° 33. On a déjà cité ce passage dans
Invariance, série
I, n° 1, p. 39).
2.2.2.
La position des blanquistes
était : il faut réaliser la vraie égalité et, pour cela, une
autre
révolution est nécessaire. En revanche les républicains et plus tard
les
radicaux pensaient qu’il suffisait simplement de compléter 93. C’est
pourquoi
sont-ils partisans de réformes, habiles manœuvriers pour utiliser la
force
prolétarienne afin de faire triompher leurs revendications. Ils eurent
une
influence néfaste sur la classe ouvrière par l’intermédiaire de la
franc-maçonnerie, la ligue des droits de l’homme, la libre-pensée et
tout le
mouvement laïcs en général. Pour eux, il fallait éduquer l’homme selon
les
principes d’une société meilleure avant de pouvoir faire une
transformation de
la société en place. Mythe de la culture.
Ces
éléments se rattachent aux
matérialistes du XVIII° siècle et par là on comprend – en dehors de ce
qui
précède – qu’ils purent avoir une influence sur le mouvement
prolétarien.
« Point n’est besoin d’une grande perspicacité pour reconnaître en quoi les théories du matérialisme au sujet de la bonté originelle et de l’égale intelligence des hommes, sur la toute-puissance de l’expérience, de l’habitude, de l’éducation, sur l’influence des conditions extérieures sur les hommes, sur la haute importance de l’industrie et le bien-fondé de la jouissance, etc., se rattachent nécessairement au communisme et au socialisme. Si l’homme tire toute connaissance, sentiment, etc., du monde sensible et de l’expérience dans ce monde, il importe alors d’organiser le monde empirique de telle façon que l’homme y apprenne le véritable humain, et s’accoutume à s’y éprouver en tant qu’homme. Si l’intérêt bien compris est le principe de toute morale, il importe que l’intérêt particulier del ‘homme se confonde avec l’intérêt humain. Si l’homme est non libre, dans le sens matérialiste du mot, c’est-à-dire s’il est libre non par la force négative d’éviter ceci ou cela, mais par la force positive de faire valoir sa propre individualité, il ne convient pas de châtier les crimes dans l’individu, mais de détruire les endroits anti-sociaux où naissent les crimes, et de donner à chacun l’espace dont il a besoin dans la société pour la manifestation essentielle de sa vie. Si l’homme est formé par les circonstances, il faut former les circonstances humainement. Si l’homme est, par nature, sociable, il ne développe sa véritable nature que
Ensuite il entérine les formes antérieures d’existence du capital ce qui contredit: «Ainsi, le capital aurait existé dans toutes les formes de société, ce qui est parfaitement non historique.» Fdts. T.1, p. 204.G. 169.
Ce qui accomune, apparente divers phénomènes c’est une forme amenant à les confondre, engendrant ou, plus précisément, réactivant la confusion chez celui qui les étudie.
dans
la
société, et la force de sa nature doit se mesurer non par la force de
l’individu particulier, mais par la force de la société » (La Sainte-Famille, in Œuvres
philosophiques, t. II, éd.
Costes, p. 234-235).
Les
républicains et les jacobins
n’allèrent jamais jusqu’au bout de l’exposition des conséquences des
affirmations des matérialistes francais ; ils se contentèrent
d’être des
humanitaires. Vers la fin du siècle ils se
« revigorèrent » en
pillant dans le programme socialiste un très grand nombre de
points ; ce
fut le radical-socialisme qui est une première
« adaptation » de la
théorie bourgeoise à l’existence du prolétariat. L’adaptation du
capital au
prolétariat sera le fascisme.
Réciproquement
les éléments dits
socialistes furent à leur tour influencés par ces radicaux et on eut le
socialisme
humanitaire à la Jaurès.
2.2.3.Un
autre lot de théoriciens percevaient effectivement l’importance du
mouvement des masses dans la révolution française, mais ils décelaient
en
celle-ci une infirmité, une déviation : elle a asphyxié
l’individu. Le
courant anarchiste représenté par Stirner se rattache dans une certaine
mesure
à Sylvain Maréchal, même s’il n’y a pas filiation directe, il y a même
« problématique ».
2.2.4.Les
principes mis en avant par la révolution sont les principes
fondamentaux émanant de la nature humaine éternelle ;
cependant le
développement du capital est venu perturber le mouvement
économique ; il
est cause d’une inégalité, d’une injustice. D’où pour Proudhon, il faut
réaliser la justice (autre variante d’anarchisme). A remarquer que,
comme
Robespierre, Proudhon a besoin d’un intermédiaire, équivalent général
qui est
une valeur morale : vertu chez l’un, justice chez l’autre.
2.2.5. La
position « réflexive » du marxisme – postérieure aux
autres –
se fonde sur une étude de tout le mouvement plébéien et en particulier
l’hébertisme qui n’a pas été assez étudié dans les pages qui précèdent,
et le
babouvisme. La révolution de 89 a réussi, c’est une révolution
bourgeoise.
« Je
t’ai conseillé de travailler le
« Cloots »
d’Avenel[24]
pour les raisons suivantes :
Selon
mon avis (et celui de
Marx) le livre contient le premier exposé juste, basé sur des
recherches
d’archives, en ce qui concerne spécialement l’époque
critique de la révolution française, notamment la période du
10 août au 9 thermidor.
La
Commune parisienne et Cloots
étaient pour la guerre de propagande en tant qu’unique moyen de salut,
pendant
que le comité de salut public jouaient aux hommes d’Etat, avait peur de
la
coalition européenne et cherchait la paix par l’entremise de la division des coalisés. Danton voulait la
paix avec l’Angleterre, c’est-à-dire avec Fox et l’opposition anglaise
qui
espéraient parvenir au pouvoir lors des élections. Robespierre
trafiquait à
Bâle avec l’Autriche et la Prusse et voulait s’arranger avec elles. Tous deux s’unirent contre la
Commune, pour abattre avant tout les gens qui voulaient la guerre de
propagande
et la républicanisation de l’Europe. Ils réussirent : la
Commune (Hébert,
Cloots, etc.) fut décapitée. Mais à partir de ce moment la paix devint
impossible entre ceux qui voulaient faire la paix avec la seule
Angleterre et ceux
qui voulaient la faire avec les seules puissances allemades. Les
élections
anglaises furent à l’avantage
de Pitt.
Fox fut exclu du gouvernement pour des années, ce qui ruina la position
de
Danton ; Robespierre triompha et le fit guillotiner. Mais – et
c’est ce
point qu’Avenel n’a pas suffisamment souligné
– tandis que le règne de la terreur fut poussé jusqu’à la folie parce
qu’elle
était nécessaire pour maintenir Robespierre au pouvoir dans les
circonstances
existant à l’intérieur, elle devint tout à fait superflue à la suite de
la
victoire de Fleurus, le 26 juin 1794, qui libéra non seulement les
frontières
mais livra à la France la Belgique et indirectement la rive gauche du
Rhin. Dès
lors Robespierre devenait lui aussi superflu. Il tomba le 28 juillet.
Toute
la révolution française
est dominée par la guerre de coalition, toutes ses pulsations en
dépendent.
L’armée de la coalition pénètre-t-elle en France, alors il y a
prédominance des
tensions, le cœur bat violemment : il y a crise
révolutionnaire. L’armée
de coalition recule-t-elle, il y a prédominance du relâchement, le cœur
bat
moins vite, les éléments réactionnaires se pressent sur
l’avant-scène ;
les plébéiens – débuts de ce uqe sera plus tard le prolétariat – dont
l’énergie
seule a sauvé la révolution, seront ramenés à l’ordre et à la raison.
Le
tragique, c’est que le parti
de la guerre à outrance, de la guerre de libération des peuples eut
finalement
le dernier mot et que la république vint à bout de l’Europe entière,
mais
seulement après que ce parti eut été depuis longtemps décapité et qu’au
lieu de
la guerre de propagande vint la paix de Bâle et l’orgie bourgeoise du
directoire » Engels à Adler, 04-12-1889.
Remarque :
le
mouvement anarchiste a en commun avec le blanquisme le culte de la
volonté :
la méthode des attentats pour réveiller la spontanéité des masses (cf.
en
France fin du XIX° siècle, en Russie, etc.) ; avec les
bourgeois, le mythe
de l’éduction mais ici c’est pour entretenir la spontanéité ou la
réveiller.
Variante : le populisme russe et le vaste « populisme
de type
maoïste » actuel.
Cependant
les anarchistes
convergèrent avec les marxistes dans la compréhension de l’importance
de
l’organisation, ex. : les anarcho-syndicalistes ;
d’autres cherchent
une synthèse entre communisme et anarchisme : le communisme
libertaire,
l’anarcho-communisme.
Dans
tous les cas, l’anarchisme
est un syncrétisme.
2.2.6. Un aspect tout à fait
négatif de
l’influence de la révolution française c’est la glorification de la
grande
nation et de la république comme mieux en soi.
« La
république est la
forme politique nécessaire de l’affranchissement prolétarien. A tout
prix elle
doit être conservée. C’est l’impuissance, ce sont les crimes de nos
soits-disants républicains (donc ce ne sont pas les institutions) qui
l’ont
compromise et l’exposent à l’assaut des monarchistes conjurés et
masqués. C’est
leur détestable politique qui a crée le péril boulangiste »,
Guesde-Lafargue-Deville.
Corollaire
à une
telle déclaration : possibilité toujours renouvelée d’un
retour du
féodalisme !
La
grande nation
était exaltée en tant que modèle pour les autres nations. Mieux, chez
le jeune
Lafargue, la question des nationalités était résolue. Au fond, toutes
les
nations allaient être absorbées dans la France qui avait enfin
découvert les
principes de l’émancipation humaine. Déjà Marx, dans sa correspondance
(cf.
tome IX, éd. Costes, pp. 74-75) raconte comment il avait ridiculisé
cette
prétention française ! Engels devra de même combattre ce
blanquisme chez
Lafargue mûr :
« Vous avez encore
parfaitement raison en
vous glorifiant du passé révolutionnaire de la France, et de croire que
ce
passé révolutionnaire répondra de son avenir socialiste. Mais il me
paraît que,
arrivés là, vous donnez un peu trop dans le blanquisme, c’est-à-dire
dans la
théorie que la France est destinée à jouer dans la révolution
bourgeoise de
1789-98. Cela est contraire aux faits économiques et politiques
d’aujourd’hui » (Correspondance
Engels-Lafargue, éd. Sociales, tome III, p. 293).
« Vouloir attribuer
à la France dans
l’avenir le même rôle, c’est dénaturer le mouvement prolétarien
international,
c’est même, comme le font les blanquistes, rendre la France ridicule,
car
au-delà de vos frontières on se moque de ces prétentions » (ibid., p. 293).
« L’émancipation
prolétarienne ne peut
être qu’un fait international, si vous tâchez d’en faire un fait
simplement
français, vous la rendez impossible » (ibid.).
Remarque :
la question du centre de la révolution a donné
lieu après 45 à toutes sortes d’élucubrations qui atteignirent le
niveau de
ridicule des socialistes français. La prévision du centre
révolutionnaire est
un problème théorique. L’affirmation des socialistes du siècle passé
comme
celle des trotskystes sur le tiers-monde centre révolutionnaire
traduisent leur
totale vacuité théorique.
Ceci
vaut aussi
pour le débat au sein de la Gauche. Après le débat sur la nature de
l’URSS, celui
sur le centre révolutionnaire, le foyer de la révolution, donna lieu à
plusieurs errances. D’un point de vue global, on peut dire que les
faits ont
montré l’erreur de placer l’Allemagne comme centre révolutionnaire de
la
révolution prolétarienne future. L’étude théorique le montrerait tout
aussi
clairement. Le centre est désormais aux E.U[25].
De
cette
exaltation de la grande nation et de la république comme mieux en soi,
on passa
au chauvinisme pur et simple. Ce fut le cas pour Blanqui lors de la
guerre de
1870. Lafargue, Guesde, etc., le justifièrent au nom de
l’internationalisme
prolétarien : « En criant vive l’Internationale !
Ils crient vive la France du
travail !
« Et
maintenant que nous avons établi comment, loin de s’exclure patriotisme
et
internationalisme ne sont que deux formes, se complétant, du même amour
de
l’humanité, nous répétons bien haut, à la face de nos
calomniateurs… » (Ibid., p.
291).
Et
c’est
évidemment l’humanitaire Jaurès qui couronnera le tout en théorisant la
nécessité de la patrie et en tentant de réfuter le Manifeste :
« Le prolétariat
n’est donc pas hors de
la patrie. Quand le Manifeste Communiste de
Marx et d’Engels prononçait en 1847 la fameuse phrase si souvent
répétée et
exploitée en tous sens : « les ouvriers n’ont pas de
patrie »,
ce n’était qu’une boutade passionnée, une réplique toute paradoxale, et
d’ailleurs malencontreuse, à la polémique des patriotes bourgeois qui
dénonçaient le communisme comme destructeur de la patrie » (J.
Jaurès, L’armée nouvelle, éd.
10/18, p. 254).
En
1924, Bordiga
disait que le fascisme n’avait pas créé de théorie. Il faudrait
préciser:
le fascisme n’eut pas besoin d’élaborer une théorie parce que celle-ci
avait
été déjà produite par les divers socialistes nationaux.
Exaltation
de la
patrie liée au terroir et presque à l’Urmensch.
« Elle tient par
ses racines au fond même
de la vie humaine et, si l’on peut dire, à la physiologie de
l’homme » (p.
268).
« Figer
l’État,
c’est supprimer l’espérance, c’est supprimer l’action. Non, l’État
démocratique
d’aujourd’hui n’est pas un bloc homogène et d’un seul métal, ce n’est
pas une
idole monstrueuse et impénétrable qui, de son poids toujours égal et de
son
ombre immobile, opprime uniformément les générations jusqu’à l’heure où
les
prosternés se rebellant soudain, le renversent d’un coup » (Ibid., p. 253).
Exaltation
du
travail. « … qu’il [le socialisme, n.d.r.]
noue avec les prolétaires de tous les pays des relations
internationales
toujours plus étroites et institue ainsi pratiquement un commencement
d’humanité ouvrière capable de mettre un peu d’ordre et d’équité dans
le chaos
des rivalités nationales […] créant le libre consentement des patries
historiques, une patrie sociale du travail » (Ibid.,
pp. 48-50).
Plus
loin il parle
de l’humanité du droit et du travail.
« Le seul rôle
social que la France
puisse remplir dans le monde […] c’est d’aider, en France même, par
toutes les
forces de la démocratie républicaine, à l’avènement du travail
conquérant enfin
la propriété » (p. 60).
Remarque : Dans la
rédaction définitive de cette étude, on aurait suivi le comportement
théorique
de Marx qui est d’indiquer d’abord la possibilité de manifestation d’un
phénomène (ainsi la possibilité des crises indiquées dès le chapitre
III du
Livre I du Capital) pour ensuite
étudier l’effectivité de ce phénomène (ce travail ne fut pas
terminé :
voir par exemple ce qu’il y a dans le Livre IV lorsque Marx traite de
Ricardo).
En conséquence, le devenir national-socialiste des théoriciens eut été
abordé
dans le point 8.
Dans
ce résumé nos
avons adopté un autre comportement afin de montrer immédiatement
l’importance
de certaines affirmations.
2.2.7. De façon tout à
fait générale on peut dire que l’influence négative de la révolution
française
sur le mouvement ouvrier consiste à avoir accrédité la théorie de
l’émancipation progressive. De la lutte pour la révolution on est passé
à celle
pour les réformes ; on s’accommode de la révolution par le
haut et
finalement certains socialistes considèrent la société des nations,
puis l’ONU
avec sa déclaration des droits, comme une conquête décisive même pour
le
prolétariat.
3.
La
période de recul 1815 – 1830.
3.1.Le
mouvement de recul et le mouvement du prolétariat.
3.2.Les
utopistes : éducation, émulation, anticipation.
4.L’organisation
du prolétariat 1830 – 1848.
4.1.L’importance
de l’idée d’organisation autonome du
prolétariat.
L’unité
ouvrière
de Flora Tristan.
4.2.
Le
mutualisme de Proudhon.
À
noter un
caractère important : à partir de 1840 le mouvement ouvrier
français se
lie avec celui des autres pays. Sur le plan théorique, influence de la
théorie
babouviste sur le chartisme (Bronterre) et influence de ce dernier
ainsi que
l’owenisme sur les ouvriers français, par l’intermédiaire de Cabet et
de
Leroux. Sur le plan organisationnel, il y a tentative de formation de
diverses
organisations internationales, jusqu’à la formation de la Ligue des
communistes.
Parallèlement, il y a séparation entre républicains et ouvriers.
5.
La
révolution de 1848.
6.
Période
de 1850 à 1871.
6.1.
Le
recul du mouvement ouvrier puis la reprise à partir de
la crise de 1857.
Formation
du parti
blanquiste. Il est nécessaire de mettre en évidence l’apport de Blanqui
souvent
« calomnié » parce que jugé au travers de stéréotypes
(ceci ne doit
pas conduire à voiler sa tare : son chauvinisme pour la grande
nation –
cf. ci-dessus). Dans ce but, quelques citations :
« Vers 1859, il
faut, dit-il, créer le
parti socialiste de la masse la plus révolutionnaire qui se trouverait
ainsi le
seul organisé, à l’état actif et militant ». Le moment était
des plus
difficiles. « La politique, à mon sens, va de mal en pis.
L’aplatissement
ne fait que croître et embellir. On se croyait au fond du fossé, on
s’aperçoit
que l’on peut tomber plus bas encore… La bourse est en rut ;
elle monte
comme une marée d’équinoxe, saluant de ses cris de joie l’écrasement de
la
révolution ».
Les
situations de
recul engendrent la stupidité : « Tout est en
complète décomposition.
Vous ne pouvez vous imaginez dans quel état de platitude, de couardise,
de
pourriture les gens sont tombés. Il n’y a plus trace d’hommes. Ceux qui
ne sont
pas gangrenés sont stupides ». Même difficulté de se faire
entendre :
« Les vaincus ennuient et incommodent. Ils ne comptent
pas ». « Tout ce qui parle, tout ce qui
écrit est notre
ennemi ».
Le
mouvement ne
pourra se reconstruire en utilisant le parlement. « Le peuple
a renoncé à
l’action qui n’est plus dans son tempérament et jeté les cartouches
pour
prendre les bulletins. Son héroïsme ne dépasse pas le petit morceau de
papier à
mettre dans l’urne ». Or les élections ne résolvent
rien : « La
force ne s’est pas déplacée. Elle est toujours dans les mêmes mains et
ne fait
pas mine d’en sortir. Or, il n’y a d’autre force que la
force ».
« Tous les bulletins de France et de Navarre ne pèsent pas un
grain de
poudre… ».
Aux
alentours de
1865, l’agitation se développe dans les milieux estudiantins ;
de plus, le
« droit de coalition » avait été reconnu à la classe
ouvrière le 25
mai 1864 bien que la loi limita le droit de grève. Blanqui critiqua
cette
limitation :
« On veut parquer
l’ouvrier dans son
individualité, d’atome, lui interdire tout concert, pour la protection
de ses
intérêts… on prétend l’isoler dans son impuissance individuelle… Aces
brins
d’herbe isolés qui se courbent et jaunissent sous le vent, on ne permet
pas de
se serrer en faisceau contre la tempête ».
À
l’encontre de
Proudhon, Blanqui revendiquait la grève comme moyen de lutte :
« La
grève est la seule arme vraiment populaire dans la lutte contre le
capital ».
Blanqui
ne se fait
aucune illusion sur le principe démocratique et fait confiance à la
dictature
de classe : « Lorsque la contre-révolution a seule la
parole depuis
cinquante ans, est-ce donc trop de l’accorder une année à la liberté,
qui ne
réclame que la moitié de la tribune et ne mettra pas, elle, la main sur
la
bouche de son adversaire ? »
« Dictature
parisienne.
L’appel
précipité
au suffrage universel en 1848 fut une trahison réfléchie. On savait
que, par le
bâillonnement de la presse depuis le 18 Brumaire, la province était
devenue la
proie du clergé, du fonctionnarisme et des aristocrates. Demander un
vote à ces
populations asservies, c’était le demander à leurs maîtres ».
« En 1848, les
républicains, oubliant
cinquante années de persécutions, ont accordé liberté pleine et entière
à leurs
ennemis… »
« Quelle
fut
la réponse ? L’extermination. Affaire réglée. Le jour où le
bâillon
sortira de la bouche du travail, se sera pour entrer dans celle du
capital ».
« Un
an de
dictature parisienne en 48 aurait épargné à la France et à l’histoire
le quart
de siècle qui touche à son terme ».
Cette
leçon ne fut
pas perdue. Les bolcheviks n’hésitèrent pas à disperser l’assemblée
constituante.
Critique
de ceux
qui veulent savoir ce qu’est le communisme avant de s’engager, et ce,
dans les
moindres détails. Critique de ceux qui veulent qu’on résolve leurs
problèmes
sans mettre en cause leur être actuel.
« C’est une chose
réjouissante, quand on
discute communisme, comme les terreurs de l’adversaire le portent
d’instinct
sur ce meuble fatal. « Qui videra le pot de
chambre ? »
C’est toujours le premier cri. « Qui videra mon
pot de chambre ? » veut-il dire, au fond.
Mais il est
trop avisé pour user du pronom possessif, et, généreusement, il
consacre ses
alarmes à la postérité ».
Quelle
justesse.
Nous ne pouvons accepter que les hommes qui sont d’accord pour jeter le
pot à
la figure de notre adversaire de classe. Ce qui nous préoccupe c’est de
nous
débarrasser de la merde actuelle qui est le capitalisme et tous ses
suppôts : staliniens, philanthropes, gauchistes, philosophes,
etc. Nous ne
voulons plus qu’ils se tiennent mutuellement le pot à merde. Nous
voulons
libérer l’humanité de ces excréments !
Enfin,
ce qui est
important c’est l’organisation de la lutte. La théorie des combats de
rue, les
barricades. Seuls les marxistes ont englobé ces données dans leur
théorie
révolutionnaire : l’insurrection est un art.
« Le devoir d’un
révolutionnaire, c’est
la lutte toujours, la lutte quand même, la lutte jusqu’à
l’extinction ».
Dans
le même ordre
de pensée il y a le fameux « toast » que nous avons
publié dans Invariance, n° 1,
1968, p. 56, mais pas
dans les rééditions successives [26]
Déjà
en 1831 il
avait écrit : « en fait de liberté, il ne faut pas
attendre, il faut
prendre ». « L’insurrection est une œuvre pratique
qui exige une
technique qu’il faut savoir ».
Blanqui
n’est indulgent
ni envers les autres ni envers lui-même. Il déclarait :
« Quand on se
mêle de politique sérieuse, on ne doit pas se laisser
surprendre »[27].
Il
déclarait cela
avant tout pour lui-même. De même après l’échec de la Villette en 1870,
il
dira, après avoir fait une analyse des causes et envisagé les facteurs
défavorables ayant pu intervenir : celui qui se trompe est un
traître.
Ce
n’est donc pas
faire injure à Lénine d’affirmer qu’il fut plus blanquiste que
marxiste.
D’ailleurs en un certain sens, à un moment donné, Marx aussi le fut
(c’est le
grand reproche que lui fait Bernstein, qui considère qu’il y a coupure
dans
l’œuvre de Marx entre celui blanquiste adepte de la dictature du
prolétariat et
le Marx adulte partisan de la démocratie[28]),
dans la mesure où il reconnaissait que le mouvement réel était
blanquiste (le
parti formel d’alors) : « le prolétariat
se groupe de plus en plus autour du socialisme
révolutionnaire, autour du communisme
pour lequel la bourgeoisie elle-même a inventé le nom de Blanqui »
(Les luttes de
classes en France, éd. Sociales, pp. 114-115).
6.2.La
fondation de l’AIT et importance des internationaux en
France à la veille de la Commune.
7.
La Commune.
Nous
nous
contenterons de rappeler un double jugement de Marx sur la Commune,
afin de
montrer l’insuffisance de la plupart des analyses de celle-ci.
D’une
part, il
écrit : « La Commune fut le fait le plus glorieux de
notre parti
depuis 1848 » ; d’autre part, il a affirmé que la
Commune n’était pas
fille de l’Internationale. Ces deux positions ne peuvent s’expliquer
qu’en
fonction de la distinction entre parti historique et parti formel.
D’autre
part, les travaux historiques récents ont mis en évidence le rôle
important
qu’eurent les internationaux dans la période qui précéda la Commune.
8.
Période de 1871 à
1914.
8.1.
L’impossibilité
d’un développement d’un parti
« marxiste » en France.
8.2.
Le
mouvement anarcho-syndicaliste.
8.3. Le
socialisme réformiste et l’idéologie
« national-socialiste ».
9.
Le désastre de
1914 et l’influence de la révolution russe sur le mouvement ouvrier.
9.1.
Le
désastre de 1914.
Les
quelques
citations rapportées au point 2.2.6. témoignent à suffisance de
l’absence de
position révolutionnaire des divers chefs du socialisme en France. En
conséquence expliquer leur prise de position en 14 en faveur de l’union
sacrée
par une trahison soudaine du socialisme est totalement insuffisant.
Cette
insuffisance n’est pas une entorse à la « vérité »
historique, mais
elle est un obstacle à la réappropriation de la théorie. Si on ne
comprend pas
que la théorie du prolétariat fut niée par les chefs socialistes dès la
fin du
XIX° (ce qui implique que le prolétariat lui-même – pour des causes
qu’il n’est
pas possible d’étudier ici – n’était pas révolutionnaire[29]),
on ne comprend pas simultanément l’immensité de la tâche historique
nécessaire
pour jeter par-dessus bord tous les apports des socialistes, et rejeter
les
explications des bolcheviks car, étant insuffisantes, elles participent
à la
négation de la théorie.
9.2.
La
mascarade de la formation du P.C. section de
l’Internationale communiste.
9.3.
Le
front populaire et les différentes périodes du
stalinisme français.
10.
La
guerre de
39-45.
11. Remarques
sur
le mouvement ouvrier après la guerre.
APPENDICE II
Cette
étude du mouvement ouvrier français avait surtout deux objectifs
essentiels : mettre en évidence la question de la communauté,
montrer que
les révolutions anti-coloniales dont le cycle venait à peine de
s’accomplir
étaient bien des révolutions bourgeoises (cf. Invariance,
série I, n° 6, Thèse 3).
La
question de la communauté avait déjà été abordée dans Origine
et fonction de la forme parti, 1961
(cf. Invariance, série I, n° 1),
dans
La mystfication démocratique (réunion
de Paris – juillet 1963) et enfin dans l’étude sur le VI° chapitre
terminée fin
1966 (cf. Invariance, série I, n°
2).
Cependant étant donné l’inachèvement de ce travail un aspect important
de
l’histoire du mouvement ouvrier n’a pas été exposée. Elle est
directement en
liaison avec la mystification démocratique. Il s’agit de la formation
de la
communauté matérielle et de l’action du prolétariat au moment de la
réalisation
de celle-ci.
Lorsque
le capital se fut assez développé pour remplacer les antiques
présuppositions naturelles et sociales, il fit éclater les institutions
qui
avaient constitué le peuple (même si celui-ci était divisé en classes
antagonistes) et fourni la base de l’Etat. Ce
phénomène se produisit dès la fin de la guerre de 14-18 en
Allemagne et
se répèta dans différentes pays depuis lors. En Allemagne dans les
années 20 le
mouvement du capital provoqua une croissance importante des nouvelles
classes
moyennes, couches sociales non réductibles au prolétariat classique, ni
à la
classe bourgeoise, ni à la vieille classes moyenne, mais participant du
prolétariat parce que salarié et de la classe moyenne du fait d’être
situé
entre le prolétariat et le capital. Cette nouvelle couche sociale fut,
une fois
que le prolétariat eut été battu, un des éléments fondamentaux pour le
triomphe
du fascisme qui proposait une solution organisationnelle à la crise que
traversait le monde capitaliste (dont la phase aiguë affectait
l’Allemagne). Le
fascisme proposait à nouveau la nation en tant que communauté, en la
définissant Volksgemeinschaft et en tendant à lui donner racines
profondes dans
la race et le terroir. Aux déracinés, déboussolés de cette époque, une
telle
solution pouvait paraître valable. Elle fut acceptée par les nouvelles
classes
moyennes comme par la grande majorité du prolétariat allemand.
Cependant ici
encore la méprise dont Marx parle pour la révolution de 89 se
produisit. Les
théoriciens « gauchistes » du fascisme[30]
qui exprimaient les aspirations du mouvement des masses, présentaient
le
fascisme comme une vraie révolution populaire devant abolir le
capitalisme
alors qu’en fait la communauté dont ils parlaient n’était qu’une
illusion qui
masquait le développement de la communauté matérielle, celle du capital
sur
l’ensemble social. Même méprise, même fin : la mort (la nuit
des longs
couteaux). Le même phénomène se produisit avec moins d’ampleur en
Italie et
dans une mesure beaucoup moindre en Espagne. Dans ce pays, le capital
n’était
pas encore au stade de se constituer en communauté.
La
domination réelle du capital ne peut se réaliser que par la médiation
de la domination du travail productif, donc du prolétariat en tant que
capital
variable[31].
C’est la mystification de la domination du prolétariat classe
dominante. Dès
lors le cycle du mouvement ouvrier commencé sous la révolution
française est
bel et bien fini. Même le prolétariat ne pourra plus penser uniquement
dans le
mode politique. Seuls les excréments du mouvement ouvrier tel que le
trotskysme
ou le parti communiste international peuvent encore se mouvoir dans la
sphère
politique, sphère opaque qui les empêche de constater leur inadéquation
à la
réalité du mouvement révolutionnaire.D’autre part, la
« méprise »
vaut aussi pour les groupuscules qui font l’apologie du travail sans se
rendre
compte que c’est faire l’apologie du capital.
Au
sein de ce cycle il y eut un moment d’une importance
particulière : la Commune de Paris. Beaucoup d’auteurs
affirment que Marx
a contribué à la création de son mythe, comme à celui du prolétariat.
Cependant
une lecture attentive de La guerre civile
en France suffit à lever tout soupçon. Le passage extrait du
« Premier
extrait de rédaction » (éd. Sociales, pp.215-216) confirme
notre
affirmation.
« Telle est la Commune – forme
politique de l’émancipation sociale, de la libération du
travail à l’égard de l’usurpation (l’esclavage) de ceux qui
monopolisent les
instruments de travail, créés par les travailleurs eux-mêmes ou
constituant un
don de la nature. Tout comme l’appareil d’Etat et le parlementarisme ne
sont
pas la vie véritable des classes dominantes, mais ne sont que les
organismes
généraux de leur domination, les garanties politiques, les formes et
les
expressions du vieil ordre de choses ; de même, la Commune
n’est pas le
mouvement social de la classe ouvrière, et par suite, elle n’est pas le
mouvement d’une régénération universelle de l’humanité, mais seulement
son
moyen d’action organisé. La Commune n’élimine pas la lutte de classe
par
lesquelles la classe ouvrière s’efforce de supprimer toutes les classes
et, par
suite, toute domination de classe (parce qu’elle ne représente pas un
intérêt
particulier. Elle représente la libération du
« travail »,
c’est-à-dire la libération des conditions fondamentales et naturelles
de toute
vie individuelle et sociale, que seule l’usurpation, la fraude et de
sruses
artificieuses permettent à la minorité de confisquer à la majorité),
mais elle
crée le stade intermédiaire rationnel dans lequel cette lutte de
classes peut
passer par ses différentes phases de façon plus rationnelle et la plus
humaine.
La Commune peut susciter des réactions violentes et des révolutions
tout aussi
violentes. Elle commence l’émancipation
du travail, son grand but : elle élimine les racines
du mal qui livre
une immense partie du revenu national à la nourriture du monstre
étatique en
supprimant d’une part l’activité improductive et malfaisante des
parasites de
l’Etat, d’autre part en accomplissant l’œuvre rélle de l’administration
locale
et nationale au moyen de salaires d’ouvriers. Elle débute donc pas une
immense
épargne, par une réfome économique aussi bien que par une
transformation
politique ».
« L’organisation
communale une
fois fermement établie à l’échelle nationale, les catastrophes qu’elle
aurait
peut-être encore à subir seraient des rébellions sporadiques
d’esclavagistes
qui, en interrompant certes momentanément l’eouvre de progrès
pacifique, ne
feraient qu’accélérer le mouvement, en armant le bras de la révolution
sociale ».
« La
classe ouvrière sait qu’elle doit passer par différentes phases
de la lutte des classes. Elle sait que le remplacement des conditions
économiques de l’esclavage du travail par les conditions du travail
libre et
associé (transformation économique) ne peut être que l’œuvre
progressive du
temps ; elle sait que cette transformation n’exige pas
seulement un changement
(Veränderung) de la distribution, mais encore une nouvelle organisation
de la
production ou mieux letravail organisé actuel (Befreiung – Freisetzung)
des
formes sociales de production dans le travail organisé actuel (engendré
par
l’industrie actuelle) des liens de l’esclavagve, de leur caractère de
classe
actuel et en les coordonnant de façon harmonieuse nationalement et
internationalement. La classe ouvrière sait que cette œuvre de
régénération
sera sans cesse ralentie et entravée par la résistance des intérêts
traditionnels et les égoïsmes de classe. Elle sait que l’actuelle
« action
spontanée des lois naturelle du capital et de la propriété
foncière » ne
peut être remplacée par « l’action des lois de l’économie
sociale du
travail libre et associé » qu’à la suite d’un long processus
de
développement des conditions nouvelles, tout comme furent remplaçées
« l’action spontanée des lois économiques de
l’esclavage » et
« l’action spontanée des lois économiques du
servage ». Mais elle
sait en même temps qu’on peut réaliser de grands pas grâce à la forme
communale
d’organisation politique et que le moment est venu de commencer ce
mouvement
pour elle-même et pour l’humanité ».
Cette
longue citation met nettement en évidence ce que pouvait être une
révolution communiste en domination formelle du capital. La Commune est
une
forme politique de l’émancipation sociale ; ce qui veut dire
que les
classes ne sont pas supprimées mais que la direction politique est
assurée par
la classe travailleuse, le prolétariat. L’émancipation du travail
implique
simultanément le développement des forces productives et le prolétariat
doit
diriger cela dans l’intérêt même de la classe qui travaille en
détruisant celle
qui s’approprie le produit du travail d’autrui.
La
Commune finit la période où le prolétariat peut penser dans la forme
politique. C’est une ultime tentative du prolétariat français pour
accélérer le
développement économique et social – comme il l’avait fait en 1794 où,
comme le
dit Mars, il prit momentanément le pouvoir – et, pour ce faire,
utiliser les
mécanismes politiques. Même en réunissant le pouvoir exécutif au
pouvoir
législatif, la Commune ne supprimait pas la politique mais la réalisait
définitivement.
Désormais,
capital et travail unis forment la communauté matérielle. La
seule action révolutionnaire du prolétariat est désormais de se
détruire. Il ne
peut le faire qu’en impulsant la formation de la communauté humaine qui
naît
au-delà de la politique comme de l’économie (mais qui ne peut exister
qu’à la
suite d’un certain développement des forces productives) parce qu’elle
ne peut
se réaliser qu’à partir de fondements humains, c’est-à-dire à partir de
l’homme
socialisé qui prend en charge l’ensemble automatisé – le nouvel être
inorganique de l’homme – qui apparaît pour le moment en tant que
capital. C’est
à partir de là que l’être humain individuel, l’homme social, pourra
s’épanouir.
La
Commune est un moment du passé. Toute tentative de la faire revivre ou
de réaliser ce que sa courte existence ne put accomplir, conduirait à
enfermer
le prolétariat dans la sphère d’activité du capital qui, lui aussi, à
sa façon,
a unifié exécutif et législatif.
La
Commune anticipa. Le mouvement ouvrier entre 1871 et 1917, au
contraire, se développa à un rythme normal, puis recula par rapport à
l’A.I.T.
Ce recul fut lié à la perspective que l’utilisation de la démocratie
pourrait
permettre au prolétariat de se reconstituer (ceci surtout dans le cas
de la
France) et qu’il pourrait, à l’abri des lois démocratiques, éviter
toute provocation
et préparer son nouvel assaut. En fait, la participation au parlement,
l’acceptation du jeu démocratique porta scission au sein de la classe
et
l’empêcha de se rendre compte à quel point la société changeait, à quel
point
la démocratie avait dévitalisé la classe, lui enlevant toutes
possibilités
d’affronter la crise ouverte en 1913, développée en guerre puis en
longue
guerre civile. Pourtant quelques groupements entrevirent le phénomène
nouveau
sans pouvoir reéellement le circonscrire et donc l’expliquer (Gauches
allemande, hollandaise, italienne).
L’anticipation
de la Commune s’épuise dans le mouvement ouvrier allemand.
A partir de là une autre phase est possible. Le mouvement prolétarien
noir des
E.U. est le début de son effectuation : la suppression du
prolétariat donc
celle définitive de la politique comme de l’économie.
Mars 1971
[1]
Programme Communiste, n°16,
1961. Cet article n’a pas grand intérêt. (Note d’octobre 2009)
[2]
Les citations de Léon
Blum sont extraites de Le congrès de Tours (1920). Naissance
du parti
communiste français, A. Kriegel, éd.Archives Julliard, Paris,
1964. (Note
d’octobre 2009)
[3]
Il est intéressant de noter que dans
ce cas le phénomène révolutionnaire est concomitant à celui de
libération
nationale. Ceci l’apparente en partie à la révolution étasunienne de
1776,
ainsi qu’aux révolutions anti-coloniales. La république des Provinces
Unies des
Pays-Bas a été fondée en 1579.
Cette
révolution fait partie du cycle des révolutions bourgeoises, mais
on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une révolution capitaliste, car ce
qui est
déterminant dans cette aire c’est encore la fonciarisation et, surtout,
le
phénomène de la valeur. À noter que la révolution étasunienne triomphe
en tant
que révolution capitaliste avec la victoire du nord lors de la guerre
de
Sécession, c’est-à-dire avec le triomphe du capital sur la propriété
foncière
et la valeur. (Note d’octobre 2009)
[4]
Ce n’est pas exact en ce sens que les
thèmes du droit au travail (dont il est question au paragraphe suivant)
et le
droit à l’assistance s’imposent dés que commence la dissolution du mode
de
production féodal. K. Polanyi dans La grande transformation Ed.
Gallimard, 1983 a abordé cette question en étudiant le Speenhamland Act
de 1795
à partir duquel se cristallisent les thèmes de la nécessité de
travailler,
celle d’aider les chômeurs involontaires ainsi que celui d’éviter de
faire des
assistés qui profiteraient du système et pourraient par là même
remettre en
cause l’obligation de travailler. Robert Castel dans Les
métamorphoses de la
question sociale Ed Fayard, 1995, a repris à son tour
l’étude de cet Act
dont il résume le contenu : « non seulement chaque
paroisse prend en
charge ses pauvres, mais elle doit leur assurer une sorte de revenu
minimal en garantissant
un complément de ressources indexé sur le prix des céréales si le
salaire est
insuffisant (p. 59). Christian Topalov dans Naissance du
chômeur, 1890-1910,
Ed. Albin Michel, 1994 a tenu compte de cet Act pour
son étude sur le
chômeur. Ces études complètent ce que K. Marx écrivit dans le
chapitre :
La législation sanguinaire contre les expropriés à partir de la fin du
XV°
siècle – Les lois sur les salaires, de Le Capital,
où il écrit en
particulier ceci : « Dans cette enceinte (celle de la
Chambre des
Communes, n.d.r) où depuis plus de quatre cents ans on ne cessait de
fabriquer
des lois pour fixer au mouvement des salaires le maximum qu’il ne
devait en
aucun cas dépasser, Whitbread vint proposer en 1796, d’établir un
minimum légal
pour les ouvriers agricoles ». (Ed. Sociales, Livre I, t. 3,
p. 181) On
voit donc que la question du minimum vital ne date pas d’hier. Mais ce
qui
apparaît beaucoup plus intéressant à travers les études des divers auteurs
cités
c’est que dés le début, le salaire a une fonction économique mais aussi
une
fonction de contrôle social, de répression, qui devient toujours plus
importante alors que la première régresse. (Note d’octobre 2009)
[5]
La tendance à la création du marché
mondial préexiste au capital, mais ce n’est que lorsqu’il parvient à la
domination réelle sur la société que celle-ci parvient à sa pleine
réalisation.
En revanche la création d’un marché intérieur, national, est l’œuvre du
capital
et elle est déterminée en partie par les exigences du salariat.
Le
marché mondial est en fait un marché intérieur pour le capital. (Note
d’octobre 2009)
[6]
Comme échoueront tous
les « socialismes » qui ne sont que
singeries dépravées du
socialisme scientifique. On doit faire remarquer toutefois que si le
despotisme
avec Turgot, par exemple, singeait la forme future, nos divers
socialistes
singent le plus souvent la forme ancienne : le capitalisme.
[7]
Comme toujours, la dynamique de c’est
pour ton bien, s’impose. (Note d’octobre 2009)
[8]
Ce texte a été publié
dans Saint-Just:L’esprit de la révolution suivi
de Fragments
sur les institutions républicaines, Ed. 10/18, 1963. Le titre
complet du
premier texte est L’esprit de la révolution et de la
constitution de la
France. (Note de septembre 2009)
[9]
En
fonction même de
ce qui est exposé dans l’Urtext (Version
primitive), cette
affirmation est imprécise. Le mercantilisme s’est imposé en tant que
théorie
économique et qu’expression non du phénomène capital mais de celui de
la valeur
en sa phase d’argent sous sa troisième forme (monnaie
universelle).
Il y a capitalisme quand le capital parvient à la domination réelle
dans le
procès de production et tend à la domination formelle sur la société.
Pour
saisir le surgissement du capital, il faut raisonner en fonction du
phénomène de la fonciarisation (la propriété foncière fonde le
pouvoir), de
celui de la valeur et de l’anthropomorphose du travail (le travail
fonde,
détermine l’homme). À partir de la fin du XIV° siècle où, selon K. Marx
« surgit la classe salariée » (Le Capital,
Ed. Sociales, Livre
I, t. 3, p. 179), tandis qu’il date l’apparition du capitalisme à
partir du
XVI° siècle (« l’ère capitaliste ne date que du XVI°
siècle », idem,
p. 156), il y a une lutte entre tenants de la fonciarisation (qu’on ne
peut pas
simplement définir comme des féodaux), et tenants du phénomène de la
valeur,
les bourgeois, en même temps que les travailleurs libérés des liens
féodaux
tentent de se maintenir indépendants grâce à l’anthropomorphose du
travail. Je
tiens compte également de la lutte des propriétaires fonciers et des
bourgeois
contre la rémanence des communautés comme le montre, par exemple, K.
Marx dans
le chapitre XXVII du Livre I de Le Capital :
« L’expropriation
de la population campagnarde ».
Au cours de la deuxième
partie du XVIII° siècle, et surtout à la fin, un autre phénomène
s’impose,
celui du capital, qui se définit, initialement, selon K. Marx, en tant
que
rapport social se fondant grâce à la récupération de l’anthropomorphose
du
travail et en tant que phénomène de production qui devient le paradigme
de
l’activité humaine. La plus-valeur est, produite et non, pour ainsi
dire,
« cueillie ». Les capitalistes s’opposent tant aux
propriétaires
fonciers qu’aux détenteurs de la valeur (particulièrement sous sa forme
spéculative
et usuraire).
Pour triompher les
capitalistes devront s’emparer du commerce, de la propriété foncière,
du
crédit, du système monétaire et de l’État. (Note d’octobre 2009)
[11]
Ceci se retrouve chez les bourgeois,
économistes ou politiciens : « la conception
juridique générale,
de Locke à Ricardo, est donc celle de la propriété
petite-bourgeoise. Ce
qui permet cela, c’est le rapport entre acheteur et vendeur, ceux-ci
restant formellement
les mêmes dans les
deux formes. On trouve donc, chez tous ces auteurs, la dualité
suivante :
1°
Du point de vue économique, ils présentent les avantages de l’expropriation
des masses et du mode de production capitaliste en opposition
à la
propriété privée, basée sur le travail ;
2°
Du point de vue idéologique et juridique, ils reportent sans
plus l’idéologie de la propriété privée, basée sur le travail sur
al
propriété fondée
sur l’expropriation
du producteur immédiat » (K. Marx, Le VI°
chapitre inédit du
capital, Ed.10/18, p. 303)
La
société bourgeoise est celle de la mystification parce qu’elle est la
forme sociale où les forces de production se libèrent des antiques
tutelles et
subjuguent l’homme. Les théories bourgeoises sont des compromis entre
la
réalité et le minimum de « vision humaine ». C’est
pourquoi ce qui
est proclamé en théorie est la plupart du temps en contradiction avec
la
réalité. Le meilleur exemple en est la démocratie qui est la
mystification intégrale
de l’homme. À la suite de cela, il y en a encore qui s’étonnent que la
Russie,
où seule la révolution bourgeoise a triomphé, soit le pays du grand
mensonge.
[12]
A. Soboul, Histoire de la révolution
française, Ed. Gallimard, 2 volumes. Ultérieurement nous
avons
particulièrement apprécié l’ouvrage de D. Guérin, La lutte
des classes sous
la Première république (1793-1797), Ed. Gallimard, 2 tomes,
1946, dont il
faudrait tenir compte pour une reprise de l’étude sur le mouvement
ouvrier. Il
en est de même en ce qui concerne La classe operaia nella
rivoluzione francese,
Ed. Riuniti 1960, deux volumes,
1909 et 1911 pour l’original russe (La classe ouvrière dans la
révolution française)
de l’historien russe Evgheni
Viktorovic Tarle car il contient une documentation très détaillée
[13] Faire une révolution à fond implique un grand développement de la volonté car qu’est-ce qui pourrait permettre de passer d’une révolution « à demi », à une révolution complète ? Dans quelles conditions peut-on la porter à bout? Je sens là une certaine déconnexion de St-Just par rapport à la réalité. Mais je pense aussi qu’il affirme quelque chose de très important: toute gestalt incomplète fonde l'ontose, une sorte de mort de l'être naturel, et impulse la compulsion de répétition afin de parvenir à un achèvement, jamais réalisé. Or, que s'est-il passé en France sinon un délire de la volonté comme je le signale au sujet du blanquisme, mais qu’on voit se répéter avec l’Internationale Situationniste, accompagné de moult fanfaronnades et insultes. Les situs sont non seulement les derniers qui résistent (à la façon d’Astérix et des ses compagnons) mais ce sont ceux qui vont créer, à l'aide des conseils ouvriers à venir, la nouvelle société. Une dynamique similaire se réimpose avec les membres de la mouvance Tiqqun qui préconisèrent un parti imaginaire pour un prolétariat occulté.
Toutefois une exception très importante est constituée par le mouvement anarchiste des Naturiens dont je n'ai pris connaissance, grâce à F. Bochet, qu'au début des années 1990 (cf. Invariance,
n° spéciaux de 1993 et 1994). Ce qui manque fondamentalement dans leur
investigation, c'est la prise en compte de la répression parentale. (note de décembre 2009)
[14]
« L’acte
constitutionnel va être présenté à la sanction du souverain ;
y avez-vous
proscrit l’agiotage ? Non. Avez-vous prononcé la peine de mort
contre les
accapareurs ? Non. Avez-vous défendu la vente de l’argent
monnayé ?
Non. Eh bien ! Nous vous déclarons que vous n’avez pas tout
fait pour le
bonheur du peuple.
La
liberté n’est qu’un vain fantôme quand une classe d’hommes peut affamer
l’autre
impunément. L’égalité n’est qu’un vain fantôme quand le riche, par le
monopole,
exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La République
n’est qu’un
vain fantôme quand la contre-révolution s’opère de jour en jour par le
prix des
denrées, auxquelles les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre
sans
verses des larmes. »
« Prononcez
donc encore une fois. Les
sans-culottes avec leurs piques feront exécuter vos décrets »
(Jacques
Roux).
« Lorsque je lus le
livre de Bourgeron
sur Marat, je m’aperçus qu’à bien des égards, nous imitions
inconsciemment le
grand exemple de l’Ami du peuple. Je m’aperçus aussi que les hurlements
et les
falsifications qui, depuis bientôt cent ans, ont altéré le vrai visage
de
Marat, s’expliquent très simplement. D’abord dévoilant ceux qui se
préparaient
à trahir la Révolution, Marat arracha sans pitié les masque des idoles
du
moment ; d’autre part, comme nous, il ne considérait pas que
la Révolution
soit terminée, mais il voulait qu’elle fût proclamée
permanente » (F.
Engels).
[15]
Il en fut de même de la révolution
russe. Elle s’introduisit sous le nom de révolution démocratique et
bourgeoise
(février 1917), elle triompha sous celui de révolution socialiste
(Octobre
1917).
[16]
Ceci est une affirmation inexacte, en
vertu même de la citation de K. Marx au début du I (La révolution
française
dans le cycle de la révolution bourgeoise). D’autre part la révolution
anglaise
de 1640 triomphe quand sont vaincus, niveleurs, bécheux, antinomiens,
etc. (Note
d’octobre 2009)
[17]
Cf. Invariance, n° spécial,
novembre 1968, pp. 38-39.
[18]
Le thème de la dernière révolution qui
est à venir sera maintes fois repris particulièrement par A. Bordiga
qui
parlera de la N+1ème révolution pour définir la
révolution
communiste devant advenir. Il évoque inévitablement celui du dernier
prophète,
mais aussi celui de l’imam caché, occulté, qui doit parachever l’œuvre
du
dernier prophète, Mahomet. Le prolétariat qui doit réaliser la dernière
révolution se présente lui aussi occulté et les révolutionnaires
attendent
ardemment qu’il sorte de son occultation. D’une certaine façon les
positions
des chiites ont anticipé sur celles affirmées par la gauche italienne,
surtout
par A. Bordiga. Dans les deux cas, à des périodes différentes, il s’est
agi de
savoir comment se comporter dans une période de recul. (Note
d’octobre 2009)
[19]
Est-ce à cause de cela qu’il
n’a pas condamné comme tant d’autres le mouvement insurrectionnel
vendéen ? Toutefois il est étrange qu’en fonction de son passé
et de sa
prise de position communiste, il n’ait pas mis en évidence – s’il l’a
effectivement perçue- la dimension communautaire de celui-ci. En effet
dans son
ouvrage La guerre de la Vendée et le système de dépopulation (Ed.
Tallandier, 1987) il n’est pas question des causes
profondes de cette
guerre ainsi que de l’alliance de facto des nobles et des paysans, ni
du fait
que ces derniers luttaient pour maintenir ce qui restait de la
communauté que
le mouvement bourgeois essayait partout de liquider. Cependant il
présente de
façon sympathique les vendéens et dénonce les atrocités commises par
les
républicains. Cette guerre est présentée comme ayant étant déterminée
par une
nécessité d’exterminer royalistes aussi bien que républicains du fait
« que la population française était en mesure excédente des
ressources du
sol » (.p. 91) Toutefois cette thèse de l’extermination ne
nous est pas
présentée de façon bien fondée et, ce, même dans le chapitre terrible Plan
de destruction total. Babeuf rapporte divers propos d’hommes
politiques
mentionnant la nécessité d’extermination, cela est insuffisant. Alors
est-ce un
ouvrage qui se limite à une dénonciation ?
Ce
qui nous est dit dans ce virulent pamphlet est
inconscient chez Babeuf, mais le travaille et l’horrifie: hommes et
femmes ont
tendance depuis très longtemps à s’exterminer et, j’ajoute, dans la
perception
de ce qui ne devient pas conscient chez lui, que ce faisant ils
rejouent le
risque originel d’extinction, comme si pour vérifier qu’ils existent,
ils
devaient s’exterminer. Ceci advint au cours des diverses guerres
générées par
des conflits d’intérêts matériels ou spirituels, mais aussi dans des
mouvements
de libération; le possible de celle-ci provoquant la remontée de
l’horreur
qu’on ne peut pas exorciser, si ce n’est dans le carnage. Les XIX° et
XX° siècles
sont remplis de ces mouvements libérateurs exterminateurs (note de 2009)
[20]
En fait c’est une citation que K.
Marx fait de
Jacques Peuchet qu’il nous
présente comme « conservateur des archives de la
police ». Cf. K.
Marx, Peuchet au sujet du suicide in Invariance,
n° 6
(disponible), série II, 1975. Ces deux citations se trouvent aux pages
27 et 28
(122 et 124, du texte de J. Peuchet, 394 et 395 de celui de K. Marx.).
J’ai
utilisé le texte allemand – Peuchet :
vom Selbstmord - paru dans le volume 4 de la MEGA (œuvres
complètes de K.
Marx et F. Engels), reprise du texte paru en janvier 1846 dans la revue
de
Moses Hess Geselleschaftspiegel.
J’ai
confronté avec le texte en français de J. Peuchet qui est constitué par
le
chapitre LVIII (pp. 117-181), Du suicide et de ses
causes du
livre, Mémoires historiques tirés des archives. Les
photocopies de ce
chapitre m’ont été fournies par G. Pogorel. Malheureusement, je n’ai
pas
l’indication de l’édition.
Du
texte de K. Marx, je n’ai pas reproduit les tableaux statistiques sur
le nombre de suicides, leurs causes, etc. Ces tableaux diffèrent
d’ailleurs de
ceux publiés par J. Peuchet. En outre j’ai reproduit des passages – qui
me
semblaient intéressants - non traduits par K. Marx. Enfin j’ai signalé
les
commentaires interpolés de K. Marx, comme celui-ci par exemple.
« Les
hommes les plus peureux, les plus incapables de résistance
deviennent inexorables dés qu'ils pensent faire valoir
leur autorité
parentale absolue.
L'abus de cette dernière est également un substitut grossier
aux multiples
soumissions et dépendances auxquelles ils sont soumis, volontairement
ou contre
leur volonté, dans la société bourgeoise » (p. 396 du texte de
K.
Marx ; cette insertion se place p. 127 de celui de J. Peuchet
après le mot
furie de la phrase « Ses raisons et sa douleur ne désarmèrent
pas leur furie »,
et non après chorus, dernier mot de la phrase suivante, comme ce fut
indiqué,
de façon erronée, dans Invariance à
la note 5, p. 29).
Je
dois ajouter toutefois que je ne peux pas éliminer l'hypothèse que ce
paragraphe interpolé ne soit pas de J. Peuchet lui-même, qui aurait été
prélevé
en une autre partie du livre.
Je
tiens à noter que dans ce qu'écrivent J. Peuchet - K. Marx émerge de
façon
perceptible l'intuition de l'existence du mécanisme infernal qui
engendre
victimes et bourreaux, et la difficulté d'y échapper, suscitant le
suicide ou
diverses maladies mentales. (Note de
2009)
[21]
Sur beaucoup de questions G. Winstanley
et les Bécheux anticipèrent sur ce qu’exposa Babeuf. (Note
d’octobre 2009)
[22]
Conspiration
pour l’égalité dite de Babeuf, Ed. Sociales, 2 volumes, 1957.
Cf. aussi
Maurice Dommanget, Sylvain Maréchal « L’homme sans
dieu » (1750-
1803) - Vie et œuvre de l’auteur du Manifeste des Égaux, Ed.
Spartacus,
1950, ainsi que du même auteur Jacques Roux le curé rouge –
Les
« Enragés » contre la vie chère sous la Révolution,
Ed.
Spartacus, 1948 (Note d’octobre 2009)
[23]
En allemand, Taüschung signifie illusion
et désillusion. Ici, il s’agit des deux significations à la fois.
[24]
G. Avenel, Anarchasis Cloots,
l’orateur du genre humain.
[25]
En fait il y a une certaine imprécision.
On voulait indiquer que le centre déterminant pour l’éclosion d’une
révolution
était aux USA parce que c’était là que se trouvait le capitalisme le
plus
évolué et que se développait un mouvement révolutionnaire au sein du
prolétariat noir. Toutefois l’ensemble des données historico-théoriques
conduisait toujours à penser que l’Allemagne demeurait le centre
névralgique de
la révolution à venir comme Bordiga l’avait indiqué dans son texte
commémorant
le 40° anniversaire de la révolution d’Octobre 1917 – cf. le texte dans
Invariance, série I, n° 6. (Note de 1990)
[26]
« Traîtres seront les gouvernements
qui, élevés sur le pavois prolétaire, ne feraient pas opérer à
l’instant
même : 1°le désarment général des gardes
bourgeoises ; 2° l’armement
et l’organisation en milice nationale de tous les ouvriers. »
« Sans doute il est bien
d‘autres mesures indispensables, mais elles sortiront naturellement de
ce
premier acte, qui est la garantie préalable, l’unique gage de sécurité
pour le
peuple. »
« Il ne doit pas rester un
fusil aux mains de la bourgeoisie, hors de là point de salut. »
« Les doctrines diverses qui se
disputent aujourd’hui les sympathies des masses pourront un jour
réaliser leurs
promesses d’amélioration et de bine être, mais à la condition de ne pas
abandonner la proie pour l’ombre. »
« Elles n’aboutiraient qu’à un
lamentable avortement si le peuple, dans son engouement exclusif pour
les
théories, négligeait le seul élément assuré, la force! »
« Les armes et l’organisation,
voilà l’élément décisif du progrès, le moyen sérieux d’en finir avec la
misère
Qui a du fer a du pain. On se prosterne devant les baïonnettes, on
balaie les
cohues désarmées. La France hérissée de travailleurs en armes, c’est
l’avènement
du socialisme. »
« En présence des prolétaires
armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout
disparaîtra. »
« Mais pour les prolétaires qui
se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des
plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocat,
il y aura
de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de
la
misère toujours. »
Cette citation figurait dans
l’édition de 1968, de Origine et fonction de la forme parti ce
n’est pas
le cas des éditions ultérieures où l’ensemble des notes a été supprimé.
Voilà
pourquoi nous la reportons ici.
[27]
Blanqui, Textes choisis, Ed. Sociales p.
201 (L’affaire de la Villette).
[28]
Cependant, G. Bernstein indique aussi
que : « Le marxisme n’a jamais su se débarrasser
complètement de la
conception blanquiste » (Socialisme
utopique et social-démocratie pratique – Die Voraussetzungen des
Sozialismus
und die Aufgaben des Sozialdemokratie, éd. Stock, 1900, p.
55).
A. Blanqui fut la bête noire de G.
Bernstein, comme l’est Hegel pour Althusser. Tous deux
« voient » une
coupure en Marx. Mais celle-ci ne se laisse pas facilement saisir. On
croit ne
plus « lire » Blanqui ou Hegel dans Marx et puis,
horreur pertinente,
dans un blanc de Marx réapparaît Hegel ou Blanqui ? Ajoutons
que Althusser
est bien « parent » avec Bernstein, du moins en ce
qui concerne les
dons de lecture, puisque ce dernier déclarait : « Ce que Marx
et Engels
ont produit de grand, ils l’ont produit non pas grâce à la dialectique
hégélienne,
mais malgré elle » (o.c. p.
63).
C’est pourquoi il ne nous est pas
possible d’être d’accord avec le traducteur du VI°
chapitre inédit du capital de Marx, Roger Dangeville, qui
déclare qu’ « aucun révisionniste d’antan n’eût osé
le faire
[rechercher une faille dans l’œuvre de Marx, n.d.r.] :
opposer Marx à lui-même, le mettre en contradiction
avec ses propres affirmations et idées, en découpant par exemple son
œuvre en
écrits de jeunesse et en écrits de maturité » (éd. 10/18, p.
13).
En fait, ce fut toujours la méthode
utilisée par les adversaires de Marx. Exemple : certains
économistes ou
même des socialistes « constatèrent » une coupure
entre le 1° et le
3° livre du Capital, disant que
Marx
avait élaboré une autre théorie dans ce dernier livre en opposition à
la
théorie de la valeur exposée dans le 1° (certains parlaient simplement
d’accommodation). D’autres auteurs soupçonnaient Marx de s’être coupé
lui-même : en effet celui-ci serait parvenu après l’étude du
Procès de
Production immédiat du capital dans une impasse théorique, ce qui
l’aurait
inhibé, d’où la non parution de son vivant de la suite du Capital. A propos de la valeur, on
pourrait justement faire
remarquer à M. Dangeville qu’il reprend sans s’en rendre compte des
positions
des socialistes ricardiens. Mais fi de la polémique !
Terminons, ici,
cette note – parenthèse.
[29]
Cette deuxième affirmation peut paraître
en contradiction avec ce qui est dit dans le deuxième paragraphe de la
page 1.
Dans ce dernier cas, il semblerait que le prolétariat ait une constante
tendance à être révolutionnaire, tandis qu’ici je fais remarquer, qu’à
la fin
du XIX° siècle, le prolétariat n’est pas révolutionnaire.
Je n’ai pas écrit : plus révolutionnaire. Autrement dit, la
théorie du
prolétariat n’était pas encore niée. Je pensais que cette classe, à la
suite
d’une crise du mode de production capitaliste, pourrait à nouveau
devenir
révolutionnaire ; le contenu de son action devenant
différent : le
prolétariat doit se nier immédiatement au cours du procès
révolutionnaire. La
différence donc entre les deux textes espacés de sept ans (le premier
est de
1964, le second de 1971) est que la révolution est vue d'abord comme
ayant pour
moment initial, essentiel la constitution du prolétariat en classe,
donc en
parti ; il doit s'affirmer de façon apparente, bien réelle, en
généralisant sa
condition à l'ensemble du corps social. Ensuite, je considère que le
moment de
la constitution du parti est celui-là même de la négation du
prolétariat, car
le mode de production capitaliste a déjà réalisé sa généralisation. Il
en
découle que l’appréhension du caractère révolutionnaire du prolétariat
est
obligatoirement différente dans les deux cas. En outre, dans le second
texte,
s’insinue la critique à tous ceux qui ont glorifié, mythifié cette
classe.
Ultérieurement, j’ai été amené à abandonner la théorie du prolétariat.
Tout
ceci a donc une valeur historique permettant de comprendre un
cheminement. (Note de novembre 1976)
[30]
Les « théoriciens » du
national-socialisme s’appuient sur une donnée réelle : la
socialisation
des moyens de production et des hommes, opérée par le capital. Ils
veulent la
circonscrire à un espace donné : la nation.
[31] Il y a entre capital et travail un mouvement dialectique, une interpénétration des contraires et non une opposition rigide, métaphysique, comme l’envisagent la plupart des théoriciens groupusculaires.