2.
– LA RÉVOLUTION
RUSSE ET LA THÉORIE
DU PROLÉTARIAT
2.1.
- 7
Novembre 1917-1957 :
Quarante ans d'une estimation organique
des événements
de Russie dans le
dramatique
développement social
et historique
international,
2.1.1.
- La Russie contre l'Europe au ΧΙX° siècle.
2.1.1.1.-
Dans 1a première lutte qu'ils livrèrent
à propos du "rôle "
de
1a Russie dans 1a politique européenne, les socialistes marxistes visaient à réfuter l'opinion fausse selon laquelle les conclusions du marxisme historique étaient inapplicables à ce pays. Les déductions sociales que Marx avait tirées
de
l'étude du
premier capitalisme, en
Arngleterre,
avaient été généralisées par lui
à 1a France, à l’Allemagne
et
à. l'Amérique en
raison de leur portée universelle. L'internationalisme marxiste ne pouvait douter que 1a même
clef
permit d'ouvrir
1a porte qui avait semblé
se refermer pour
toujours au nez de 1a société
capitaliste avec
1a défaite des baïonnettes napoléoniennes, retardant d'un siècle tout le développement historique.
2.1.1.2.
- Pour
1a Russie, notre école
attendait et préconisait donc, comme pour tous les
pays européens, une révolution bourgeoise du type des grandes révolutions
anglaise et française. En
1848, celle-ci vint
ébranler toute l’Europe.
Pour Marx, la Russie des tsars assumait 1a fonction de citadelle
de 1a réaction européenne anti-libérale
et anti-capitaliste.
C'est pourquoi 1a destruction du mode de production féodal y fut prévue, attendue, revendiquée, Jusqu'en
1871, l'appréciation marxiste de toutes les guerres nationales qui
se succéderont en Europe
sera
fonction de leur capacité à entraîner
un désastre pour Pétersbourg. Cela fit accuser Marx de pangermanisme antirusse, mais s'il souhaitait 1a défaite du tsarisme, c'est parce que son maintien constituait un obstacle non
seulement à 1a révolution bourgeoise, comme nous avons νu,
mais
à une
ultérieure révolution
ouvrière en Europe. En conséquence,
la première Internationale ouvrière accorda
son plein appui aux mouvements des nationalités opprimées
par
le tsar, comme en témoigne
l'exemple classique de la
Pologne.
2.1.1.3.
- La doctrine historique
de l'école marxiste considère comme
close en 1871, en Europe, 1a période de
l'appui socialiste aux guerres de systématisation nationale en États
modernes, aux luttes internes de 1a révolution
libérale et aux
renaissances nationales. À
cette date, l'obstacle russe se dresse toujours à l'horizon. À
moins d'être abattu, il barrera 1a route â toutes
les insurrections ouvrières dressée
contre "1a
confédération des armées européennes",
envoyant les cosaques défendre non plus
de Saints Empires, mais les démocraties parlementaires auxquelles le développement occidental aura
abouti.
2.1.1.4.
- Très vite, le marxisme s'occupe
des questions sociales de
Russie. Ι1
étudie
sa structure économique et le développement des antagonismes de classe. Cela
ne
l'empêche nullement de rechercher le
cycle des révolutions
sociales en
tenant compte des rapports de force internationaux;
car
1a gigantesque construction de Marx a mis en
évidence que les conditions
de
1a révolution résident dans une maturité, de 1a structure sociale (dont les étapes du cycle
révolutionnaire dépendent )
qui
se manifeste justement à l'échelle internationale. Tout de suite,
donc, une question se pose:
n'est-il
pas possible d'abréger
le développement historique qui, en Russie, n'en est pas encore arrivé au stade atteint dès le début
du ΧΙΧ°
siècle οu
dès 1848 dans
le reste
de l'Europe?
Nous avons deux réponses de Marx à ce problème: la première en 1877, dans une lettre à un
périodique; 1a
seconde en
1882, dans
la
préface à
1a traduction russe du Manifeste
Communiste due à Vera
Zassoulitch.
La Russie pourra-t-elle
sauter par dessus le mode de production
capitaliste?
La première réponse est
en partie positive:
"Oui,
si la révolution russe donne le signal à une révolution ouvrière en Occident, de façon que l’une complète l'autre." Mais 1a seconde
réponse déclare que cette
occasion était déjà perdue. Elle se réfère à 1a réforme agraire
bourgeoise de 1861 - abolition de 1a servitude de 1a glèbe -
qui
provoqua 1a dissolution finale du communisme primitif
de village. Bakounine - férocement stigmatisé par Marx et Fngels
- en avait fait
l'apologie :
"
Si
1a Russie suit la voie qu'elle
a prise
après
1861 elle
perdra la plus belle
occasion de sauter par-dessus
toutes les alternatives fatales du régime capitaliste que l'histoire
ait
jamais offerte à un peuple.
Comme
tous les autres pays, elle devra subir les lois inexorables de ce
système."
Voilà
tout,
concluait brutalement Marx.
C'était tout:
1a révolution prolétarienne
ayant manqué et ayant été
trahie en Europe, la Russie d'aujourd'hui est
tombée dans la barbarie
capitaliste. Des écrits d'Engels sur
le mir communiste
russe montrent que
dès 1875 et à plus forte raison en 1894 le mode capitaliste de production a gagné 1a partie :
désormais,il domine non seulement sμr
les
villes,
mais dans certaines régions de 1a campagne russe,
et ceci
sous le pouvoir tsariste.
2.1.1.5.
- En
Russie, l'industrie capitaliste a surgi
grâce à des investissements directs
de 1'État
plutôt que d'une accumulation primitive. Avec
elle,
c'est le prolétariat urbain et le parti ouvrier marxiste qui apparaissent. Tout comme les premiers marxistes
dans l'Allemagne d'avant 1848, ce parti est placé
devant le problème d'une
double révolution. Sa
ligne théorique (représentée tout d'abbrd
par
Plékhanov, puis par Lénine et
les Bolchéviks) est
en pleine harmonie avec celle du
marxisme européen et international, surtout dans 1a question
agraire, qui est en Russie de première importance. À
cette double
révolution,
quelle
sera
1a contribution des classes
rurales des
serfs et
des paysans misérables bien que
juridiquement émancipés, dont les conditions de vie
ont
empiré
par rapport
à celles qu'ils connaissaient sous le féodalisme pur?
Partout, serfs et petits paysans ont historiquement soutenu les révolutions
bourgeoises,
et ils
se sont toujours insurgés contre
les privilèges de 1a
noblesse terrienne. En Russie, le mode féodal présente cétte
originalité de n'être pas
centrifuge comme cela avait été le
cas en Eιrορe et surtout en Allemagne:
pouvoir
d'État
et
armée nationale y sont en effet centralisés depuis des siècles. Historiquement, et jusqu'au
XIX° siècle, cette condition est progressive, non seulement sous l'aspect
politique et historique
(c'est-à-dire en ce qui
concerne les origines
de l’armée) de 1a monarchie
et de l’État,
importés
du
dehors
),
mais
aussi
sous
l'aspect social. L'État,
1a
Couronne (et
certaines
communautés religieuses non moins
centralisées)
possèdent plus de terre
et
de serfs que 1a noblesse
terrienne: de là la définition de féodalisme d'État
appliquée à 1a Russie. Un tel féodalisme s'était montré capable de résister au choc des armées
démocratiques françaises, pendant de longues
années. Marx alla jusqu'à en appeler à des armées européennes, turques et allemandés pour le détruire.
En
substance :1a
voie du féodalisme d'État
au capitalisme d'État a
été moins longue en Russie qu'en Europe celle
du féodalisme moléculaire
aux États bourgeois
centralisés, et du premier
capitalisme autonomiste au capitalisme concentré
et
impérialiste.
2.1.2.
-
Les perspectives de
disparition du dernier féodalisme.
2.1.2.1.
- Ces formes sociales
séculaires expliquent qu'une
classe bourgeoise d'une
puissance comparable è, celle d'Europe
ne
se soit jamais formée en Russie. En
conséquence, 1a greffe de 1a révolution prolétarienne sur
1a révolution bourgeoise que les marxistes
attendaient y apparaissait encore plus difficile
que dans l’Allemagne
de
1848.
À
la
différence de ce qui s'était passé en
Angleterre,
1a tradition révolutionnaire allemande
s'était tout entière épuisée dans 1a réforme religieuse.
constatant sa carence au ΧΙΧ° siècle, Engels tournait son attention vers les paysans dont il retraça
la guerre historique de 1525,
et 1a terrible défaite, due à
1a lâcheté de 1a bourgeoisie urbaine, du
clergé réformé et aussi de 1a petite noblesse.
En
Russie (où
une
petite noblesse et un clergé rebelles faisaient égalemcnt défaut),
1a classe
paysanne pouvait-elle jouer le rôle de substitut de 1a classe
bourgeoise politiquement
absente ?
Tel fut le premier point sur
lequel
les marxistes entrèrent théoriquement et pratiquement en lutte contre tous les autres
partis. Selon 1a formule de nos adversaires, 1a révolution
russe ne
devait être
ni
bourgeoise, ni prolétarienne, mais paysanne. Nous avons défini
1a révolution paysanne
seulement comme une figure
complémentaire (controfigura) de 1a révolution bourgeoise citadine. Le marxisme
- durant 100 ans de polémiques et de guerres de
classe - a refusé 1a perspective monstrueuse d'un
"socialisme paysan" qui serait engendré par un mouvement des petits
cultivateurs - en vue d'un partage utopiquement égalitaire des terres -
parvenant pour ce faire à contrôler l’État.
Ils
réalisèrent cela -
selon cette doctrine -mieux que 1a bourgeoisie
impuissante et que lenouveau prolétariat
dont on
ne soupçonnait pas la
terrible énergie découlant de son existence en tant que section du
prolétariat européen. La bourgeoisie nait nationale et ne se transmet
pas d'énergie par-dessus les frontières. Le prolétariat nait international et comme
classe, il est présent dans toutes les révolutions "étrangères".
La
paysannerie n'arrive même pas au niveau national.
C'est
sur
ces bases que
Lénine édifia la doctrine marxiste de la révolution russe dont, écartant la
bourgeoisie indigène
et la paysannerie, il désignait 1e prolétariat comme protagoniste.
Le développement
de tout ce qui précède a été fait -
de façon documentée -
dans
notre travail: Russie et révolution
dans
1a théorie marxiste. (Cf. il Programma Comunista du n° 21 de 1954 au n°
8 de
1955).
2.1.2.2.
- Les grandes questions de 1a révolution russe
étaient au nombre de deux :
la question agraire et
la question politique.
Dans la première,
les populistes et les socialistes révolutionnaires étaient partisans du partage des terres;
les mencheviks de leur
municipalisation, les bolcheviks de leur nationalisation. Autant de postulats
- selon Lénine lui-même -
d'une
révolution non pas socialiste mais bourgeoise-démocratique.
La
troisième position était pourtant la
plus avancée, parce qu'elle
créait les conditions les meilleures pour un communisme prolétarien. Nous nous limitons à,
citer -
à nouveau -
Deux
tactiques "
L'idée de
1a nationalisation
de 1a terre
est donc une catégorie de 1a
société mercantile et
capitaliste." Dans la Russie actuelle, seule la partie de l'agriculture
organisée
en sovkhoses est nationalisée, et c'est la plus petite. le reste
n'est même pas arrivé à ce niveau.
En
ce
qui concerne le
pouvoir, les Menchéviks sont partisans de laisser 1a bourgeoisie s'en saisir et de passer alors à l'opposition:
en 1917
ils
collaboreront au
gouvernement avec les bourgeois. Les populistes sont pour
un
illusoire gouvernement paysan;
avec Kérensky, ils
feront la même fin que les précédents. Les bolcheviks sont pour la prise du pouvoir et une dictature démocratique du
prolétariat et des paysans. Les paroles suivantes
de
Lênine expliquent
l'adjectif "démocratique"
et le substantif "paysan".
"
Cette victoire ne fera nullement de notre révolution bourgeoise une révolution socialiste
"
Non seulement les transformations qui
sont
devenues une nécessité en Russie n'impliquent pas l'écroulement du
capitalisme, mais
elles
débarassent effectivement
le terrain pour son développement large et rapide,à
l'européenne et non plus à l'asiatique.
"
Cette victoire nous aidera à soulever l'Europe, et
après avoir rejeté le joug de 1a bourgeoisie, le prolétariat socialiste d'Europe nous aidera à faire 1a révolution socialiste."
Que faire, alors, des alliés paysans ?
La
réponse de Lénine
est claire. Marx avait déjà dit que les paysas sont les "alliés naturels de 1a bourgeoisie".
Lénine
écrit :
"Dans 1a
véritable lutte,
dans 1a lutte décisive pour le
socialisme, les
paysans, comme
classe de
propriétaires terriens, auront 1a même,fonction de
trahison et montreront 1a même inconstance qu'aujourd'hui
1a bourgeoisie pour 1a démocratie."
À
1a fin
du travail
cité (n°8,
1955) nous avons montré comment Lénine
soutenait sa formule : Prise du pouvoir et dictature dans 1a révolution
bourgeoise contre 1a bourgeoisie elle-même avec
l'appui des
seuls paysans. Ιl
1a soutenait de ce double
point
de vue:
pour
arriver à 1a révolution prolétarienne en Europe,
condition sans laquelle le
socialisme ne pourrait vaincre en Russie; pour
éviter la restauration du tsarisme qui
aurait
repris son rôle de garde blanche
de 1'Europe.
2.1.3.
- L'inoubliable
épopée russe de 1a révolution prolétarienne mondiale.
2.1.3.1.
- Marx
avait prévu
la guerre entre
l'Allemagne et une
alliance franco-slave. En 1914 elle
éclate. Comme
il l'avait
prophétisé, la révolution
russe naît des revers militaires du tsar.
La Russie était alors
alliée aux puissances démocratiques : France,
Angleterre et Italie. Aux yeux des capitalistes, des démocrates et des sociaux-traîtres qui avaient adhéré
à 1a cause de la guerre anti-allemande, le tsarétait devenu un
ennemi à abattre, parce qu'ils le
jugeaient incapable de conduire 1a guerre οu
le soupçonnaient de se préparer en secret à une alliance avec les Allemands. Aussi 1a première révolution, en février 1917, fut-elle accueillie par
les applaudissements unanimes des patriotes,
démocrates ou socialistes, qui l'attribuaient non
tant à 1a lassitude des
masses et en particulier des soldats, qu'aux habiles manoeuvres des ambassades alliées. Bien que n'ayant pas,
en majorité, adhéré à la guerre, les socialistes de
droite s'orientèrent tout de suite vers un gouvernement provisoire qui devait continuer celle-ci en accord avec les puissances
étrangères. C'est sur cette base
qu'ils conclurent le compromis avec les partis bourgeois. Avec hésitation tout d'abord, mais de toutes ses forces après le retour de Lénine et
des
autres chefs de
1917 en Russie, et le ralliement de Trotsky, le
parti bolchevik se prépara à renverser ce
gouvernement soutenu par les menchéviks et les
populistes.
Dans notre exposé sur la Structure
économique et sociale de 1a Russie d'aujourd'hui - parti cuiièrement dans 1a première partie - nous avons exposé à
l'aide de
documents
le déroulement historique qui conduit à
Octobre - dont on célèbre aujourd'hui le
quarantième anniversaire - à
la seconde révolution. Nous avons confronté la lutte pour.le pouvoir en 1917 aux questions doctrinales qui avaient surgi auparavant dans la vie du parti.
2.1.3.2.
- La conquête du pouvoir par le Parti communiste résulta de 1a défaite de tous les
autres partis, tant "ouvriers et paysans
que bourgeois (
qui s'obstinaient à continuer 1a
guerre aux côtés des Alliés) dans la guerre civile. Cette conquête fut complétée par la victoire sur ces partis dans le soviet panrusse, qui parachevait celle dans,
la rue obtenue sur eux et leurs alliés d'en dehors du soviet -
par la dispersion de l'Assemblée Constituante convoquée par le
gouvernement provisoire -
par
la rupture des bolcheviks avec
l'ultime allié, le
parti des socialistes-révolutionnaires de gauche, partisans de 1a guerre sainte contre les Allemands et qui avaient une forte influence dans les campagnes.
Ce
bond gigantesque n'alla pas
sans des luttes graves à l'intérieur du parti lui-même. Historiquement, il ne se termina qu'après quatre ans environ d'une terrible guerre intérieure, avec la
défaite des
armées contre-révolutionnaires qui comprenaient à 1a fois les
forces de
1a noblesse féodale et monarchique; celles qu'avant et après 1a
paix de Brest-Litovsk de 1918
l'Allemagne avait suscitées contre 1a
révolution; enfin,
celles que les puissances démocratiques avaient mobilisées à grands renforts, parmi lesquelles
l’armée polonaise.
Pendant ce temps, il n'y eut en
Europe qu'une série de
tentatives malheureuses de
prise du pouvoir par la classe ouvrière
ardemment solidaire de 1a révolution russe. En substance, la défaite des
communistes allemands en janvier 1919, après 1a
débâcle militaire du pays et la chute du Kaiser fut décisive. Ce fut, là, la première rupture grave dans le
déroulement historique prévu par Lénine, qui
jusque-là s'était magnifiquement vérifié, surtout dans l’acceptation de 1a paix de mars 1918 par 1es bolcheviks, solution décisive que 1a démocratie mondiale
qualifia stupidement de trahison.
L'histoire des années suivantes
confirma
qu'il ne fallait pas compter sur l'aide
d'un prolétariat européen victorieux â l'économie
russe tombée dans une désorganisation effrayante.
Les bolchevilks n'en
continuèrent
pas moins à défendre 1e pouvoir en Russie, et
1e sauvèrent ; mais
il n'était
désormais plus
possible de
régler 1a question économique
et sociale de 1a Russie
selon la prévision
de tous les marxistes,
c'est-à-dire en soumettant les forces productives surabondantes de l'Europe (elles le restaient même après
la guerre) à 1a dictaturc du
parti
communiste international.
2.1.3.3.-
Lénine avait
toujours exclu
- et il
l'exclut jusqu'à sa mort, ainsi que
les marxistes-bolcheviks
authentiques -
que 1a
société russe puisse
prendre
des
caractères
socialistes si 1a
révolution russe ne se
répercutait pas
en Europe, et si
donc
l'économie y restait capitaliste. Cela ne l'empêcha pas de toujours soutenir qu'en
Russie
le parti prolétarien soutenu par les paysans devait
prendre le pouvoir, et le garder, sous une forme dictatoriale.
Deux questions historiques se posent. Peut-on définir comme
socialiste
une
révolution qui, comme
Lénine l'avait
prévu,
créa un pouvoir obligé d’administrer, en
attendant de
nouvelles victoires internationales, des formes sociales
d'économie privée,
dès lors que ces victoires ne se sont pas produites. La
seconde question concerne 1a
durée concevable pour
une
telle situation et
s'il n'y avait pas une autre issue que
la contre-révolution
politique franche, le retour au pouvoir d'une bourgeoisie nationale à visage découvert.
Pour
nous, la révolution d'Octobre fut socialiste. Quant
à l'issue opposée à 1a contre-révolution armée (qui ne se produisit pas)
elle
n'était
pas unique,
mais double :
οu
l'appareil
du
pouvoir
(État et parti )
dégénérait en
s'adaptant politiquement à
l'administration de
formes capitalistes, c'est-à-dire en
renonçant ouvertement à attendre 1a révolution
mondiale (c'est
ce qui s'est
passé) ;
οu
bien le
parti marxiste se maintenait au pouvoir
pendant longtemps,
et
s'engageait
à soutenir la
lutte prolétarienne
révolutionnaire dans
tous
les pays étrangers,
tout en reconnaissant, avec 1e même courage que Lénine, que les formes sociales.restaient,à l'intérieur, largement capitalistes, et même
pré-capitalistes.
Nous examinerons
tout d'abord la première question, la seconde
étant liée
à 1'examen de
1a structure sociale de 1a Russie
actuelle, faussement présentée comme socialiste.
2.1.3.4.
- Tout d'abord, on ne doit pas considérer 1a Révolution
d'Octobre sous l'angle de 1a transformation, ni immédiate, ni
même
très rapide, des formes de
production et de 1a structure économique, mais comme une phase de
1a lutte politique
internationale du prolétariat. Elle présente en effet
une série de
caractères qui
sortent totalement des limites d'une révolution nationale
et purement anti-féodale, et
qui né
se réduisent pas au fait qu'elle
fut dirigée par 1e parti
prolétarien.
a)
Lénine avait
établi
que
1a guerre européenne et mondiale avait
un caractère impérialiste "même
pour
1a Russie"
et que
le parti prolétarien
devait en conséquence pratiquer ouvortement le
défaitisme, tout
comme dans 1a guerre russo-japonaise qui
avait
provoqué les luttes de
1905- Ce défaitisme avait donc les mêmes raisons que
dans
les autres pays, οù les partis socialistes avaient également le devoir de
1e pratiquer; il
ne dépendait pas du fait que
1'État
russe
n'était pas
démocratique. Le développement du
capitalisme et de l'industrie
en Russie ne suffisait pas à fournir une
base au socialisme, mais il suffisait à donner
un caractère impérialiste à 1a
guerre. Les
traitres qui
avaient épousé 1a cause des brigands impérialistes sous le prétexte
de
défendre 1a démocratie "en
général" (ici contre 1e danger allemand, 1à contre le danger russe)
condamnèrent les
bolcheviks, pour
avoir mis fin à 1a guerre
et liquidé les alliances militaires, et
ils
cherchèrent à poignarder 1a Révolution
d'Octobre. C'est contre eux,
contre
1a guerre, contre l'impérialisme
mondial qu'Octobre vainquit :
ce fut
1à une
victoire purement prolétarienne
et communiste.
b)
En triomphant
clos attentats de ces traitres, Octobre revendiqua
les principes oubliés de 1a
révolution, et il restaura la doctrine marxiste dont ils
avaient comploté 1a ruine.
La voie de
la victoire sur 1a bourgeoisie, il la
définit
pour toutes les nations: emploi de la violence et de la
terreur
révolutionnaire -
rejet des
"garanties démocratiques"
- application illimitée
de la
dictature de la classe
ouvrière excercée par le
parti
communiste, concept essentiel du marxisme. Ainsi,
il abandonnait pour toujours à leur imbécilité
ceux
qui, dans la dictature, voyaient 1e pouvoir d'un homme, et presqu'autant ceux qui,
redoutant la tyrannie
au même titre que
les démocrates
bourgeois, n'admettaient que la dictature d'une classe amorphe, non constituée en parti
politique
comme
le posent au contraire les textes séculaires du marxisme.
c)
Depuis, la classe ouvrière s'est
souvent présentée sur la scène
politique (οu
pis, parlementaire)
fictivement divisée
en plusieurs
partis:
jamais la leçon d'Octobre, montrant que la voie
révolutionnaire
ne passe
pas par 1'excercice du
pouvoir en
commun
avec
ces serviteurs du capitalisme, mais par leur
liquidation violente, les uns
après
les autres, jusqu'au pouvoir total de
l'unique parti prolétarien, n'a
été démentie.
L'importance
de ces trois points
réside
dans le fait que
c'est peut-être justement en
Russie, en raison de la survivance d'un
despotisme médiéval, qu'une
exception par rapport aux pays bourgeois avancés aurait pu s'expliquer. Or c'est au contraire la voie unique et mondiale
tracée par la doctrine universelle du
marxisme (dont ne s'écartèrent, à aucun moment, ni dans la pensée ni
dans
l'action, Lénine non plus
que son admirable parti bolchevik)
que
la révolution russe emprunta, que
les révolutionnaires russes martelèrent,
à la terreur ou à
l'enthousiasme
du monde.
C'est
ignoble que ces noms soient aujourd'hui exploités par
ceux qui
- honteux de
ces gloires qu'ils feignent théatralement de vouloir célébrer - demandent des excuses pour
ces voies que la russie a
dû prendre, en raison de
circonstances et
de
conditions
locales.
Des gens qui - comme si
telle était leur
mission,
comme
s'ils en
avaient seulement 1e pouvoir! - promettent.de
faire
parvenir les autres pays
au socialisme par d'auτres voies, différentes selon les nations, que leur
trahison
et leur infâmie
pavent de tous
les-matériaux fangeux que
l'opportunisme est capable de pétrir:
liberté, démocratie,
pacifisme, coexistence, émulation!
Pour I,énine, la révolution occidentale était 1'oxygène dont 1e socialisme avait besoin en Russie. Pour
ces gens-là,qui
le 7 novembre défilent
devant
son mausolée stupide,
l’oxygène
est
que
le capitalisme fructifie et prospère dans le reste du monde, pour pouvoir coexister et marcher avec lui.
2.1.4.-
Sinistre parabolc de la révolution tronquée.
2.1.4.1
- La seconde question à examiner
est celle de la structure économique
de la Russie lors de la victoire d'Octobre.
Les éléments essentiels de la réponse ont été
établis par Lénine dans des
textes fondamentaux auxquels nous nous sommes référés
de façon très étendue
- non avec des citations détachées
que
l'on peut ensuite insérer dans des écrits généraux et brefs - mais en dressant un
tableau qui met en liaison toutes les
formules avec les conditions historiques
du milieu
et avec les rapports de forces, dans leur développement historique.
En
tant que "révolution double",
la révolution russe devait porter sur le théâtre des opérations trois modes historiques
de production, tout comme 1' Allemagne
d'avant 1848 où la vision marxiste classique reconnaissait trois forces en présence : l'empire
médiéval aristocratico-militaire, la
bourgeoisie caritaliste et
1e prolétariat, c'est-à-dire le servage,
le salariat et le socialisme, En
Allemagne, le
développement industriel était alors
limité quantitativement, sinon qualitativement. Si Marx introduisait néanmoins le troisième personnage, le prolétariat,
ce fut
parce que les conditions technico-économiques
du
troisième mode de production existaient déjà pleinement en
Angleterre, tandis
que les
conditions politiques
semblaient
présentes en France à l'échelle européenne, il existait
donc une perspective
socialiste. L'idée d'une chuté rapide du pouvoir absolu en All-éτaagrιe au bénéfice de la bourgeoisie, et d'une
attaque ultérieure du jeune prolétariat à celle-ci était liée à la possibilité d'une
victoire ouvrière en France où,
après la
chute de
la monarchie bourgeoise de 1831, le
prolétariat de Paris et de la
province livra généreusement une bataille qu'il perdit.
Les grandes visions révolutionnaires sont fécondes,
même quand
l'histoire en renvoie
à plus
tard
la réalisation. Dans celle de
Marx, la France aurait donné
la politique,
avec
l'instauration de la dictature ouvrière à Paris, comme cela fut effectivement tenté
en 1830 et
1848, et réalisé en 1871, où cette dictature succomba glorieusement, les armes à la main. L'Angleterre
aurait donné l'économie
et l'Allemagne la doctrine, à laquelle Léon Trotsky appliqua dans 1e cas de la Russie le nom classique de révolution permanente. Chez
Marx,comme chez
Trotsky, la
permanence de la révolution
se vérifie dans un cadre
mondial, nοn à l'échelle misérable
d'une nation. Le terrorisme idéologique
des staliniens a condamné la révolution
permanente:
mais ce sont
eux qui
l'ont singée dans une
parodie vide et
toute imbibée de patriotisme.
En
1917, dans la
vision de Lénine (et
celle de
nous tous, qui le
suivions), la Russie révolutionnaire
(industriellement
en retard comme l'Allemagne de 1848)
devait offrir la
flamme de la révolution politique, rendant toute
sa force
à cette grande doctrine
grandie en
Europe
et dans le monde. L’Allemagne vaincue aurait fourni les forces productives, 1e potentiel économique. Le reste de cette Europe centrale si
tourmentée aurait suivi. Puis une
seconde vague aurait submergé les "vainqueurs" : la France, l'Italie (que
dès 1919 nous espérâmes en vain
entraîner dans la première
vague),
l'Angleterre, l'Amérique et le Japon.
Dans le noyau Russie-Europe, le développement des forces productives en direction du socialisme n'aurait pas rencontrê
d'obstacles
et n'avait besoin
que de la dictature du parti communiste.
2.1.4.2.
- Pour cette rapide
esquisse
du résultat de nos recherches, il faut considérer l'autre issue, celle d'une Russie
restée seule
avec la victoire politique en mains. Situation d'énorme avantage
par rapport à 1848, οù
toutes les nations entrées dans la lutte
restèrent sous la coupe du capitalisme,
et Ι'Allemagne plus en arrière encore.
Résumons brutalement la perspective
intérieure de Lénine
dans l'attente de
la révolution occidentale. Dans l'industrie, contrôle de la
production, et plus
tard, gestion par 1'État ;
cela signifiait bien la destruction de la bourgeoisie
privée, et donc
la victoire politique, mais aussi
une administration
économique de
type mercantile et capitaliste développant seulement les bases du
socialisme. Dans l'agriculture, destruction de toute forme de sujétion féodale et gestion coopérative des grandes tenures,
avec
le minimum
possible de tolérance à 1'égard de la petite production mercantile. Celle-ci était déjà la forme dominante en
1917, et la destruction du mode féodal de production (qui,
elle, fut effective non-seulement
politiquement mais
économiquement) n'avait pu que l'encourager :
les ouvriers agricoles sans terre,seuls "paysans pauvres"
véritablement chers à Léninc, avaient en effet diminué de nombre, l'expropriation des paysans riches les ayant transformés en propriétaires.
En
1926 éclata la grande discussion -
que
nous avons fondamentalement
clarifiée - des durées de l'évolution. Staline
disait : si
le plein
socialisme est impossible ici,
alors nous devons abandonner le pouvoir. Trotsky
cria sa foi dans la révoluticn internationale, affirmant qu'il fallait rester au pouvoir à
l'attendre même
si elle
devait
tarder encore pendant cinquante ans. On lui répondit que Lénine
avait parlé de vingt ans pour
la Russie isolée. En réalité, Lénine parlait de vingt
ans de "bons rapports", avec les
paysans,
après quoi,
même
si la Russie n!était
toujours pas devenue socialiste économiquement, la lutte des classes entre ouvriers et paysans se serait déclenchée pour
liquider la micro-production rurale et le micro-capitalisme privé agraire, qui
consumaient les
forces de
la révolution.
Mais dans l'hypothèse de la révolution ouvrière
européenne, la
micropropriété terrienne
- vivace
et indéracinable aujourd'hui
sous
la forme kolkhose - aurait
subi sans délais un
traitement draconien.
2.1.4.3.
- La science économique marxiste
sert à prouver que
le stalinisme n'en est même
pas
arrivé
au résultat que
Lénine prévoyait pour vingt
ans plus tard. Pourtant ce
ne sont pas vingt
mais
quarante ans qui se
sont écoulés:
les
rapports avec les paysans kolkhosiens sont aussi
bons que sont mauvais les rapports avec les ouvriers
de
l'industrie, celle-ci étant gérée par 1'État
sous le régime du salaire dans des
conditions d'échange de la force de travail encore
pires que celles qui existent
dans les capitalismes non camouflés. Le
paysan, lui,
est bien traité comme
coopérateur de l'entreprise kolkhosienne,
et mieux encore comme petit
gérant
de terre et de capital-réserves.
Il
est inutile de
rappeler 1es caractéristiques bourgeoises de l'économie soviétique, qui vont du commerce à
l'héritage et à
l'épargne. Elle ne s’achemine nullement vers l'abolition de l'échange
monétaire, aussi les rapports entre les ouvriers
et les
paysans vont-i1s dans un sens opposé à
l'abolition de
la différence entre travail industriel
et travail agricole, ainsi qu'entre travail intellectuel et travail manuel.
Quarante
ans nous séparent de 1917, et environ trente de la date à laquelle
Trotsky évaluait
à une
cinquantaine
d'années
(ce qui portait à 1975 environ) le temps qu'il serait possible de
rester au pouvoir, mais la révolution prolétarienne n'est pas
venue, en Occident. Les assassins
de Trotsky
et du bolchevisme ont construit largement le
capitalisme dans l'industrie-, c'est-à-dire les bases du
socialisme, mais seulement de façon limitée dans l'agriculture;
et ils sont encore en retard de vingt
ans
sur les
vingts ans de Lénine en
ce qui concerne la liquidation de la
stupide forme kolkhosienne, dégénérescence du capitalisme libéral classique lui-même
dont,
dans un accord souterrain avec les capitalistes
d'au-delà les
frontières, ils veulent aujourd'hui infecter jusqu'à l'industrie et toutes les formes
de la vie.
Mais
il ne
faudra pas attendre
jusqu'à 1975 pour voir des crises de produtition déferler sur les deux camps en émulation, crises qui
balaieront les meules de paille
et les
poulaillers privés aussi bien
que les
garages individuels
et toutes les misérables installations du
répugnant
idéal
domestique kolkhosien,
cette illusoire
Arcadie d'un capitalisme populiste.
2,1.4.4.
- Une
étude
récente d'économistes bourgeois américains sur
la dynamique mondiale des échanges calcule que
la course actuelle à la
conquête des marchés (qui,
après
le second conflit
mondial
s'est dissimulée derrière le louche puritanisme
de la secourable Amérique) atteindra un point critique en 1977. Vingt ans nous séparent encore de la nouvelle flambée de la révolution permanente conçue dans le cadre international, ce qui coïncide tant avec les conclusions du
lointain
débat
de
1926 qu'avec le résultat de nos
recherches de ces dernières années (cf. Synthèse des rapports aux
réunions de Bologne, Naples et Gènes, in Il
programma comunista.n°15
et
16 de
1955).
Une nouvelle
défaite ne pourra
alors être évitée
que
si la restauration théorique
n'attend pas pour se faire qu'un
troisième conflit
mondial ait déjà regroupé les travailleurs derrière
tous
les drapeaux que l'on sait (
contrairement à ce qui se
passa en 1914 et qui contraignit Lénine à
un effort
gigantesque ).
Cette restauration devra pouvoir
se développer bien
avant,
avec
l’organisation d'un parti mondial
n'hésitant pas à proposer sa propre dictature. Une telle hésitation
liquidatrice est le fait de ceux qui regrettent que
cette dictature ait un "petit goût"
personnel et qui
finalement
s'acoquinent avec ceux qui
expliquent la question russe par
des révolutions de palais opérées par des grands hommes οu
des brigands, des
démagogues
οu
des traineurs de
sabre.
Au
cours des vingt ans qu'il nous reste à.subir, la production industrielle et le commerce mondiaux connaîtront une crise qui aura
l'ampleur. de la crise américaine de
1932, mais qui
n'épargnera pas le capitalisme russe.
Elle pourra constituer la base du retour de minorités
appréciables et décidées.sur des positions marxistes qui ne renfermeront
aucune, apologie des,
pseudo-révolutions anti-russes, de type hongrois, dans lesquelles paysans
,étudiants. et. ouvriers combattent
côte à côte à la manière stalinienne.
Peut-on hasarder un
schéma de la future révolution
internationale ?
Son aire centrale sera constituée par les pays qui ont
répondu aux
ruines de la guerre par une
puissante reprise productrice, en premier
lieu l'Allemagne
- y compris celle de l'Est -
la Pologne et la
Tchécoslovaquie. L'insurrection
prolétarienne qui
suivra l'expropriation
extrêmement féroce
de tous les possesseurs de capital popularisé, devrait avoir
son épicentre entre Berlin
et le
Rhin et
attirer
a elle rapidernment
le nord
de
l'Italie et le
nord-est de la France.
Une telle perspective n'est
pas accessible aux minus qui ne veulent pas accorder
une heure de survivance relative
à aucun
des capitalismes,.tous égaux à leurs
yeux,
à exécuter en série, sans se
préoccuper s'ils disposent de missiles atomiques
au lieu
de canons à culasse.
La
preuve que
Staline
et
ses successeurs ont révolutionnairement
industrialisé
la Russie, tandis
qu'ils castraient contre-révolutionnairement
le prolétariat mondial,
c'est que
la Russie sera pour
la nouvelle
révolution
une réserve de
forces
productives et seulement ensuite une
réserve d'armées révolutionnaires.
Dans cette troisième vague historique
de la Révolution, l'Europe
continentale deviendra communiste politiquement et
socialement, οu
bien le
dernier marxiste aura
disparu.
Le capitalisme anglais a déjà brûlé les
réserves qui lui permettaient, ainsi que le lui reprochèrent Marx et Engels, d'embourgeoiser à la façon labouriste l'ouvrier
anglais. Lors du suprême conflit qui aura alors lieu ce sera le tour du
capitalisme américain, dix fois plus vampire et oppresseur. À la
répugnante émulation d'aujourd'hui
se substituera le
mors tua vita
mea
social.
2.1.4.5•-
C'est pourquoi notre commémoration ne s'adresse pas aux quarante
ans passés, mais
aux vingt ans à venir
et à leur dénouement[1].
2.2.
- La Russie
de 1957 à 1969.
Οn
assiste
à un
développement de
plus en plus pur
du capitalisme. Les
catégories
fondamentales dc ce mode de
production font leur
apparition; ce qui est
lié a 1'accroissement du
capital. Lorsque celui-ci est peu
important, le capital variable est
prédominant; d'où l'affirmation
de
Staline
(capitaliste
classique
et socialiste romantique): "L'homme, 1e capital le plus
précieux".
Puis,
avec le
développement du machinisme,
du
capital fixe,
l'homme est relégué au second plan. A cela correspond
l'importance de
plus en
plus déterminante du
profit
parce
qu'il est
l'indicateur essentiel du
capital. À ce moment-là, on ne peut
plus se
préoccuper simplemont de l'accroissement
matériel de la production, mais de celle de
la valeur. On indique
l'augmentation de la production non plus
en quantités physiques,
mais
en roubles.
Tout cela est
fort logique et
n'apporte rien
de nouveau pour
οu
contre la théorie
du prolétariat. Le cas russe
est résorbé dans l'étude du
capitalisme
on général.
2.3.-
Attitude de la
gauche communiste d'Italie vis-à-vis de
la question russe.
2,3.1.-
Le
mouvement de la gauche communistc
a
toujours indiqué que la question
russe
n'était pas
au centre de ses préoccupations. Cela
implique que l’on ne pouvait pas
attendre confirmation οu
infirmation de la théorie prolétarienne du
déroulement de la lutte dans
l'aire slave.
En
revanche ce qui compte fondamentalement
c'est l'attitude des divers mouvements vis-à-vis d'Octobre.
En conséquence nous reporterons les affirmations
concernant le phénomène
russe aux différentes étapes de son devenir.
2.3.2.
- Le mouvement de la gauche n'a pas
prévu la révolution russe
mais nia pas
été surpris par elle.
Ι1
a tout de suite reconnu
en elle
1'importance exceptionnelle du prolétariat et la possibilité de
généralisation à l'éhelle mondiale de la révolution.
"La logique
nous
a forcé
à être prophètes. Nos modestes prévisions faciles et
conséquentes (elles ne sont pas nôtres seulement mais de tous ceux qui ont la tête sur les épaules et
savent peser les événements
et leur
attribuer leur valeur
effective) se sont révélées entièrement justes, sans
même une variation micrométrique. Kérensky désavoué
par
1e Soviet, doit abandonner le pouvoir et, sous les acclamations, il est remplacé par Lénine,
le vrai représentant de
la Russie nouvelle
du prolétariat révolutionnaire." Tandis que Lénine triomphe. in L'Avanguardia. 02.12.1917.
"Le prolétariat russe a
entre-temps compris quels périls contient la politique bourgeoise et réformiste de Kérensky et les socialistes maximalistes
gagnent du terrain. Le gouvernement provisoire se
trouve dans une
crise
continuelle entre les tentatives contre-révolutionrιaire de
Kornilov et
la propagande des "léninistes" pour la prise du pouvor.
Finalement le gouvernement est renversé et le Soviet,
dans lequel les extrêmistes sont
devenus l'énorme majorité, assument le pouvoir. Tandis que
nous
écrivons parmi la ronde infernale de
nouvelles contradictoires et tendancieuses qui nous parviennent, on comprend que les socialiste: travaillent
â l'actualisation
d'un programme aux lignes simples
et grandioses -
celui du
Manifeste
des
communistes - c'est-à-dire l'expropriation
des
détenteurs privés
des moyens de production,
tandis qu'ils procèdent logiquement et avec conséquence à la liquidation
de la guerre." La Révolution
russe, in L'Avanguardia, 02.12.1917.
2.3.3.
- On peut constater le même processus de compréhension lors des événements de Brest-Litosvk.
"Tout conduit au contraire à penser que
les révolutionnaires russes informés sur les
multiples circonstances qui consentaient à
l'impérialisme allemand de faire encore confiance,-jusqu'à une certaine limite en la
soumission du prolétariat, ont laissé parvenir les bataillons allemands jusqu'à cette limite, en acceptant les
conditions de paix
"sans même les discuter" pour conserver la possibilité
d'attendre la "conversion" du
peuple allemand qui
inéluctablement effacera les
traités impériaux et corrigera, s'il
ne
l'abolit pas
complètement, les frontières imposées."
"La tactique de la
"guerre sainte"
aurait au contraire, creusé 1' abime
entre
les deux peuples et lié le peuple
allemand au char de
ses dirigeants, entreposant des obstacles insurmontables
entre la révolution russe et
son
développement historique futur, condition indispensable de
son
existence même, et aurait troublé
1e procès
social
entier d'élimination des instituts capitalistes en préparant la
voie à
un néonationalisme russe qui
aurait
asphyxié
1e
socialisme."
"…La Russie contemporaine affirme 1e
nouveau
programme politique
du prolétariat et
de
l'Internationale-,
elle obtiendra la solidarité des peuples ou elle tombera pour avoir
manqué à sa mission."
"Sauver la révolution! Tel est le but des prolétaires russes. Mais la santé de la révolution ne peut être mesurée è, son
extension territoriale, mais plutôt à
1'intégrité
de
son
programme historique et social."
"Nous
serions fort désireux
de
posséder 1e texte
authentique de
la protestation des négociatours russes à Brest-Litvosk et de la délibération du
Congrès des Soviets
de Moscou
qui ratifia
la paix,
et nous sommes
convaincus que la juste interprétation de tels documents conduit à la
conclusion que la Russie
nouvelle a entendu
répudier, pour des raisons de principes, toute sorte de
guerre nationale et qu'elle a constitué, avec l'armée rouge territoriale, l'organisation armée du prolétariat pour réprimer les
mouvements contre-révolutionnairaset garantir le
processus historique de
l'expropriation capitaliste; elle ne pense en aucune
façon
préparer une guerre contre des pays étrangers."Les directives de la révolution russe dans une phase
décisive. Avanti du
25.05.1918.
Une telle compréhension n'est
pas 1e fait du hasard. Elle dérive du
fait
qu'en
Italie, le mouvement de gauche avait retrouvé, lui aussi, les bases fondamentales de
la doctrine et l'avait restaurée.
"Ι1
aurait
compris que bolchevisme et socialisme sont la
même chose
et que pour
combattre
le préjugé patriotique et le sophisme de la
défense nationale nous n'avons pas attendu que Lénine
et les camarades bolcheviks, nos camarades de foi et de
combat depuis de longues
années, réussissent à triompher en Russie; même sans leur glorieux et lumineux exemple, le jour
οù les vicissitudes historiques nous auraient porté à la victoire, nous aurions
fait comme eux."
"...
Le bolchevisme vit en Italie, non comme
article d'importation,
parce que le socialisme vit
et lutte
partout où il y a des exploités qui
tendent à leur émancipation. Le bolchevisme, plante de
n'importe quel
climat
in Ι1
Soviet 23.02.1919.
2,3.4.-
En revanche il n'en fut pas de même pour
beaucoup d'éléments qui à la
suite de la contre-révolution devaient prendre la direction
du parti communiste d'Italie. Ainsi de Gramsci qui
écrivait le
24.11.1917 : "La révolution des bolcheviks est plutôt matière à idéologie que
de faits (c'est pourquoi
au fond il importe peu d'en savoir plus
que nous
-n'en savons). Elle
est la révolution contre le Capital de Karl Marx. Le Capital de K. Marx était plus en Russie le livre des bourgeois que celui des prolétaires...." (Avanti
!)
En
réponse à cela,
la Gauche écrivait :
"Même
si on voulait limiter tout le
"communisme
critique" -
doctrine de l'émancipation du
prolétariat que
le prolétariat élabore continuellement et
"représente"
dans l'histoire-aux
résultats
auxquels parvinrent
Marx
et
Engels à
l'époque du Manifeste, nous pourrions toujours rappeler qu'ils considéraient la révolution
communiste possible en
Allemagne en
1847, socialement et
politiquement
presque féodale et encore dans
l'attente de
la révolution
bourgeoise. Les conditions techniques
de
l'économie socialiste, en tant qu'elle représente un stade
de développement des moyens de production, existaient donc selon le marxisme classique dans
l'Europe de
1848;
manquaient
seulement les développements politiques des
énergies de classe du
prolétariat que
l'évolution du
capitalisme devait, selon les schémas bien
connus,
toujours plus inciter. Pourquoi
donc nier à la Russie de 1917 les conditions technico-économiques de
l'Allemagne de
1848, pourquoi
ergoter sur les conditions politiques
de la conquête prolétarienne
du pouvoir, quand le succès en prouve
à l'évidence la maturité ?
"....
Les philistins, ceux qui prétendent enterrer le socialisme, les savants défenseurs bureaucrates de
l'ordre constitué, sentent la terre trembler
sous leurs pieds, parce que
de la Russie libre
les avant-gardes victorieuses du prolétariat proclament :
la révolution sociale internationale est à 1’ordre du jour de l'histoire." Les enseignements de la nouvelle
histoire in Avanti ! 16,02.1918.
2.3.5.
Après-la
ΝEΡ et avant que
Staline ne lance sa fameuse théorie du
socialisme
en
un seul pays, le repli du mouvement était vu.
On a déjà
une dénonciation de la méthode du
camouflage théorique qui devait honteusement triompher.
"
Ι1
n'y a pas davantage de raisons de présenter lc
bolchevisme et le léninisme comme une doctrine à part qui serait une idéologie révolutionnaire
du prolétariat allié aux paysans, comme le camarade Zinoviev
semble vouloir le faire, et même
si cela ne cache aucune divergence de fond. Pour les courants opportunistes sinon dans les intentions de notre camarade, cela
pourrait fournir une formule théorique pour
camoufler un éventuel repli historique de la révolution prolétarienne en Russie.
Lénine sur
le chemin de la révolution. 1924
2.3.6.
- Ι1
fallait. aussi
affirmer et dé1'endre le caractère prolétarien de la révolution russe."
Par exemple ,
votre"façon
de
vous exprimer" au
sujet de 1a Russie me semble ne
pas convenir. On ne
peut
pas dire
que
"la révolution russe est une
révolution
bourgeoise". La révolution de 1917
a été une
révolution prolétarienne, bien qu'il soit faux. de
généraliser ses leçons de
"tactique". Aujourd'hui
se pose la question de savoir ce qui arrive à une dictature prolétarienne dans un pays,
si la révolution
ne suit
pas dans tous les autres. Il peut y
avoir une contre-révolutions il peut y avoir une intervention extérieure;
il peut y avoir une
tendance à la dégénérescence dont il
s'agit
de découvrir
et de
définir les
symptômes
et les
répercussions dans le parti communiste. On ne
peut pas dire tout bonnement que la Russie est un pays
où l'on
tend
vers 1e capitalisme. La chose
est beaucoup plus complexe:
il s'agit de nouvelles
formes
de la lutte
des classes
qui n'ont
pas leurs précédents dans l’histoire. Ι1
s'agit de montrer comment toute la
conception stalinienne des rapports avec les classes moyennes équivaut à renoncer au programme
communiste. Ι1
semblerait que vous excluez la possibilité d'une politique
du parti communiste russe
qui n'aboutirait pas
à la restauration du
capitalisme. Cela reviendrait à justifier Staline οu
à soutenir
l'inadmissible politique
de
"se démettre
du
pouvoir". Ι1
faut dire au
contraire qu'une juste politique
de classe aurait été possible en Russie, sans
cette série
d'erreurs graves en politique internationale, erreurs
commises
par
la "vieille
garde
léniniste" dans son ensemble." (…)
"
Les positions de la Gauche russe sur les directives de la politique d'État du
Parti
communiste russe
ont notre assentiment. Nous
combattons la politique soutenue par la
majorité du Comité central comme un acheminement vers la
dégénérescence du parti russe
et de la dictature prolétarienne qui conduit hors du
programme du marxisme révolutionnaire
et du léninisme. Dans le passé
nous n'avons pas combattu la politique
d'État du
Parti communiste russe
aussi longtemps qu'elle
est restée
sur
le terrain défini
par les
deux documents que sont le discours
de Lénine sur
l'impôt en nature, et le
rapport de Trotsky
au IV' Congrès mondial. Nous
acceptons les thèses de Lénine au ΙΙ°
Congrès."
Lettre deBordiga à
Korsch.
28.10•1926,
Dans cette lettre
était envisagée
la perspective que des événements permettraient de relancer la révolution à
l'échelle mondiale,
Ceci
ne s'étant pas vérifié, il est
clair
que la révolution
russe, envisagée
dans sa totalité - depuis
1917 jusqu'au triomphe final
et clairement constatable du
capitalisme - fut une
révolution
bourgeoise faite par
le prolétariat.
Cependant, nier son caractère prolétarien initial, c'est escamoter la lutte du prolétariat et en venir à une position menchevique.
2.3.7.
- Le
triomphe de la.contre-révolution est
clair
et net en 1928. A partir de ce moment-là il n'est
plus
possible que la Russie tende au
socialisme. Le capitalisme dont les bases
ont été restaurées ne peut que se développer. Ι1
y
aura de plus
en plus tendance à ce
qu'il y ait
accord entre infrastructure et État.
On
ne peut pas dire que,
la Gauche-communiste
d'Italie
(l'immigration italienne en France et en Belgique)
ait
été capable de donner une explication claire
et nette de la société russe mais elle ne.s'illusionna
en rien
sur développement de celle-ci.
Après
la deuxième guerre mondiale, l'appréciation est plus nette. La révolution prolétarienne russe a été réabsorbée et l'on
n'a plus qu'une révolution bourgeoise :
développement du capitalisme. Mais
ceci est
considéré cοmme révolutionnaire puisque c'est la
généralisation d'un mode de production progressif
à toute la Russie et l'immense Asie. (Réunion de
Naples 1951)
2.3.8.-
En 1953;
dans le Dialogue avec Staline, en réponse à l’œuvre
de ce dernier : Les problèmes du socialisme
en Russie,
il est constaté que
l'économie mercantile s'est généralisée â toute la Russie et que
le capitalisme
s'est édifié
dans l'immense territoire.
"
La révolution
russe is οver. C'est un fait accompli.
Les imbéciles chroniques peuvent se moquer de nous et d'e11e."
La même année
de
bonnes précisions sont données sur le processus particulier
du développement de la
révolution dans ce pays.
"Avec ce stade
d'attente, passé avec les guerres perdues sur
les frontières et
l'humiliation nationale d'avoir vu musulmans et jaunes plus avancés dans le maniement de la
technique capitaliste de guerre, se trouvaient réalisées toutes
les prédispositions à la tâche
"romantique" du
prolétariat;
c'est-à-dire
résoudre 1e rébus historique pour donner le pouvoir politique non
à lui-même, mais à ses exploiteurs sociaux. Toute une
littérature avait
travaillé en
ce sens : le roman de la révolution était écrit avant son histoire et
par une série de colosses à partir de Gogol
tandis
que les
grands, Tolstoï, Dostoiewski et Gorkί,
de
façon diverse et dans une mesure variable, avaient absorbé
les
postulats sociaux
d'occident, pensés de
façon romantique et non marxiste." Printemps fleuris
du capital. In Ι1
programma comunista,
n°4.
1953,
"
Une bourgeoisie
avec une conscience et une
force prnpresde classe
étant absentes, les marxistes se mettent à faire les "illuministes",
C'est-à-dire
à réciter la
partie romantique qui est dévolue
à la pensée bourgeoise. " Malenkov-Staline : étape et
non rapiéçage." in
Ι1
programma comunista,
n°6.
1953.
Puis dans
L'ours et sôn grand
roman",
huit thèses
définissent rigoureusement le résultat auquel on était parvenu en Russie:
1
Le processus
économique
en cours dans les territoires de l'Union Soviétique, se définit essentiellement comme l'implantation du
mode de production
capitaliste sous une forme et avec une technique très moderne
dans des pays à économie arrièrée, rurale,
féodale et asiatico-orientale.
2.
L'État politique
est, bien entendu, celui d'une révolution
où le
pouvoir féodal a été battu par
des forces
parmi
lesquelles le prolétariat
était prépondérant, avec en second lieu
la paysannerie, tandis qu' une véritable bourgeoisie était à peu
près absente. Seulement cet
État s'est consolidé en tant qu'organe politique du
capitalisme, â cause
de la faillite de
la révolution politique
prolétarienne en Europe.
3.
Les manifestations et
toutes les superstructures d'un tel régime,
avec les
différences dues
au temps et au licu, coïncident au fond
avec celles de toutes les formes de capitalisme, lors de leur émergence et de leur
progτession au
début de leur cycle.
4.
Toute la politique
et la propagande des partis qui dans les autres pays exaltent le régime russe, ont
été vidées
du contenu de classe et révolutionnaire et
représentent un complexe d'attitudes "romantiques" dépassées et privées de vie dans le développement
historique de l'occident capitaliste.
.
5.
L'affirmation selon laquelle il n'y a
pas actuellement en Russie une classe bourgeoise
statistiquement définissable ne suffit pas à contredire les thèses précédentes, puisque
c'est un fait constaté et prévu
par le
marxisme -
bien
avant la révolution -
et étant
donné que la puissance du
capitalisme moderne est définie
par les
formes de production et non par les groupes nationaux d'individus.
6.
La
gestion de la grande industrie de la part de l'État
ne contredit en rien
les thèses
précédentes, puisqu'elle se
développe sur la base du salariat et
de l'échange mercantile externe et interne. Elle est un produit de la
technique industrielle moderne et fut
appliquée en Russie de la même façon qu'en occident,
dès
la destruction de
l'obstacle des rapports pré-bourgeois de
propriété.
7.
L'absence d'une forme de
démocratie n'entre pas en contradiction avec les thèses précédentes. Là οù elle
existe,
elle n'est quc le masque
de la dictature du capital. Elle
ost dépassée et
tend à disparaître partout οϋ
la technique productive en
vue d'inventions ultérieures se fonde sur des
réseaux
généraux et non sur des installations autοnmes; d'autre part la dictature ouverte
a été adoptée par
tout
capitalisme surgissant et en phase "adolescente".
8.
Ceci n'autorise on aucune façon à dire que
le capitalisme russe
est "la même chose"
que
celui de tout autre pays, puisqu'il y a
différence entre la
phase dans
laquelle 1e capitalisme développe les forces productives et pousse leurs applications outre les antiques limites géographiques, en complétant la trame de la révolution
socialiste mondiale, et cellc-où
il exploite
ces forces d'une façon seulement parasitaire, tandis qu'elles ont déjà atteint et dépassé depuis longtemps le niveau qui
permette de les développer "pour l'amélioration
des conditions du travail
vivant", amélioration possible seulement grâce à la forme économique non
fondée sur salaire, marché et monnaie, grâce
à la forme socialiste seule.
2.3.9.
- 1956,
au
ΧΧ° Congrès, c'est l'abandon définitif de tout lien avec la révolutions d'où la réponse:
Dialogue avec les morts. La Russie a terminé
sa phase
capitaliste
révolutionnaire. Elle
accède en
force sur le
marché mondial et prône la théorïe de la
coexistence pacifique. Ce
n'est pas
pour cela que l'U.R.S.S. est exactement la même chose que las E.U.. La question de l’identité de ces
doux pays
fut
posée au
début dos années 50. La
réponse à cette a question pouvait avoir
des conséquences considérables. D'où
la nécessité de préciser :
1°.
Les dispositions,des classes
dans une société qui
a encore objectivement une
action révolutionnaire à accomplir,
ne sont pas les mêmes que celles
qui vivent au sein
d'une société devenue
absoluιment mûre pour
une autre forme
sociale.
2°.Le centre
de la
contre-révolution ne pouvait pas être la Russie, mais les E.U.
Dire
que
c'était là première, c'était encore accepter
la thèse que l’opinion
domine le monde, que la conscience précède
l'action. En effet,
pour
les
tenants de
cette thèse 1e plus
grand
obstacle à la révolution , c'est la mystification de
Moscou. Celle-ci tombant,
on aurait
la révolution
: 0r;- c'est le phénomène révolutionnaire qui détruira la mascarade. Celui-ci dépend de la crise économique et enfin
la révolution ne peut se développer avec une quelconquechance de succès
que si elle touche les E.U.
2.3.10.
- Après
1e ΧΧΙ°
et
1e ΧΧΙΙ°
congrès
du PCR, on
constate
que
l'URSS est de plus
en plus une société capitaliste mais toujours retardataire sur les EU
qui
demeure le centre de la cυntre-révolution mondiale. La gauche démontra dès le début des
années 50
à quel point l'agriculture était un handicap pour 1'I7RSS et prédisait en
1954 (in Question agraire) que l’URSS
devrait
dans
10 ans acheter du blé,
ce qui advint effectivement en 1964. Elle
insista d'autre part,de façon précise, sur le caractère social de la
crise agraire russe, dûe fondamentalement à la structure du kolkhose. Le kolkhosien réunit en lui
les trois personnages fondamentaux de la société
capitaliste : il
est salarié
en tant qu'il touche un salaire pour son travail
sur le champ commun; propriétaire
foncier puisqu'il
a une
jouissance héréditaire
de la terre; il est
capitaliste en tant qu'il vend
ses produits sur un marché. La forme kolkhosienne
a enchaîné la lutte de classe
à la campagne, elle est un compromis entre 1e passé communautaire et le capitalisme. Elle est donc, sur 1e
plan politique, fort intéressante pour
1'État
capitaliste, mais sur le
plan économique elle est désastreuse parce qu'elle s'oppose à une
conduction rationnelle
de l'agriculture, d'où les crises périodiques de sous-production.
Le
kolkhose comme
la petite paysannerie en France ne peut être éliminé qu'à la
suite de crises
importantes. En France ce ne fut possible qu'après la
seconde
guerre mondiale et la perte des
colonies, et grâce
à la défaite du prolétariat qui était embrigadé dans des partis qui l'immobilisaient
en totalité. Maintenant que le capital s'est
assez développé en URSS pour être à même d'assurer, comme
en occident (mais dans une moindre mesure), une
certaine réserve aux prolétaires, il pourra tendre à remettre en cause 1a structure du kolkhose afin
de pouvoir
résister à la pression américaine d'abord,
chinoise ensuite.
2.3.11.
- Ainsi,
donc,
il était stupide de vouloir
prouver
que la
Russie retournait au capitalisme ουu
même qu'elle
était
capitaliste, puisque la
société russe
n’a jamais connu une
forme
de production communiste. En revanche, il a été
nécessaire de démontrer que
1'État
russe, à l'origine État
de classe au service du prolétariat,
était devenu un État
de
classe au service du capital. La question était donc celle de 1'État.
Une
fois démontré que celui-ci -
avec
l'abandon de
la révolution mondiale pour
la "construction du
socialisme en un seul pays" -
n'avait plus
rien de commun
avec la position prolétarienne,
la question était réglée. S'il fut nécessaire
de faire une étude, maintes fois.. reprise, afin de montrer-comment,
dans la réalité concrète, la Russie.était capitaliste et ne pouvait être.qué cela, çà découlait de la faiblesse
du mouvement de la gauche, faiblesse reflétant le
désarroi total.de
la
classe. Dès
1953, pourtant, on pensait que la,question était
réglée :`
"Le camarade prévint.que cette
réunion comporterait une partie dédiée aux problèmes de l'Anêrique et
des pays capitalistes occidentaux en
général, étant donné qu'un travail
antérieur notable, a cristallisé en des lignes suffisantes, une définition
générale de notre mode de considérer la Russie et son économie sociale. Ι1
a mis en évidence le concept marxiste de double révolution, l'une greffée sur l'autre, ourévolution
impure (en donnant au terme nonune portée morale, mais historique). Le Dialogue avec
Staline et
autres textes ont suffisamment stystématisé cette partie, nous devons
étudier
maintenant une révolution pure, c’est-à-dire
seulement anti-capitaliste et
prolétarienne dont l’histoire a fourni un seul exemple : la
Commune de
Paris, aussi grande dans sa victoire que dans sa défaite. Il faut donc
déclarer
pourquoi nous affirmons possibmle et inévitable la révolution
anti-capitaliste
aux EU et dans le pays qui leur sont liés. " I1 programma comunist, n°9, 1953.
2.3.2. - En
fait
beaucoup de camarades
considèraient la Russie comme une énigme si ce n’est pour eux du moins
pour les
autres. Il fallait la déchiffrer afin de pouvoir trouver audience
auprés du
prolétariat. C’était encore remettre cette question au centre des
préoccupations. Dans une première phase il fut possible de résister à
elurs
sollicitations et le mouvement aborda les Facteurs de raceet
de nation dans
la théorie marxiste, la question agraire, l’étude théorique
de l’économie
et sa phénoménologie (Volcanisme de la production ou marasme
du marché), mais
à partir de fin 1954 et durant trois ans tous les
efforts furent
portés sur la Russie. L’étude
théorique des questions fondamentales: mystification démocratique, question philosophique, développement du capitalisme, histoire du mouvement communiste mondial, fut
escamotée et 1e mouvement se contenta de sa solution de l’énigme russe qu'il rabâcha et
rabâche depuis. Le
parti communiste intérnational:se trouvait lui aussi résorbé dans l’immédiat.
2.3.13.
– Le prolétariat
a fait
la révolution au profit de la bourgeoisie.
Le
capitalisme est fils
de la révolution.prolétarienne. Ce n'est que lorsque le capital aura,
aussi, dans l'aire, slave produit l'autre forme sociale : le communisme, que le
prolétariat retrouvera sa mission historique et réimposera une révolution qui-fut escamotée, non à cause dé
la défaite du prolétariat rμsse, mais du
prolétariat
d'occident.
On
a longuement démontré que
l’augmentatinn de
la
production
tant dans sa
masse que dans ses
rythmes
annuels; n'était pas
une preuve de socialisme.
Cependant,
nous ne pouvons:pas,nous réjouir si l'URSS ,
ne; parvient
pas
à rattraper les EU. Au contraire; car un tel résultat aurait une conséquence
révolutionnaire indéniable, à brève
échéance cela impliquerait la crise du s.ystème capitalise: guerre: ou révolution. De plus,
l’URSS au même stade
que les EU, cela veut dire
que le communisme, est-aussi prisonnier de
la société
capitaliste dans l’aire slave,
donc
proximité immédiaté de.la
société
communiste.
Dans
tous 1es cas, οn ne
peut
attendre
la
reprise
révolutiorinaire
que de
faits matériels:
la crise
du capîtalisme.
2.3.14.
- Depuis 1956,.la sainte-alliance russo-américaine est
pleinement visible, contre la révolution communiste et contre les mouvements de
libération nationale ne dépassant pas 1e
cadre bourgeois. Ils se sont entendus pour arrêter
l'onde révolutionnaire anti-coloniale
et intégrer, par l'intermédiaire de
1'ONU les différentes nations parvenues à l'indépendance. Cependant, chaque fois qu' il y. eut conflit, entre les deux, c'est toujours 1'URSS,
qui dut céder. Le capitalisme américain reste bien le centre fondamental de la contre-révolution.
2.4.
- Attitudes d'autres courants vis-à-vis de la révolution russe.
2
4.1. - Ce qui
est important c'est non seulement la position au moment de la révolution, mais,
ensuite, au cours des années qui. nous séparent, â 1'heure actuelle, de cette révolution.
Étant donné
que la
gauche communiste d'Italie a considéré le phénomène révolutionnaire russe dans
son devenir, il a fallu
donner les différentes aρproches théoriques
de celui-ci. Pour le mouvement trotskyste au
contraire, la position s'est rapidement
figée. C'est celle formulée par
Trotsky après 1927 : en URSS on a un État
ouvrier
dégénéré. Cependant il
est intéressant de voir
comment Trotsky est arrivé
à cette caractérisation. Pour cela il faut envisager
sa théorie de la révolution permanente contestable (2.4.4
et
9.2.) sa position
exacte lors de la NEΡ,
sa lutte
tardive
contre la contre-révolution stalinienne, enfin sa
retrouvaille avec
la théorie de la révolution permanente qu'il
érige en système.
En ce
qui
concerne la position des différents courants trotskystes,
l’inconsistance de leur position a déjà été mise
en évidence (1.4.10 à
1.4.13.).
2.4-2.
- La position anarchiste est
aussi une position figée,
encore plus tôt que
celle
de Trotsky. La
contre-révolution date
de 1921 (Cronstadt ) et, en fait selon eux,
elle était
déjà potentielle dans le parti
bolchevik. Car,
selon leur "doctrine",
la contre-révolution ne dépend pas de rapports de force défavorables mais de principes
d'organisation erronés. Or les bolcheviks
revendiquaient
centralisme, autorité, nécessité de 1'État
transitoire, etc...
donc ils étaient contre-révolutionnaires.
La position des anarchistes s'est nourrie de celle de l'opposition ouvrière (Kollontal, etc.).
Or l'erreur
de
celle-ci était immédiatiste puisqu'elle reprochait à Lénine
de
ne pas appliquer
des mesures socialistes οu
y allant
directement. Pourtant celui-ci avait bien expliqué
qu'avec
1e recul de
la
révolution en
Occident, seule
l'édification du capitalisme était
possible,
en attendant la révolution communiste
occidentale. Sinon on en revenait à la vieille théorie populiste dont
l'erreur avait été prouvée au
cours du siècle précédent.
2.4.3.
- La
position de R. Luxembourg n'est
pas seulement intéressante d'un point de vue historique
mais aussi à cause de son influence actuelle bien qu' il n'y ait jamais eu qu'un très
faible courant (luxcmbourgiste)
revendiquant ses
positions.
R.
Luxembourg glorifie tout d'abord
l'action des
bolcheviks :
"C'est
ce qui
est l'essentiel
et ce qui reste de la politique
des bolcheviks (
le fait d'avoir osé; n.d.r.). En
ce sens,
il leur
reste
le mérite
impérissable dans l'histoire d'avoir pris la tête du
prolétariat international
en conquérant le pouvoir
politique
et en
posant dans la pratique 1e: problème de la réalisation du
socialisme, ainsi que
d'avor puissamment
avancé la liquidation
entre
le Capital et le Travail dans le monde. En
Russie,
le problème ne pouvait être que posé - il ne pouvait pas être résolu en
Russie.
Et c'est en
ce sens que
l'avenir aρρartient partout au "bolchevisme".
(La Révolution
Russe. Examen critique)
"Ils ont ainsi acquis dans
l'histoire le
mérite
impérissable de proclamer pour
la première fois le but
final du
socialisme comme
programme immédiat de politique pratique.
Ce qu'un parti peut, à une heure historique,
fournir de courage, de force d'action, de coup d'oeil
révolutionnaire
et de logique, les Lénine,
Trotsky et leurs
camarades, l’ont donné largement. Tout
l'honneur révolutionnaire et la capacité d'action qui a
manqué à la démocratie socialiste
en Occident, se sont trouvés chez les bolcheviks. Leur soulèvement d'Octobre
n'a pas seulement sauvé effectivement la Révolution russe, il
a aussi sauvé
l'honneur du socialisme international."
(Ibid)
Cependant, elle fait de virulentes critiques
sur trois points
a)
Question agraire
"Or
le mot d'ordre
donné par
1es bolcheviks:
prise
immédiate et partage de la terre
par
les paysans devait précisément opérer dans 1e sens
contraire. Non seulement ce n'est pas une mesure
socialiste,
mais
elle coupe
le chemin qui y mène, elle
accumule,
devant la transformtion des
conditions de l'agriculture dans le sens socialiste, des difficultés insurmontables." (Ibid)
R.Luxembourg oublie
que ceci ne correespond en
aucune façon au programme agraire
des bolcheviks. Les bolcheviks ne firent que
reconnaître un état de fait. Οu
ils acceptaient
cela et les paysans
devenaient réellement les alliés du prolétariat, οu
ils s'opposaient,
au nom d'une vision socialiste pure, et ceux-ci
entraient en contraste avec le prolétariat. Ces mesures étaient révolutionnaires car elles correspondaient à la
destruction de l'antique
sociéteé ; c'était le programme des
socialistes-révolutionnaires qui
était actualisé, mais ceux-ci n'avaient même pas eu la force révolutionnaire
de la défendre et de
l'imposer. R.Luxembourg critique la révolution russe
comme si
celle-ci,
dans les limites de la seule
Russie, pouvait être autre chose qu'une révolution bourgeoise.
b)
Question des nationalités.
"Ce
sont d'ailleurs les bolcheviks eux-mêmes qui
ont, dans une forte mesure,
accentué les difficultés
matérielles que leur présentait la situation par un mot d'ordre qu'ils
ont mis au premier
plan-de leur
politique : à
savoir ce qu'on appelle le droit
des nations à disposer d'elles-mêmes, ou pour
dire
ce qui se cachait en réalité sous
cette formule : 1e
morcellement de
la Russie comme
État,
(Ibid)
"Au
lieu de viser,
selon l'esprit même
dé
la nouvelle politique
internationale de classe, qu'ils représentaient
ρar ailleurs, à rassembler en une
masse compacte
les
forces révolutionnaires sur
tout 1e territoire de
l'Empire russe comme
étant la
terre
de la
révolution; au lieu d'opposer, comme loi suprême de leur politique, la cohésion et l’union
inséparable des prolétaires de toutes les nationalités sur le
territoire de la Révolution russe à toutes
les
tendances de
séparatisme nationaliste, les bolcheviks, par
leur phraséologie retentissante du "droit
de libre disposition allant jusqu'à la séparation des États"
ont tout au contraire fourni à la
bourgeoisie de tous les
pays limitrophes le
prétexte le
plus spécieux et le plus
souhaité, constituant le drapeau
qu'il
fallait à leurs menées contre-révolutionnaires." (Ibid)
R.Luxembourg ne
se rend pas
compte que
1'affirmation du
principe de "libre disposition", dans .la période où se plaçait la lutte
des bolcheviks, était
1e meilleur moyen pour enlever l'obstacle national à la constitution du prolétariat en
tant que classe ;
le
fait national a toujours permis à la bourgeoisie de dévier le prolétariat
d'un pays donné et de 1e mobiliser
contre celui d'un
autre pays. Elle oublie d'autre part que si, en Finlande
par exemple, la révolution fut
battue,
ce ne fut pas à cause du principe défendu par les bolcheviks, mais à causé de l'illusion démocratique.
"La faiblesse de la
bourgeoisie nous laissait sous le
charme de la démocratie et nous décidâmes de marcher vers le socialisme par l'action
parlementaire et la démocratisation de la représentation nationale."
"
.... ne désirant pas risquer nos conquêtes démocratiques et espérant d'ailleurs franchir, grâce à
d'habiles manoeuvres parlementaires, ce tournant de l'histoire, nous décidâmes d'éluder la révolution... Nous
ne
croyions pas à la révolution; nous ne fondions
sur elle
aucune espérance, nous n'y aspirions point." (Kuusinen)
c)
Assemblée constituante.
"Tout cela
est fort bien dit et très convaincant. Seulement, on ne peut que s'étonner que des gens aussi malins que Lénine
et Trotsky
ne
soient pas arrivés
à la conclusion tout indiquée qui ressortait des faits
ci-dessus. Comme
1'Assemblée constituante nommée longtemps avant 1e tournant décisif d'Octobre présentait dans sa composition l'image du passé dépassé et non l'état de choses nouveau, la conclusion s'imposait, d'elle-même pour
eux de casser
précisément cette Constituante surannée, donc mort-née,
et d'organiser sans tarder de nouvelles élections pour une nouvelle Constituante!
Ils
ne voulaient pas, ils ne
pouvaient pas confier le sort
de la révolution à une Assemblée qui
représentait la Russie
contemporaine de
Kérensky,
la
période d'oscillations et de coalition avec la bourgeoisie. Bon!
il
ne restait qu'à convoquer
tout
de suite
à sa place
une
Assemblée de la Russie rénovée et allant de l'avant." (La Révolution russe. Examen
critique.)
Ici, R.Luxembourg escamote la question essentielle
des Soviets.
Ceux-ci représentait la démocratie
prolétarienne (tout
en dépassant ce cadre,
d'ailleurs) qu'elle revendiquait. Elle ne comprend pas la trancroissance de la
révolution russe. La
revendication de la convocation de
l'Assemblée constituante était
en liaison avec le mot d'ordre
de dictature démocratique des ouvriers
et des
paysans. Une fois les soviets
formés, le prolétariat conquérait le pouvoir et les deux
mots d'ordre était dépassés par
le mouve:l?ent
réel La dispersion de l'Assemblée
était une nécessité vitale, sinon
c'était le recul. Convoquer une autre Assemblée,
c'était rejeter la
transcroissance faire de nouveau appel au passé,
et donc nier le rôle des soviets. Ici R.Luxembourg
entre en contradiction avec toute
sa vision du rôle des masses et de l'importance de leur
mouvement spontané. En effet,
elle nie
implicitement
le travail des masses russes
et veut leur substituer une
mesure d'ordre étatique,
et une
forme particulière d'organisation.
Tout ceci découle en
fait de la non rupture d'avec
la vieille vision du socialisme réalisation de la démocratie, vision que
Marx
et
Engels avaient dépassée dès 1844
en concevant 1e communisme comme la formation de la vraie Gemeinwesen (communauté)humaine. L'erreur de R.Luxembourg
est de ne pas avoir
perçu
la transcroisμance de la révolution et la discontinuité qu'impliquait la guerre de 1914.
Ι1
fallait en finir avec
la démocratie. Cette erreur transposée dans la société actuelle est un ferment réactionnaire au
soin du mouvement ouvrier.
2.4.4.
- Les Tribunistes
hollandais
(Pannekoeck, Gorter) saluèrent eux aussi avec enthousiasme la révolution
russe. Gorter y vit
le triomphe
du
marxisme. Cependant il eut le tort de considérer le socialisme comme
instauré.
"Ils ont commencé
l'échange socialiste et le commerce
socialiste. En un mot la société
socialiste a
été établie."
(La
révolution mondiale) "
Le
communisme débuta en Russie, il y existe
à cette heure."
(Ibid) " Pourquoi ces deux classes (paysans et prolétaires)
ne fonderaient-elles pas une société socialiste?
Pourquoi ne pourraient-elles pas régler,sur une
base socialiste, toutes les entreprises.de
l'industrie,
du commerce, des banques."
(Ibid)
Ι1
est évident qu'après, avec le reflux de la vague révolutionnaire, lorsque le caractère bourgeois de la révolution
russe (lors de son repliement dans les limites
de l'ancien empire des tsars) se révèla pleinement,
Gorter et
ses camarades reprochèrcnt vivement
à Lénine de
ne pas appliquer des mesures communistes,
de faire un recul, etc...
Alors
qu'il n'y avait jamais eu de socialisme en Russie. On relève la même confusion au sujet
de la question nationale.
"Ι1
est évident que sous l'impérialisme, le droit des nations de disposer d'elles-mêmes
ne
peut être en aucun
cas une préparation au
socialisme, qu'il ne
peut en
être que
la conséquence."
(Ibid)
A
la différence
de R.Luxembourg, ils reconnurent
l'importance des
Soviets.
" Le système soviétique, cette
nouvelle démocratie "
(Pannekoeek)
et, finalement, avec 1e KAPD ils ne retiendront de la révolution
russe que cet aspect, comme
étant
essentiel. Cependant, Pannekoeck donna
plus tard une
bonne
définition de la révolution
russe :
une révolution bourgeoise
faite par
le prolétariat. Une définition
valable pour
indiquer
le résultat
final,
mais
non pour
indiquer la totalité
du mouvement car elle
escamote la transcroissance originelle sans laquelle
même
la révolution bourgeoise
n'aurait pas pu triompher.
Ι1
est un point où la critique de Gorter
et
Pannekoeck est juste; c'est celui
qui concerne la généralisation du
schéma
de la révolution
russe à l'occident.
"Vous avez
tort, selon moi, au sujet du parallélisme
entre la révolution en
Europe de l'ouest et la révolution russe, au sujet
des conditiohs
de la révolution dans l'Europe de l'ouest, autrement dit du rapport des forces de
classes, et à cause
de cela, vous méconnaissez 1e terrain de
développement de
la gauche, de l'opposition." (Gorter, Réponse à Lënine.)
2.4.5.
- Avec Lukacs on
a une
tentative à la fois de saisir dans
sa réalité
la révolution russe et
en même temps de poser les données de
celle d'occident. Ι1
fit une
oeuvre
de
clarification doctrinale remarquable avec la revue Kommunismus publiée à Vienne
en Ι920-21.
Malheureusement, il
succomba à la contrerévolution et ne put continuer
ce travail.
2.4.6.
- Ainsi, la plupart des courants sus-indiqués ne
parvinrent pas à
comprendre 1e caractère double de la révolution
russe. Ce qui
amena dans un premier temps à surestimer les
mesures socialistes appliquées en Russie et dans un deuxième
temps à nier le
caractère prolétarien
de 1'État
et
du
pouvoir en
Russie et, maintenant, à nier
1e caractère prolétarien
de la révolution
d’octobre 1917. De cette
incompréhension découlent les deux courants :
1es communistes de conseils pour qui la
révolution échoua parcequ'οn n'avait pas appliqué les mesures socialistes et
en particulier parce qu'on n'avait pas accordé assez d'importance
aux soviets; les trotskystes,qui pensent qu'il
y a quelque chose de communiste en Russie et qu'il
suffit de faire une
révolution politique.
Pour les uns, l'aspect socialiste est
inaperçu, pour les autres, les
caractères capitalistes sont niés.
2.5.
- Données essentielles mises en évidence par
le phénomène révolutionnaire
dans
l'aire slave.
2.5.1.
- Le socialisme est impossible à
l'échelle d'une seule
nation. La révolution
russe est née en affirmant cela; elle est morte en le niant. La seule
concession que
les révolutionnaires aient faite à la thèse opposée
est celle
de Trotsky qui
pensait qu'il
y avait quelque chose de socialiste dans l'économie,
dans la gestion (planification).
Cette concession coûta cher à tout 1e mouvement qui
se réclame de
ses thèses :
es militants s’engluèrent dans cette
parcelle imaginaire de socialisme.
Cependant cela n'implique pas acceptation de la thèse
social-démocrate contre laquelle
s'élevait Lénine : pour que le socialisme triomphe
il faut simultanéité de la révolution dans tous les pays; une
révolution isolée est inévitablement battuc. Cette thèse
revenait à théoriser l'abandon de la lutte
dans une zône déterminée. À
l'heure actuelle, dans un pays capitaliste évolué, une
fois
que
la révolution prolétarienne a triomphé,
il est possible d'appliquer les premières
mesures socialistes, mais
ceci ne peut avoir un
développemont ultérieur qu'à la
condition de la généralisation de la révolution
dans
les autres pays. En
un mot,
dans un pays isolé,
peut commencer
à se manifester la domination
formelle du
communisme, sa domination réelle dépend
du renversement du capitalisme à l'échelle mondiale.
2.5.2.-
La révolution ayant triomphé dans une
zone
donnée du globe, l'État
prolétarien
édifié
se posa
(en Russie) et pourra se poser la nécessité de résister aux attaques des troupes réactionnaires et, une
fois
le triomphe assuré résister aux pressions économiques. Mais ceci ne peut pas se faire
indéfiniment. Ι1
ne peut pas y avoir
de distorsions indéfinies. Un État
gérant une
économie capitaliste ou 1e devenant, un Etat
ayant assuré les premières mesures du socialisme, sera, tôt ou tard, en absence de
révolution mondiale, réabsorbé. De cela on
ne peut en déduire qu'il faille
remettre en vigueur
la théorie menchevique
(théorie des étapes
et du mûrissement)
car cela revient
à refuser l'éventualité d'une résistance dans une zone donnée
en attendant la généralisation de la révolution
dans
le monde.
2.5.3.-
La révolution
russe dès la fin de la période du
"communisme do guerre" mit
en évidence
la question de la
νaleur. Le pouvoir prolétarien devait
construire le capitalisme et 1e contrôler, donc il fallait
contrôler la loi de la valeur. Or pour accroitre la production il fallait
l'accumulation d'un sur-produit et
d'une
plus-value. Celle-ci ne pouvait
se prélever que sur
les paysans, 1e prolétariat ayant pour ainsi
dire disparu après 1921. Boukharine voulait aller doucement afin de
ne pas heurter ces derniers; Préobrajenski à
la suite de Trotsky voulait une
accumulation dirigée par 1'État
(une
accumulation socialiste) qui pourrait
contre-balancer l'économie privée.
Mais dans les deux cas la thèse
centrale de Marx
était
perdue de vue : le
socialisme est négation de la loi de la valeur. Cette
faiblesse ne fit que
faciliter la parution
de la théorie stalinienne
sur l'existence
de cette loi et des
marchandises dans le socialisme inférieur. "Par conséquent, notre production
marchande n'est
pas une production
marchande ordinaire, elle est
d'un genre
particulier,
c'est une
production marchande sans capitalistes, se préoccupant pour l'essentiel
des marchandises appartenent à des producteurs socialistes associés......" (Staline)
Tous les théoriciens
actuels du socialisme conçu comme
ayant besoin, dans sa
phase inférieure,
de la loi de la valeur,
restent sur les faiblesses des bolcheviks qui
n'eurent
pas
la force de
reconnaître ouvertement l'existence de cette dernière et la difficulté
de la
contrôler, οu
bien
ils théorisent les stupidités staliniennes.
2.5.4
- En
Russie
la question
de 1'État
s'est
posée de la façon suivante. Avant
1917, Lénine
et les bolcheviks pensent que 1e triomphe de
la révolution en Russie
pourra conduire à la formation
de la
dictature démocratique des ouvriers et
des
paysans, c'est-à-dire qu'on aura affaire à un État
s'appuyant sur deux
classes. Entre février
et novembre 1917
se produit la transcroissance. On
a la dictature du prolétariat ; démission des socialistes révolutionnaires de
gauche qui abandonnent 1e pouvoir
en même temps qu'ils furert incapables d'exécuter leur programme,
agraire, que les
bolcheviks réalisèrent.
L'intervention des bolcheviks
tendra à corriger ce partage
en formant les soviets
de paysans pauvres.
Avec le recul de
la révolution mondiale, 1'État
tend
de plus en plus à s'appuyer sur
deux classes
comme Lénine
le
reconnut lui-même. La dictature démocratique des ouvriers et des paysans se réalisait en
fait. Cependant ces derniers n'étaient
pas
représentés par
un parti
déterminé, comme ce fut le cas avec les socialistes
révolutionnaires dans
la période précédente.
C'est le
parti
bolchevik
lui-même qui
assuma
cette tâche,
d'où évidemment
la dualité de cc parti.
Étant dοnnί qu'il
s'appuyait
sur deux classes
s'équilibrant, l’État
put à un certain moment apparaître comme au-dessus des classes:
le stalinisme. (5.4.8.)
2.5.5.
L'erreur de Trotsky est d'avoir toujours refusé la
possibilité de la dictature des ouvriers et des paysans. La transcroissance semblait lui
donner raison (c'cet
pourquoi affirma-t-il à tort que
Lênine était venu
sur ses positions) mais la réalisation de la dictature démocratique par la suite
prouva qu'il n'avait vu dans le
schéma de la
révolution
qu'une phase certes essentielle, mais unique,
privilégiée, celle οù 1e prolétariat pouvait
diriger
la totalité
des
forces révolutionnaires. C'est pourquoi
Trotsky en
est
resté à sa théorie de la révolution permanente. Ι1
est évident, ensuite, que 1e seul
moyen
d'avoir permanence dc
la révolution, c'est que
perdure d'une façon ou d'une autre un phénomène révolutionnaire
(cela
implique
qu'il n'y ait pas de discontinuité). Or, si,
selon Trotsky, dans
un premier temps l’État
est
vraiment
resté ouvrier celui-ci
peut
dégénérer et si,
en même temps, l'économie est restée
révolutionnaire (puisque socialiste) alors la révolution peut
redémarrer à la faveur de la moindre secousse (cf.9.2.).
2.5.6.
- Le malheur pour
les révolutionnaires
c'est de ne
pas
percevoir les discontinuités ou
de
ne les percevoir qu'imparfaitement.
Avec
la NEP il y avait reconnaissance
de
la rupture de
la trancroissance qui
s'était déjà produite. L'État
s'appuyant sur deux classes, on ne
pouvait plus parler d'État
ouvrier.
Cependant la prépondérance du prolétariat
n'était pas
encore trop
entamée pour que la volonté
d'un parti resté sur
des bases
programmatiques correctes
et lié
aux forces internationales du
prolétariat, ne puisse pas tendre à infléchir cette
situation. Cela ne pouvait
se faire qu'en favorisant d'autre part le
développement du
capital dans la Russie et
en essayant
de
le
contrôler, D'οiι les
immenses difficultés de
la révolution prolétarienne
dans cette zone que l'on
escamote
avec la théorie de
1'État
ouvrier dégénéré.
2.5.7
- La révolution russe apparaît comme le
triomphe de
la
volontê, de celle d'un parti. Certes
dans
un telle révolution,
l'intervention volontaire devait
jouer un grand rôle:
le prolétariat
était une
infiιne minorité
dans le vaste pays, il devait profiter à fond de
l'accélération de
la lutte
de
classe liée à la défaite
militaire pour
greffer sur la série des révolutions se cheauchant, celle prolétarienne. D'οù l'erreur de
Gramsci et
autres qui ont vu le triomphe de
l'esprit sur 1e
déterminisme.
En fait le champ des possibilités de l'action de la volonté était déterminé par
les données historico-économiques
et sociales.
La volonté devait
intervenir encore après la victoire de la révolution, car il fallait pousser au maximum les
transformations qui ne pouvaicnt se
produire spontanément étant donné le caractère arrièré
de
la société
russe, il fallait tout contrôler, tout diriger
à cause de l'immaturité de l'immense population
paysanne. Toute la question était de savoir dans quelle limite cette volonté pouvait
agir.
D'où l'intervention
de Lénine rappelant qu'il ne
fallait pas s'exagércr
l'importance
du parti (ne pas 1e prendre pour un deus exmachina); il
fallait lutter contre la maladie de la volonté.
La faiblesse numérique de
la classe
prolétarienne,
l'état arrièré de
la masse paysanne, la nécessité de sauter les étapes, tout
cela explique le rôle important de la
volonté, mais aussi celui des chefs. Car comme le dit
Gorter avec
juste raison : "
Dans la mesure οù l'importance
de la classe augmente, baisse en proportion l'importance
des chefs." (Réponse à Lénine.)
2.5.8.
- Le
phénomène bureaucratique
russe
est un phénomène
indéniable clairement individualisé par
Lénine lui-même. La bureaucratisation dérivait
du retard de la société
russe qui
en était encore à la production marchande simple,
οù il n'y
avait pas de concentrations (en dehors de quelques usines ne fonctionnant d'ailleurs plus
durant
les années révolutionnaires). L'État
prolétarien
doit contrôler tout
cet éparpillement ainsi que 1e développement du capitalisme. Pour accomplir
cela
1'État
s'hypertrophie. Cette bureaucratisation était l'indice que la révolution ne pouvait se développer on révolution
communiste que s'il y avait aide de
l'extérieur. Ensuite l'immense
État
servit directement à contrôler toute la
société pour la formation du
capital. Et celui-ci une
fois édifié dans l'URSS, le phénomène bureaucratique prend
une autre signification. Dans un premier temps la bureaucratisation est une pathologie de toute la société,
dans le second cas, c'est celle de la classe capitaliste et ceci
se trouve tel
que
en Occident.
2.5.9,-
Au cours de
la révolution russe deux formes d'organisation de la classe
se manifestent :
une médiate, le parti,
l'autre immédiate, les
soviets. Les
divers courants du communisme se divisent sur cette
question, les uns
revendiquant le
parti
comme
essentiel, les trotskystes,
les
autres, les
soviets,
le
parti n'ayant
qu'un rôle simplement idéologique
(tribunistes
et
kapedistes).
Or,
ces deux
positions réintroduisent la dualité, la coupure, que
la révolution avait surmontée un
moment parce qu'elles
n'envisagent pas
la classe
dans son processus de
vie. Les soviets sont des organes immédiats engendrés dans une phase
révolutionnaire; le parti est lui
aussi
lié à une telle phase, mais il peut la précéder et la suivre parce qu'il est
une forme
médiate et résulte d'un phénomène réflexif. Seule la gauche communiste d' Italie affronta correctement ce problème.
En
fait
ces deux
visions unilatérales
dérivent d'une déformation volontariste.
On ne
crée pas
les soviets, ni le
parti (comme Lénine
le disait déjà), on
ne peut qu'accélérer un mouvement déjà en
acte.
2.5.10.
Intimement lié à ce qui
précède se présente le faux problème mis sous forme d'alternative : dictature de la classe ou
dictature du parti. Il implique encore une dualité. S'il peut arriver que
1e parti, en tant que
forme
produite, s'autonomise
ne
serait-ce
que
parce que la contre-révolution provoque
une coupure dans l'ensemble organisé de la classe,
alors il peut y
avoir
une
opposition. Mais c'est un phénomène de crise qui,
s'il
persiste, implique
soit élimination du
parti
de façon violente, soit sa réabsorbtion.
Cependant dans la
mesure οù le parti peut se limiter
à un moment donné à la portion la plus consciente de la classe - il
apparaît alors comme étant seulement un organe de celle-ci - il y a effectivement
dictature du parti, mais ceci ne
peut être que
passager,
car cela veut dire que le
phénomène rêvolutionnaire
ne se
développe plus,
a été enrayé. Si cela perdure, ça signifie que la contre-révolution l'emporte momentanément avant de triompher.
2.5.11.
- Les masses paysannes ont joué un grand rôle au cours
de la révolution
russe. D'un point de vue
théorique, le problème de la révolution paysanne
et celui de
la révolution
agraire ont été
au centre des débats non seulement avant, pendant, mais après
la victoire de 1917.
Dès
1907, Lénine avait de façon absolument nette, précisé tout cela :
"
Toute
révolution paysanne dirigée contre la féodalité, le caractère de l'ensemble de l'économie sociale étant capitaliste, est une
révolution.bourgeoise. Mais toutes les révolutions bourgeoises ne sont pas des révolutions paysannes. Si dans un pays οù. l'agriculture serait organisée sur le mode entièrement capitaliste,
les agriculteurs capitalistes
accomplissaient à l'aide d'ouvriers salariés, une
révolution agraire, en abolissant
par
excmple
la
propriété privée du sol, ce serait une
révolution
bourgeoise mais pas du tout une révolution paysanne. Si une
révolution
éclatait dans un pays dont 1e
régime agraire serait fondu avec
l'économie capitaliste au point qu'il serait impossible d'anéantir cc rêgime sans anéantir 1e capitalisme,
et si, disons,
cette révolution mettait
au pouvoir
la bourgeoisie industrielle
à la place de la bureaucratie autocratique, ce serait une révolution bourgeoise mais pas du tout une
révolution
paysanne. Autrement dit : un pays bourgeois est possible sans la
paysannerie et une révolution bourgeoise est possible dans un tel pays sans la paysannerie. La
révolution bourgeoise est
possible dans un pays avec une forte population paysanne cette
révolution, toutefois, n'est nullement paysanne
c'est-à-dire
qu'elle ne révolutionne pas les rapports agraires touchant spécialement la paysannerie
et ne
la fait pas intervenir
comme
force sociale tant soit peu active
et créatrice de
révolution. Par
conséquent l'idée marxiste générale de "révolution bourgeoise"
comporte certains éléments obligatoirement
applicables à toute
révolution paysanne
dans un pays de capitalisme en
développement; mais cette idée
générale ne dit
absolument rien sur la question de savoir si oui ou
non la révolution bourgeoise d'un
pays donné doit (dans le sens
d'une nécessité objective) se transformer en
révolution
paysanne pour
remporter une
victoire complète."
(Lénine. Œuvres Complètes.
Tome 13, pages 368-3b9.)
2.5.12.
- La
révolution russe a marqué une profonde discontinuité non seulement dans
l'histoire de l'aire slave
mais
dans celle mondiale. La
destruction de
l'empire des
tsars,
des rapports
sociaux pré-capitalistes et, sur le plan théorique,
le rejet de
la théorie menchevique de
la révolution à étapes d'abord la révolution
bourgeoise, puis celle prolétarienne, sont autant d'éléments
de la
discontinuité. Pour
l'histoire
du mouvement ouvrier mondial il
en est de même, c'est 1e triomphe de la théorie de la catastrophe de Marx,
de la révolution, de 1à doctrine de l'État, de l'importance des masses dans le processus révolutionnaire, la nécessité de leur
organisation en parti. Cependant la transcroissarice opérée
dans la lutte et dans la clarté doctrinale, fut enrayée et, de l'ouest, ne vint pas l'aide qui
aurait permis sinon le saut par-dessus le
capitalisme, du moins la réduction de la phase
capitaliste.
2.5.13.
-
L'intervention
du prolétariat a déblayé tous les obstacles au développement du
capital. Mais celui-ci pour réellement triompher
dût enrayer 1e mouvement prolétarien et pour ce faire
détruisit non seulement la force
prolétarienne mais tenta de freiner la lutte de classe.
D'où la structure du kolkhose qui
est un compromis entre la forme capitaliste et
les anciennes formes de production.
Cela
veut dire que la puissance d'une
révolution (si elle n'arrive
pas à
triompher totalement)
peut engendrer
des formes qui
deviennent
des obstacles au développement ultérieur.
Autrement
dit, la
transcroissance prolétarienne fut un frein pour la révolution bourgeoise.
2.5.14.
- Comme toute révolution radicale
elle
a provoqué un grand mouvement de
convergence et de
formation d'une vision
globale, totale, d'un processus
révolutionnaire et vital
humain. Nous avons signalé le cas de Lénine et
de Trotsky
(1.2.2.). Ceci se fit
dans
l'aire slave. Mais en occident elle permit la convergence de courants qui se retrouvèrent dans 1e rejet
commun de
la démocratie et du
parlementarisme.(gauche italienne, allemande, hollandaise, anglaise, etc...).
Si
les bolcheviks
ne comprirent
pas les
caractères spécifiques de la lutte en
occidcnt, les communistes de gauche (en dehors
de ceux
d'Italie) ne
comprirent pas le problème
russe. D'où la non fusion entre les deux
phases révolutionnaires.
Des divergences
devaient apparaître
ensuite, au
sein de
ce mouvement convergent, dès le reflux
de la vague révolutionnaire. Cependant la plupart
des Gauches se retrouvèrent dans la revendication du "Communisme de Conseils"
(en dehors de la Gauche d'Italie.)
Ainsi, contre la
II` Internationale, le mouvement révolutionnaire
issu
de la secousse de la révolution russe et de celles autochtones de la société capitaliste occidentale, tendit à une totalité
qui marqua une discontinuité avec la social-démocratie. Ce fut
de courte durée
et le
mouvement se dissocia. D'un côté ceux
qui voulaient
le parti (généralisation extrapolatrice): 1e parti substitut de la
classe; de l'autre> ceux
qui affirmaient
les soviets:
généralisation du mouvement spontané immédiat de la classe et escamotage du mouvement réflexif,
le parti. La
classe fut
appréhendée, fixée
dans sa détermination historique immédiate. Voilà
les termes de l'opposition de la dernière vague révolutionnaire. Maintenant que
la reprise s'amorce, qu'un nouveau cycle se dessine, ces termes réapparaissent et
c'est pourquoi la question
syndicale passe
obligatoirement au second plan.
Cependant
revendiquer le
parti
en opposition aux soviets
(même si l'on accepte
l'existence de
ceux-ci) ou
ces derniers
à l'exclusion du
parti,
conduit encore au triomphe
de Berstein qui
dissocia un tout. C'est raisonner sur la dissociation de
la classe,
sur sa fragmentation, alors que
sa réunification
s'impose.
2.5.15.-
En Russie par
suite de la
contre-révolution stalinienne et par suite
de l'assise
sociale
actuelle (fascisme sous une forme inférieure),
il est évident que
le mouvement ouvrier en Russie
(comme
l'attestent d'ailleurs les mouvements dans les pays
de l'Est
européen) aura un
caractère initial de
communisme de Conseils. Ce sera
le premier temps de
la reformation de
la classe
en tant
que
classe.
2.5.16.
- Toutes
les questions
posées par la révolution russe ont été soit résolues
par le mouvement réel ultérieur
(question paysanne par
exemple, avec les révolutions anti-coloniales), soit elles apparaissent en tant qu’aberrations dues
au retard du ρays (question de la valeur), soit, enfin, elles correspondent à de faux
problèmes (parti et soviet par exemple) que le
mouvement réel de la classe dépassera immédiatement. Autrement dit il n'y
a plus
de question russe. La révolution russe
ne
peut pas être, en quoi
que ce soit, un modèle
pour celle future. Tous ceux qui affirment
le contraire défendent en
fait une théorie stalinienne
même
lorsqu'ils
croient lutter contre elle.
2.5.17.
- Le
léninisme ou bolchevisme est la doctrine née et développée après la mort
de Lénine. Tous les groupements et
théoriciens russes ont contribué à son édification, que ce
soit Staline, Zinoviev,
Boukharine, Trotsky,
etc. Elle est la fixation d'un certain nombre de
positions de Lénine, mais il n'est
pas possible d'écrire 1'équation: Léninisme
= théorie défendue par Lénine. Celui-ci se
considérait
continuateur de
Marx,
le restaurateur de sa doctrine.
C'est
au
travers
de 1'œuvre
de restauration de la doctrine du prolétariat
que l'on
doit apprécier 1'activité de
Lénine. Or,
celle-ci est directement liée
au processus révolutionnaire de la fin
du ΧIX°
et
du début
du ΧX°
siècle. Ce n'est que lorsquc la révolution affirme
sa transcroissance qu'il
retrouve
réellement l’être même
de la théorie (L’État
et
la révolution)
sinon
il
subit tout le
poids du
retard non seulerιcnt de la Russie, mais de
toute
1' Asie.
Lénine ne put qu'affirmer une partie du marxisme correspondant à un moment donné de 1a vie de la classe.
Celui où elle doit lutter
aux côtés du
capital contre les antiques formes
sociales et οù elle peut aller jusqu'à abattre le
capital (double rêvolution). Mais il n'y a pas une restauration intégrale parce que le mouvement réel,
le
substrat de celle-ci fut détruit par la démocratie en occident. En rester a Léninc, c'est s'arrêter à une affirmation fondamentale mais unilatérale de
la théorie du prolétariat.
Le. léninisme est fondamentalement la généralisation du schéma russe à. la révolution occidentale. Il contient la théorisation du parti deus-ex-machina avec la conscience venant du dehors, le culte de
la volonté et de la manœuvre tactique, le fétiche de 1'organisation avec
le
culte du chef, une
sophistique en guise de dialectique qui permet de
tout justifier; plus précisément qui permet à la direction du parti de se justifier.
Le léninisme
pousse
1e dualisme au sein de la classe et dans
la doctrine
jusqu'aux plus
extrêmes conséquences et,
en ce sens, il est bien l'expression théorique de la
défaite prolétarienne. Or,
la défaite est
fragmentation de la classe.
Le léninisme conserve le:
schéma international de
la révolution mais de façon abstraite : litanies sur
l'internationalisme
prolétarien. C'est
un internationalisme qui se
pose simplement en négatif du nationalisme. Or,
étant
donné la prépondérance de l'URSS au sein de l'I.C., le
contenu de cet internationalisme
s'est restreint rapidement à la défense de l'URSS.
On
arrivait progressivement à
l'affirmation nationaliste.
Le léninisme est 1e fondement
théorique du
stalinisme.
Celui-ci est une affirmation
nationale du
premier.
Il est aussi le fondement
du trotskysme. Ce dernier conserve la vision
internationale en
greffant sur
le léninisme la théorie
de la révolution permanente. D'autre part,
stalinisme et trotskysιτιe se rétrouvèrent et
se retrouvent toujours dans
la défense de l'URSS. De même, au siècle
dernier, la totalité
des courants du mouvement ouvrier, en
dehors de
quelques éléments autour de Marx
et
d'Engels, se retrouvaient
toujours pour proclamer la défense de la France
terre de la liberté!
Même si dans
1'œuvre de Lénine
il ne
reste pas baucoup d'éléments valables pour la révolution
future,
elle
se situe toute dans
une phase et une optique réellement révolutionnaires.
Elle représente le dépassement réel d'une
situation historique
dans une aire
géo-sociale donnée. En revanche, léninisme trotskysme et
stalinisme - à des
titres divers
- sont des expressions de la réabsorption de
la révolution prolétarienne par le milieu
capitaliste environnant. Ils n'ont donc aucun rapport
avec
la révolution prolétarienne future et
doivent donc être proclamés
contre-révolutionnaire.
* * *
"
Depuis
des
decennies et
des decennies, la gauche communiste
d'Italie a expliqué
que le parti contingent,
lui aussi,
n'était pas
infaillible. Ι1
se ressent, dialectiquement, dans sa
structure, des effets de ses actions vers
l'extérieur. Ι1
subit
maladies et crises.
Ι1
paie de scissions régénératrices et de longues
attentes historiques, le
fait
d’avoir dévié de la
doctrine classique
invariante, d'avoir corrompu son organisation
interne et sa manœuvre
stratégique;
d'où notre condaranation des blocs, fronts, fusions,
réseaux édifiés dans
d'autres partis." A. Bordiga, il programma comunista n° 22. 1958