PERSPECTIVES
« Un
long passé, c'est un long souvenir du passé »
St.
Augustin, Les Confessions
Mai-Juin,
ce fut une rupture, une
discontinuité. Toute époque qui commence ainsi que Hegel, Marx l'ont
fait
remarquer, doit non seulement jeter les oripeaux qui la masquent, mais
surmonter sa propre timidité à s'affirmer en tant que monde nouveau.
Jeter la
vieille peau est nécessaire, impérieux. D'où, de la part de certains,
après la
rage de l'action, la rage de la critique qui veut mordre et tout mettre
bas,
pour instaurer le nouveau. On a alors la coexistence de ceux qui
défendent le
passé et n'arrivent pas à se libérer
du
cauchemar des actes révolus et ceux qui sont possédés de la frénésie,
de
l'enthousiasme du nouveau. Cependant, paradoxe apparent, ces partisans
de la
modernité ou ceux, plus sérieux, soucieux de dévoiler le réel avenir du
passé
apparent, sont amenés à revenir aux sources. D'où la vogue de Hegel,
des œuvres
de jeunesse de Marx, de Bakounine, du KAPD, de Lukacs, Marcuse et
Reich, etc. Un
tel mouvement est salutaire et prouve que l'on commence à s'affranchir
de la
terreur du révisionnisme et de celle de l'enrichissement engluant,
sclérosant
tout. Le mouvement ne peut repartir qu'en se libérant de ses antiques
anathèmes.
En
clair, à l'heure actuelle, débat,
juxtaposition entre les partisans d'une vision qui ne coupe pas son
cordon
ombilical avec la révolution russe qu'ils n'ont pas intégrée et pensent
devoir
décalquer sur elle le schéma de la révolution future. D'où l'impératif
: il faut
un parti bolchévik (il s'agit de toutes les variantes du trotskysme et
du parti
communiste international) et puis ceux qui, interprètent lyriques de
l'immédiat, refusent cela, dénoncent l'inertie des organisations qui se
justifient avant-gardes, proclament que vie et révolution sont liées ;
que
cette dernière est affaire de tous les hommes et non de quelques uns à
qui sont
délégués action révolutionnaire, charge révolutionnaire,
responsabilité,
auréole et martyr révolutionnaires. Ceux-là sont classés anarchistes.
Tout de
suite apparaît la discordance ironique entre des groupes qui ont
proclamé tout
haut leur volonté de faire la révolution, de la préparer, et qui, le
jour où le
phénomène révolutionnaire est là, sont happés par lui, et, ceux qui
spontanément
sont produits par le mouvement et vivent au cœur de celui-ci, sont
aptes à la
traduire, mais s'épuisent avec lui. Ils n'apportent rien, ils puisent ;
les
autres essaient de calquer leur vie sur la vie réelle/
On en
revient toujours à la même question (aujourd'hui
on parle de problématique) : celle des rapports de la révolution à la
contre-révolution. Nous avons dit que le marxisme était surtout une
théorie de
la contre-révolution. Nous avons constaté, comme tous, dans l'histoire
du
mouvement ouvrier, l'apparition et la disparition d'organisations
révolutionnaires. Nous y avons vu une continuité entre elles. Celle-ci
est due
à la défense d'un programme : la mission historique de la classe, c'est
ce que
nous appelons le parti dans sa large acception historique. Le mouvement
marxiste se caractérise par sa capacité à avoir une vision médiate, non
limitée
à une situation contingente mais apte à voir tout l'arc historique
d'émancipation de la classe, intégré dans celui plus ample de
l'émancipation de
l'espèce humaine. L'anarchisme est le saisissement immédiat de la
situation,
son exaltation, mais est incapacité à résister dans la période
contre-révolutionnaire. Cependant le mouvement marxiste – ou se
réclamant de
lui – a parfois sombré à cause même de sa compréhension de la
non-proximité de
la phase de libération. Ainsi il y eut compréhension de la nécessité de
faire
de la politique, d'utiliser la démocratie ; mais la constitution d'un
mouvement
sécrète son inertie et l'affaiblissement du heurt de classe favorise
l'intégration. De telle sorte que le partir devenait inapte à percevoir
les
frémissements révolutionnaires parcourant la classe parce qu'il s'était
autonomisé. De là à théoriser cette autonomie, à se percevoir comme
guide
absolue, comme éducateur exclusif de la masse devenue son objet, il n'y
avait
qu'un pas...
Le
mouvement anarchiste est souvent
l'expression du refus de l'intégration. C'est la base qui ne se sent
plus
auprès de la communauté qu'elle a elle-même sécrétée : elle la refuse
et passe
à l'action directe. C'est pourquoi on doit compléter la caractérisation
de
Lénine si souvent rappelée : l'anarchisme est un tribut payé par le
prolétariat
à la défaite par ce qui vient d'être précédemment expliqué.
Alors
faut-il concilier les inconciliables ?
La perception intégrative qui se fige et est donc finalement niée part
le
mouvement réel et celle immédiate qui vit du feu de la vie et meurt
avec la
flambée ? En d'autres termes, pour certains se serait conciliation
entre
marxisme et anarchisme, entre autorité et liberté, direction
autoritaire et
spontanéité, organisation et absence d'organisation ?
Coincé
entre le passé et le futur, ce
présent n'a pas de réalité propre ; il est mesquin et veule parce qu'il
n'a, en
fait de grandeur, du passé que sa parodie, du futur la vision naïve,
l'aspiration enthousiaste. D'où encore la rage de la critique qui veut
tout
fouiller pour trouver enfin un référentiel sûr. Aux deux extrêmes on
est
consommé ; il ne reste plus, pour certains, que l'action : du plastique
et tous
vole en éclats... Mais cette société se défend et quelques décharges ne
peuvent
pas la faire trembler.
Dans
les années 1840, un drame d'une ampleur
encore plus considérable se produisait en Europe Occidentale. Il
fallait en
finir une fois pour toutes avec le passé, la philosophie, avec la
théorie
organisationnelle, institutionnelle. Le dénouement apparu avec
l'affirmation
que le triomphe de la prochaine révolution serait celui d'un nouvel
être :
l'homme social ; que la mission du prolétariat était d'émanciper
l'humanité.
Quelle forme immédiate pourrait prendre ce mouvement ? C'est à partir
de ce
moment-là que s'est posée la question de la forme parti, forme
contradictoire
et dont la vie est de détruire la contradiction.
En
effet :
-
il
est un parti politique dont le but est
la destruction de la politiqu;
-
c'est
un parti de classe dont le but est la
société sans classes ;
-
il
utilisera la violence pour la détruire ;
-
il
doit détruire l'État bourgeois pour
édifier un État qui s'éteindra avec le développement de la société
communiste ;
-
son
programme est celui d'un classe et en
même temps il est celui de l'espèce, étant donné qu'il est l'énigme
résolue de
l'histoire. En ce sens on peut dire qu'on a affaire à une idéologie
classiste
et aclassiste simultanément ;
-
il
est une minorité de la classe et tend à
devenir dans la dynamique révolutionnaire, et, après le triomphe de la
révolution communiste surtout, par suite de la généralisation de son
mode
d'être, la société toute entière ;
-
il
exprime l'opposition au capitalisme et
la solution de l'antagonisme capitalisme-communisme.
Tous
ces caractères sont d'ailleurs liés à
ceux de la classe. La première caractéristique a trait à la structure :
le
prolétariat est une classe de la société capitaliste tout en n'étant
pas de la
société capitaliste. Une autre dérive est sa tâche immédiate : le
prolétariat
doit généraliser sa condition de prolétaire pour détruire toutes les
classes.
La
solution de ces contradictions ne peut
s'opérer que si l'on considère parti et classe indissolublement liés.
Le parti
est un organe de la classe. En expliquant le devenir de celle-ci on
résout
tout. La classe se constitue en tant que classe et donc en parti (la
classe
devient alors un sujet de l'histoire), elle est la dernière classe de
la
société humaine, son émancipation est celle de l'humanité : en se
constituant
en État, elle généralise sa propre condition de prolétaire à l'ensemble
de la
société, par là elle permet la destruction des classes, l'extinction de
l'État
et donc la véritable émancipation humaine. C'est à ce moment-là que le
parti
devient « organisation sociale » et perd de ce fait
la limitation
historique pour prendre son ampleur sociale.
Toute
théorie qui opère une séparation entre
les deux termes classe et parti (et plus généralement avec une
quelconque forme
d'organisation de la classe devant assurer son émancipation) se
condamne
d'entrée à l'impuissance.
L'étude
du devenir de la classe permet de
mettre en évidence qu'il y a cent ans l'enveloppe politique du parti
débordait
son contenu social que maintenant son contenu social déborde son enveloppe
politique.
Telles
sont les caractéristiques profondes
du parti qui se définit avant tout comme un Être et non d'après son
organisation qui est un produit de la lutte de classe. Or, souvent, au
lieu de
s'affirmer en tant qu'être il s'est affirmé en tant qu'organisation.
Celle-ci
se transforme en son maître, le parti devient lui aussi, par là-même,
une forme
aliénée et aliénante.
Mais
le rapport avec la spontanéité ? Il est
simple. Le parti est un produit spontané de la société capitaliste. La
lutte de
classe si elle reprend sur une vaste échelle – ce qui implique la crise
pour
permettre le vaste mouvement – l'organisation de la classe en tant que
classe
s'effectue, le parti se reforme. Seuls des groupes qui ont pu rester
sur cette
perspective peuvent se reconnaître et être reconnus dans et par ce
mouvement.
Leur fonction non d'avant-garde (terme inadéquat) mais celle d'être
affirmation
du futur au cœur du présent, apparaît nettement. Ils opèrent le lien
historique
entre deux époques révolutionnaires où le parti formel agit. Ces
groupes et ces
différents partis formels sont les éléments – en définitive – d'un même
parti,
le parti historique : la Gemeinwesen du prolétariat.
Malheureusement
beaucoup de mouvements ne
comprirent pas cela. Nous ne parlerons pas des mouvements trotskystes
car la
question est trop banale. Nous citerons plutôt le parti communiste
international. Nous n'en retracerons pas l'histoire mais indiquerons
seulement
ceci : au moment de sa meilleures doctrinale, les militants étaient
conscients
qu'ils ne formaient pas un parti au sens plein du terme (un parti
formel) et
que le parti réel viendrait dans un avenir non immédiat. Mais le fait
de ne pas
être allé jusqu'à assurer qu'il pouvait y avoir éclipse totale pendant
un temps
plus ou moins long, a empêché ce regroupement de porter l'œuvre à terme
: la
restauration de la doctrine, et, pour ce faire, opérer le retour sur le
passé
afin d'intégrer tous les militants que la contre-révolution se plait à
opposer,
à séparer. Or, il nous faut non seulement ouvrer à la reformation du
parti
formel mais aussi à réunifier celui historique. La théorie bourgeoise
se
plaisant même à diffuser dans les rangs révolutionnaires, l'idée que
Marx est
double ou même multiple.
Le
parti communiste international offre la
meilleure illusion que l'on ne peut pas créer un parti ; qu'un parti
qui se
crée à un trop grande distance historique de la révolution est
obligatoirement
réabsorbé par la société capitaliste et cela se fait justement par son
organisation qui est l'élément le plus perméable à la société
capitaliste parce
que tendant à se figer, à s'autonomiser et donc à s'intégrer dans le
corps
social.
Ce
mouvement en était arrivé à ne poser les
questions que sous l'angle de l'organisation. Il interprétait à sa
manière –
ésotérique, non dévoilée au public – le mouvement est tout, le but
n'est rien,
sous la forme : l'organisation est tout la prévision est rien. En cela
il
démontrait à quel point il s'était laissé pénétrer par l'idéologie
ambiante :
« l'idéologie » fasciste pour qui tout est question
d'organisation,
de mises en place de structures ! D'autre part il prouvait à quel point
il
restait prisonnier du dualisme opéré par Bernstein dont le
révisionnisme
consista à dissocier un tout. Il ne peut pas y avoir un mouvement
révolutionnaire en vue d'un but opportuniste, ni de mouvement
opportuniste en
vue d'un but révolutionnaire. Le but c'est déjà au cœur du mouvement et
celui-ci révèle sa vraie réalité dans le but. C'est ce dualisme qu'il
fallait
surmonter parce que le mouvement ouvrier n'a pas encore surmonté sa
crise de
1914 ; il n'est pas encore guéri de cette profonde maladie dont 1914
fut la
phase éruptive mais qu'il incubait depuis près de vingt ans.
L'organisation
n'est pas le mal. Le mal
c'est de vouloir créer alors que les conditions ne sont pas réunies.
Engels
déconseilla la création de la II° Internationale parce que prématurée.
On sait
ce qu'elle devint. Quant à lui, il disait qu'il fallait attendre la
maturation
des événements de Russie. Engels, le souvent diffamé, avait parfois
raison !
...
La
spontanéité n'est pas le bien. Elle est,
elle aussi, tôt au tard, réabsorbée par la stabilisation des rapports
sociaux.
Or, aucune révolution ne progresse de façon linéaire. Donc, il faut,
quand
même, un élément stable capable de faciliter l'intégration de toutes
les
impulsions, de toutes les énergies, apte à résister, mais qui ne
devient pas,
en même temps, un phénomène qui s'autonomise et donc inhibe le
mouvement
lui-même.
Il
faut la spontanéité et elle n'est pas
suffisante ; il faut une organisation qui assure une stabilité mais qui
ne
s'autonomise pas à cause de son caractère stable, nécessaire pour jouer
le rôle
de système de référence.
Contradiction
! On ne peut la dépasser qu'en
supposant une organisation naissant avec le mouvement révolutionnaire
de la
classe et qui oeuvre non pas à sa perpétuation en tant qu'organisation
mais
comme la classe – exprimant ainsi au mieux son être, sa mission –
oeuvre à sa
disparition. C'est le parti. Car pour nous le parti se nie en
généralisant son
mode d'être, le centralisme organique, à l'ensemble de la société. Cela
découle
de notre affirmation : le parti est la préfiguration de la société
communiste.
C'est en ce sens qu'il ne peut pas disparaître : sa généralisation est
son
accession à la réalité effective.
Le
passé, avons-nous dit, pèse sur les
vivants. Son incantation semble être le moyen de conjurer les
difficultés du
présent. On croit y échapper et au but d'une folle tentative on bute à
nouveau
sur lui. Encore une fois, nous le constatons à propos du parti. A ce
sujet, le
lecteur pourra nous retourner notre remarque et dire : dans votre n°1,
vous
affirmez le parti-Gemeinwesen (communauté) et dans votre n°4, surtout
dans le
compte-rendu de la réunion de Florence 1951, vous revenez à une
conception plus
étroite, plus bolcheviste du parti. Ce sont des faits. Cependant on ne
peut
nier un passé en le biffant, mais en l'intégrant. Notre but est de
montrer le
chemin parcouru, les difficultés, et de mettre en évidence que notre
affirmation d'aujourd'hui est liée à un hier parfois incertain dont
nous avons
expliqué le fondement : l'ambiguïté du mouvement qui a produit ce
texte. Il se
disait parti en proclamant que le vrai parti ne viendrait que demain.
Incarnation
d'une ambiguïté, le parti
communiste international devait disparaître dès que la réalité tendrait
d'elle-même à détruire celle-ci. Tant que dans la société, à l'échelle
planétaire, persistait la vieille impulsion révolutionnaire qui se
développa
d'ailleurs sous forme bourgeoise, ce mouvement pouvait rester en
suspens sur
cette base : être un lien entre la double révolution russe et celle
communiste
future. Mais dès que se termina la série des révolutions bourgeoises
faites
d'abord par le prolétariat, puis seulement impulsées par lui, dès
qu'elles
furent freinées dans leur transcroissance et que de ce fait allait se
poser la
question de la révolution future, il devait disparaître. Sa liaison
avec le
passé n'était plus une garantie de validité, une sécurité contre la
dégénérescence, mais un obstacle à entrevoir le futur. Mai-Juin 1968 se
fit en
dehors de lui qui, à sont tour ne reconnut l'importance du jeune
mouvement
révolutionnaire que dans ses aspects révolus, ne prit en considération
que les
oripeaux dont il essayait de se débarrasser.
En
somme le parti communiste international
est mort en tant que mouvement formel. Plus exactement en lui se finit
l'histoire de la Gauche communiste d'Italie qui de 1912 à 1966 a donné
une
importante contribution au mouvement ouvrier mondial. Elle est une
composante
essentielle du parti historique. Sur elle doit aussi se porter
l'investigation
de la critique. Mais la véritable critique est la critique qui fonde et
ce
qu'il faut fonder (restaurer ici) c'est la doctrine véritable, totale,
du
prolétariat. La Gauche communiste d'Italie a donné au cours des 50 ans de vie des éléments
irremplaçables
qu'il faut intégrer, espèces de points de passage obligés pour une
reconstruction de la doctrine. Mais ils ne sont pas les seuls.
Dans
le n°4, on a reporté le schéma du
renversement de la praxis1 qui est
représentation explicite de cette thèse qu'on ne crée par le parti,
mise en
évidence d'une part de la multiplicité des actions et interactions
entre la
classe et le milieu social où elle baigne et d'autre part du rôle
unificateur
du parti organe de la classe ; affirmation enfin que le parti ne peut
pas
exister si la classe n'est pas révolutionnaire. C'était absolument
nécessaire
parce que le cycle de la contre-révolution, commencée bien plus tôt, se
trouvait en un point de renforcement. Ce cycle ne devant finir qu'en
1968.
On
pourra également opposer ce schéma à
celui de la pyramide marxiste2. Ce
dernier indique un phénomène statique : la classe à un moment donné. En
conséquence, il faut tenir compte que cette pyramide peut se présenter
de façon
plus ou moins aplatie selon la période historique. Ici nous retrouvons
le
mouvement réel.
La
révolution communiste tarde. Le
capitalisme a réussi à conjurer la crise qui se pulvérise en de
nombreux pays
et s'épuise dans le temps. En conséquence la fameuse reprise
révolutionnaire
que certains espéraient vers 1965 – reprise liée à une crise
d'entre-deux
guerres – ne s'est pas produite. Il n'y aura pas de reprise graduelle
avec
sécrétions d'organes immédiats entre le parti (qui ne sera que la
résultante de
tout le phénomène) et la base, la classe en sa totalité. Plus la
reprise
tardera, plus la pyramide produite sera une pyramide aplatie parce que
la plus
grande majorité de la classe entrera alors dans des organes immédiats
de type
soviets qui seront base même du parti. On ne peut pas ressortir les
schémas du
passé pour les plaquer sur le futur. L'effort est de comprendre ce
dernier afin
de se comporter correctement dans le présent.
D'autre
part tout l'effort, le but du parti
ne sera pas d'élever la pyramide, d'accroître sa hauteur, mais de
ramener le
sommet dans la base (la classe en sa totalité) parce que celle-ci sera
à la hauteur
de sa mission historique. Autrement, affirmer que la classe
prolétarienne prend
le pouvoir pour se détruire elle-même est dérision pure et simple.
Évidemment
le processus ne peut pas être
instantané : dictature du prolétariat. Mais si on opère la coupure en
théorie
ou en pratique entre base et parti, entre société et parti, on tend à
inhiber
le mouvement d'unification de la classe puis celui de sa disparition.
Il faut
que la totalité de la classe tende à intervenir comme l'expliquait
Lénine dans L'État
et la Révolution.
Là
encore on nous reprochera de revendiquer
un Lénine anarchiste. Nous répliquerons que celui-ci était inclus dans
le
Lénine de 1907 parce qu'il avait décelé dans la magma russe toutes les
possibilités de la révolution en particulier sa transcroissance qui
fait la
joie des anarchistes. Cependant il fallait tenir de 1907 à 1917, de
même
qu'après la contre-révolution il fallut tenir jusqu'en 1968, et,
maintenant que
la première phase a épuisé ses plus grandes forces et que la prochaine
phase
n'est pas immédiate, il faut tenir. Pour cela, il faut avoir vision de
la
révolution communiste future.
Dans
notre n° spécial nous avons rapporté la
prévision émise en 1957 sur la révolution future possible dans les
années
1975-803.
Nous avons donné une variante de 1958
(dans le n°3 dernière page)4.
Cependant, à cette époque, le prolétariat noir des E.U ne s'était pas
encore
manifesté. Il le fit à partir de 1960 avec une accélération à partir de
1963.
C'est pourquoi il n'est plus possible de reprendre telle que la
prévision comme
si elle épuisait toutes les possibilité. Elle est valable en tant
qu'affirmation de l'état initial : au cœur de la contre-révolution, et
l'état
final : la grande bataille dont l'épicentre sera l'Allemagne et les
pays la
circonscrivant. Mais le mouvement médiateur n'est pas indiqué ; là
n'est pas la
faiblesse de la prévision mais celle de ceux qui la reprennent croyant
être sur
« Le fil du temps » sans se rendre compte qu'ils ne
sont qu'un
entrefilet. Ils font œuvre magique et opèrent comme l'argent dont la
magie
réside en ce qu'en lui tout mouvement médiateur est aboli.
L'apparition
du prolétariat noir sur la
scène de l'histoire est un phénomène décisif qui bouleverse les
données, car il
accélère considérablement le processus de reformation de la classe.
Tout
le long des luttes anti-coloniales, on
a d'abord affirmé : ces pays n'arriveront à leur indépendance qu'avec
l'aide du
prolétariat métropolitain, ensuite nous avons repris la perspective de
Marx à
propose de l'Irlande (mais aussi à propose de la Chine et de l'Inde),
une
victoire du mouvement de libération dans ces pays apportera la secousse
nécessaire pour que le prolétariat retrouve sa base de classe. Ceci
s'est
effectivement produit mais étant donné le blocage de ces révolutions,
il y a eu
arrêt de radicalisation du mouvement et les différents groupuscules ont
vu leur
recrutement se tarir. Certains d'entre eux théorisent ce recul en
l'imputant au
jaunes et aux noirs coupables d'illusionisme révolutionnaire. A la
limite, pour
certains, rien ne se serait passé...
A
l'heure actuelle c'est le prolétariat
lui-même qui appelle au réveil, qui relance le grand cri de la lutte de
classe
: à bas la société capitaliste, instaurons la société sans classes !
Cependant
ce vaste mouvement est lié
lui-même à la rupture d'équilibre aux E.U dont nous avons déjà parlé
dans les
n°3 et 4 d'Invariance. Rupture d'équilibre et non
crise réelle.
*
* *
« Les
crises ne sont jamais que des solutions violentes
et momentanées des contradictions existantes, de violentes éruptions
qui
rétablissent pour un instant l'équilibre rompu. »
Marx,
Le Capital, Livre 3, tome 1, p. 262
La
crise à venir ne peut être abordée que si
on l'étudie en fonction du cycle du mouvement capitaliste depuis 1913.
A cette
date, une crise économique se développe qui se résout en guerre. Les
effets de
cette dernière sur l'aire slave – grosse de révolutions multiples –
provoquent
la révolution socialiste d'octobre. A ce moment-là on pouvait espérer
une
jonction entre la révolution pure (communiste) d'occident et celle
double de
Russie, laquelle relaierait les révolutions dans les aires arriérées.
Le
prolétariat fut battu en 1928 avec le triomphe du socialisme en un seul
pays.
Cependant il ne fut réellement éliminé de la scène historique qu'en
1945. Le
capitalisme profita alors de la grande force juvénile des peuples
entrant dans
l'histoire effective du monde. Ce fut le rajeunissement du capital.
D'autre
part la crise de 1913 était liée à
la transformation du capital, à son passage – à l'échelle sociale – de
la
domination formelle à la domination réelle ; la forme politique de
cette
dernière étant le fascisme (cf. Invariance n°2).
Or, le fascisme n'a
réellement remporté la victoire qu'en 1945, moment à partir duquel il
s'est
généralisé dans le monde. Ceci conjugué avec le rajeunissement explique
la
renaissance du capital qui réclame encore son apologie5.
Cette renaissance est devenue apparente depuis 1956. La période qui
commence
avec 1945 peut se subdiviser ainsi :
1
–
Reconstruction de l'Europe et du Japon – après leur agression de la
part des
E.U6
– jusque vers 1955.
2
–
Pour répondre à ce défi, les E.U développent l'automation.
3
–
Après la récession de 1958 aux E.U et divers réajustements historiques
dans
différents pays, comme la décolonisation en France, il y a accélération
du
développement. Au Japon, on peut noter que le boom date réellement de
cette
époque. L'Europe retrouve ses vertus négrières d'il y a quatre siècles
et
importe des travailleurs de différents pays : sud de l'Europe, Afrique
et Asie.
Cela lui permet, pour un moment, de concurrencer la production
américaine.
Ceci
atteint son maximum en 1964.
4
– A
cette date, nouveau déséquilibre : les E.U interviennent au Vietnam :
bon moyen
– comme avec la guerre de Corée – de relancer la production. Les pays
européens
doivent eux aussi automatiser, s'ils veulent soutenir la concurrence
américaine. Ceci nous conduit à l'éclatement de la crise monétaire de
1967.
5
– A
partir de 1966 la révolution de la valeur que le capital a subi dans
son procès
cyclique, au cours de la seconde partie de la décennie de 50 à 60, se
manifeste
nettement.
« ...
mais il est clair qu'en dépit de
toutes les révolutions de valeur la production capitaliste ne saurait
exister
et durer que pour autant que la valeur-capital se valorise,
c'est-à-dire décrit
son procès cyclique comme valeur arrivée à l'existence indépendante,
donc pour
autant que les révolutions peuvent être surmontées et aplanies d'une
façon ou
de l'autre. » (Le Capital, Livre II, tome
4, p. 98)
Toute
la production américaine s'est
dévalorisée ; il en sera de même de celle européenne dans la mesure où
l'automation se généralisera. En théorie et en pratique, il faudrait un
réajustement pour surmonter cette révolution de la valeur. Ceci
évidemment
devrait se traduire par une variation dans le système de mesure de la
valeur,
la monnaie. Or, les E.U ne veulent pas modifier la parité dollar/or.
Ainsi la
crise apparaît de façon circonscrite à cette question7.
La crise monétaire se manifeste en fait depuis 1959 date à laquelle
commencent
les pertes d'or américaines (1, 07 milliard de dollars), année qui suit
immédiatement la récession américaine ; le crédit prend dès lors une
extension
considérable à l'intérieur et à l'extérieur (Swap, bons Rosa, droit de
tirage
spéciaux, etc.). A ce sujet il convient de rappeler deux remarques
fondamentales de Marx :
1°
« Ainsi se trouve résolue cette
question absurde : la production capitaliste avec son volume actuel
serait-elle
possible sans le système du crédit (même en ne considérant ce système
que de ce
point de vue-ci), c'est-à-dire avec la seule
circulation métallique ?
Évidemment non ! Elle se serait au contraire heurtée aux limites mêmes
de la
production des métaux précieux » (Le Capital, Livre
II, tome 4, p.
321)
2°
« Le crédit qui est lui aussi une
forme sociale de la richesse, évince l'argent et usurpe sa place. C'est
la
confiance dans le caractère social de la production qui fait apparaître
la
forme argent des produits comme quelque chose de simplement évanescent
et
idéal, comme une simple représentation. Mais dès que le crédit est
ébranlé – et
cette phase se produit toujours nécessairement dans le cycle de
l'industrie
moderne – toute richesse réelle doit du jours au lendemain et en
réalité être
convertie en numéraire, en or et argent, exigence absurde mais qui résulte nécessairement du
système lui-même.
[...] Dans les effets des sorties d'or, le fait que la production n'est
pas
réellement soumise au contrôle de la société en tant que production
sociale se
manifeste d'une façon frappante. [...] 1. Le système capitaliste est
celui où
l'on a aboli le plus complètement qu'il se puisse la production en vue
de la
création de valeurs d'usage immédiate, en vue de l'utilisation
personnelle par
le producteur : la richesse n'y existe plus que comme procès social
s'exprimant
par l'enchevêtrement de la production et de la circulation ; 2. Avec le
développement du système du crédit la production capitaliste cherche
continuellement à lever cette barrière de métal, cette barrière à la
fois
matérielle et imaginaire de la richesse et du mouvement de celle-ci,
mais
revient toujours se buter la tête contre ce mur » (Le
Capital, Livre
II, tome 7, pp. 233-234)
Ceci
explique que depuis quelques années on
voit s'affronter deux positions extrêmes : démonétiser l'or, le
réévaluer. En
fait ces positions sont impossibles, et d'ailleurs, la tendance la plus
conséquente et la plus forte est celle qui tend à une conciliation
entre le
système monétaire et celui du crédit : ainsi des droits de tirage
spéciaux.
D'autre part une solution ne semble pas possible dans le cadre des
seuls pays
occidentaux. Elle devra être réajustement qui englobera les économies
de l'Est
(il est à noter à ce sujet qu'il y a une curieuse coïncidence entre
l'arrêt de
vente d'or sur le marché de Londres de la part des russes et la crise
de la
livre sterling !). En ce sens on ira vers la reformation d'un vrai
marché
mondial unitaire (que nous espérons se réaliser depuis 19588)
lequel est un état métastable qui précède la crise.
Marx
écrit, après le passage reporté plus
haut : « Dans la crise on voit se manifester cette
revendication : la
totalité des lettres de change, des marchandises, doit pouvoir être
d'un coup
et simultanément convertible en argent bancaire et tout cet argent à
son tour
en or ». On constate qu'il y a à l'heure actuelle des
spéculations sur le
réajustement nécessaire mais qu'il n'y a pas une véritable crise.
Enfin, le
fétiche du métal précieux est lié à la société de classes basée sur
l'appropriation du travail d'autrui. La possession de l'or est un droit
universel – non lié à des variations dans l'espace ou dans le temps – à
l'exploitation de la force de travail.
Nous
avons surtout envisagé le phénomène apparent.
Marx l'a décrit tel qu'il se manifeste aujourd'hui. Cependant il a
donné une
explication qui est du domaine réel, en profondeur : la contradiction
entre
valorisation et dévalorisation du capital. Elle est opérante à l'heure
actuelle
avec le développement de l'automation qui tend à réduire à zéro la
valeur,
d'autre part elle se voit dans la tendance qu'a le taux de profit
social moyen
à diminuer. La lutte contre cette tendance est le moteur puissant de
l'économie
et la crise monétaire en est une conséquence. Les américains ne veulent
pas
réévaluer l'or car cela entraînerait une augmentation du prix des
matières
premières, du capital constant donc. Or, les américains sont parmi les
plus
gros importateurs de celles-ci et d'autre part étant donnée la formule
donnant
le taux de profit :
π'
= π
/ c + v
on
conçoit qu'une augmentation de c provoquerait une diminution de π'.
Le capitalisme en tant que totalité, le capitalisme à l'échelle
mondiale a intérêt à limiter cette baisse. Cependant les différents
pays
capitalistes aimeraient que celle-ci se fasse sans léser leurs
intérêts. D'où
les contradictions secondaires qu'il n'est pas possible d'analyser ici.
La loi
de la baisse tendancielle du taux de
profit, dit Marx, « n'agit que sous forme de tendance dont
l'effet
n'apparaît d'une façon frappante que dans des circonstances déterminées
et sur
de longues périodes de temps » (Le Capital, tome
6, p. 251). Les
circonstances furent l'introduction de l'automation et sa
généralisation
actuelle. Mais les effets se produisent lentement étant donné que le
capital a
la possibilité de freiner par la création du capital fictif, d'où la
crise
monétaire qui remonte à 1959 et est effective depuis deux ans.
Une
autre source de freinage dérive de la
victoire même du capital qui a réussi à endiguer le mouvement de
libération des
peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud, ce qui lui permet
d'imposer des
prix monopoles pour les produits qu'il récupère dans ces zones ; c'est
la
victoire sur le prolétariat qui lui permet de récupérer une part plus
grande de
plus-value et qui, d'autre part, ne lui impose pas, pour lutter contre
la
montée de la force prolétarienne, de remplacer toujours plus les
ouvriers par
des machines, ce qui accélèrerait grandement le processus de
dévalorisation.
Mais le vaste mouvement insurrectionnel qui parcourt la planète et qui
pour le
moment, secoue surtout les étudiants, va remettre en cause cet
équilibre
favorable au capital.
Cependant
d'autres éléments viennent à son
aide. La Chine tend à reprendre lien avec le monde occidental. La Chine
comme
la Russie subit la puissance du dollar et point n'est besoin des armes
nucléaires pour l'amener à composer9. Ses
retrouvailles avec la théorie de la coexistence pacifique
désillusionneront
certains. Il faut que toute illusion soit perdue pour qu'il y ait
révolution.
Or, il en persiste encore beaucoup sur le devenir du capital. Les
éléments de
sa vraie crise s'accumulent mais elle n'est pas encore opérante. Malgré
le
rajeunissement, la renaissance du capital dont nous venons de parler,
on
continue de théoriser l'impérialisme stade suprême, l'agonie du
capitalisme, sa
sénilité croupissante, etc. Cela fait 50 ans qu'il crève et qu'il n'y
parvient
pas ! Le mouvement révolutionnaire répète les données du passé et se
refuse à
voir le présent. Décidément : « un long passé, c'est un long
souvenir du
passé ».Il faut en finir avec le souvenir. Pour cela il faut
lui restituer
sa durée réelle. C'est ici que nous retrouvons la critique.
*
* *
« La
critique sans l'erreur est mille fois moins
nuisible que l'erreur sans la critique »
Bordiga,
Le danger d'opportunisme et l'Internationale, 1925
Beaucoup
d'éléments
ont constaté que la coupure entre le mouvement politique et celui
économique,
syndical était la perte de l'unité de la totalité de la lutte de classe
(et
donc de l'unité de celle-ci) qui avait été réelle au temps de l'AIT. La
III°
Internationale tendit durant une courte période à reconstituer l'unité
perdue.
Mais elle faillit assez vite et déjà, en créant l'Internationale
syndicale
rouge, elle recréait au nom de la révolution, l'antique division. Sur
le plan
théorique plusieurs théoriciens essayèrent de surmonter
l'appauvrissement
consécutif à la dissociation de la classe et posèrent les éléments
d'une
recherche marxiste dans des domaines abandonnés, tel que la philosophie
par
exemple. A l'heure actuelle, la division, la fragmentation de l'Etre de
la
classe révolutionnaire est encore plus accusée, plus impérieuse encore
la
nécessité de reconstituer l'unité totale c'est-à-dire que cela implique
unification à tous les niveaux de la vie de la classe et
réappropriation de la
dialectique. Cependant en luttant contre ceux qui ont perçu
unilatéralement le
phénomène (ou ceux qui le théorisèrent purement et simplement), nos
critiques10
débouchent souvent dans une autre unilatéralité. Ainsi il ne suffit pas
de
reconnaître qu'au niveau du prolétariat la conscience joue un rôle
capital, il
faut affirmer que le prolétariat est la classe par laquelle la
conscience est
produite, ce qui amène à étudier son processus de vie réel.
La critique ne
se
rend pas compte que dans sa rage à poursuivre son objet afin de le
détruire,
elle le fixe, elle en fait un phénomène séparé : la société de
consommation, la
société du spectacle. Elle ne voit pas que celle-ci est un phénomène
devenu
autonome, qu'elle l'envisage uniquement dans son autonomie et qu'elle
abandonne
toute critique dès qu'il s'agit de savoir quelle est son origine, son
procès de
production. Et, là, elle fait péché structuraliste. Elle se met au cœur
d'une
structure, elle en explique avec mépris la réalité ; elle la décortique
à la
façon dont on autopsierait un cadavre dont on jetterait ensuite les
morceaux
dans la fosse commune. Par cette démarche elle est encore prisonnière
de
l'autonomisation du capital qui tend à fixer les rapports sociaux, dont
l'idéologie veut tout expliquer en termes de structures et, même, pour
justifier sa volonté d'éternité, d'abolition du temps-devenir11,
va chercher refuge dans les sociétés où le temps, où l'histoire
n'étaient pas
encore nés. Cette idéologie ne peut nier qu'il y ait eu différentes
périodes,
mais elle les considère à la façon dont Cuvier considérait les
différents
groupes paléontologiques, qu'il avait lui-même découverts, comme
autonomes,
prisonniers d'une période qui n'aurait aucun rapport avec une
antériorité ou
une postérité. Il constatait des discontinuités fixes ; seul Dieu
pouvait les
résoudre. Les structuralisme est un fixisme social.
Nous ne voulons
pas
être enfermés dans la structure actuelle qui est une réalité. Nous ne
voulons
pas nous laisser enfermer dans les schémas dépassés ni dans les
extravagances
du présent parce que la doctrine du prolétariat intègre les trois
données du
temps : on ne doit pas brûler le passé pour se jeter existentiellement
dans le
futur. Invariance affirme la validité de la
doctrine entre le
surgissement de la classe et sa disparition. Cela veut dire que nulle
doctrine
nouvelle ne peut surgir. Elle affirme l'invariance de la méthode, de la
solution des énigmes opérées en 1844 par le jeune Marx, mais elle
refuse toute
sclérose du mouvement et proclame la nécessité de la recherche
passionnée pour
se réapproprier le passé et décrire avec joie le futur.
Nous retrouvons
le
rapport conscience-spontanéité. Ce ne sont absolument pas deux termes
qui
s'excluent. Notre vision est une vision de la production parce que nous
saisissons tout dans son mouvement. Pour que la classe puisse reprendre
la
lutte, il faut une rupture profonde dans l'ordre social. Alors se
manifestera
spontanément une conscience immédiate fort évoluée par rapport à celle
qui se
manifesta en 17 ou en 19, parce que les rapports de production se sont
purifiés, les antagonismes accusés12. Ainsi
parallèlement à la lutte pour le maintien
d'un certain niveau de conscience historique, la conscience immédiate
est
produite. La formation du parti de demain s'opérera de la rencontre de
ces deux
phénomènes. Étant donné que le capital lui-même nie l'individu, les
classes, la
démocratie, la valeur, le mouvement qui surgira se fera sur le terrain
de la
négation de tout cela. Autrement dit, sont déjà condamnés tous les
mouvements
qui parlent de, revendiquent la démocratie sous quelque forme que ce
soit ; qui
pensent que la loi de la valeur sera opérante dans le socialisme
inférieur,
etc. Ils sont déjà morts avant d'avoir pu essayer de montrer leur
réalité.
Mai-Juin en est la preuve : les groupuscules prirent vie du mouvement,
ils ne
la lui donnèrent pas. L'élément essentiel de la société actuelle c'est
la
séparation profonde, insupportable de l'homme d'avec sa Gemeinwesen
humaine. La
révolution communiste permettra à l'humanité de se constituer en
Gemeinwesen
humaine effective. L'exigence de cette dernière, telle fut la
revendication
profonde de Mai-Juin 1968. La réalité de la révolution future s'y est
dévoilée.
Ultérieurement,
au
bout d'une phase qui risque d'être assez courte en regard de ce qui
s'est
produit aux époques passées, se fera le renversement de la praxis (cf. Invariance,
n°4) : intervention agissante de la conscience, celle de la
classe
constituée en parti.
Encore une fois
– il
faut y revenir – on veut absolument penser le futur dans le terme du
passé. Or,
ceci n'est pas faire preuve d'anti-révisionnisme mais de sclérose.
L'invariance
se situe au niveau des principes, de la méthode et non dans le
rabâchage de
formules d'où toute vie s'est échappée.
La question de
la
crise, abordée plus haut, en est un autre exemple. Pourquoi devrait-il
y avoir
obligatoirement une crise d'entre deux guerres (entre 1945 et 1975-80)
?
Pourquoi, par suite du renforcement du capital, n'y aurait-il pas
télescopage
des deux et, de ce fait, une situation extrêmement révolutionnaire
pourrait se
produire, situation qui verrait réellement se réaliser la catastrophe
prévue
par Marx ?
La crise
éloignée,
conjurée pour quelques années, adieu le parti alors ? Mais celui-ci,
pourquoi
devrait-il connaître un long processus de maturation, un développement
absolument graduel du point de vue quantitatif ?
La troisième
guerre
mondiale n'a-t-elle pas déjà commencée ? Ou bien ne peut-on pas
envisager vue,
d'une part, l'impossibilité où se trouverait la classe capitaliste à la
commencer, étant donnée, d'autre part, l'incapacité immédiate qu'aurait
le
prolétariat à abattre son adversaire, que cette guerre ne se résolve en
une
suite de guérillas au bout desquelles serait la victoire ? Évidemment,
aborder
la question de cette façon serait reconnaître l'intérêt d'examiner
attentivement les écrits de Lin Piao, Guévara ou F. Castro et non les
rejeter
en tant qu'absurdités, ou en tant que pré-marxismes... Ce dont il
s'agit, c'est
de questions réelles et non d'étiquettes ou de jugements de valeur.
A l'heure
actuelle
nous avons une situation labile. Il est nécessaire d'envisager toutes
les
possibilités et de les confronter avec le développement du capital.
Tout ce
qu'on peut affirmer, c'est que la révolution future ne sera pas
identique à
celles passées, ne serait-ce que parce qu'elle doit être la dernière.
Ainsi,
comme indiqué plus haut, nous devons préciser, non rejeter, notre
prévision
émise en 1957.
L'Inde ne
pourrait-elle pas accomplir sa révolution bourgeoise, de type chinois,
avant
que la crise n'éclate ? Le Brésil ne pourra-t-il pas reprendre son
développement stoppé par l'intervention américaine (plus ou moins
voilée) de
1964 ?
La structure
réactionnaire du Kolkhoze qui enchaîne la lutte des classes à la
campagne, ne
pourrait-elle pas être remise en cause, sous la pression exercée par
l'économie
américaine ? La Russie serait obligée alors, bon gré mal gré, à
purifier ses
rapports de production pour mieux lutter contre son adversaire. Ce
serait une
situation très favorable qui modifierait notre perspective actuelle sur
l'URSS.
Nous avons assisté à un phénomène similaire dans l'aire occidentale, en
France,
où au cours d'un processus, très long il est vrai, les paysans
parcellaires ont
été finalement expropriés des campagnes françaises (le phénomène n'est
d'ailleurs pas total), purifiant les rapports de production
capitalistes.
Poser toutes ces
questions c'est déjà mettre en évidence qu'il n'est pas obligatoire que
le
développement se fasse d'une façon absolument linéaire, fixé à l'avance
dans un
schéma fabriqué alors que toutes les possibilités d'évolution n'avaient
pas été
inventoriées.
Il est
nécessaire de
briser le carcan des stéréotypes et éliminer la peur de dévier, dès que
l'on
essaie d'affronter la réalité telle qu'elle est. Il faut détruire
l'équation
maléfique : étude des phénomènes nouveaux = antimarxisme. On n'a rien
expliqué
lorsqu'on a affirmé que ces phénomènes étaient déjà en germe du temps
de Marx,
ou même avant, et que celui-ci en avait donné les grandes lignes
explicatives.
C'est faire ressortir, chaque fois, qu'on est fils de quelqu'un :
tautologie
existentielle ! Mais cela veut dire aussi qu'on se comporte comme un
enfant qui
ne parvient pas à quitter les jupes de sa mère. On ne demande pas à
l'enfant de
tuer cette dernière pour parvenir à la maturité ; on lui demande – à
l'aide
d'éléments à lui fournis par ses géniteurs et par la société – d'être
capable
de se comporter de façon adéquate dans le monde. Le mouvement
révolutionnaire
doit utiliser les données de Marx et avec cela comprendre la réalité
actuelle
qui dans la mesure où la variation quantitative atteint un
développement
considérable, est saut qualitatif. Au temps de Marx l'automation était
en
germe. Quelle pouvait être son action dans la société : nulle.
Maintenant sa
généralisation signifie que du jour au lendemain, à la suite de la
révolution
communiste, on détruit la loi de la valeur et, on accomplit le saut
qualitatif
inclus déjà dans la société actuelle.
L'ensemble de
l'œuvre de Marx (malheureusement incomplètement parue) est l'élément
essentiel
pour comprendre le devenir social. Il est absolument anti-dialectique
de nier
le devenir pour affirmer la validité de l'œuvre de Marx.
Le devenir du
capital a été clairement saisi par ce dernier : le capital s'est
constitué en
Gemeinwesen matérielle. Ceci était une donnée incluse dans le germe
capital
(dans le gland dirait Hegel) étudié par Marx. Il nous faut voir
l'épanouissement de ce germe. Pour cela il ne faut pas avoir peur
d'envisager
le nouveau non en tant qu'extravagance du présent, en tant qu'élément
du
présent, en tant qu'élément isolé de tout le reste, mais comme un
moment du
devenir. Celui-ci implique la formation du parti-gemeinwesen seul être
capable
de détruire le monstre capital et de faciliter la formation de la
société
communiste.
Celui-ci ne sera
pas
le triomphe de l'individu (anarchisme) ni celui de la société, entité
englobant
tout (déviation de la vision de la communauté) mais de l'homme social
c'est-à-dire l'homme en qui l'universel, la société (l'ensemble des
rapports
sociaux) se manifeste, ainsi que le particulier de cet être humain. Les
manifestations de ce dernier s'objectivent dans la réalité qui les
intègre non
en dépouillant celui-ci qui en est le support, mais en lui renvoyant
autant
d'images humaines, de manifestations, qu'il intègre à son tour. En un
mot cela
veut dire que l'antique contradiction individu-société médiatisée par
l'État
est résolue ; en ce sens il n'y a plus de société ni d'individu, il y a
la
Gemeinwesen (communauté) humaine et l'homme social.
Notre
affirmation de
cette réalité du futur est passée par un moyen terme : la lutte contre
l'individu bourgeois et la démonstration de la nécessité de sa
destruction (cf.
les trois premiers textes de Théorie du prolétariat et
individu13).
C'était une affirmation négative ; cependant la gauche communiste a
abordé
aussi la question sous son rapport positif (cf. le quatrième texte) et
c'est
cela qu'il faudra approfondir pour mieux décrire la société communiste.
*
* *
« Peut-il
prétendre comprendre le futur celui qui n'a
pas compris et assimilé le passé ? Et peut-on à un moment quelconque de
la
lutte, mettre de côté l'examen continu des événements passés comme
nourriture
quotidienne pour notre action. »
Bordiga,
Battaglia Comunista, n°17, 1951
L'action, dans
tout
cela où mettez-vous l'action ? Qui dira diffuser, expliquer, coller des
affiches, etc. Faire cette remarque est ne pas avoir compris que par ce
travail
nous participons à une action nécessaire et que, d'autre part, nous ne
proposons pas une recette. Cela impliquerait alors que nous devrions
remuer
ciel et terre pour la faire connaître. Nous pensons que les hommes qui
luttent
parviendront comme nous à la vision de la société communiste. Cependant
ils le
feront immergés dans l'action, dans le mouvement réel. Notre rôle est,
en mettent
en évidence celui-ci qui, à l'heure actuelle, est unification de la
classe,
d'accélérer la production de la conscience. Cependant on ne peut pas
faire cela
de l'extérieur, mais à l'intérieur du mouvement. Voir l'action sous une
autre
forme est réintroduire un dualisme. Ce serait nous-mêmes, élément
infra-corpusculaire, nous ériger au-dessus de la classe, en nouveaux
censeurs,
etc. Il faut être dans le présent l'affirmation du futur afin d'en
finir avec
les miasmes du passé.
*
* *
« Notre
œuvre présente a pour but de remettre en ordre
les thèses documentaires tant de fois rendues insidieuses, et de les
porter à
la lumière dans leur intégrité, même si cette troisième restauration –
dans la
phase historique actuelle – n'a pas encore trouvé le
mouvement réel
d'insurrection révolutionnaire qui devra dans le futur, s'en
revêtir. »
Bordiga,
Commentaire des manuscrits de 1844.
Notre
recherche, notre étude sont au cœur de
la doctrine. La soi-disant infirmité de la théorie prolétarienne est
théorisation
d'une absence. Le prolétariat battu, a été éliminé en tant que classe
de la
scène de l'histoire. A la place de sa théorie, on a une métaphysique du
capital. Dans tous les domaines où les militants communistes avaient
pénétré
pour montrer la validité de la théorie, il y a eu reflux. D'autre part,
le
renforcement de la société capitaliste – baptisée impérialisme par le
chœur de
la gauche corpusculaire ou continue, proclamée sénile, agonisante – a
engendré
des théorisations nouvelles. On tend même vers une théorie unitaire qui
pillerait évidemment le marxisme, ne serait-ce que dans la tentative
d'effectuer cela. En conséquence, il est nécessaire de faire œuvre
théorique
pour reprendre le terrain perdu dans beaucoup de domaines, pour
réaffirmer de
façon totale la théorie communiste. Ceci ne peut être l'œuvre d'un
militant, ou
d'une infime minorité lais d'un fort regroupement qui ne s'abstraie pas
du
mouvement d'unification de la classe. C'est dans le but de favoriser un
tel
regroupement qu'Invariance publiera son n°6 : La
révolution
communiste : thèses de travail, dont voici le sommaire :
1.
Bref
historique du mouvement de la classe prolétarienne dans l'aire
euro-nord-américaine des origines à nos jours.
1.1.
Le cycle historique des origines à la III° Internationale.
1.2.
Les leçons de l'histoire du cycle prolétarien.
1.2.
Le mouvement prolétarien de 1928 à la fin de la
deuxième guerre mondiale.
1.2.
Le mouvement prolétarien après la seconde guerre
mondiale.
2.
Les
révolutions anti-coloniales : la formation de la classe prolétarienne
dans les
zones où prédominait le mode asiatique de production.
2.1.
Les luttes contre les anciennes métropoles coloniales.
2.2.
Les luttes contre l'impérialisme américain.
2.3.
Situation actuelle du mouvement : dans quelle mesure la
classe prolétarienne a-t-elle été produite ?
3.
La
question russe.
3.1.
Comportement de la gauche communiste d'Italie vis-à-vis
de cette question.
3.2.
Comportement d'autres mouvements.
3.3.
Données essentielles mises en évidence par le phénomène
révolutionnaire dans l'aire slave.
4.
Le
développement du capitalisme.
4.1.
Caractères généraux du capitalisme.
4.2.
La contradiction fondamentale du capital :
valorisation-dévalorisation.
4.3.
Développement du capital et crises.
4.4.
Le rajeunissement du capital.
4.5.
La négation du capital, c'est le prolétariat.
5.
La
mystification démocratique.
5.1.
Le phénomène historique général.
5.2.
Divers schémas expliquant les rapports entre individu
et société.
5.3.
Mystification démocratique et prolétariat.
5.3.1.
Surgissement du prolétariat et anti-démocratisme :
Babeuf et le mouvement ouvrier anglais à son origine.
5.3.2.
La défaite du mouvement : le prolétariat prend la
bourgeoisie au mot et veut réaliser la démocratie.
5.3.3.
Sur le plan doctrinal, de 1837 à 1844, passage de la
démocratie au communisme.
5.3.4.
1848 : double-révolution, utilisation de la
démocratie à l'extérieur de la classe ; rapports avec les paysans et
les
mouvements nationaux.
5.3.5.
Rupture avec la démocratie 1851-52 (Marx et Engels).
5.3.6.
1864-1871 : démocratie à l'intérieur de la classe.
5.3.7.
1971 : révolution communiste dans la période de
domination formelle du capital.
5.3.8.
Retour à l'utilisation de la démocratie à l'extérieur
de la classe : le parlementarisme.
Non compréhension de la coupure
s'opérant à la fin du siècle. Engluement de la social-démocratie dans
la
démocratie.
5.3.9.
Le partir ouvrier social-démocrate de
Russie = A.I.T. de l'aire slave.
5.3.10.
1917-1919 : dépassement de la
démocratie.
Russie
: transcroissance de la révolution.
Allemagne : le rejet de la démocratie par les gauches.
Italie : la fraction abstentionniste.
5.3.11.
Reflux du mouvement prolétarien :
front unique = utiliser à nouveau la démocratie à l'intérieur et à
l'extérieur
de la classe (gouvernement ouvrier et paysan).
5.3.12.
Tentative de dépassement réel de la
démocratie en 1951 et sa faillite en 1966.
5.3.13.
Rapports du jeune prolétariat des
pays récemment parvenus à l'indépendance et
démocratie.
5.3.14.
Affirmation de la nécessité de
dépasser la démocratie : le mouvement prolétarien (noir) des E.U.
5.3.15.
Affirmation non consciente lors des
événements de Mai-Juin 1968.
5.3.16.
Le Gemeinwesen, négation positive de
la démocratie.
5.4.
Le fascisme.
5.4.1.
Origines.
5.4.2.
Doctrine.
5.4.3.
Victoire et développement du fascisme
après la seconde guerre mondiale.
5.4.4.
Fascisme, État et capital.
5.4.5.
Fascisme et réformisme.
5.4.6.
Fascisme, État et libre entreprise.
5.4.7.
Fascisme et bonapartisme.
5.4.8.
Fascisme et stalinisme.
5.4.9.
Fascisme = démocratie sociale ; rapports fascisme et
Gemeinwesen matérielle.
6.
Défense
de la doctrine communiste.
6.1.
Révisionnisme, enrichissement et sclérose de la
doctrine.
6.2.
Les questions théoriques « plus ou moins
abandonnés ».
6.2.1.
La périodisation de la société humaine.
6.2.2.
La question philosophique.
6.2.3.
La question de l'individu.
6.2.4.
Science, art et religion.
6.2.5.
La question militaire.
7.
La
société communiste.
8.
La
révolution communiste.
8.1.
Nécessité de la prévision.
8.2.
Le cycle de la révolution communiste : révolution en
domination réelle du capital.
8.3.
La révolution future : schéma stratégique mondial.
8.4.
Rapports entre les classes dans la prochaine
révolution.
8.5.
La réunification de la classe, et la formation du
parti-Gemeinwesen (communauté).
9.
Bibliographie.
Jacques
CAMATTE – 1969
1
Schéma
élaboré par Bordiga. Cf. son
texte Le renversement de la praxis dans la théorie marxiste, 1951
[Note
de 1977].
2
Il s'agit du « schéma du centralisme
marxiste » exposé et figuré par Bordiga dans Leçons
des
contre-révolutions – Révolutions doubles – Nature capitaliste
révolutionnaire
de l'économie russe, 1951 [Note de 1977].
3
On la trouve dans la partie conclusive
de 7 novembre 1917-1957 : quarante ans d'une estimation
organique des
événements de Russie dans le dramatique développement social et
historique
international, qui fut incorporé dans le n°2 La
question Russe et la
théorie du prolétariatInvariance.
Elle contenait,
en particulier, cette affirmation :
« Dans
cette troisième vague historique de la révolution, l'Europe
continentale
deviendra communiste – politiquement et socialement – ou bien le
dernier
marxiste aura disparu ».
Il y a
encore beaucoup de ge,s qui se disent marxistes mais quels rapports
entretiennent-ils avec la « réalité sociale » ? [Note
de 1977]
4
« Il est absolument évident que
nous ne sommes pas à la veille de la 3° guerre mondiale, ni à celle de
la
grande crise d'entre les deux guerres qui ne pourra se développer que
dans
quelques années, quand le mot d'ordre de l'émulation et de la paix aura
dévoilé
son contenu économique : marché mondial unique. La crise n'épargnera,
alors,
aucun Etat.
Une seule
victoire est aujourd'hui concevable pour la classe travailleuse : celle
doctrinale
de l'économie marxiste sur l'économie mercantiliste commune
aux étasuniens
et aux russes.
Dans une
seconde période, la tâche consistera pour le parti communiste mondial
en la
victoire d'organisation, en opposition aux schémas démopopulaires et
démoclassistes.
C'est
seulement dans une troisième phase historique (l'unité de temps ne
pouvant pas
être inférieure à un quinquennat) que la question du pouvoir de
classe
pourra être remise sur le tapis. Dans ces trois étapes, le thermomètre
sera la
rupture d'équilibre d'abord et surtout – que les imbéciles veuillent
bien nous
en excuser – au sein des USA et non au sein de l'URSS »
Bordiga, Le
cours du capitalisme mondial dans l'expérience historique et dans la
doctrine de
Marx.
5
« Nous avons dit plusieurs fois
que le Manifeste est une apologie de la
bourgeoisie. Et nous avons
ajouté qu'aujourd'hui, après la seconde guerre mondiale et la
réabsorption de
la révolution russe, il fallait en écrire un autre, mais non en
fonction des philosophes
des valeurs qui projettent dans l'idéologie bourgeoise
l'implacable
économisme et l'esprit boutiquier propres à la classe et à l'époque.
Nous avons
besoin d'effectuer l'apologie de l'accusé pour conclure qu'il est temps
de le
condamner à la peine maximum » Bordiga, Le marxisme
des bègues.
6
Cf. Bordiga, « Agression à
l'Europe », Prometeo, n°13, août 1949 ;
et « Prophètes de
l'économie démentielle », Battaglia Comunista, n°21,
1950.
7
Nous n'analysons pas ici toutes les
données de la crise en cours ; nous voulons simplement indiquer les
lignes
générales. Son étude systématique sera abordée ultérieurement.
9
Cette absorption de la Chine à l'aide
du dollar fut prévue dès les premières années d'existence de la
république
populaire chinoise. Cf. Bordiga « L'épée et Vendredi, l'atome
et
Mao » et « Préparez le Kangourou », Battaglia
Comunista, n°24,
1950, et n°10, 1951.
1
Les « critiques » sont
tous les courants se rattachant plus ou moins à Socialisme ou
Barbarie, de
l'Internationale Situationniste à la J.A.C.
11
Le capital ne connaît que le
temps-quantité, puisqu'il est valeur (temps de travail mort, accumulé)
en
procès.
12
Je pensais
à l'époque que l'activité théorique consiste à prévoir la conscience
immédiate
de demain parce que c'est le seul moyen de ne pas être dépassé et, par
là, il
est possible d'accélérer quelque chose ; sinon on est rejeté et,
surtout, on
devient un frein [Note de 1977].