BORDIGA (1889-1970):
QUELQUES REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Avant
la guerre de 1914.
C'est entre 1912
et 1914 que
s'individualise le mouvement qui
devait devenir 1a fraction abstentionniste. En fait depuis 1910 une certaine radicalisation s'était produite
au sein du
PSI (parti socialiste
italien) fondé en
1892. En 1911
lors
de 1a guerre
coloniale en Tripolitaine, il
y eut de grandes manifestations contre celle-ci et ce
sont les
jeunes qui effectuèrent les actions principales. Bordiga y
participa
activement.
C'est
dans
l'organisation des
jeunes que Bordiga commença son activité qui fut
d'emblée très intense. Le 02.04.1912, il
fonde «
Le
cercle Karl
Marx » et collabore à divers
journaux
et revues: La Voce journal de 1a section socialiste
de Castellamare di Stabia, Utopia (où
il publie
Le socialisme à Naples et
dans le Mezzogiorno), «L'Avanguardia »
qu'il
dirigera plus tard, en 1917 et Ι1
socialista
à
partir de
1914. En 1912, toujours, il prend
position dans le débat sur
1a culture pour rejeter toute
volonté d'instruire les ouvriers afin de
les perfectionner et surtout pour faire subir
aux jeunes un apprentissage culturel
afin qu'ils
puissent réellement militer. Ι1
proclamera, féroce: «c'est à un congrès de professeurs de
proclamer 1a nécessité de l'étude et non à un congrès de
socialistes.» En revanche il affirme,
à plusieurs reprises,
l'importance de
1a théorie. Dès cette époque s'affirme sa thèse
sur le parti: forme d'organisation non immédiate de 1a classe
et qui dépasse les limites sociologiques de celle-ci (des éléments extérieurs à elle peuvent être membres du parti). Ce qui
donne
originalité
au parti c'est sa position théorique qui lui
permet
d'avoir une intransigeance de pensée vis-à-vis de 1a classe dominante, le protège contre les mille
piéges
de
l'idéologie régnante; dès
cette période, aussi, il met
au centre de sa définition du
parti
le concept de programme.
Ι1
s'élève
en
outre contre 1a démocratie:
«
S'il
y a donc
une négation complète de
la
théorie de
l'action
démocratique, elle réside dans
le
socialisme. » ( Il socialista des 12 et 16-07-1914). Cela
conduira à 1a thèse abstentionniste. Ι1
s'élèvera
tout
d'abord contre
le bloccardisme
(tactique
de faire des fronts avec d'autres formations politiques pour remporter des voix aux élections) qui est un précurseur du fameux front unique de 1a 3° Internationale.
08-10/07/1912.
ΧΙΙΙème congrés
du
PSI à
Reggio Emilia. Ι1
proclame l'expulsion des réformistes Bonomi, Bissolati, Cabrini,
Ροdrecca, acquise grâce à 1a pression du courant de gauche et particulièrement à l'intervention de Bordίga et
de Mussolini; se prononce contre toute autonomie du groupe parlementaire; engage 1a lutte contre 1a franc-maçonnerie. Sous
l'impulsion directe de Bordiga cette lutte reprendra au sein de l'Internationale
communiste, en particulier contre 1a section française (P.C.F.)
où
adhérèrent beaucoup de francs-maçons.
26-29/04/1914.
XIVe congrès
du
PSI à
Ancône.
Nouvelle condamnation de 1a franc-maçonnerie. Au cours du débat Mussolini intervient pour 1a fraction intransigeante (c'est ainsi que se délimitait alors le courant de gauche) :
«
Le
socialisme est un
problème
de classe. C'est même
le seul,
l'unique problême d'une unique, d'une seule classe,
1a classe
prolétarienne. C'est
seulement en ce sens que Marx a
dit que le
socialisme est aussi un
problême
humain:
la
classe
prolétarienne représente
toute l'humanité
et
avec son triomphe elle abolit les classes. Mais nous ne pouvons pas confondre notre humanitarisme avec l'action
humanitaire
élastique, vide,
illogique, propre à la
maçonnerie: »
Bordiga intervint
au
sujet de 1a question du Mezzogiorno contre 1a théorie de ceux qui affirmaient que cette
région avait des particularités telles qu'elles imposaient 1a nécessité -
en particulier vu 1a faiblesse du prolétariat-
de constituer des blocs électoraux; il insista
simultanément sur le fait que rejeter les blocs ne relevait aucunement d'une question morale.
«
Le parti
socialiste ne peut
pas
s'arrêter devant
le cadavre d'une
bourgeoisie impuissante qui se présente inerte en travers de notre route.
Le parti socialiste a des fonctions
et des
directives précises à partir du moment où
il surgit
jusqu'à
son triomphe
final, sans
quoi
il faillirait à sa
raison d’être.
«La
révolution de 1848
a
eu un
écho
immédiat dans toute l'Europe. La propagande du parti
socialiste pour
l'internationale
prolétarienne
s'universalise aujourd'hui toujours plus, s'étendant à tout le monde habité en dépit de 1a disparité des conditions de
milieu; et si nous renoncions à cette
simultanéité historique du procès révolutionnaire,
nous renoncerions à la principale
raison
d'être de
notre parti. »
En
conclusion
il
affirme 1a nécessité d'une tactique unitaire qui doit s'efforcer: «d'encadrer les petites phalanges de l'armée socialiste méridionale
dans les limites précises d'un programme
de
classe. Si la classe est en formation, ceci n'est pas une raison pour que
nous devions détruire le peu qui
s'est formé.
Mars
1914.
Fondation de Il socialista de Naples.
Juin
1914.
« Semaine
rouge »,
mouvement spontané du prolétariat italien, consécutive à 1a répression policière lors de meetings contre le militarisme.
Lors de 1a guerre de
1914, Bordiga est fermement opposé au mot d'ordre « ni
adhérer, ni saboter »;
le contenu de sa position est identique à celui de 1a formulation de Lénine: « transformer 1a guerre impérialiste en guerre civile ».
«
...Εn réalité
1a bourgeoisie de tous les
pays est également responsable du conflit, οu
mieux encore, c'est
le
système capitaliste qui en est responsable; par suite de ses exigences d'expansion
économique i1 a engendré le
système de
la course aux
armements
et de
1a paix armée qui
s'écroule aujourd'hui en se résolvant
en une crise épouvantable. » (À
notre poste,
Avanti!
16/08/1914).
«
La possibilité et la fatalité de la guerre sont inhérentes à
la constitution des États
modernes qui, en
régime de
démocratie
politique,
maintiennent
l'esclavage
économique et étendent leur toute puissance, apparemment
fondée sur le
consensus de
tous, à tel point qu'une poignée de
ministres représentants
de 1a classe dominante peut envoyer, en 24 heures sur 1a ligne de feu et de 1a mort,
des millions d'hommes qui ne savent pas où ni pourquoi et contre
qui ils
sont envoyés: fait impressionnant qui rejoint le summum de 1a tyrannie arbitraire
qui opprima
au cours
des
siècles des
multitudes humaines. (Le
socialisme d'hier
devant la guerre
d'aujourd'hui,
Avanguardia,
25-10, 1-11, 16-11 1914).
Bordiga dénonce l'hypocrisie des démocraties qui oublient qu'elles
ont conduit des guerres pour subjuguer des peuples
et conquérir des colonies.
24/01/191.5 La bourgeoisie
et le principe
des nationalités. (Avanti!)
«
Point n'est besoin d'une démonstration compliquée pour montrer
qu'au cours de l'histoire contemporaine et au
cours des tragiques évènements
d'aujourd'hui, c'est le fait État
qui
prévaut sur
le fait Nation.
Et nous
socialistes nous voyons dans 1'État
non
le représentant de 1a collectivité des citoyens, mais
l'institution conservatrice des privilèges
des minorités capitalistes.
D'où,
il rejette
tout irrédentisme.
Mai 1915. Conférence
du PSI à
Bologne, au cours de laquelle fut soulevé le problème
de
l'action à développer contre 1a guerre. Bordiga
est
d'avis
que c'est le
parti
qui doit conduire cette action et non les
syndicats οu
le groupe parlementaire
(il s'agissait de faire une grève générale contre 1a mobilisation; l'Italie entrant
en guerre
aux côtés de
1a France).
Dans Le
fait
accompli du 23/05/1915, paru dans 1'Aνanti!
,
il rappelle les
deux
voies opposées:
«
Οu
à l'intérieur
οu
à l'extérieur
d'une conception nationale et de l'ensemble
des
scrupules patriotiques. Οu
vers un pseudosocialisme οu
vers une nouvelle internationale.
1916.
Bordiga se
consacre à 1a
constitution de l'organisation syndicale napolitaine.
Au cours de cette année 1916, de
grandes grèves se produisent
à Naples
auxquelles participent
activement les socialistes de 1a fraction intransigeante.
Février 1917.
Conférence
de Rome (clandestine): La fraction intransigeante
propose une action révolutionnaire pour
faire cesser 1a guerre
et proclame
qu'elle ne
peut pas
déboucher sur
la paix
mais sur 1a révolution
de classe.
Eté 1917.
Dans 1a circulaire
du 23/08/1917 le
concept et le
sentiment de patrie
sont rejetés comme: «incompatibles avec les principes
généraux du
socialisme (...)
toute action socialiste devra se dérouler EXCLUSIVEMENT sur le
terrain de la lutte
de classe avec une
tactique strictement et sincèrement
révolutionnaire. »
Elle
conclut que le XVème
congrès
du PSI devra proclamer: «le droit
du prolétariat de tous les pays
à instaurer sa propre
dictature non dans l'intérêt d'une seule classe, mais pour
le bien-être de toute la collectivité il devra diriger et coordonner les
agitations à contenu révolutionnaire afin d'imposer 1a paix immédiate.
Octobre
1917. Luttes
pour empécher que le groupe
parlementaire ne fasse
l'union sacrée (après 1e désastre de Caporetto afin de sauver la patrie) et ceci se poursuivra
durant tout novembre.
13/10/1917.
«
Pour une discussion
exhaustive» (Aνanti) il rappelle l'importance primaire de 1a théorie et fait cette formulation qui caractérise son invariance :
«Un
parti
d'avant-garde doit «surveiller les faits»,
mais il ne
peut pas dire: j'attends mon programme des
évènements.
Les
évènements peuvent seulement lui
suggérer
1a possibilité d'agir plus οu
moins intensément pour 1a réalisation du programme, qui est sa
raison même
d'exister. »
Au
sujet de 1a révolution russe, si Bordiga ne 1'a pas prévue, il ne fut pas surpris par elle.
D'entrée, sur
1a base des quelques reinseignements qui parvenaient jusqu'en Occident, il affirmera son accord avee 1a
position des bolchéviks et
prévoira même certaines de leurs actions. Voici les
articles les plus importants que Bordiga écrivit sur cette révolution: «La révolution russe »
série d'articles parus dans 1'Avanguardia d'octobre à décembre 1917 où il
réfute 1a thèse selon laquelle
le militarisme serait lié aux régimes politiques arriérés et montre qu'au contraire: l'armée démocratique est supérieure parce que justement:
«1'État militaire le plus moderne est celui où
les
ressources de l'industrie, du commerce et de l'administration, des
finances sont les plus grandes et où
les formes politiques s'épanouissent
en démocratie ».
Au
sujet du mouvement révolutionnaire il écrit: «D'autre part,
les socialistes ne concevaient pas que 1’œuvre
de 1a
révolution se limitât à 1a formation d'une Russie démocratique mais ils avaient toujours nourri l'idée d'intégrer le bouleversement politique avec le bouleversement social et de renverser le pouvoir autocratique pour instaurer non celui de la bourgeoisie, mais celui du prolétariat qui aurait procédé à l'abolition
de
1a propriété privée de la terre et de l'industrie. »
02.12.1917.
Tandis que Lénine triomphe,
L'Aνanguardia :
«
Et nous avons prévu qu'un
jour viendrait où le conseil
suprême des
délégués des
soldats et des
ouvriers de toute la Russie, se débarassant du
généralissime et premier ministre baladeur,
aurait mis à sa place un
homme capable de se rendre vraiment l'interprète
des sentiments et de la volonté du prolétariat triomphant. »
18/11/1917.
Réunion à Florence au cours de laquelle se renforce le noyau d'éléments qui devait produire 1a plate-forme de 1a gauche italienne (Bordiga
in Histoire de 1a gauche communiste 1964). Bordiga proclame: «Il faut agir. Le prolétariat des usines est fatigué mais il est armé.»
Mai. 1918. Les directives marxistes de 1a nouvelle internationale .
« La nouvelle internationale sera donc le parti socialiste mondial, organisation collective de la classe travailleuse pour la
conquête violente du pouvoir et l'exercice de celui-ci, pour 1a transformation
de
l'économie capitaliste en économie collective. Un semblable parti aspire à une « discipline » collective et consciente et il sera le milieu
adéquat
où se fera
l'administration
prolétarienne
universelle
future.
»
«
...intransigeance
tactique
absolue
et exclusion
de
tout
accord,
même temporaire,
avec des
classes et des partis bourgeois, quel que soit sa finalité,
c'est-à-dire condamnation
de tout bloc›
Septembre
1918. XVème
congrès
du
parti
socialiste
à Rome auquel Bordiga ne participa point; il était mobilisé. Les vraies questions furent escamotées; il y eut une série d'accusations et de contre-accusations.
22/12/1918.
Fondation de Il
Soviet qui
sera dirigé par Bordiga. Ce journal remplace «
Ι1
socialista
». Au
cours
de l'année
1918 il
y eut de grandes luttes ouvrières à Naples. La Bourse du travail de Naples naquit sous
l'impulsion de
1a fraction intransigeante. Cette dernière acquit une audience importante dans toute 1a Campanie et même dans les provinces limitrophes, d'où 1a nécessité d'un nouveau journal qui soit vraiment 1'organe des luttes.
Décembre 1918. Conférence
socialiste
méridionale à Naples. La section de cette ville se prononce pour 1a dépendance complète du groupe parlementaire vis-à-vis du parti.
Bordiga
étudie
de façοn
approfondie l'origine
du réformisme et sa force sur le prolétariat.
C'est pourquoi sa lutte ne sera plus uniquement dirigée contre le groupe parlementaire mais contre tout le parti socialiste dans 1a mesure où il
est réformiste.
23/02.1919.
Première
manifestation
socialiste
de 1'aprés-guerre. Elle se déroule à Naples; 1a police assaille les manifestants. Mars 1919. «La 3° Internationale est sur le point d'être créée. Il y
à son sujet une proposition formelle
du gouvernement des Soviets
(...) À
ce propos
la section
socialiste
de Naples a voté
l'ordre du
jour suivant: « La section socialiste de Naples invite la direction du parti à accepter intégralement 1a proposition du parti communiste russe à 1a constitution de 1a nouvelle internationale
et
à rompre tout rapport avec le BSI
de
Bruxelles . (
Il Soviet ).
22.03.1919.
La direction du PSI vote par
20 voix contre 3
l'adhésion à 1'IC.
Au
cours
du
printemps
de
grandes
grèves
et une
agitation
puissante
ont
lieu
à
Naples auxquelles participent activement les éléments de 1a fraction
abstentionniste. Au sujet dé ces
luttes Bordiga écrit:
« L'action a été directe; les questions ont été traitées par des
ouvriers authentiques et l'on
n'a pas permis que l'agitation servît de prédestal à une quelconque exhibition personnelle. C'est
ainsi que l'organisation conserve une physionomie de classe précise ». («La signification de
l'agitation. » Il Soviet. 30.03.1919).
La lutte du prolétariat se généralise à toute l'Italie durant le printemps et
l'été 1919; elle atteint son maximum en juillet. On doit
noter 1a forte participation des ouvriers agricoles.
En
mars 1919 le parti fasciste avait été créé et le
15 avril se produisirent à Milan les premiers heurts entre ouvriers et bandes fascistes.
Avril
1919.
Congrès
régional de 1a Campanie: discussion sur lé programme du parti; triomphe des thèses abstentionnistes qui sont aussi acceptées par les
sections de Calabre et des Pouilles ainsi qu'à Florence, à Turin, à Novara; les abstentionnistes sont en minorité ά Milan,
Bologne, Rome.
Mai 1919. Première
parution de 1'Ordine Nuovo dirigé par Gramsci.
06.07.1919.
Congrès
à Rome de 1a fraction abstentionniste qui
prépare son programme qui sera
publié dans
Ι1
Soviet
le
13.07.1919.
C'est
au cours
de cette année 1919 que nait réellement 1a fraction abstentionniste. La
lutte contre le réformisme amena Bordiga à
1a conclusion qu'il était lié en grande partie à l’illusion démocratique
(dont Marx et Engels
n’avaient pas été épargnés). Ceci apparaissait clairement lors de
l’approche
des élections. Le
PSI voulait monnayer auprès des masses
sa non-participation à 1a guerre et ne pas poser 1a question de 1a révolution, Citons les articles les plus importants à ce propos:
Illusions électionnistes 09/02/1919. Contre
l'intervention dans les batailles électorales
16/02/1919.
Élection οu
conquête
révolutionnaire du pouvoir. Contre le préjugé électionniste 23/02/1919.
Bordiga et
les abstentionnistes refusaient également le mot d'ordre de
l'unité prolétarienne. «L'erreur de l'unité prolétarienne»
01/06/1919. «Le front unique révolutionnaire » 15/06/1919.
C'est
donc à cette
époque que se fait 1a vraie coupure avec 1a majorité du parti; 1a
décision de
faire 1a scission est prise depuis le début de 1919.
20-21/07/1919.
Grève générale de solidarité pour les républiques soviétiques de Russie et de Hongrie. Le PSI avait pris position en faveur de cette grève lors de sa conférence du 3.07.1919.
La fraction abstentionniste critique l'aspect purement demonstratif que le parti voulait donner à cette grève. Celle-ci se solda, à l'échelle internationale, par un échec; 1a France et l'Angleterre l'ayant sabotée.
04.10.1919.
XVIe
congrès
du
PSI à
Bologne. La fraction abstentionniste demande le changement de programme du parti, lequel doit adhérer à l'IC et s'appeler parti communiste et, surtout: «
déclare
incompatible la présence dans le parti de ceux qui proclament la possibilité de l'émancipation du prolétariat dans le cadre du régime démocratique et répudient la méthode de la lutte armée contre la bourgeoisie pour l'instauration de la dictature prolétarienne ».
(Motion de la fraction abstentionniste.)
La dissolution de
l'Assemblée Constituante fit croire à Bordiga que les bolcheviks avaient effectivement une position antiparlementaire; d'où
son affirmation qui montre son illusion:
«
Voilà pourquoi nous, disciples de la 3° Internationale,
croyons que la tactique de l’abstention de toute action parlementaire doit être suivie par les partis qui adhèrent à Moscou, afin de ne pas retomber dans le mensonge de la
2° Internationale au sein
de
laquelle se retrouvaient, dans un
même congrès; accueillis avec la
même hospitalité, des méthodes et des
tendances les plus diverses. »
Pour Bordiga le point essentiel était la lutte contre les réformistes
et, si possible, créer la scission. Dans le but de réaliser cette dernière, il proposa même
aux autres courants de gauche du PSI de
retirer le préalable de
l'abstentionnisme. Mais la volonté unitaire l'emporta.
En
fait la fraction
abstentionniste subit
un échec
à Bologne; les réformistes ne sont pas expulsés; la fraction abandonne la perspective immédiate de la scission; Bordiga opère un certain recul par rapport à ses positions antérieures. Toutefois la fraction abstentionniste se constitue en fraction autonome à
l'intérieur du parti et a pour organe officiel Ιl
Soviet.
l0.l0.l9l9.
Lettre de la fraction communiste abstentionniste du parti socialiste italien au comité de Moscou de la 3° internationale. Elle synthétise parfaitement les positions de Bordiga de cette époque:
«Nous
autres
camarades de toute l'Italie
nous nous orientâmes vers
l'abstentionnisme électoral que nous avons soutenu au congrès de Bologne. Nous désirons qu'il apparaisse
clairement qu'au
congrès nous nous sommes séparés de tout le reste du parti sur la question électorale mais aussi sur la question de la scission du parti. »
«La
constitution
d'un parti purement communiste ne sera pas possible si l'on ne renonce pas à
l'action électorale et parlementaire. »
«
A
propos
de la tactique et particulièrement en ce qui concerne la constitution
de
soviets,
il nous semble qu'on est en
train, même parmi nos amis, de commettre des erreurs. Il y a le péril qu'on
limite tout à une
modification réformiste des syndicats. On
travaille, en fait, comme à Turin,
à la
constitution
de
comités
de
fabrique en réunissant tous les commissaires d'une industrie donnée (métallurgie) qui prennent la direction
du syndicat
professionnel
en désignant le
comité exécutif. »
«
On
reste ainsi en dehors des fonctions politiques des conseils
ouvriers auxquels il faudrait préparer le prolétariat, bien que, selon nous, le problème le plus important soit celui d'organiser un
puissant parti de classe
(parti communiste) qui
prépare
la conquête
insurrectionnelle
du pouvoir
des mains du gouvernement bourgeois. »
Cette
lettre
ne parvint jamais à
destination parce qu'elle fut interceptée par la
police.
ll:0l.l920.
Bordiga
écrit
une
autre
lettre au même destinataire qui semble être arrivée à bon port.
Mars l920. Premières
occupations d'usines à Turin. Bordiga écrit dans Ιl
Soviet
:
«
On a
excessivement surestimé à Turin le problème du contrôle,
en
le concevant
comme une conquête directe que le prolétariat, grâce au nouveau type d'organisation par entreprise, peut arracher à la classe industrielle,
en réalisant ainsi un
postulat économique communiste; réalisant une étape
révolutionnaire avant même la
conquête politique du pouvoir, dont le parti est
l'organe spécifique. »
A
Turin
les
dirigeants
du
mouvement
avaient
enprunté « une
fausse
voie: poser la question du pouvoir dans l'entreprise au lieu de poser la question du pouvoir politique central." (La
grève de Turin, Ιl
Soviet. 0.2.05.l920)
Mai l920. Lénine publie
«
La maladie infantile du communisme: («Le
gauchisme»)
où les
thèses de Bordiga sont condamnées.
08-09/05/l920.
Conférence
nationale de la fraction communiste abstentionniste à laquelle Gramsci participa, en tant qu'observateur. Ιl
s'éleva
contre
l'abstentionnisme.
Juillet l920. Bordiga participe au 2°
congrès de l'Internationale. Avant de se rendre à Moscou, il prend contact avec tous les groupes de gauche occidentaux, aussi bien à Berlin qu'à Copenhague. Ιl
est très
intéressant de noter qu'il y a,
à cette époque, une certaine convergence entre différents courants tendant à dépasser la démocratie, et «
Ιl
Soviet
» s'en
fait
l'écho. On trouve
dans ce journal des articles de Lukacs
(« Pour la question du parlementarisme »),
Gorter (« La victoire du marxisme
»), S. Pankhurst (« Pensée et action communistes dans la 3° Internationale »),
Pannekoek (« Le développement de la révolution mondiale et la
tactique du communisme », pas en entier toutefois) etc.
Bordiga prend
position
en faveur des
conditions d'admission à l'IC;
sous son impulsion deux autres furent ajoutées (aux l9 initiales proposées par Lénine) en
particulier la 2l° qui devait soulever tant de
polémiques. En revanche il s'oppose aux bolchéviks sur la question du parlementarisme; il expose ses
thèses et les défend dans un important discours dans lequel il se délimite de ceux qui refusaient de participer aux syndicats (les kapédistes en particulier).
«
Et
maintenant deux mots
sur les arguments présentés par Lénine dans la brochure sur le «
Communisme de
gauche s. Je crois que l'on
ne peut pas juger notre tactique antiparlementaire de la même
manière que celle qui préconise la sortie des syndicats. Le
syndicat même lorsqu'il est corrompu, est toujours un centre
ouvrier.
Sortir
du
syndicat
social-démocrate
correspond
à
la conception
de
certains
syndicalistes
qui
voudraient
constituer
des
organes
de lutte révolutionnaire de type non-politique, mais syndical. Du point de
vue marxiste ceci est une erreur qui n' a
rien de commun avec les arguments sur lesquels s'appuie notre anti-parlementarisme. Les
thèses du rapporteur déclarent du reste que si la question parlementaire, est secondaire pour le mouvement communiste, celle des syndicats ne
l'est
pas autant.
»
«
Je ferai seulement observer qu'un mouvement marxiste
dans les pays démocratiques occidentaux exige une tactique beaucoup
plus
directe que celle
qui a été
nécessaire à
la révolution russe ».
Septembre l920. Première réunion de la fraction abstentionniste du PSI à Florence. Ιl y est proclamé que l'adhésion du PSI à la 3° Internationale est irrégulière, qu'il faut consacrer toutes les énergies à la formation d'un parti communiste et susciter une fraction abstentionniste mondiale au sein de l'internationale. Octobre l920. Réunion à Milan des divers courants de gauche du PSI (électionnistes et abstentionnistes); publication d'un manifeste-programme (signé par Bombacci, Bordiga, Fortichiari, Gramsci, Misiano, Ροlanο, Terracini). Le point e:« Participation aux élections politiques et administratives avec un caractère opposé à la vieille pratique socialdémocrate et dans le but de développer la propagande et l'agitation révolutionnaire, d'accélérer la désagrégation des organes bourgeois de la démocratie représentative. »
montrait qu'il y avait eu compromis!
28-29/11/l920.
Conférence
nationale de la fraction communiste
du
PSI à Imola.
Cette fraction
résultait de
l’union
de
divers courants communistes comme l'Ordine nuovo »
de
Gramsci,
la fraction
abstentionniste et des groupes moins importants dont faisaient partie
des
hommes comme
Fortichiari
et Repossi. Cette union ne fut possible que parce que Bordiga avait
abandonné le préalable de
l'abstentionnisme. Ce qui ne veut pas dire qu'il ait pleinement accepté
le mécanisme
démocratique. Dans Il comunista du l9 décembre l920, il
écrit: «Antidémocratiques
même en cela, nous ne pouvons
pas accepter comme ultima ratio l'expression arithmétique de la
consultation
d'un parti qui n'est pas un parti... La constitution d'un parti
communiste en
Italie ne sera pas jugée en dernière instance par la majorité d'un
congrès
national ( ... ) si nous sommes en minorité nous ne
pourrons subir ni la situation
d'un parti dirigé par les unitaires ni celle d'une direction où nous
nous
retrouverions avec eux. Notre tâche en tant que fraction est finie. ( ... )
Surgit de façon évidente la solution logique, courageuse, et
tactiquement
parfaite de la sortie immédiate du parti et du congrès, à peine le vote
nous
aura-t-il,mis en minorité. »
Ce
qui anticipait
sur les évènements de Livourne.
Janvier
l92l. Congrès
de Livourne
(le XVIIème du PSI):scission
et
formation
du parti
communiste italien. Le discours de Bordiga est dirigé contre l'illusion
démocratique et constitue un plaidoyer pour la dictature du prolétariat.
En
dépit de sa naissance à
partir d'une scission réputée et définie à gauche, le PC d'I est le
produit
d'un compromis entre les abstentionnistes, les ordinovistes et les
communistes
unitaires (Bombacci,
Graziadei)
qui
conservaient
beaucoup de
nostalgies démocratiques.
l4.04.2l.
Bordiga
écrit dans Il
Comunista
«
La
centralisation est la base de notre méthode théorique et pratique en
tant que
marxiste le suis d'abord centraliste ensuite seulement abstentionniste.
15.04.1921. Parti et classe
« La
classe dérive d'une homogénéité
de conditions économiques qui nous apparaît comme le moteur premier de
la
tendance à dépasser et à détruire le système productif actuel! Pour
assumer
cette tâche grandiose, elle doit avoir sa propre pensée, sa propre
méthode de
critique, une volonté propre qui tende à ces réalisations que la
recherche et
la critique ont définies, sa propre
organisation
de
combat
qui
en canalise avec le meilleur rendement les efforts et les sacrifices. C'est dans tout cela que réside le parti ».
3l.05.l92l.
«
Parti et action de classe
» in
Rassegna comunista
(comme
le précédent;
cette revue fut créée en mars l92l), est un article qui, comme celui qui précède, polémique avec l'internationale qui est lancée dans son pathos du parti de masse.
«
Nous
n'avons donc pas à être pour de « grands » οu
«petits »
partis. Nous n'avons pas à bouleverser toutes les bases
sur lesquelles certains partis sont fondés sous prétexte qu'ils ne
sont
pas des «
partis de masse ».
Tout au
contraire,
les partis communistes doivent partout se constituer sur des
bases organisationnelles, programmatiques et tactiques saines, c'est-à-dire sur les résultats des plus hautes expériences révolutionnaires
de la lutte
internationale.
»
«On
ne crée ni les partis, ni les révolutions. On
dirige
les partis et les révolutions à la lumière de toutes les expériences révolutionnaires utiles qui ont été faites à l'échelle
internationale
afin
d'assurer
le
maximum
de chances de victoire au prolétariat dans la bataille qui est
l'aboutissant inévitable de l'époque historique que nous vivons. Telle nous semble être la
conclusion. »
«Ιl
nous semble qu'il existe deux déviations
« opportunistes» de la voie juste. La première consiste à déduire la nature et les caractères du parti de l'existence οu
inexistence,
dans une situation donnée, de possibilités de regrouper des forces nombreuses -
ce qui
revient à se laisser dicter les règles
d'organisation du
parti par les situations, pour lui donner de l'extérieur
une
constitution
différente de celle à laquelle celles-ci l'ont
conduit,
La seconde consiste à croire qu'à condition
d'être
numériquement
fort
et d'avoir une préparation militaire, un parti puisse déterminer
les
situations
révolutionnaires en donnant l'ordre d'attaquer -
ce qui
revient à prétendre que la volonté du
parti crée les situations historiques. »
30.06.l92l.
Moscou et la question
italienne
(in
Rassegna comunista).
Bordiga défend la scission, effectuée à Livourne, attaquée par Lévi, Clara Zetkin, en Allemagne, et s'insurge contre les propositions, qui s'élèvent déjà, de
faire un parti communiste
unifié (comme en Allemagne) en regroupant le PCd'Ι et
les
maximalistes du PSI.
Bordiga reviendra sur cet arguement après le 3° congrès de l'IC.
22.06-12.07/1921.
3° Congrès
de l'Internationale qui est dominé par deux questions essentielles: la question allemande (appréciation de
l'action de
mars; rapports avec le kAPD,
parti communiste ouvrier d'Allemagne) et la question italienne (validité de
la scission de Livourne). Elles domineront d'ailleurs les débats des congrès, jusqu'en l926 et seront liées aux principales voltes tactiques, front unique, gouvernement
ouvrier, gouvernement ouvrier et paysan. Bordiga n'est pas présent. C'est Terracini qui expose les positions du PCd'Ι. Bordiga reprochera ultérieurement à ce dernier d'avoir
soutenu «l'action violente directe et frontale»,
donnant implicitement raison à Lénine, pour sa diatribe contre Terracini.
Le congrès se solde par la défaite du mouvement de
gauche à l'échelle mondiale. La théorie du
front unique commence à poindre et sera
exposée quelques mois plus
tard.
28.02.1922.
Le principe démocratique
( in Rassegna
comunista). Après la polémique au sujet du parti à
laquelleest liée ensuite
celle sur le front unique que Bordiga repousse (il n’accepte le front
unique
qu’à la base, au niveau des syndicats), se développe maintenant la
polémique au
sujet de la démocratie.
« …le
principe démocratique n’a aucune vertu
intrinsèque (…) il ne vaut aucunement en soi en tant que principe,
étant donné
qu’il n’est plutôt qu’un simple mécanisme d’organisation… ».
« Jusqu’à
maintenant, le critère démocratique est,
pour nous, un élément matériel accidentel pour la construction de notre
organisation interne et pour la formulation des statuts du parti. Il
n’est est
pas la plate-forme indispensable. Voilà pourquoi nous n’érigerons pas
en
principe la formule organisationnelle connue de « centralisme
démocratique ». La démocratie ne peut pas être pour nous un
principe. Le
centralisme en est un, indubitablement, puisque les caractères
essentiels de
l’organisation du parti doivent être
l’unité de structure et de mouvement. Pour indiquer la continuité dans
le
temps, c’est-à-dire dans le but auquel on tend et dans la direction
dans la quelle
on doit surmonter les obstacles successifs, et pour relier ainsi les
deux
concepts d’unité, nous proposerons de dire que le parti communiste
fonde son
organisation sur le « centralisme organique ».
20-24/03/1922.
Deuxième
congrès du PC
d’I. à Rome .Bordiga présente les thèses sur la tactique
06/04/l922,
Bordiga participe à la réunion des trois
internationales (II plus, II et demi, plus III) à, Berlin qui devait
préparer
l’unification des trois organisations, qui ne se réalisa pas.
Juin
l922.
Bordiga est représentant de l'Internationale au
congrès du PCF à Marseille.
3l.07,l922.
Formation de L'alliance
du travail entre cinq organisations syndicales. Ce fut un pas
« vers la réalisation du
front unique dont les
communistes sont donc ici les artisans. »
Contre
les attaques
fascistes les grèves éclatent. En août on a la grande grève générale.
Les
fascistes exercent des représailles sur les ouvriers. Ceux-ci résistent
fortement à Gènes, Milan et Parme. L’armée devra intervenir pour briser
leur
résistance.
Dans
le compte-rendu sur l'œuvre du
P.C.d'I. entre le 30 et le 40
congrès se trouve l'historique
de L'Alliance du travail ,
le
rejet du mot d'ordre d’un gouvernement ouvrier ainsi que le refus de
l’aide des
Arditi del popolo
(la question s’était
déjà
posée en l92l, lors de la formation de ce groupe paramilitaire
regroupant des
éléments d'origines diverses, des provocateurs selon les communistes de
l'époque)
.
30.09.l922.
Les rapports de forces
sociales et politiques en Italie in Rassegna;
l‘article ne fut
jamais terminé). «Nous
ne croyons pas plus à l'antithèse démocratie fascisme que nous ne
crûmes
à l'antithèse entre la
démocratie et le militarisme. »
28.l0.l922.
Mussolini accomplit la
marche sur Rome (en wagon-lit) Le roi le charge de former un ministère
composé
de fascistes et, de sympathisants.
05.11-05.12/1922.
40
Congrès de l’IC. Bordiga bien qu'opposé à la fusion entre le PC d’I. et
le PSI,
qui a expulsé son aile droite, accepte de se soumettre à la volonté de
l'Internationale (la fusion n’aura pas lieu à cause de l'opposition de
Nenni!).
Dans son discours il déclara: «Nous affirmons que le danger de voir le front unique dégénérer
en un
révisionnisme communiste
est bien réel... »
Il
s'élève à nouveau contre
le mot d'ordre de
gouvernement ouvrier : « On
pourra
dire que le gouvernement ouvrier n'est
'pas ce que nous supposons; mais je dois observer
que j'ai entendu expliquer plusieurs fois ce que le
gouvernement ouvrier
n'est pas, mais que j'attends
encore que Zinoviev οu
d'autres
nous disent ce
qu'il est. »
Puis
il
aborda
le fonctionnement de l'IC. « On
ne peut
les trouver
(les
garanties de la discipline.
n.d. r.)
que dans la
définition précise des limites à l'intérieur desquelles
nos méthodes d'action doivent être dans la définition précise des proιrammes, dés résolutions
tactiques fondamentales et des mesures d’organisation.
La révolution
russe a fourni au
.mouvement révolutionnaire
international les bases du rétablissement de sa doctrine et de son organisation de, combat; c'est là un bénéfice
inestimable
et qui
produira, ultérieurement,
ses effets dans
la mesure
où
le lien
entre la révolution russe et
le mouvement prolétarien international
ne sera
pas coupé.»
Ιl
fit
d'autre
part un rapport sur le fascisme: « La
genèse du fascisme doit, selon nous, être attribuée à trois facteurs:l'Etat, la grande
bourgeoisie et les classes moyennes. »
«
Le
fascisme incarne la lutte contre-révolutionnaire
de tous
les
éléments bourgeois unis; pour ce faire, il ne lui est pas du tout
nécessaire et indispensable de remplacer les
institutions démocratiques. »
« Ce
qu'il
y a de neuf dans
le fascisme réside dans l'organisation du parti bourgeois
de gouvernement. »
« À
notre
avis;
le fascisme
est un
moyen de
renforcer le pouvoir par tous les moyens de
la classe dominante,
non sans
mettre à profit les
enseignements de la première révolution prolétarienne victorieuse, la révolution russe. »
17.01.1923.
Moscou et Rome
(in
Ιl
lavoratore
).
«
Nous
avons
soutenu
depuis
longtemps qu'il
y
a
un
point de contact entre
fascisme et réformisme»
Février
l923.
Bordiga est
arrêté. Toglia.ttί,
secondé
par Terracini,
le remplace à la tête du
parti. Pendant un certain temps ils défendront les positions de Bordίga, puis ils basculeront dans le «camp de l'Internationale».
La
divergence entre Bordiga et cette dernière devient de plus en plus nette. Bordiga rédigea un manifeste A tous les camarades du PCd'Ι qui devait faire rupture avec l'IC. Mais étant donné qu'il ne
fut pas soutenu par les autres membres du comité éxécutif, il ne le publia pas. C'est à partir de ce moment que Gramsci prend la décision de fonder un groupe centriste sur les positions de l'internationale.
Octobre
l923.
Procès
des membres du PCd'Ι
arrêtés au début de l'année. Bordiga réfute facilement les
accusations. Il
est acquitté le 26 du même mois. Ιl
refuse de reprendre son poste au
comité exécutif, de même que, plus tard (l924), il
refusera d'être nommé vice-president de l'IC.
l924.
Bordiga fonde la revue «
Prometeo »; il y consacre la majeure partie de son activité. Les articles les plus importants sont Le mouvement de d'Annunzio (n°
l et 2). Lénine sur
le chemin de la révolution (n° 3).
«
Nous considérons tout d'abord son œuvre comme restaurateur
de la doctrine philosophique du marxisme οu,
pour mieux dire, de la conception générale de la nature et de la société appartenant
au système
de connaissances
théoriques du prolétariat
révolutionnaire: celui-ci n'a pas
seulement besoin, en effet; d'une opinion sur les problèmes de l'économie et de la politique, il
lui faut prendre position sur un
ensemble de questions plus vastes...
»
«Il
n'y
a
aucune raison de principe pour qu'on
écrive
dans nos statuts
chef ou « comité de chefs";
de ces prémisses découle une solution
marxiste
de la question du choix: ce choix, qui fera plus pour l'avenir
que toute l'histoire dynamique du mouvement, ne peut pas être réduit à une
banale consultation électorale. Nous préférons ne pas inscrire le mot chef dans la règle organisationnelle parce que nous n'aurons pas toujours dans nos rangs une individualité de la force d'un Marx ou d'un Lénine. Si l'homme,
l'«
instrument » exceptionnel existe, le mouvement l'utilise; mais il peut tout aussi bien vivre s'il n'existe pas. Notre théorie
du
chef est
bien loin des stupidités qui servent, aux théologies et
aux politiques officielles, à démontrer la nécessité des
pontifes, des rois, des « premiers citoyens », des
dictateurs et des Duce, pauvres marionnettes qui s'illusionnent faire l'histoire. »
Le communisme et la question nationale
(n°
4). Dans cet article, Bordiga s'élève contre la position de Radek, au sujet de
l'Allemagne, qui
pense que le mouvement nationaliste, suscité par
l'intervention des
troupes
françaises dans la Rhur en l923 et qui s'oppose aux
conditions imposées par le traité de Versailles, est un mouvement révolutionnaire!
Organisation et
discipline communiste
(n° 5).
«
Notre
opinion
sur ce problème est qu'on
ne peut pas résoudre la question de l'organisation et de la discipline au
sein
du
mouvement
communiste
sans
la relier aux questions de théorie, de programme et de tactique. »
« En
résumé,
il
faut
étudier
la
question
de
la discipline
et
l'organisation en
tenant
compte
de la véritable nature historique du parti qui est une organisation exprimant la tendance de toutes les luttes sociales particulières à s'unifier dans un
but commun,
une organisation à
laquelle on adhère volontairement. En
résumant ainsi notre thèse, nous croyons être fidèles à la
dialectique: l'action que le parti mène et la
tactique qu'il applique, c'est-à-dire la façon dont il agit à l'extérieur ont une influence sur son organisation et sa vie intérieure. Quiconque prétend au
nom d'une discipline illimitée, disposer du parti pour toute action, toute tactique, toute manceuvre quelles qu'elles soient
c'est-à-dire sans limites définies et connues de tous les militants, compromet fatalement
l'organisation. »
Février l924. Bordiga refuse de se
présenter aux élections.
«
Je ne serai jamais député et plus vite vous ferez vos projets sans moi et moins vous perdrez de temps et de peine.»
répond-il à la direction du parti.
Mai
1924.
Conférence de Côme. Bordiga rejette une fois de plus le front unique,
le
gouvernement ouvrier, la fusion avec le PSI. De son côté Gramsci et
tout el
groupe centriste ainsi que la droite (d’accord sur ce point) commencent
une
virulente campagne contre les thèses de Rome qu’ils considèrent comme
l’obstacle au développement du parti de masse ; ce serait à
cause de ces
thèses que le PCd’I. serait minoritaire, sectaire, etc. Dans la motion
de la
gauche signée par Bordiga, Fortichiari, Grieco, Repossi, il est
dit :
« L’internationale
cessera d’avoir des fractions quand elle obéira à des
critères de solidité et de continuité politiques, c’est-à-dire
interdira les
organisations locales doubles et les fusions,
Les thèses de la gauche l'emportent
largement lors
de la
consultation finale.
Juin
.1924.
Ve congrès
de l'IC.
Bordiga y est présent. Ιl
s'oppose au projet de fusion de
l'internationale syndicale rouge avec l'Internationale
d'Amsterdam: il
critique la boichévisatίon; le mot
d'ordre de
gouvernement ouvrier.
«
Je demande simplement
un
enterrement de
troisième classe et pour la tactique et pour le rϊot
d'ordre du gouvernement
ouvrier.
Mais on
nous
dit: vous êtes déei!Ιύnιeτat insatiables! L'internationale
νa
à gauche
et vn)us
n'êtes pas encore contents. Et bien, admettons que l'internationale
aille à gauche; niais si le me réfère à mon discours du IVe
congrès,
je note qu'alors je critiquai précisèment cette tendance de la direction de l'internationale'à
aller à droite οu
à gauche
selon
les indications de la
situation οu
selon
l'interprétation que
l'on croyait
donner du développement des évènements. »
Bordiga présente
à nouveau un rapport sur le fascisme. Il
insiste sur le fait
que celui-ci n'apporte rien sur le plan de l'idéologie, mais beaucoup
sur le plan de l'organisation. Ce qu'il avait déjà expliqué auparavant:
« sa
formule de constitution est tout organisation, pas
d'idéologie; de même que, en
correspondance dialectique, celle du parti libéral est: tout idéologie, pas d'organisation. »
Juin l924. Assassinat
du député socialiste Matteotti[1].
Les députés
socialistes et communistes refusent de sièger
au
parlement
avec les
fascistes et se retirent
sur l'Aventin (anti-parlement.) Bordiga,
qui
est encore à Moscou, est tout à fait opposé à cette action. Pour lui, on aurait perdu une
occasion unique de faire du parlementarisme révolutionnaire. Les députés
auraient dû,
de la tribune du parlement, appeler, le prolétariat à la iutte
armée contre le fascisme.
Un
compromis
interviendra
entre
le point de vue de Bordiga
et celui du centre (Gramsci, Togliatti,
etc.) ; quelques députés reviendront au parlement lire une déclaration contre le gouvernement.
La gauche présente aussi un plan
d'action pour le parti.
Octobre
l924. Congrès
fédéral de Naples
(clandestin) au cours duquel se déroula une lutté
très dure entre Bordiga et
le groupe dirigeant du PCd'Ι. Bordiga déclara:
« Le traditionnel bloc des différents partis est
l'alibi derrière lequel les chefs de
ces partis cachent leur sottise et leur incapacité. Il existe une troisième
voie: porter les masses sur
des
positions de
lutte, qui
puissent apporter un progrès mais qui ne doivent pas
obligatoirement consister en la
victoire finale. »
A partir de ce moment-là le heurt à
l'intérieur du
parti devait aller en s'amplifiant.
l925.
C'est
l'année de la bolchévisation qui parviendra à détruire l'influence de la gauche sur le prolétariat, et le PCI prendra son visage d'aujourd'hui. C'est
aussi l'année où commence la dictature ouverte de Mussolini.
22.03.1925.
La
fonction historique des classes moyennes et de l'intelligence.
Conférence
tenue
par Bordiga
à Milan.
04.07.l925.
La question Trotsky
(in
Unίtà
). Cet
article
était
rédigé depuis le 08.02.l925, mais la direction refusait de
le publier. Bordiga prend la défense de Trotsky sans identifier sa position à celle du leader russe. Ιl
semble
d'ailleurs regretter que celui-ci n'ait pas voulu créer une fraction et il ajoute :
« On pouvait attendre autre chose d'un homme qui est parmi les
plus dignes de rester à la
tête du
parti révolutionnaire.
04.07.l925.Le danger d'opportunisme et
l'internationale.
Cet
article
fait la synthèse des critiques de Bordiga à
l'Internationale. «
Nous croyons en la possibilité pour l'Internationale
de choir dans l'opportunisme. »
«La critique sans l'erreur est mille fois moins nuisible
que l'erreur
sans
la critique.
»
Les garanties contre l'opportunisme ne peuvent résider dans le passé mais doivent être, à chaque instant, présentes et effectives. »
Bordiga considère
le terme
de léninisme superfétatoire. De plus: «Nous estimons la méthode tactique de Lénine incomplétemeτιt exacte, en ce qu'elle ne comporte pas de garanties contre les possibilités d'application qui, en étant superficiellement fidèles, perdent la finalité révolutionnaire profonde qui anima toujours tout ce que Lénine soutint et fit. »
Avril-juillet
l925.
Le
Comité
d'Entente.
«
La création du Comité d'Entente (...)
était l'unique
moyen pour pallier les inconvénients créés par leur méthode de
diriger le parti et pour orienter de la
façon la
moins dangereuse les réactions de la périphérie contre les
systèmes du centre. »
(Bordiga
dans sa lettre sur l'initiative
du Comité d'entente,
publiée dans l'Unità » du 02.07.l925).
Ce
Comité
devait avoir pour organe le journal de Cosenza L'Operaio. Ιl
dut
se
dissoudre
sous
peine d'exclusion de la part de
l'exécutif de l’I.C.
Fin
l925,
se
développe le débat préparatoire au congrés de Lyon. Bordiga réaffirme 3 points fondamentaux de sa position.
-
Le parti est un organe de
la classe.
-
Il repousse la bolchévisation et
l'organisation du
parti
sur la base
des cellules d'entreprise, qui se prêtent
bien à «
la dictature commode des bureaucrates ».
«
Avec la bolchévisation on cherche à résoudre des questions qui sont politiques avec des formules de caractère organisationnel. »
-
Les fractions sont un mal, mais elles naissent du fait même de l'action du
groupe dirigeant et ceci est vrai aussi en ce qui concerne l'Internationale.
D'autre part, il dénonce l'illusion démocratique (ceci se retrouve, au fond, dans les autres points) contre laquelle le groupe dirigeant à été incapable de lutter.
20-26/01/1926.
Troisième
congrès
du
PCd'Ι. à
Lyon.
La bolchévisation a porté ses
fruits et les
thèses du groupe dirigeant (Gramsci, Togliatti, etc.) l'emportent. Les thèses de la gauche sont un résumé de toutes les positions de Bordiga. Au
sujet de la question russe, la théorie de la construction du socialisme en un seul pays, est
condamnée.
Le troisième congrès marque la défaite définitive de la gauche.
Février-mars 1926.
VIe
plénum
de
l'exécutif élargi
à Moscou. C'est la dernière fois que Bordiga participe à une réunion de l'IC. Ses interventions marquent une nette rupture avec cette dernière. Lors de la discussion préliminaire avec les autres délégués de la section italienne; il déclara:
«
Etant donné qu'il présentera d'autres thèses, il n' a rien à
dire (au sujet
des thèses présentées par le centre international, n.d.r.)
; mais s'ils veulent, il peut préciser sa pensée en particulïer en
ce qui concerne la Russie. Si on pose le problème: οίι
νa
la Russie?
quels
sont
les caractères et le développement de
son économie? Ιl
y a deux possibilités: que la Russie procède vers le socialisme ou
qu'elle
s'arrête
au cours
de ce procès. Pour déterminer ces possibilités l'Internationale
communiste
à une
tâche
à accomplir
et
les différentes sections peuvent et doivent intervenir. »
Bordiga refusa donc de discuter les thèses et se retira.
Il
se heurta violemment à Staline
à qui il demanda s'il considérait que le développement de la situation et des problèmes internes du parti russe était lié au développement du mouvement prolétarien international. Puis, qu'est-ce
qu'il arrivera en Russie si la révolution en Europe tarde à venir? enfin, pour défendre Trotsky avec qui il avait eu de longs entretiens avant le débat il demanda à Stalίne s'il n'avait
pas été quelquefois en désaccord avec Lénine. Staline répondit oui. Cependant, après la réunion, il fit prévenir Bordiga qu'une telle attitude de sa
part ne pourrait que provoquer un renforcement de la répression contre
l'opposition de gauche en URSS. Dés lors plus rien n'était possible au sein de l'Internationale.
Dans son discours, Bordiga aborda les principales questions.
Le front unique.
« Je ne suis pas contre la conception du ΙΙΙe congrès sur la nécessité de la
conquête
des masses, comme condition de l'offensive finale, mais je remarque que dans une telle conception, c'est-à-dire dans le sens du IIIe congrès, ne
se trouve pas encore complètement l'idée de la tactique du front
unique:
celle-ci
correspond
à une
position de défensive, créée par
l'offensive du capital, contre laquelle on cherche à grouper tous les travailleurs sur la base des
revendications immédiates ».
La
bolchévisation.
«Je
passe maintenant à la
bolchévisation, et j'affirme que son
bilan est défavorable à tous les points de vue
».
«En l925, on déclare
que toute
l'organisation des sections de l'internationale
est, fausse, qu'on
n'a
pas encore
appliqué
l'A.B.C. des principes d'organisation, C'est étrange qu'on
ne s'en soit pas aperçu auparavant. Huit ans après la victoire de la révolution en Russie, οu
vient
nous dire: tes
autres partis sont impuissants parce qu'ils ne sont pas organisés sur la
base des
cellules d'usine. Or Marx et,
Lénine sont
là pour nous
montrer
que
l'organisation n'est pas tout dans la lutte révolutionnaire.
Pour résoudre le problème
de la révolution,
il ne suffit
pas de
donner
une
formule
d'organisation. Ce sont
des problèmes
de forces et, non pas
de
formes qui
se présentent
devant nous ».
Le fonctionnement des partis.
«
On
pratique,
ces
temps
derniers, dans les partis, un sport qui consiste à frapper, intervenir,
briser, servir, et dans ce cas, ce sont souvent de très bons révolutionnaires
qui
sont
frappés
».
«
Il
faut
que
les sanctions soient exceptionnelles et non
une règle, un sport, un idéal pour les dirigeants du parti. Voilà ce qu'il faut
changer si nous
voulons former un
bloc solide ».
Les fractions.
"Y
a-t-il
un
exemple historique prouvant qu'un
camarade ait
formé
une
fraction
pour
s'amuser?
Cela
n'est jamais
arrivé.
L'expérience nous démontre que
l'opportuniste pénètre
parmi
nous,
toujours
sous
l'aspect de l'unité. Au reste,
l'histoire des fractions
nous prouve que si les
fractions ne
font
pas honneur aux partis clans lesquels elles se sont formées, elles font honneur
à ceux
qui
les
ont
formées. L'histoire des
fractions, c'est l'histoire de Lénine. »
Le
parti russe ne peut pas être pris pour modèle.
«Ιl
nous est nécessaire de savoir comment on
attaque
un
État bourgeois
qui,
d'une part, a des ressources aptes à corrompre et détourner le prolétariat, de l'autre, se défend sur le terrain de la lutte armée avec plus
d'efficacité même
que
l'autocratie
tsariste,
n'a su le jaire. Ce
problème n'est pas contenu
dans
l'histoire du
parti
communiste russe et si l'on interprète la bolchëvïsation dans le sens qu'οn
peut
demander à la révolution la
solution de tous
lés problèmes de la stratégie
de la lutte révolutionnaire, la
conception de la bolchévisation est
insuffisante ».
« On
nous dit que la bonne solution
est confiée au rôle dirigeant
du parti
russe. Mais il
y a des réserves à faire là-dessus. Quel est le facteur dirigeant
dans le parti russe?
Est-ce la vieille garde
léniniste? Mais après les derniers événements, il est clair que cette vieille
garde peut se diviser; tandis que de divers côtés on
invoque,
avec tout
autant
de vigueur, le droit de parler au nom du bolchévis;ne, on
accuse
les contradicteurs de s'éloigner du léninisme
(...) La bonne
solution est ailleurs. Il faut se fonder
sur toute l'Internationale, sur toute
l'avant-garde prolétarienne mondiale.
Noire
organisation est semblable à une pyramide
et elie
doit
l'ëtre
parce
que de tous côtés on doit confluer
vers un sommet unique. Mais
cette pyramide repose sur son sommet
et son
équilibre est trop
instable. Il
faut
la renverser. »
Fonctionnement
de l’IC.
«À
ce propos
je n'aurai qu'à
répéter ta critique faite plusieurs
fois sur
la
manière d'établir les rapports entre le centre international
et les sections, qui est assez
artificielle et
se base sur
des
considérations de diplomatie intérieure et, très souvent les
exigences de la
maneeuvre à type parlementaire au sein de nos réunions internationales.
Rapport Ι
C. État russe
et révolution mondiale.
«
Etant
donné que la révolution mondiale
ne s'est pas
encore développée dans les autres pays, il
s'agit de conduire toute la politique russe en liaison stricte avec la
politique générale révolutionnaire
du prolétariat. Je n'entre pas
dans ces
questions, mais j'affirme que le
point d'appui pour cette lutte est certainement,
en première ligne, la classe ouvrière de Russie et son parti communiste,
mais qu'il est fondamental de s'appuyer
aussi sur le
prolétariat des Etats capitalistes
et sur sa sensibilité de classe, déterminée par des rapports vivants avec l'adversaire capitaliste. Le problème de la politique russe ne
sera pas résolu dans le champ clos du mouvement russe; il faut la
contribution
directe
de toute
l'Internationale prolétarienne communiste. »
À
ce propos
avant
la clôture des travaux du congrès, Bordiga proposa de convoquer un congrès international pour l'été l926
afin de discuter expressement de la question russe.
Le fascisme.
Ιl
rapelle les critiques qu'il a
déjà faires à l'anti-parlement (l'Aventin):
«On a
contribué
à ce que
les masses
attendent le renversement du fascisme
d'une action de l'Aventin. Avec la faillite de celui-ci on
n'a pas réalisé, à cause de
cette manceuvre, le grand passage des
masses sur le front de classe. »
D'autre part,
l'avènement d'un gouvernement de gauche ne favoriserait pas obligatoirement la lutte révolutionnaire du prolétariat. Ιl
donne comme exemple l'Allemagne
d'après 18
quand le SPD
arriva au pouvoir. C'est donc idiot de vouloir favoriser la venue d'un tel gouvernement et surtout de s'allier aux forces qui tendent à l'instaurer
.
On
peut citer encore, en dehors de son discours, des interventions qui éclairent bien sa position.
«Je
pense que la chasse au
fractionnisme continuera et donnera les résultats qu'elle a donnés jusqu'ici. Nous voyons cela dans le parti allemand. Je dois dire que cette
méthode d'humiliation est une méthode déplorable, même
quand
elle est appliquée à certains éléments politiques que j'ai profondément combattus. Je ne trouve pas que ce système d'humiliation soit un
système révolutionnaire ».
«
Ensuite
je me suis élevé, dans la commission, contre l'emploi
éxagéré de
la terreur idéologique, c'est-à-dire contre le fait que dans chaque section on vient devant
les membres du rang et, avant de leur avoir expliqué les questions
politiques, on leur déclare que s'ils se prononcent contre le contenu politique de ces questions, tel qu'il est
formulé par le comité central οu
l'exécutif, ils
sont
des ennemis de l'exécutif, des ennemis du communisme, etc... »
«
Ιl
est désirable qu'il se
forme une résistance de gauche; je ne dis pas une fraction,
mais une résistance de gauche sur le terrain international contre de pareils dangers de droite, mais je dois dire tout à fait
ouvertement que cette réaction saine, utile
et nécessaire ne peut et ne doit pas se présenter sous l'aspect de la mancéuvre et de
l'intrigue; sous la forme dé bruits que
l'on
répand dans les coulisses et
dans les couloirs. »
Cette
position est assez
semblable à celle du KAPD
lors du IIIe congrès qui voulait lui aussi créer une opposition loyale au sein de
l'IC afin de faire entendre les positions de la gauche. Le KAPD fut finalement exclu; de même Bordίga.
Le discours de Bordiga et ses interventions sont en quelque sorte son chant de cygne, avant qu'il ne
se retire de l'activité révolutionnaire publique..:
jusqu'à la fin de la guerre mondiale.
28.l0.l926.
Lettre de Bordigà à Korsch. Ιl
refuse de collaborer à la formation d'une organisation internationale, en dehors de
PIC.
1930.
Bordiga est
expulsé
du
PCd'Ι pour avoir pris la défense de Trotsky. Désormais il se retire totalement. Cette défense du chef de l'opposition de gauche est en définitive son dernier acte «politique» au cours de la période l926-l944.
Ιl
n'aura aucun
contact
avec
le courant qui se réclame pourtant de lui, la fraction de la gauche italienne qui s'est constituée en tant que telle en l927 à
Pantin, d'abord à
l'intérieur du
PCd'Ι, puis en tant que fraction indépendante en l935.
REMARQUES
l
- Après
l945 Bordiga faisait remarquer qu'il aurait mieux valu laisser le PSI se déconsidérer en faisant l'union sacrée. Ιl
n'aurait pas pu ensuite, en l9l9, se prévaloir de son attitude durant la guerre pour tendre le piège
éléctoral
aux masses
prolétariennes.
2
-
En l945 Bordiga accepte
les élections
tandis
qu'en
l95l
il les refuse; mais il conserve son lien au léninisme et à la ΙΙΙe
internationale en affirmant que le parti communiste internationaliste dérive du parti de Lίvourne et n'est pas
une émanation de la fraction abstentionniste. En revanche, plus tard, sur la fin de sa vie,
il affirme que le courant de la
gauche communiste commence à Bologne et non
à Livourne et rappelle qu'une rupture aurait pu avoir lieu en
l920. En définitive l'abstentionnisme et le heurt avec Lénine au
IIe congrès demeurent comme une obsession dans toute la vie de Bordiga. Ιl
est curieux
de
noter que «L'histoire
de la gauche communiste» (dont le 1° volume parut en l964) fut à maintes reprises abordée et que Bordiga s'arrêta dans son étude justement avant le IIe congrès de l’IC.
D'autre part, Bordiga n'a jamais
explicité ce passage de sa lettre à Korsch: «Lénine a
arrêté beaucoup de
travail d'élaboration "spontané " en espérant rassembler matériellement et
fondre seulement ensuite de façon homogène les
différents groupes à la chaleur de la révolution russe. En grande partie cela n'a pas réussi. » A-t-il finalement considéré que sa
décision de se soumettre au Komïntern pour pouvoir y constituer
un courant de gauche, a failli et que, dès lors, il fallait repartir à zéro, donc revenir aux
origines abstentionnistes et, par là, faire
rupture avec le vieux mouvement
ouvrier? Ιl
y
a
eu cette tendance chez Bordiga, mais
il ne
parvint
jamais à surmonter le débat de l920.
3
- Ιl
ne
semble pas que
Bordίga ait été d'accord sur l'opportunité de fonder le Comité
d'Entente;
mais ίl
se solidarisa
avec ceux qui
l'avaient créé.
A ce sujet
Bordiga
eut certaines controverses
avec Damen, un des fondateurs réels de ce comité.
4
- L'inactivité de Bordiga suscita souvent des critiques de la part des camarades de la gauche. Fondamentalement ceux-ci ne parvenaient pas à comprendre l'immensité de la
défaite et s'illusionnaient sur les possibilités d'action. C'est pourquoi ils allaient solliciter Bord'ιga afin qu'il intervienne. Mais celui-ci s'etait
rendu compte qu'ίl n'aurait pu faire que le bouffon, comme le fit Trotsky.
5
-
Bordiga
ne répondit pas au livre de Lénine sur la maladie infantile du communisme, durant la période qui νa
de l920 à l930. En l960, il
écrivit
un texte
à ce sujet mais c'est en définitive une apologie de Lénine et des bolchéviks. Bordiga veut de façon nette se
distinguer des
« gauchistes »
de l920. Son autre grande «
obsession »
- ayant des liens multiples et intimes avec la première
- est la volonté de se délimiter du KAPD et du mouvement des Unions. Toutefois s'il
critiqua de façon exhaustive l'Ordine Nuovo,
il n'en fit pas de
même pour le KAPD qu'il attaqua
indirectement, à travers ce dernier.
6 - Sur toute la période qui νa de l920 à l930 le lecteur pourra consulter les ouvrages suivants: « Storίa del partito comunista italiano» Ed. Einaudi, surtout le premier volume «De Bordiga à Gramsci ». l967; Bordiga de A. De Clementis. Ed. Einaudi. l97l.
II
- De l944 à l970
C'est
la
période
la plus méconnue de la vie de
Bordiga.
Toute
son oeuvre
y parut de
façon anonyme dans
les journaux « Battaglia
comunista
(l948-l952)
puis
« il programma comunista
» et
dans les
revues « Prometeo » (l946-l952)
et « Sul filo de]
tempo » (un numéro unique en mai l953). Pourtant c'est peut-être
alors qu'il fut le plus fécond
et surtout le plus original. Tout en maintenant
sa vieille position pro-léniniste,
il rompit avec
le schema rigoureux du léninisme ainsi
qu'avec
le scientisme, de même
s'il
glorifia jusqu'au bout
le prolétariat,
il esquissa
une critique virulente, acerbe,
à la façon
prophétique, de cette même
classe. Enfin s'il
a finalement accepté
et reconnu
pour ainsi dire officiellement
l'existence d'un parti
formel, le PCI
[2], il ne
fut pas
présent
lors de
sa fondation et le considéra
pendant
longtemps uniquement comme
une organisation
de travail.
Sa
préoccupation
centrale fut de transmettre « l'acquit
» du
monde révolutionnaire des années
20 et de restaurer le
marxisme. Pour que le lecteur
puisse se faire
une idée
de l'eeuvre
de Bordiga entre l944 et l966,
nous
indiquons le texte
des réunions qu'il tint au
cours de
cette période[3].
.
l. – Rome, Avril l95l – Parti et action de classe.
-
Le renversement de la praxis.
-
Parti révolutionnaire et action économique.
2.
- Naples
Ι,
Septembre
l95l - Leçons des contre-révolutions. Doubles révolutions.
-
Nature capitaliste révolutionnaire de
l'économie russe.
2.
-
Naples,
Octobre
l95l - Capitalisme
d'Etat et
bureaucratie.
Impérialisme
USA, ennemi n° l.
3.
- Florence I, Décembre
l95l - Bases
pour l'organisation l952.
-
Les leçons des phases opportunistes. Tâche actuelle du parti.
4.
– Naples II, Avril
l952
- Caractère
non mercantile de la
société socialiste.
5
- Rome II, Juillet
l952
- La division du travail dans la société et dans l'entreprise.
-
Caractère
non d'entreprise de la
société socialiste. -
Caractère non professionnel de la société socialiste.
5.
-
Naples,
Août l952 -
Une synthèse de la pensée
de Gramsci.
6.
-
Milan,
Septembre
l952 - Invariance
du marxisme
dans le cours révolutionnaire.
-
Impersonnalité
de la classe.
7.
- Forli, Décembre l952 -
Programme post-révolutionnaire immédiat.
8:
- Gènes
Ι,
Avril
l953
- Débouché historique du capitalisme
occidental.
9.
- Trieste,
Août l953 -
Facteurs de race et de nation dans la théorie marxiste.
l0.
-
Florence
II, Décembre l953 -
Impérialisme et luttes coloniales.
l0.
- Naples,
Mai
l954 - Production
et
distribution
capitalistes.
11.
- Asti,
Juin
l954
- Volcan de la production οu
marais du marché?
(économie marxiste et économie contre-révolutionnaire.)
l2.
- Bologne, Novembre l964 -
Russie et révolution dans la théorie marxiste.
l3.
- Gènes
II, Août
l955 - Les grandes questions historiques de la
révolution en Russie.
-
Structure
économique
et sociale
de la Russie d'aujourd'hui.
-
La Russie dans
l'histoire mondiale, dans la grande révolution et dans la société contemporaine.
l4. – Milan II, Décembre l955 - L'opposition de Gauche dans la IIIe Internationale communiste.
l5. - Turin Ι, Mai l956 - La Russie dans la grande révolution et dans la société contemporaine
- Dialogue avec les morts.
l6. - Cosenza, Septembre l956 - L'économie capitaliste en Occident et le cours historique de son développement.
l7. - Ravenne, Janvier, l957 - Structure économique et cours historique de la société capitaliste.
l8. - Paris Ι, Juin l957 - Les fondements du communisme révolutionnaire marxiste dans la doctrine et dans l'histoire de la lutte prolétarienne internationale.
l9
-
Piombino, Septembre
l957 - Trajectoire et catastrophe de la forme capitaliste dans la
classique et monolithique construction théorique du
marxisme.
-
Le cours du capitalisme mondial dans
l'expérience historique et dans la
doctrine de Marx.
20
-
Florence III, Janvier l958 -
Les luttes de classes et d'États
dans le monde des peuples non
blancs, champ historique vital pour la critique révolutionnaire marxiste.
2l,
-
Turin II,
Juin
l958
- Affront
et
injure
aux
principes
communistes
au cours
de la diatribe
révélatrice entre les partis des renégats.
22.
- Parme, Septembre
l958 - La
théorie de la
fonction primaire du parti politque, seul gardien et sauvegarde de
l'énergie historique du prolétariat.
23.
- La Spezia, Avril
l959 - La
structure économique et sociale de la Russie et l'étape de la transformation involutive du
XXIèmeCongrès.
24.
- Milan
III,
Octobre
l959 -
Solution
classique de la
doctrine historique marxiste pour les vicissitudes de la misérable actualité bourgeoise.
25.
- Florence
IV, Mars l960 -
Révolution historique de l'espèce qui
vit, travaille et
connaît.
l°.
Le communisme naturel presque mythe et poésie sociale.
2°.
Guerre
de classe aux mercantiles infamies privées.
3°.
Avènement du
message
classique
et intact
du
Parti
communiste.
26.
- Casale
Monferrato, Juillet
l960
- Systématisation ardue du programme communiste révolutionnaire parmi les miasmes de la putréfaction bourgeoise et de l'opportunisme pestilentiel.
27.
- Bologne II, Novembre
l960 - Enseignements
du
passé,
frémissements du présent, perspectives du futur dans la ligne continue et unique de la lutte communiste mondiale.
28. -- Rome III, Mars l96l - La vérification marxiste de la décomposition actuelle du capitalisme dans l'Occident classique comme dans la structure russe en dégénérescence. Guerre impitoyable de l9l4 à l96l à l'éléphantiasis opportuniste.
29.
- Milan
IV,
Juillet
l96l
- Déchirante situation historique du prolétariat blanc placé entre l'onde d'assaut du premier après-guerre russe et rouge et son obscurcissement actuel dans les partis corrompus par Moscou.
-
Histoire
de la Gauche
communiste italienne.
30.
-
Gènes
III, Novembre l96l -
On lit sur le chemin historique marqué par les programmes l'antithèse entre révolutionnaires prolétariens et serviteurs à la solde du capital. -
Marx-Lénine: Dictature du parti prolétarien -
Communisme sans État.
Bernstein-Krouehtchev: voie démocratique au socialisme -
État de démocratie
socialiste.
-
Histoire
de la Gauche communiste italienne:
3l.
-
Florence V*
Mars l962 -
C'est seulement la trahison organisée des mouvements révolutionnaires, à l'aide des viles tromperies, attitudes et évolutions à gauche, qui soutient le monde des formes de propriété, du marché et de
l'argent.
-
Histoire
de la Gauche
communiste
italienne.
32.
-
Milan
V,
Juin
l962
- Aux vicissitudes
pleines
d'embûches des batailles prolétariennes mondiales, seule la
théorie offensive du marxisme constitue une directive inflexible car elle relie les grandes traditions à la puissante secousse de demain.
-
Histoire
de la Gauche communiste italienne.
33.
- Gènes
IV, Novembre l962 -
Le programme communiste tel qu'il
resplendit au milieu du ΧΙΧρ siècle, à travers un siècle de refus de
l'infecte culture bourgeoise, illumine les ombres du passé, et
annonce la mort de l'abjection d'aujourd'hui.
-
Histoire
de la Gauche communiste italienne.
34.
-
Milan
VI, Mai l963 -
Marchandise, monnaie, salaire, libre entreprise (d'autant plus vile qu'elle est plus petite), hontes sociales bourgeoises, objets de la
haine de
la Gauche communiste
ainsi que les idéaux d'église, la démocratie, le possibilisme, la paix.
35
- Paris II, Juillet l963 -
La classe moyenne, notre bête noire.
36.
- Catania,
Août l963 -
Théorie de la question agraire. -
Etapes transformistes
de la contre-révolution russe.
-
L'extrémisme de Lénine: un crachat sur les charognes.
37.
- Florence
VI, Novembre l963 -
Développement de notre travail tenace et organique pour la théorie sur la tradition exclusive de la gauche communiste historique.
Le programme et l'action du seul parti de classe.
38.
- Bruxelles,
Décembre
l963 - Histoire
de la Gauche communiste.
-
Evolution
économique
et sociale
russe.
-
Origines du mouvement ouvrier belge.
39.
- Milan
VIII, Mars l964 -
Bases
organiques et centrales de la
révolution de demain découlant de la crise agonique inéluctable du capitalisme et de la dispersion de l'opportunisme complice et renégat.
40.
-
Marseille, Juillet
l964
- Confluence,
dans la doctrine unitaire, des grands apports des luttes révolutionnaires dans les pays modernes.
4l
- Florence,
Novembre l964 -
Notes pour les thèses sur la question d'organisation.
-
considération
sur l'activité
organique du parti quand la situation générale est historiquement défavorable. (Thèmes également traités à Paris, en Janvier l965.)
42.
-
Florence,
Avril
l965
- Les violentes secousses dans les économies et dans la politique mondiale, si elles
n'indiquent pas
encore la troisième guerre impérialiste, illuminent notre vision et notre structure originale.
43.
-
Naples,
Juillet
l965 - Thèses
sur
la
tâche
historique, l'action et la structure
du
parti
communiste
mondial, selon les positions qui depuis plus d'un demi-siècle forment le patrimoine historique de la gauche communiste.
44.
- Florence,
Octobre
l965 - La
puissance prophétique de la théorie révolutionnaire marxiste lie les vicissitudes saccadées du cours économique bourgeois à la secousse couronnant le cycle ardent l848-7l-l9l9.
45.
-
Milan
VIII,
Mars l966 -
Notre doctrine marxiste de
l'histoire humaine construit les lignes de certitude du cours de la révolution future sur le
matériel
solide
des révolutions historiques de classe et des guerres civiles soutenues par les avant-gardes prolétariennes mondiales.
-
Thèses
supplémentaires
à
celles
de Naples.
*
* *
En
plus
du compte-rendu
de
ces réunions qui occupait deux pages complètes du journal bimensuel, Bordiga a écrit de multiples articles sur les sujets les plus divers. Les énumérer serait trop long. Indiquons plutôt quelques thèmes traités: les révoltes dans les pays de
l'Est, la guerre de Corée, la crise de Berlin
(l960), les
jeux olympiques, le couronnement d'Elizabeth II, le discours de Pie ΧΙΙ début l956, l'œuvre
d'Einstein, l'œcuménisme, les catastrophes comme celle de l'Andrea Doria οu
de Longarone, le limogeage de Krouchtchev, etc. Toutefois, nous tenons à signaler une série d'articles vraiment exceptionnels pour comprendre son comportement théorique: «
Conquête charlatanesque de
l'espace». Le
premier de la série concerne le lancement du Spoutnik en l957. Bordiga reconnaît
l'exploit technologique mais dénonce le recul théorique du monde contemporain. De plus il émet des doutes profonds sur les possibilités de l'astronautique, ce que les derniers évènements semblent confirmer.
[1]
On
doit noter que pendant
l'affaire Matteoti le gouvernement soviétique, après avoir conclu un
accord
commercial avec l'Italie, eut une attitude favorable à Mussolini.
[2]
À
l'époque il n'y
avait de parti
qu'en
Italie.
Ce n'est qu'en l963
que subrepticement
celui-ci apparaît en
France;
avec le
n° 25, « Programme Communiste » devenait
la revue
du parti communiste internationaliste
(programme communiste). Le changement de nom
ultérieur du parti ne
fut pas
dû, comme il est écrit dans
le n° 30 de la même
revue, à
la découverte subite
d'un autre PCI
en
France, mais
irotskyste,
et donc de la peur
tout aussi
soudaine
de la confusion entre les deux
organisations, mais à un évènement
en
Italie même: la séparation
d'un certain nombre
de camarades qui revendiquèrent être le parti communiste internationaliste et
publièrent Rivoluzione comunista. C'est à partir de là que le parti
s'appela parti communiste international; il fallut en faire autant
en France.
[3] Cf. à ce sujet; La Gauche communiste d'Italie après la guerre, Invariance série Ι. n°9, pp. l38-l53. l970, et Le fil du temps. Invariance série Ι. n° l0. pp. 4l-43