3.-
LE
MOUVEMENT PROLÉTARIEN
DANS LES
AUTRES
AIRES : LES
RÉVOLUTIONS ΑΝΤΙ-COLONIALES.
"Vouloir lier
la réalisation du programme
communiste, aux vicissitudes du
cours
historique d'une
seule
des grandes races
de
l'espèce
humaine, c'est-à-dire
des blancs caucasiens, οu
aryens
οu
indo-européens, en concluant que
si ce rameau se
trouve désormais au terme du cycle, plus rien
de ce qui
se passe au sein des autres races n'offre d'intérêt;
c'est, comme il
est facile de le démontrer, le genre d'erreur grossière qui réunit
en elle, bien plus que toutes les pires dégénérescences révisionnistes,
toutes les erreurs anciennes et
possibles
de tous les anti-marxistes."
Ι1
programma comunista,
n°
3. 1958
3.1.- Luttes contre les anciennes métropoles coloniales.
3.1.1.-
Dans l'aire occidentale, la succession des modes
de production a été la
suivante: le communisme primitif, sa phase de dissolution, la société
esclavagiste antique, 1e féodalisme, 1e capitalisme.
En
Asie, ce fut: communisme
primitif,
forme asiatique, développement actuel du capitalisme.
En
Afrique, il en est
de même. Cependant il
y a des
variations secondaires importantes liées
à des données géographiques et historiques.
Εn
Amérique du nord lors de
l'arrivée des européens les divers peuples se
trouvaient dans une société
de dissolution du communisme
primitif.
Seulement étant donné 1’immensité du
pays et la variété du peuplement, nous ne pouvons
pas préciser. Avec Morgan, nous notons la similitude de la phase où
se
trouvent ces peuples avec celle
traversée par
les grecs avant la fondation de la cité-État.
En
Amérique
centrale et du sud, il y avait une forme de dissolution du communisme primitif
qui s'apparente très bien
avec la forme asiatique de production.
Là encore l'immensité du
pays et les différentes conditions de vie qu'il
offre font qu'on ne
peut que schématiser ici un phénomène
certainement plus
complexe.
Cependant ce qui
fut important et l'est
encore, dans la mesure οù 1e capitalisme
ne s'est pas pleinement développé,
c'est de
savoir comment a pu s'effectuer 1e passage de
la forme asiatique de production au
capitalisme, quel rapport ceci peut-il avoir
avec la révolution communiste ?
3.1.2.
- "L'humanité peut-elle accomplir
son destin sans une
profonde révolution en Asie?
" La réponse à cette question de Marx a
été donnée par le développement de ce continent au cours des 50 dernières années. La révolution a non
seulement touché l'Asie
mais l'Afrique. Ce qui
importe c'est de
savoir quel débouché
pourrait avoir cette révolution,
et où
en est-on maintenant ?
3.1.3.
- Le mode asiatique de production a
offert une résistance énorme au développement du
capitalisme. En
Chine, la pénétration cornnιence
avec
la guerrc de l'opium, mais le triomphe
du capitalisme ne se fait qu'en
1949 en Inde le
cycle est encore plus long.
En
Afrique, 1e communisme primitif et la traite des noirs qui a ruiné tout le continent africain
sont
causes
d'un retard qu'il
y a encore quelques années tout le monde imputait à une soit-disant infériorité de la race noire.
En
Afrique nous avons trois aires:
aire arabe
qui va
de l'océan atlantique au golfe persique et qui, de ce fait, déborde sur l'Asie.
Au
sud
du Sahara :
l'aire équatoriale οu
aire de
l'Afrique Noire; l’aire de l'Afrique du Sud (sud-africaine) caractérisée par un fort peuplement blanc, (Afrique du Sud, Rhodésie et petits Etats
noirs enclavés
dans l’Afrique du Sud).
Pour l'Asie comme pour l'Afrique, étant donnée la persistance des forme sociales communautaires, se
posait
la question du saut
par-dessus la phase
capitaliste. Cette question avait déjà était
abordée pour la Russie au milieu de ΧΙΧ°
siècle.
La condition
de ce saut était un fort mouvement prolétarien en Occident
et une
faible pénétration de la valeur
d'échange dans ces
pays.
3.1.4.
- Pour comprendre
le mouvement, il faut comparer avec le cycle du mouvement
bourgeois et prolétarien en Europe occidentale.
En
Angleterre, on
a eu une
participation fort importante de la bourgeoisie dans le
phénomène
révolutionnairo et au cours du XVIII°
siècle la bourgeoisie anglaise, à la
suite
de deux révolutions s'empare du pouvoir.
En
France
la révolution arrive
en
retard. Elle est plus radicale et réalise en même temps une généralisation de la révolution anglaise. L'élément nouveau c'est
que
cette révolution
bourgeoise est grosse
d'une
révolution
prolétarienne (hébertistes, enragés et surtout 1e mouvement babouviste) et, qu'en définitive, elle ne
triomphe réellement
qu'en 1871 avec
l'écrasement du
prolétariat, après
avoir
connu des transcroissances prolétariennes communistes en
1848 et en
1871. La
France
est le pays de l'émancipation progressive.
En
Allemagne
par suite de la faiblesse de la bourgeoisie,
la révolution
se présente comme une révolution absolument radicale une révolution qui doit
être faite par la-classe la plus
révolutionnaire car l'émancipation
progressive n'est pas possible
(elle
peut etre
appelée
révolution
permanente - à condition
de bien la circonscrire dans le temps -
οu
révolution
double). La défaite du prolétariat et de la
bourgeoisie amène la révolution par 1e haut.
En
Russie, la révolution est une révolution radicale, une double révolution, "Mais
par suite de la réabsorption de la révolution
prolétarienne elle se
développe comme une révolution bourgeoise
et donc.comme une émancipation progressive. En
définitive la révolution russe
(de 1917)
fut
une révolution
prolétarienne
grosse d’une révolution bourgeoise.
En
ce qui
concerne les E.U,
leur
phase révolutionnaire
se situe lors de la guerre
de sécession.
Le cycle du
mouvement bourgeois et prolétarien de l'Asie et d'Afrique
s'apparente plutôt à celui de la Russie, mais il
y a encore quelques nuances, quelques différences à
souligner.
3.1.5.
- Le développement du capitalisme dans ces pays a détruit les antiques rapports sociaux et a
développé un capitalisme appendice
de celui
des métropoles
(exemples les plus suggestifs:
Algérie
et Inde).
D'où :
-
formation d'un fort prolétariat avec une bourgeoisie à peu près inexistante.
-
formation de partis prolétariens avant ceux de
la bourgeoisie. Ceci
est un élément commun avec la Russie (le POSDR est crée avant le parti bourgeois, le parti cadet).
Οu
bien lorsqu'il
se forme
avant il emprunte au socialisme une part
importante de l'idéologie prolétarienne (ainsi du Küomingtang avec Sun-Yat-Sen).
Ι1
est fortement imprégné de socialisme et reconnaît
implicitement la nécessité de celui-ci pour
la libération de la zone
geo-sociale où il se
développe.
3.1.6.
-
Tout
ceci
a facilité en 1919 le lien avec l'I.C.
L'appel lancé par les chefs de l'Internationale rencontra un profond écho. Des partis communistes
se formèrent en Chine,
en Inde, en Afrique du Sud. De telle sorte que si nous appelons n 1e nombre
de révolutions qui
amenèrent
l'humanité jusqu'au moment.du passage
au capitalisme,
ces
pays étaient prêts (grâce au mouvement mondial)
a passer
à n+1 révolutions et donc à voir s'effectuer en eux la même
transcroissance qu'en Russie en 1917.
3.1.7.
- La défaite, du prolétariat
occidental battu par
la démocratie amena la faillite de 1'I.C.,et
la
défaite des
mouvements
prolétariens dans les aires les plus avancées
d'Afrique et d'Asie (Canton et Shangai); le
prolétariat de ces pays est isolé.
C'est le
repli
sur des
bases purement nationales (ainsi le mouvement
algérien devient
le MTLD et
le PCC
devient un parti
dirigeant une révolution paysanne.)
La construction du socialisme on un seul pays s'accompagne donc de
la
rétrogradation de la révolution
dans
les deux grandes aires de
n+1
à n :
la révolution capitaliste. Le
mouvement devient uniquement anti-impérialiste
et le
mouvement prolétarien se développe sur une base économique comme 1e mouvement anglais lors de la lutte pour la journée de 10 heures..
Avec la guerre de 39-45
il y
a élimination
totale
du prolétariat. Nous avons un cycle bourgeois qui
commence, en
lequel le prolétariat est englobé en tant que
classe mobilisée.
3:1.8.
- Dans les pays où un État
existait depuis longtemps et où des
élément, capitalistes autochtones avaient pu se
former, il
y a développement dé la révolution
bourgeoise classique: Chine.
Mais
dans
d'autres pays où 1'État
n'existait pas
et où il n'y avait pas de bourgeoisie>
la seule classe anti-impérialiste
fut
le prolétariat
industriel (faible en nombre)
et celui
agricole
(Algérie et Cameroun) soutenu par
les paysans,pauvres; par les prolétaires virtuels, les
expropriés de la terre (les
damnés .de la terre.
F. Fanon) nοn encore embrigadés dans l'entreprise capitaliste.-industrielle ou agraire (Kenya, Congo-Kinshasa). C'est pourquoi dans tous les
pays africains, les syndicats
ont joué un rôle dans la lutte anti-coloniale (Union des travailleurs
de l'Afrique noire par exemple, mais de même en Tanzanie, au Kenya
etc..).
3.1.9.
- Ainsi apparait
la
différence avec
l'occident. Là, le prolétariat a aidé la bourgeoisie à prendre le pouvoir et cette dernière
s'est ensuite retournée contre le prolétariat et a assuré sa domination. En Asie et en Afrique,
comme
en Russie, le prolétariat se manifesta d'abord;
d'où, pour
qu'il y ait triomphe de la révolution
bourgeoise, nécessité de détruire la transcroissance prolétarienne.
En Russie on a eu réabsorption des quelques
mesures
communistes et
destruction de toutes les forces prolétariennes. En
Chine, il
fallut
la destruction des communes de Canton et de Shanghai, En Algérie, il fallut l'élimination
de toutes les forces prolétariennes, même si
elles ne se manifestaient pas sur
le plan du
programme intégral, pour que
triomphe une
solution petite-bourgeoise, c'est-à-dire un compromis entre les exigences du capital détenu par
les français et celles
dès masses prolétariennes et paysannes pauvres. Là-bas la petite bourgeoisie
(surtout une intelligentsia) s'est faite
nationale pour détruire le mouvement prolétarien.
Tout cela donne un caractère un peu indéterminé à ces révolutions, avortées en tant que
n+1. Elles ont été arrêtées
au stade bourgeois et
ce à des
niveaux
différents, par
suite de la contre-révolution.Ceci ne
veut pas dire que
le point d'arrêt soit
absolument fixe,
que les
pays οù ces révolutions se sont plus οu
moins figées ne puissent pas connaître de nouvelles transformations.
Dans
les
pays οù
le
mouvement prolétarien et celui des
masses paysannes a
été le plus durement touché, où la saignée
a été encore plus
profonde, le recul
est net.
Ι1
y
a indépendance mais le pays est souvent presque
autant lié qu'auparavant à
l'ancienne métropole coloniale (Caméroun, Kénya, Madagascar, etc. ).
3.1.10.
- La position du prolétariat
révolutionnaire
au
sein des
pays exploiteurs
fut
la même que
celle
de Marx
vis-à-vis de l'Irlande. Dans un premier temps, de 1919 (Bakou) jusqu'en 1928, le mouvement prolétarien devait aider (et
a aidé)
les
mouvements coloniaux, dans la perspective de la double
révolution. Les divers pays d'Afrique
et d'Asie ne peuvent
acquérir
leur
indépendance qu'avec l'aide du prolétariat mondial.
Au
cours d'une deuxième période
(1945-1962)
ces pays accédent par
leurs propres forces à l'indépendance. On a considéré alors la lutte
de ces pays
du point de vue du contre-coup qu'elle pourrait
avoir sur les centres capitalistes
d'occident:
relancer la
révolution. C'est
dans la
même perspective que
Marx
et
Engels étudièrent les luttes des hindous et des chinois contre
l'intrusion du capital européen
en Asie.
3.1.11.
- Le prolétariat a fait la révolution
pour la
classe
capitaliste puisque
le mode de production qui s'instaure dans toutes ces nouvelles aires, c'est le
mode de production capitaliste. Apparemment la révolution est
vaincue. Cela fait prés d'un siècle et demi
qu'il est ainsi. En effet, il en fut de même
au XIX° siècle :
"À
l'exception de quelques chapitres, chaque section importante des annales de la révolution
de 1848 à 1849 porte le titre de:
Défaite de la révolution! "
"Mais dans ces défaites, ce ne fut
pas la
révolution qui succomba. Ce furent les
traditionnels appendices ρré-
révolutionnaires, résultats dès rapports sociaux qui
ne s'étaient pas encore aiguisés jusqu'à devenir
des contradictions de classes violentes : personnes,
illusions, idées,
projets
dont le
parti révolutionnaire n'était pas
dégagé avant la révolution de Février et dont
il ne pouvait être affranchi
par la - victoire de Février,
mais seulement par une
suite
de défaites."
(Marx.
Les
luttes de classes
en
France.)
La révolution prolétarienne a été
escamotée comme
elle la fut
en 1830. En 1848, les
ouvriers parisiens tentèrent d'empêcher que cela ne se renouvèle; ils furent battus (juin 1848).
Elle le
fut
à nouveau en septembre 1870 mais
elle triomphe en mars 1871, jusqu'au mois
de mai. En
février 1917 elle fut
encore escamotée, mais elle triomphe en
octobre pour être réabsorbée ensuite. Cela implique que finalement après
ce vaste escamotage doit venir le triomphe
à l'échelle mondiale.
3.1.12.
- Toutes ces révolutions sont les exécuteurs testamentaires de Bakou. Cela confirme
la justesse
de !a position affirmant
la nécessité d'appuyer la lutte
d'indépendance des
pays coloniaux. Cela montre aussi à quel point la révolution prolétarienne
d'occident, même battue, leur
a été un facteur d'accélération.
Leur triomphe, même
limité, est
indirectement celui du prolétariat. Ιl
a été totalement battu
en occident, en orient il
n'en est
pas de
même. Dans tous les cas,
on ne
peut nier
un recul profond parce que si en 1917
on espérait une
émancipation radicale,
on ne voit se développer actuellement qu'une émancipation progressive,
3.1.13.
- Toutes ces révolutions sont la
généralisation
de celle russe:
a
- possibilité d'une transcroissance,
b
- intervention
essentielle des
masses paysannes et ce surtout à partir
du moment οù la transcroissance ne fut
plus
possible.
Ainsi la révolution
chinoise
qui triomphe en 1949 est une révolution
paysanne qui
n'est pas la première de l'histoire, mais est la première qui ait vaincu. En effet, la grande guerre des
paysans en Allemagne
fut
battue
en 1525.Elle marque cependant le déb ut de l'époque moderne. Toute
l'histoire de l'Europe fut conditionnée par cet échec. Cette importance
des masses paysannes avait été soulignée par Marx dés 1849.
"Mais dans ces défaites, ce ne fut pas la révolution qui succomba. Ce furent les traditionnels appendices ρré- révolutionnaires, résultats dès rapports sociaux qui ne s'étaient pas encore aiguisés jusqu'à devenir des contradictions de classes violentes : personnes, illusions, idées, projets dont le parti révolutionnaire n'était pas dégagé avant la révolution de Février et dont il ne pouvait être affranchi par la - victoire de Février, mais seulement par une suite de défaites." (Marx. Les luttes de classes en France.)
3.1.14.
- Un
autre
aspect de la gέnéralisation de la révolution russe se retrouve dans la question que se posent la plupart des courants de gauches : "Quelle est la classe au pouvoir, après l'indépendance?"
Comme on ne
peut pas transposer
purement et simplement les données du
passé dans le présent, car il
est difficile de déceler un Robespicrre, un
Danton οu
un Cromwell africain οu
asiatique, alors on recourt au
même subterfuge de la bureaucratie classe.
C'est
le
capitalisme mondial qui
a pris
le pouvoir
dans
ces pays et en
foncction ce
qui a été dit
(3.1.9.), c'est après la victoire que la classe bourgeoise se développera effectivement dans ces pays, dans la mesure où un capitalisme autochtone arrivera
à s'implanter. Sinon on aura toujours une clique (on peut l'appeler une bureaucratie) au service
du capital international,tout au moins au service d'un secteur de celui-ci.
3.1.15.
Dans tous
ces pays
on a assisté
à un développement dilaté (c'est à dire s'accomplissant sur un
long espace
de
temps, comme
ce fut
le cas de la France) par opposition à un développement
condensé (espace de temps court, comme en Russie).
En
Inde, par exemple,
dès le
milieu du ΧΙΧ°
siècle, les
luttes contre le capitalisme anglais constituent les prerniers
éléments
de la révolution d'un
fort
prolétariat, mais dès la
fin du
siècle
et 1e début du ΧΧ° siècle un phénomène inverse
se
produit, affaiblissμnt
le prolétariat hindou qui se
trouvera noyé dans
l'immense
masse paysanne. L'appel â
l'aide qu'il lancera
au prolétariat anglais et européen
n'aura
pas 1'écho
voulu.
Tout cela explique le développement du gandhisme qui
sera un frein énorme au développement de toute
la société hindoue et du prolétariat. Si
l’Inde a un État
capitaliste,
elle est encore, par sa structure économique ct sociale, bien au-dessous de la forme d
production capitalistc. En Inde, comme dans la France de 1789 on a'eu une généralisation
de
rapports politiques, on a eu une révolution
politique,
sans avoir, comme en France,
une révolution sociale. Dans ce dernier pays, cette révolution fut enrayée en 1795 et, surtout, en 1815, puis
ravivée
en 1848
et 1871. Au milieu du
siècle
dernier, Marx
signalait que l'Angleterre
était en train d'accomplir en Inde
la seule révolution sociale de 1'Asie, en
détruisant les antiques rapports sociaux et en développant les
rudiments d'un capitalisme industriel. Cependant, cette
révolution fut
enrayée.
On eut même un recul: diminution.du
nombre de
prolétaires, non liée, comme en Occident, à un accroissement énorme du
machinisme. Mais
cette fois la valeur d'échange introduite au sein de la
société hindoue, celle-ci
ne
pouvait plus se perpétuer
comme auparavant. De telle sorte que 1'expropriation dcs campagnes
se poursuivit, provoquant un gigantisme urbain, consistant en un amoncellement d'hommes en quête d'un travail οu
mourant de faim, tandis que les
lopins
de terre durent nourrir
une population
croissante dont une partie, parfois, refluait de la ville.
Le bouleversement même limité (renforcé par ailleurs par les
conséquences de
la 2° guerre mondiale)
était
trop fort pour laisser intact le système de l'empire britannique, trop faible pour permettre
une révolution bourgeoise à fond.
Celle-ci est encore à faire
et,
en l'état actuel des choses,
elle devra partir des
campagnes, comme cela se produisit en Chine.
En
ce qui
concerne la Chine, la révolution
bourgeoise y triomphe
déjà en 1911 c'est la première
phase :
la destruction de l'antique empire. Les transformations sociales sont assez limitées. Elles
seront accélérées par l’intervention des prolétaires après 1919. La
défaite
de ceux-ci (1927) enraye le
mouvement. La
révolution repartira des campagnes. La guerre sino-japonaise qui
se prolonge en la
guerre mondiale
accélère le mouvement. La révolution
triomphe réellement en 1949.
Cependant pour apprécier
correctement cette dilatation du
phénomène
révolutionnaire, on doit tenir
compte qu'en 1927 finit en fait un
cycle historique, celui lié
directement à 1a révolution
russe en tant
qua révolution double. Ensuite, on a une
période
de
gestation et démarrage d’un nouveau cycle qui s'achève en
1949 (triomphe de la révolution paysanne).
La transcroissance ayant été détruite, on peut alors (en
mettant
cette dernière entre paranthèses) considérer un cycle qui
va
des premières réactions à la
pénétration étrangère incluant
la grande révolte des Taipings, celle des Boxers, et se termine en 1949. Οn
constate
alors qu'il a fallu un siècle pour
que le
capital triomphe alors qu'en
Occident ceci en nécessita plusieurs.
3.1.16.
- Dès le premier après-guerre, le
mouvement de libération nationale
prit
une certaine ampleur : Irlande (1921), Egypte (1922) Turquie (1918-20), Afghanistan
(1921) ;
d'autre part sous
l'action du prolétariat
il
y a une radicalisation importante en Chine
et en Inde. Cependant,
c'est surtout après
la 2° guerre mondiale que la
lutte anti-coloniale revêt toute son importance. On a deux grandes périodes :
a.
1945-54. Elle triomphe en Asie en
tant que
révolution
populaire en Chine,
par
le haut en Inde,
en Indonésie,
aux philippines (ce qui
n'empêche pas la
révolte des
Huks ), En Afrique
1e mouvement avait pris un grand essor dès 1946
avec la formation des principaux partis réclamant l'indépendance en Afrique
noire,
au Maghreb reprise du
MTLD
(Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques). Mais le mouvement subit une
terrible répression (1945 Sétif. 1947 répression à Madagascar),
Le mouvement est enrayé. Cependant en 1952 se développe une
vaste agitation en Afrique occidentale
pour
l'obtention d'un
code du
travail,
tandis
que
la lutte des ouvriers agricoles de la Sanaga
maritime
se prolongeait et que commençait
celle
des Mau-Mau; elle devait durer
jusqu'en
1954.
b.
1954-62. Le développement
de la révolution
algérienne radicalisa tout le mouvement d'indépendance
africaine :
Le Ghana obtient son indépendance en 57, la Guinée en 58. Afin d'isoler l'Algérie, la France est d'abord obligée d'accorder
l'indépendance à la Tunisie
et au Maroc (1956) puis aux pays d'Afrique Noire. 1960
fut
l'année
de l'indépendance africaine: Cameroun, Congo Brazzaville,
Congo
Kinshasa, le Nigéria, le
Gabon, la République centre-africaine; bref presque tous les pays de
l'Afrique Noire
sauf les colonies portugaises. L'Afrique entrait réellement dans 1'histoire.
La contre-révolution ne pouvait pas abolir
le mouvement, elle ne put que
le canaliser. Devant la montée
révolutionnaire, 1e capitalisme mondial n' a pu
qu'essayer de
l'englober, d'où
finalement l'acceptation
de l'indépendance
et en définitive, pour briser 1a force révolutionnaire, il
a multiplié les nations afin de
mieux diviser les peuples.
La
phase
se clôt avec l'indépendance de
l'Algérie en
1962.
3.1.17. - Les diverses fédérations qui se formèrent dès
l'accession â l'indépendance furent des tentatives de riposte
à cette manoeuvre du
capitalisme mondial. Mais
elles
n'ont eu qu'une durée
très
courte,
sauf celles directement liées à
l'ancienne métropole coloniale.
Cependant pour
détruire le mouvement révolutionnaire,
le capitalisme ira jusqu'à démembrer un État :
le
Congo. En effet
1e mouvement de Lumumba
avait
amené ce pays à l'indépendance, pas du tout concédée, mais obtenue par une
poussée
de la base. Le
Congo pouvait
parvenir
à un grand développement et devenir
un centre d'attraction pour toute l'Afrique Noire. C'en était fini
de la main-mise
des
entreprises capitalistes. L'assassinat
de Lumumba,
l'intervention
des belges, celle
de l’ONU
et surtout la sécession katangaise, cassent le
mouvement. Cette sécession avait aussi l'intérêt de créer un état
tampon - même provisoire -
pour
empêcher le lien avec les états à fort prolétariat, les deux
Rhodésies et
l'Afrique du Sud.
Une
victoire du mouvement lumumbiste
aurait pu être le point de départ pour une
croisade de libération
des noirs horriblement exploités et parqués d'Afrique
du Sud.
Ultérieurement des intérêts
divergeants des différents centres capitalistes amenèrent une
réunification du Congo, mais par le haut et sous leur tutelle.
D'autre part 1e capitalisme mondial
octroya
l'indépendance à une
série de petites nations africaines noires enclavées dans l'Afrique du
Sud et donc dépendantes d'elle, Le capitalisme
avait réussi à enrayer
la vague révolutionnaire, bien
que même la victoire plus
complète
de celle-ci -
par
exemple
la destruction du régime d'apartheed en
Afrique
du Sud - ne signifierait pas encore le socialisme.
3.1.18.
- Etant donné
que la
révolution radicale ne put réussir, tout le vaste
mouvement révolutionnaire aboutit en définitive
au renforcement du capital.
De même que la défaite partielle du
mouvement de la réforme s'est
traduit,
au
ΧVΙ° siècle, par la balkanisation de l'Europe, la défaite partielle de la révolution anti-coloniale dans les
années 60, aboutit à la balkanisation
de
l'Afrique.
Beaucoup de pays d'Asie
οu
d'Afrique, par
suite du
mode de production asiatique οu
de formes affines,
pouvaient difficilement
voir
se former un capitalisme. On y avait une
société
pré-capitaliste détruite, mais
étant donné
qu'à
l'échelle mondiale le capital
n'était pas
encore une communauté matérielle,
il n'y avait rien pour
remplacer
l'antique communauté. Au contraire, ces sociétés pouvaient
plus facilement tendre vers le communisme. Mais,
pour maintenir l'humanité
dans la sujétion, pour
fixer le mouvement, le capital a ét
amené à créer des États
capitalistes artificiels
sur des
bases non réellement capitalistes. L'exemple d'un
tel État
non
lié
à une communauté nationale dont il aurait
été l'expression nous est fourni par
celui de l’État
belge au
siècle dernier. La majorité des États
africains sont de tels États
produits de la contre-révolution, Ce fut
un bon moyen d'englober des contradictions mais non de les résoudre. D'où
l'instabilité de ces pays.
3.1.19.
- Ces révolutions ont profité de
l'affaiblissement du capitalisme
mondial consécutif à la seconde guerre mondiale. Elles l’ont accentué, mais ensuite, étant
donné leur point d'impact limité, elles ont contribué à son renforcement. Une des causes
des difficultés que rencontra
la révolution algérienne pour triompher, c'est
qu'elle se développa lors de la deuxième vague anti-coloniale.
3.1.20.
- C'est encore faire du racisme que de dénigrer systématiquement ces révolutions à cause de leur
instabilité politique,
que l'on
peut constater en
Afrique noire surtout. Les difficultés politiques
sont
directement liées
à l'inadéquation de la
solution imposée par le capitalisme mondial et contre laquelle les
masses tentent de lutter. Pour avoir
une certaine stabilité, il faudrait
un grand
développement
économique qui
permette de reιnρlacer l'antique économie détruite. Or, comme ces pays
sont producteurs de matière premières, le capitalisme mondial n'a pas intérêt à leur développement qui
provoquerait un renchérissement de ces dernières.
Ces
pays demeureront
longtemps des points faibles, des failles dans le système capitaliste mondial, Ces dernières joueront très facilement lors de la crise.
D'autre part, la
destruction du
vieux colonialisme est un fait absolument positif.
Ι1
impliqué le
développement du capitalisme avec mise à leur vraie place dans le système mondial des nations secondaires telles que la France,
l'Angleterre ou la Belgique.
3.1.21.
- En ce qui
concerne la
Chine, on ne
peut nier
l'importance de la révolution chinoise
à cause
des difficultés
économiques de ce pays. En ce cas, il
faudrait réviser
l'importance
qu'on a accordé
à la
révolution française de 1789
puisqu'il
aura fallu attendre,
en France, le second après-guerre pour aνοir un
développement effectif du
capitalisme avec
expropriation des
petits paysans parcellaires. Dans tous les cas,
pour
juger du caractère radical d'une révolution,
il faut tenir compte de la destruction des
antiques rapports sociaux.
3.1.22.-
La révolution
prolétarienne
n'a pas
pu se lier
organiquement à d'autres phénomènes révolutionnaires.
En
1848, les mouvements d'indépendance nationale n'ont pas pu relayer le mouvement prolétarien trop faible (mouvement prolétarien de France et mouvements nationaux d'Eurορe).
Dans la période qui suit,
les mouvements dans les zones
pré-capitalistcs ne sont
pas assez puissants pour
relancer lc
mouvement européen, bien qu'ils aient eu une influence certaine.
Au
cours de la phase
révolutionnaire qui commence
en 1917, les mouvements des peuples coloniaux ne sont
pas arrivés â temps. Lorsqu'ils se
manifestèrent, la
vague de
reflux se faisait déjà sentir
sur
l'Europe. Cela facilita la tâche
de la classe capitaliste:
endiguer
le phénomène révolutionnaire.
Dans
la
période
1945-1962, la révolution
anti-coloniale n'est
en définitive pas
assez puissante pour
redonner vie au mouvement prolétarien.'
Dans la phase révolutionnaire future, il ne
s'agira plus que
de la liaison entre mouvement ouvrier parvenu à un
stade de maturité et mouvement ouvrier
commençant son grand
cycle historique. Ce sera le moment de
la révolution pure
à l'échelle mondiale.
3.2.-
Les luttes contre le
capitalisme américain.
3.2.1.
- Ι1
n'est
pas possible
de faire une coupure nette avec le phénomène
analysé dans les thèses précédentes. Les E.U. ont connu
une phase coloniale identique à celle de
l'Europe occidentale ;
conquête
de Cuba, des Philippines et-de
diverses
îles au voisinage des E.U. D'autre part la lutte
contre les anciennes métropoles
coloniales continue avec celle du Mozambique et
de 1' Angola contre le Portugal.
3.2.2.
- On a le début d'un nouveau cycle, avec
fin de la secousse de la révolution russe. L'URSS forme
avec les E.U. la nouvelle sainte alliance qui tend à limiter
tous les
phénomènes révolutionnaires. Dans beaucoup de
cas,
l'intervention des E.U. dans d'autres pays n'a plus le caractère de vouloir
accaparer des matières premières οu
de défendre les intérêts américains en place, mais est une
nécessité pour 1e procès de valorisation total du
capital américain, partie aliquote
du capital mondial.
Ceci
s'est manifesté lors de la guerre de Corée
et,
à nouveau, de
façon encore plus aigüe
avec l’intervention au
Vietnam depuis 1964.
3.2.3.
- L'engagement des E.U.
dans 1e sud-est asiatique a aussi d'autres caractères :
contre-balancer l'influence de l'URSS
et l'expansion chinoise ainsi qu'empêcher
toute
révolution en Inde,
sans parler de l'opposition à l’antique adversaire le Japon. Ceci explique
l'énorme déploiement de forces depuis
la Thailande jusqu'à Formose, sans
oublier l'intervention camouflée (CIA) en Indonésie qui modifia le
rapport des forces
en faveur des E.U.
En
conséquence toute rupture
d'équilibre dans le sud-est
asiatique profitera
obligatoirement à la
révolution, pas immédiatement à celle
communiste,
mais,
encore, à celle
bourgeoise (par exemple en Inde). C'est
pourquoi
une: victoire du
Vietcong aurait des répercussions immenses.
3.2.4.
- La
lutte du Vietcong est une
lutte nationale. Elle s'est développée
comme toutes les
autres (Chine, par
exemple). Au départ,
on a un
certain programme
de classe,
même s'il n'est
plus
prolétarien, puis
progressivement au
cours de la lutte, il devint,
en vue d'attirer 1e maximum de couches sociales, de plus on plus un programme d'unité nationale,
de front populaire. Cependant
cette lutte détruit les antiques rapports sociaux restés
encore intacts
aρrés la guerre d'Indochine. À la suite de
celle-ci on eut
un recul pur
et simple. Ι1
fallait donc que la révolution reparte à nouveau des
campagnes
pour en finir avec la vieille
société
et avec
la pourriture y greffée par la France, puis par
les EU.
L'effet
destructeur de
la
guerre est complété par
celui de l’économie.
Les paysans fuyant la guerre s'entassent dans les villes
et grâce
à la présence américaine arrivent à vivre. Le dollar cause la ruine de
l'ancienne société. La même chose se
produit - avec la guerre en moins -
en
Thaïlande. Le dο1lar
triomphe partout. Ι1
en
est ainsi
en Corée du sud où, pour contrebalancer l’influence
du nord,
les américains ont facilité une
industrialisation et un
développement économique général.
3.2.5.-
La lutte du Vietcong liée à celle
du Vietnam du
nord a pour
but la
réunification du
pays. Là encore,
ce n'est pas
un élément du programme communiste, mais il
est indéniable que si cette
réunification s'effectuait, elle permettrait un développemanc de
toute
l'ancienne Indochine
qui aurait de grandes
répercussions sur tout
le reste du
sud-est asiatique, et donc sur l'Inde
en particulier.
3.2.6.
- Le
capital a consolidé sa domination
après la guerre en divisant certaines nations:
Allemagnc,
Corée, Vietnam, et tenta de le faire pour la
Chine
(pour l'Afrique, il
empêcha la reformation des antiques unités préexistant à l'arrivée du
colonialisme); la lutte pour la réunification de ces pay
peut être
1e premier stade
de
la reprise révolutionnaire. Car elle
ne
peut se faire, surtout pour
l'Allemagne, que contre le
capitalisme mondial.
C'est un donnée qui montre à quel point la lutte
contre les E.U a un autre contenu
que celle contre les antiques
métropoles coloniales. D'autre part, dans 1'appréciation de cette lutte,
on doit faire intervenir les
caractéristiques du cycle historique en lequel
elles se placent. À
l'heure actuelle nous n'en sommes plus à liquider une phase du développement
du capital;
ce sont les contradictions du nouvel être
capital qui sont en cause.
3.2
7. -
Au cours de la phase de décolonisation, les E.U. s'étaient présentés comme 1e champion de la libération des peuples. maintenant ce sont eux qui
interviennent
partout, relayant l'Angleterre,
la France, etc.
La
grande
mystification de l'Amérique libératrice - mystification
à laquelle
les staliniens ont
contribué puissament - est
détruite par
ces luttes.
La révolution cubaine fut
un des meilleurs de ces
agents destructeurs.
3.2.8.
- Ces luttes, en définitive, ne sont
que
le prologue de la
3° guerre mondiale
οu
de la future
révolution. Tout dépend de la radicalisation qui
se produira en occident au sein du
prolétariat. En affaiblissant le
centre capitaliste fondamental ces luttes favorisent celles du
prolétariat noir
américain,
relancent
celles des ouvriers
d'Europe. À
son tour, étant donné
que dans les pays
d'Amérique latine, Cuba, Vietnam, les rapports de production ne se
sont pas encore structurés mais sont instables,
toute lutte dans l'aire
euro-nord
américaine
peut y
faciliter une certaine transcroissance. C'est
pourquoi il n'est pas possible de condamner arbitrairement
la guérilla latino-américaine sous prétexte que la guérilla est une forme inférieure
da lutte. En fait, comme pour Lénine
après 1905, on doit tout simplenent déplorer
qu'elle ne soit
pas
guidée par un parti de classe effectif à l'échelle mondiale.
3.2.9.
- En définitive toutes
ces luttes
contre les E.U. n'ont pas
un intérêt parce qu'elles pourraient se traduire par 1e triomphe immédiat du socialisme dans l'un quelconque des pays οù elles sont en
cours ; elles
ont un intérêt stratégique pour
1e nouveau cycle révolutionnaire commençant en 1968. Tout affaiblissement du centre mondial de la
contre-révolution est une
victoire du phénomène révolutionnaire
tendant au communisme soit parce qu'il
accélèrera la νenue
de
la crise,
soit parce qu'il radicalisera la lutte
à l'échelle mondiale.
3.3.-
Dans quelle
mesure
la classe prolétarienne a-t-elle été produite?
3.3.1.-
Les révolutions anti-coloniales constituent le phénomène le plus grandiose, 1e
plus important depuis la révolution russe. On a eu la série suivante, pas tout le
temps linéaire: double révolution (échouée), tentatives de transcroissances, révolution populaire, révolution par 1e haut. Dans tous les cas,
on a défaite de la révolution prolétarienne, mais triomphe
de la révolution.
Le programme immédiat
à l'échelle planétaire de 1919 a été réalisé: l'émancipation de tous les peuples (sauf quelques excnptions) assujettis à
la domination des
métropoles capitalistes. Sans
la grande poussée de 1917, sans l'espoir de conduire une révolution
double
à l'échelle mondiale, qui amène 1e prolétariat à construire 1e
capitalisme en
Russie, à faire une révolution bourgeoise
dans les
autres pays, le monde entier
n'aurait jamais été bouleversé à ce point.
Cortes au début de la
phase historique 1e prolétariat intervenait en tant que sujet historique, parce
que
constitué en parti
et, à la fin de cette
phase, il
a
été éliminé en tant que tel.
Mais ce qui a
été réellement éliminé
ce sont
toutes les
faiblesses, toutes
les
tares historiques. Pour toute la. planète la question
actuelle est la constitution du prolétariat en classe
et donc
en parti. La
conjonction des
forces
ne se pose plus entre celles qui
doivent conduire la n-1 révolution
et celles qui doivent
achever le cycle des
n révolutions, puisque toutes
sont au niveau n +
1. La
liaison devra se faire entre le
jeune et le vieux
prolétariat.
3.3.2.
- Tous ceux qui
théorisent l'arrêt du mouvement de
constitution du prolétariat en
classe dans les aires asiatique et africaine, en ironisant sur la faiblesse dé
ces révolutions qui
se "prétendent
socialistes"
ne font que
théoriser leur propre incompréhension, leur démission
théorique devant les investigations à faire pour
comprendre les grands
bouleversements sociaux de
l'humanité et, enfin, ils se font les défenseurs du
capitalisme, en engendrant un
immense défaitisme. Ι1
s'agit de voir ce que
les révolutions ont éliminé et ce qu'elles ont posé.
3.3.3.
- Leur
développement est la fin du
mythe du socialisme
en un seul
pays, de
celui des peuples élus οu
des peuples nécessaires. Pendant 8 ans (1954-1962) le peuple
algérien fut
un peuple nécessaire car, sans sa lutte
héroique,
non
seulement l'indépendance de l'Algérie ne se serait pas produite
mais
celle de toutes les nations noires. Maintenant, au
sein du
peuple
algérien, la lutte doit polariser les classes, et celle
prolétarienne doit se relier
au prolétariat de tous les pays.
En
détruisant 1e mythe russe et celui chinois cnsuite elles ont mis
réellement au passé toute
une phase
qui veut se survivre dans notre présent. D'autre part, 1'Asie, l'Afrique, l'Amérique
latine sont en mouvement alors que l'Europe
retarde et est pour
ainsi dire
asiatisée. Une telle constatation
n'induit pas
à dire que
le centre de la révolution se trouve dans ces pays mais conduit
à reconnaître toute l'importance des révolutions qui
s'y
sont développées
Ces pays auront une importance dans 1e retour de la révolution dans l'aire euro-nord-américaine.
3.3.4. Beaucoup restent obnubilés
par la
mystification: les mouvements
d'indépendance d'Asic
ou d'Afrique
se disent socialistes
alors qu'ils n'ont
qu'un programme bourgeois. Cependant les dénigreurs systématiques sont
eux-mêmes
victimes de la
mystification des rapports
sociaux. Ils ne comprennent pas que
cclle-ci est
une réalité qu'elle indique en même temps
cette transcroissance potentielle
et cette proximité de
la société
communiste.
Le but historique réclamé par la situation
est une société sans classes. Mais les bases
réelles de
celle-ci n'existent pas dans ces pays qui sont fortemcnt liés aux données du passé. D'autre part la persistance de la contre-révolution à l'échelle mondiale les amène de plus
en plus à composer avec les principaux
centres capitalistes.
Ces mouvements sont dans la même
situation que ces
économistes russes qui, après 1921, croyaient pouvoir domestiquer la loi de la νaleur
et
s'illusionnaient d'avoir échappé en
une quelconque mesure
à sa domination.
3.3.5.-
La révolution de 1789 et celle
de
1917 ont
toutes deux été des révolutions généralisatrices. La première, révolution
bourgeoise grosse d'une révolution
prolétarienne, la
seconde, prolétarienne grosse
d'une révolution bourgeoise. Le cycle est bouclé; toutes les
possibilités
ont été
épuisées.
Les révolutions d'Asie
et d'Afrique sont
donc
incluses dans ce cycle.
Les directions qui
prévalent dans la plupart de
ces pays sont totalement dévouées au
capitalisme mondial. F.Fanon a
décrit leur lâcheté, leur vilénie
ct leur mesquinerie
nationales. Elles sont filles de la contre-révolution mondiale.
Celle-ci a
pu enrayer la
formation du
prolétariat et la transcroissance
révolutionnaire en Afrique mais elle ne peut le faire
indéfiniment.
E11e doit
réaliser par le haut - très lentement -
ce que la révolte de la base aurait accompli
en l’espace de quelques
années. La solution de la création d'États
capitalistes plaqués
sur des
sociétés
accédant tout juste à la phase-initiale
du déve loppement du
capitalisme a permis de résorber la vague révolutionnaire,
mais
maintenant elle
doit
obligatoirement donner vie au rival
du capital: le prolétariat. Ceci se voit dans le vaste mouvement d'expropriation
des hommes
en acte
dans toute
l'Afrique; mouvement qui
est à la base de la formation du
prolétariat.
3.3.6.
- En
dehors de la formation d'États capitalistes greffés sur des
sociétés
plus
οu
moins archaïques
le
blocage du
mouvement économique est une mesure efficace contre
des mouvements révolutionnaircs'
même s'ils ne
sont
pas
prolétariens. Cela
contribue
à donner aux
sociétés de ces pays une physionomie monstrueuse.
L'État tend à s’enfler
et passe,
dés
le début de son procés
de vie,
aux mesures auxquelles recourt
1'État
des
pays européens à la fin de ce même procés intégration des syndicats
(Maroc,
Algérie, Tunisie, Guinée, etc.) et parti unique.
Ceci
étant
une preuve,
à contrario, de la
force du prolétariat. De même
cela montre que ces États
sont des machines oppressives, implantées dans des zones données, afin de
tenir en
laisse le prolétariat parce que l'ancienne
forme coloniale ne pouvait plus
le faire. La nation créée artificiellement (très
souvent) sert de moyen pour maintenir les hommes en
esclavage. D'où le
double caractère
de la lutte nationale:
du fait de la puissance du prolétariat elle est la ressource fondamentale utilisée pour dévoyer sa lutte
et la fragmenter, en ce
sens elle
est réactionnaire ;
du fait qu'elle
aboutit (οu
a abouti) à 1'eviction des
métropoles coloniales et permet, ensuite, le dévelppement
(même s'il est freiné par la contre-révolution
mondiale) d'une société capitaliste
base de
la prochaine révolution,
elle est révolutionnaire.
Cependant la première affirmation pourrait
avoir
toute
sa force, sa puissance, si
en occident existait réellement un
mouvement prolétarien apte
à soutenir ceux d'Asie et d'Afrique. Mais soutenir cela et uniquement cela quand il n'y
a pas,
à. l'heure actuelle, un
mouvement prolétarien
en occident, cela revient finalement à oublier 1e second aspect
et, de ce
fait, à refuser tout caractère
positif
à ces révolutions. De 1â à les traiter de mouvement
réactionnaire il n'y a
plus
qu'un pas, souvent franchi...
L'idéologie
bourgeoise, en parlant de nations prolétaires, reconnait l’importance
du prolétariat. Une
lutte (tout à fait hypothétique)
de ces nations contre
l'occident
super-capitaliste ne pourrait être envisagée qu'avec
faveur en espérant la
victoire des "barbares".
Enfin, on reproche souvent aux divers courants se développant dans ces pays de lutter uniquement
contre le capitalisme américain et de ne
pas
assez
lutter contre leur propre État,
or
dans
ces pays celui-ci n'est qu'un sous-produit
de celui-la (cf. 3,1.18.).
3.3.7. - Le soutien du prolétariat aux directions révolutionnaires bourgeoises était nécessaire pour que la révolution triomphe. Soutien mais non fusion dans un mouvement unique tel que cela se produisit avec 1e Küomingtang, le FLN etc... Mais il n'en est plus de même après le triomphe de ces directions liées comme on 1'a vu avec les différents centres capitalistes. De tels soutiens à des directions présentées coιnme soi-disant plus révolutionnaires ne fit que mener la catastrophe. Les cas les plus typiques se produisirent en Irak et en Indonésie (1965). La répression qui fut faite sur les prolétaircs constitue, dans ces pays, un gros handicap pour la constitution de la classe en parti.
3.3.8.
- Pour comprendre où
en est
1e mouvement prolétarien dans ces
aires, il
est nécessaire
de comparer avec le
stade auquel il était arrivé
on occident au milieu du siècle dernier. On le trouve pris
dans
le compromis (dans 1e bloc des classes) :
"Le gouvernement provisoire qui
surgit
des barricades de février reflètait nécessairement dans sa composition les divers partis qui se
partageaient la victoire. Ι1
ne pouvait être qu'un
compromis
entre les différentes classes qui avaient renversé le
trône de juillet, mais dont lcs
intérêts s'opposaient avec hostilité." (Les luttes de
classe
en France,.Ed. Sociales. p.44).
"Ce
qu'il
avait conquis, c'était
le terrain en vue de la lutte
pour
son émancipation révolutionnaire, maisin nullement
cette émancipation elle-méme." (ibid.p.45,) N'est-cepas le stade où il en est dans les aires
asiatique et africaine ?
La faiblesse du prolétariat
dans ces aires est la même que celle
en Allemagne au milieu
du ΧΙΧ° siècle :
"En
Allemagne,
la classe
ouvrière se trouve dans son développement social et politique, aussi arrièrée sur
celle de France et d'Angleterre que
la bourgeoisie allemande est
en retard sur celle de ces deux pays. Tel maître, tel valet.
L'évolution des conditions d'existence, pour
une classe intelligente, νa
de pair
avec 1e développement des conditions d'existence
d'une
classe moyenne nombreuse,
riche, concentrée
et puissante. Le
mouvement de
la classe ouvrière n'est jamais
indépendant, il ne présente jamais de caractère exclusivement prolétarien, tant que les diverses fractions de la
classe moyenne et
particulièrement sa fraction la plus progressiste, les
grands
industriels, n'ont pas
conquis
le pouvoir politique
et remodelé l’État
suivant leurs besoins.
C'est alors
que
le conflit inévitablein entre employeurs
et employés devient imminent et ne peut être ajourné
davantage; c'est alors que la classe ouvrière ne peut être plus
longtemps bernée
d'espoirs illusoires et de
promesses qui
ne se réaliseront jamais; c'est alors que
le grand problème du ΧΙΧ° siècle, la suppression du
prolétariat, est enfin complétement mis au premier plan et apparaίt sous son vrai jour.
"Cette
absence générale de conditions d'existence modernes et de modes de production modernes
s'accompagne évidemment d'une absence
tout
aussi générale d'idées modernes. Faut-il donc s'étonnerin qu'aux premiers jours de la
révolution une
fraction importante de la classe
ouvrière ait à. cors
et à cris
réclamé le rétablissement immédiat des jurandes et des corporations privilégiées du
Moyen-Âge?
" Révolution et contre-révolution en Allemagne (p. 11-13)
En
conséquence critiquer
la faiblesse des mouvements
prolétariens dans les
aires
asiatique et africaine, leur nier une importance révolutionnaire,
sans
opérer une confrontation avec le cycle historique
de la classe prolétarienne, cela aboutit
finalement à du
racisme car c'est nier
aux prolétaires noirs οu
jaunes ce que Marx
et
Engels reconnurent à ceux de
l'Europe occidentale.
C'est d'autant plus
du racisme que dans l'occident héritier de la grande tradition révolutionnaire, le démocratisme le
plus plat triomphe.
3.3.9. - Le mouvement prolétarien dans ces aires en est arrivé maintenant au stade de celui européen en 1851 lorsque Marx écrivait sa circulaire à la ligue des communistes.
a- " Les rapports du parti ouvrier révolutionnaire avec la démocratie petite-bourgeoise devront être les suivants : il collaborera avec elle contre la fraction qu'il se propose de renverser, mais il s'opposera à elle pour tout ce qui concerne les intérêts particuliers," (Adresse du Comité central de la ligue des communistes, 1850).in
On
peut, dans des limites
très
strictes,
concevoir une
aide
accordée
par le prolétariat de ces
pays à leur
État,
uniquement lorsque'celui-ci s'oppose
réellement aux anciennes métropoles coloniales οu
aux E.U.
Ι1
est évident d'autre part qu'il
doit
constament
s'opposer à ce même
État afin de défendre
ses intérêts et
se constituer en
classe etin donc en parti indépendant.
"Ils doivent s'efforcer de diminuer l'ivresse de la victoire et 1'enthou.siasme pour
le nouvel état de choses qui
se produisent après chaque combat victorieux, par leur façon calme de comprendre la situation et par
une attitude de méfiance
ouverte vis-à-vis du nouveau
gouvernement. À côté des
organes de gouvernement officiel, ils
doivent établir leurs propres organes ouvriers, soit sous la forme de conseils de district, soit
sous la forme de clubs οu
de comités ouvriers, de manière à ce que les organes du gouvernement
démocrate, bourgeois, non seulement perdent tout appui chez
les ouvriers
mais soient soumis au contrôle et à la
surveillance d'organes s'appuyant sur
les masses
ouvrières. En un mot dès le lendemain de la victoire, la
méfiance des ouvriers ne
doit
plus être dirigée contre le parti révolutionnaire vaincu,
mais
contre son ancien
allié, contre le
parti
qui prétend
exploiter
à son
profit exclusif la victoire commune."
On
voit, ici, la
difficulté énorme pour le prolétariat d'Afrique et d'Asie parce qu'il
se trouve devant des Ètats
très
modernes,
très forts, qui ne
sont pas nés,
comme ceux de 1'Europe, en luttant et en interdisant les coalitions, ce qui
eut pour effet de radicaliser la lutte,
mais sont nés sous la
forme
fasciste : ils intégrent les syndicats
à l’État et ils font un parti unique.
"Ιls ne devront pas se laisser égarer par les objurgations des démocrates leur reprochant, par exemple, de diviser le parti démocrate et de faciliter la victoire de la réaction. Toutes ces phrases n'ont d'autre but que de duper les ouvriers.
c
- "Le premier
point
à propos duquel
les démocrates bourgeois entreront en conflit avec les
ouvriers sera
la question de la suppression de ls
féodalité. De même que lors de la
première Révolution française, les petits-bourgeois partageront les
terres féodales aux paysans, en toute propriété,
c'est-à-dire
qu'ils
laisseront
subsister le prolétariat rural et créeront une
classe
de paysans petits-bourgeois, qui
connaîtra la même pauvreté et le
même état d'endettement que la paysan français d'aujourd'hui.
"Les ouvriers
devront s'opposer à ce plan, dans l'intérêt du prolétariat rural
et dans leur propre intérêt. Ilsin
devront exiger que les terres confisquées restent biens d'État
et
soient tranformées en
colonies ouvrières, que 1e prolétariat agricole
associé exploitera en employant les méthodes de la
grande
culture, ce qui aura
en même
temps le résultat de donner
tout
de suite une base solide au principe de la propriété commune au milieu des
formes de propriété chancelantes. Les ouvriers devront s'unir avec le prolétariat
agricole comme les démocrates s'unissent avec les paysans."
Ceci est pleinement valable. Il
suffit de changer féodalisme par formes précapitalistes puisque les pays dont il s'agit
n'ont pas
connu ce
dernier. Ceci implique
encore la lutte
contre les
anciennes métropoles coloniales et contre
les
E.U. Ce sont
eux qui sont
en fait l'appui des antiques rapports sociaux, ce sont
elles qui
ont le plus grand intérêt à leur maintien afin qu'il n'y ait pas radicalisation de la lutte.
d
- "Mais
ils
doivent faire eux-mêmes 1e maximum pour leur propre victoire en prenant conscience de leurs intérêts de
classe,
en adoptant;
aussi rapidement que
possible, un point de vue politique indépendant
et en ne
se laissant pas
arrêter un seul instant par les discours hypocrites
des démocrates petits-bourgeois, dans
l'organisation indépendante du parti politique de la classe
ouvrière. Leur mot d'ordre doit être :
LAREVOLUTION EN PERMANENCE !
"
En
1850, Marx.prévoyait la
prochaine révolution pour
dans
deux ans. Ι1
est donc évident qu'il termine son
texte par la revendication de la révolution en permanence. À l'heure actuelle, elle est encore lointaine.
Cependant la nécessité de
l'indépendance du mouvement
prolétarien est plus
que jamais nécessaire.
Parallèlement doit se vérifier
la liaison avec le
mouvement mondial qui seul pourra à son tour proclamer
la permanence de la révolution quand les conditions en seront réalisées,
3.3.10.
- Sur
le
plan numérique
la classe prolétarienne est très
importante dans les aires africaine- et
asiatique. Elle regroupe non
seulement ceux qui, en
un certain sens, sont intégrés dans un système, mais ceux qui ont
été expropriés et n'ont rien,
absolument rien. Là-bas il n'y a pas
de classes moyennes comme en occident. Plus exactement, la vieille classe moyenne, relique
de la
société
coloniale (intelligentsia, petits boutiquiers,
artisans, petits propriétaires fonciers) est au pouvoir. C'est
d'elle que sortent les
fonctionnaires de l’Ètat capitaliste
qui
gère
le
pays pour le compte du capital mondial;
les moyens de production étant restés,
la plupart
du temps, aux mains des anciens maîtres du,pays.
Sur
le
plan organisatif, la classe prolétarienne ne s'est pas encore délimitée
et sur le plan Programmatique, elle pâtit de la
régression de la
classe l'échelle, mondiale. Cependant, pour l'aider dans son développement théorique, il ne sert à rien de nier toute son intervention
dans les phases précédentes ni de décalquer purement et simplement la situation occidentale. En fait il est nécessaire de mettre en évidence les caractéristiques spécifiques de la lutte de ces
pays, seul moyen pour que
le prolétariat parvienne à la vision
unitaire universelle.
3.3.11.
- Le devenir
de la classe prolétarienne est devenir mondial. Objectivement
il y a unification
sur toute inla planète. Ι1
faut la
mettre en
saillie
afin
que cela devienne subjectivement ressenti. Notre histoire séparée de
la
classe
se finit,
maintenant que, potentiellement, son histoire mondiale, unifiée,
commence. En
1858, Marx
écrivait à Engels :
"
Pour nous la question difficile est celle-ci: sur le continent le révolution
est imminente et prendra
tout
de
suite un caractère socialiste mais ne sera-t-elle
pas étouffée
dans ce petit coin, puisque sur
un terrain beaucoup plus
grand,
le mouvement
de
la société
bourgeoise est encore ascensionnel? "
À
l'heure actuelle, les révolutions anti-coloniales ont rendu imminente partout dans le monde, la révolution
communiste.
3.4.
- Remarques
sur la
révolution chinoise.
3.4.1.
- K. Marx se
préoccupa du développement de la révolution en Chine
tout de suite après la révolution de
1848. Ι1
prévoyait que la pénétration des
européens en Asie provoquerait une révolution bourgeoise de type
1789. Son
espoir
était qu'une telle révolution relance le mouvement en Europe.
La ΙΙ°
Internationale délaissa l'étude des aires extra-européennes.
Elle se développa en tant que phénomène européen
et nord
américain et, très tôt, se replia sur cette
aire géo-sociale. En
dehors de R. Luxembourg qui s'
occupa de la pénétration du capital dans divers pays, et
de Lénine, qui
s'occupa des révolutions turque,
perse, chinoise (1911), et enfin
de la gauche d'Italie qui s'opposa
vigoureusement à la guerre de Libye, il n'y
eut rien de sérieux de fait sur cette
question. L'étude de l'Asie, de
l'Afrique et des
civilisations qui s'y étaient développées en reste là où
en
était
arrivé Engels; quant aux travaux de Marx, ils étaient inconnus.
La III° Internationale s'occupa activement des pays coloniaux cependant, elle ne parvint jamais à reposer de façon claire et nette les
données théoriques définies par
Marx au sujet du
mode asiatique et donc à comprendre les particularités historiques des luttes sociales en
Asie.
3.4.2.
- Lorsque la question chinoise se pose dans l'I.C.,
la
faiblesse doctrinale mentionnée ci-dessus se manifesta clairement. Elle
facilita la théorisation de Boukharine
: faire alliance avec la
bourgeoisie, donc avec le Κüomingtang, pour
lutter contre un prétendu féodalisme.
"La différence fondamentale
entre la situation existant en Russie entre
février et octobre 1917 et la situation actuelle de la révolution chinoise; c'est que Kérensky conduisait une
politique impérialiste, tandis que
l'armée révolutionnaire et le gouvernement national chinois, pratiquent
objectivement, en ce moment, une
politique anti-impérialiste."
(Boukharine :
Les problèmes de
la
révolution chinoise).
"
Mais
1e parti du prolétariat doit et peut soutenir Tchang-Kaï-Tchek dans la mesure où celui-ci conduisit et conduit
la guerre contre les grands
gouverneurs militaires et
contre les impérialistes, jusqu'à ce qu'il
ne trahisse pas, bien que
par
sa nature de classe, il soit, abstraitement parlant, plus
à droite et pire
que Kérensky." (Ibid)
"
Sur
le
plan organisatif, le Küomingtang n'est pas un parti au sens habituel du
terme.
Sa structure permetin de
le conquérir à la base en effectuant un regroupement de classe, et en chassant les éléments "kémalistes" de droite qu'il
serait absurde de
confondre avec la totalité du Küomingtang. Devons-nous, au cours
de la révolution
chinoise chercher à
exploiter cette particularité, οu
devons-nous nous en foutre?
"
"
Nous pensons que la tâche des communistes en Chine est de tenir
compte de
cette particularité
et de l'utiliser. De quelle façon? Ι1
faut transformer
toujours plus
le Küomingtang en
une organisation élective
de masse.."
(Ibid)
Après la défaite et le massacre de prolétaires et
de paysans de la part de Tchang-Kaï-TChek, Boukharine remarque :
" La fraction de Tchang-kaï-Tchek fusille déjà les paysans et
les ouvriers, mais combat encore les chefs militaires féodaux."
(Ibid)
Ι1
conclut :
"
C'est pourquoi
aujourd'hui encore, surtout aujourd'hui, la
tactique de sortir du
Küomingtang
est absurde."in (Ibid)
L'erreur théorique de caractérisation de la
société chinoise, conduisit à faire lutter le prolétariat contre un ennemi imaginaire
et à le faire massacrer par un ennemi bien
réel, qu'on ne voulait pas reconnaitre.
3.4.3.
- Trotsky, Zinoviev et
en général toute
l'opposition de
Gauche s'opposèrent
à la politique de la ΙΙΙ° Internationale en Chine. Ceperιdant, la question de la définition de la société chinoise, la caractérisation des couches sociales luttant en elle, des classes,
n'est pas
réellement
affrontée. On reste
seulement sur une
appréciation du rapport
des forces,
sur une
question de tactique.
L'affiliation
du PCC au Küomingtang fut
abordée non d'un point de vue de principe
mais
d'un point de vue circonstanciel.. En Chine, les circonstances pour
unein fusion des deux organisations n'étaient pas favorables et, d'autre part, les conditions "d'indépendance d'organisation du
PCC
vis-à-vis
du Κüomingtang"
n'auraient
pas été réalisées. Zinoviev qui
affirme cela dans ses thèses
sur la révolution
chinoise
se refère, pour soutenir son argumentation, à la
question du parti communiste de Grande-Bretagne dans 1e Labour Party. Or,
dans ce cas, ce fut une
erreur (ce
fut
Lénine qui,
à 1'époque, prôna
une telle fusion!). Trotsky lui
aussi n'aborde pas la question d'un point de vue théorique, mais
pragmatique. En conséquence il
ne tire pas complètement les leçons de la défaite. Ιl
déclare :
"Il
faut :
a
- Déclarer funestes les formes de bloc dans
lesquelles 1e parti communiste
sacrifie les intérêts des ouvriers et des paysans dans l’intention utopique
de garder la bourgeoisie dans le camp de la révolution
nationale,
b - Repousser purement et simplement les formes de bloc qui, directement οu indirectement, entravent l'initiative du parti communiste en le soumettant au contrôle d'autres classes.in
c
- Renoncer catégoriquement à des formes de bloc qui
obligent 1e parti à rentrer son drapeau
et à. sacrifier le progrès de son influence
et de
son autorité aux intérêts de
son allié
d
- Fonder le bloc sur une
communauté d'objectifs nettement formulé: et
non sur dos
malentendus, des
manœuvres diplomatiques et des faussetés.
e
- Déterminer les conditions et
les limite; du bloc avec une parfaite exactitude et les faire connaître à tous.
f - Conserver au parti communiste sa pleine liberté de critique, le droit de surveiller son allié avec non moins de vigilance qu'un ennemi sans oublier un instant qu'un allié s'appuyant sur d'autres classes οu dépendant d'autres classes n'est qu'un allié temporaire, et peut, en raison des circonstances, se changer en adversaire et en ennemi.in
g
- Préférer la liaison
avec les masses petites-bourgeoises à la
liaison avec les dirigeants de leur
parti.
h
- En fin de oompte,
ne
se fier
qu'à soi-même, à son organisation, à ses armes et
à sa force.
L'observation de ces conditions rendra possible un
bloc véritablement
révolutionnaire,
et non une alliance hésitante, soumise
à toutes
sortes de péripéties entre dirigeants; elle seule permettra de s'appuyer sur l'alliance de
tous
les
opprimés des
villes
et des campagnes
sous
l'hégémonie politique
de l'avant-garde
prolétarienne."
(Trotsky. La révolution
chinoise et les thèses
du camarade Staline.)
3.4.4.
- Dans toutes les oeuvres
traitant de la
révolution chinoise, Trotsky
défend donc correctement la nécessité d'une politique
plus autonome du parti
communiste, mais il n'arrive jamais à faire une étude exhaustive de la société chinoise et de la révolution qui
la travaille. Ce manque
d'étude en profondeur devait empêcher de voir le nouveau cycle révolutionnaire qui se forme après
1927. Ι1
continue à analyser la révolution en Chine
à l'aide
du schéma bolchevik ,et en fonction de sa théorie de la révolution permanente en
omettant
totalement que
le prolétariat a été battu à l'échelle mondiale.
"Aujourd'hui
personne ne peut
encore dire dans quelle
mesure les reflets de la seconde révolution
chinoise se combineront avec l'aube de la troisième révolution
chinoise. Personne ne peut prédire si les foyers de soulèvements paysans se maintiendront sans discontinuer pendant
toute
la période prolongée dont
l'avant-garde prolétarienne aurait
besoin pour
se renforcer, pour
engager dans la bataille la
classe
ouvrière et accorder sa lutte pour le pouvoir avec les
offensives paysannes généralisées contre ses ennemis
les plus immédiats."
(Aux
communistes
chinois et du monde entier !
Sur
les perspectives et les
tâches de la révolution
chinoise.
La
Vérité, n°in 53. 1930).
"
Ce qui
caractérise
le mouvement
actuel des campagnes, c'est
la tendance des paysans à lui donner une forme soviétique -
οu
tout au moins un nom
soviétique -
et à assimiler
les
détachements de
partisans à l'armée rouge." (Ibid.)
"
Nous sommes sur
la voie
de la dictature prolétarienne
sous
la forme soviétique." (Ibid.)
Cependant 1e caractère
de révolution paysanne, bourgeoise et nationale devait s'accuser avant la mort même de Trotsky.
Celui-ci était trop imprégné de son schéma
de révolution permanente, de son idée dein
l'impossibilité d'une révolution paysanne, pour reconnaître les faits.
3.4.5
- La
Gauche
communiste d'Italie fut d'accord avec l'opposition
de gauche mais s'opposa
au mot
d'ordre de Trotsky
de
convocation de l'Assemblée constituante. Elle sut, après la guerre, reconnaître le nouveau cycle révolutionnaire : un cycle bourgeois.
"Pour
la
Chine,le capitalisme privé est un pas en avant; si Liu-Chao Chi le dit, il en a le droit..."
"La
révolution chinoise bourgeoise
est une
révolution arrivée
au juste
moment de son aire continentale, comme ce fut le cas pour
la révolution française. "Ayant vécue (la Chine) des millénaires fragmentée en unités economiques, sociales et
administratives multiples, elle a
pris l'élan formidable de lain construction du marché interne capitaliste
en s'érigeant en un État
unitaire et Maο
serait
un grand symbole s'il se tenait à
la hauteur, non
de Bonaparte, mais de Louis XIV."
(Ι1
programma
comunista.
n°6 1953.)
À
la
même époque il était
affirmé que
Maο était
en
règle
avec
le marxisme en défendant son bloc des 4 classes.
Au
sujet du mouvement des
communes
populaires de
1958, considéré comme
étant toujours dans le cycle bourgeois, il fut affirmé ceci:
"Ι1
semble
que le
problème
qui a provoqué
la "reforme"
soit, dans un pays si peuplé, une crise de pénurie de main-d’œuvre . Les hommes passeraient dans une plus grande mesure de l'agriculture
à l'industrie et les femmes les remplaceraient dans l'agriculture."
(Il
programma comunista, n°
20.1958.)
3.4.6.
- Après 1960, 1e travail fait sur la révolution
chinoise n'a plus aucun lien avec le précédent. Le mode d’appréhender la question change totalement. Il n'a d'ailleurs aucun rapport avec la
théorie marxiste.
Tout ce qui fut publié dès lors est une simple ressucée des
positions de Lénine et de Trotsky. On se contente de dire que
le marxisme a
toujours raison et on commente quelques citations des auteurs
sus-nommés. Du dernier, on
accepte intégralement sa position de la
révolution
permanente. Chez Trotsky, c'était une erreur, dans ce travail cela devient une bouffonerie. On ne peut pas critiquer une telle chose. On peut seulement dire qu'elle
est un des signes les plus manifestes du recul théorique de la gauche, et de sa résorption dans la déliquescence trotskyste.
3.4.7.
- De l'appréciation de la révolution chinoise de
la part
de la
gauche d’Italie (avant 1960), émergent deux
affirmations importantes
bien
que
contradictoires en apparence.
a
- La
Chine sera conquise
par le dollar américain. (1950)
b
- En
Chine
peut naître une école marxiste apte à faire
la critique
du mouvement russe (1953).
La Chine est une Allemagne du
XX° siècle et verra
naître un vrai mouvement communiste qui pourra apporter au
mouvement prolétarien actuel une contribution comparable à celle fournie par le prolétariat allemand au XIX° siècle.
(1958)
3.4.8.
- La 1°
affirmation est
liée à l'étude
des rapports entre États.
La Russie n'a jamais soutenu la
révolution chinoise mais a essayé de l’étouffer et de diviser la Chine. En 1950,
la gauche affirma que la Russie ne soutiendrait pas la Chine et,
en 1953. "L'histoire n'exclut pas, elle présente
comme probable un pacte
entre la Chine de Maο
et les impérialistes d'occident, et n'exclut pas,
qu'à son tour, la Chine ne soit pas parmi les
bigs
en
guerre contre la
Russie..." (il programma comunista n°23. 1953)
Or, la Chine
abandonnée par la Russie (1960), se
trouva
isolée,
livrée à ses seules forces. L'État
chinois ne peut maintenir le vaste
mouvement révolutionnaire qui
la travaille qu'en facilitant l'instauration d'institutions, de structures, en édifiant le capitalisme.
Pour cela,in inévitablement,
elle entre à
la fois, en conflit et en conjonction
avec
les E.U.
La 2°
aftirmation est
en liaison étroite avec la
1° en ce
sens que
le vaste
mouvement révolutionnaire peut, tant sur le
plan de-la lutte que sur
le plan théorique, déborder la direction
du parti et de 1'État
chinois. Après
les troubles de 1961, on a l'offensive sur
l'Assam. Mais une intervention
chinoise en Inde entrait obligatoirement en oppositon
avec les
E.U.. D'où le
recul des troupes chinoises et, de
ce fait, une occasion de relancer le processus révolutionnaire dans l'Inde immobilisée, perdue. Le mouvement put
être
dévié ensuite dans la lutte
contre l'URSS
(lettre en 25 points et rupture avec ce pays 1963). Puis avec la guerre
du Vietnam. Cependant en 1966
commence
la grande
révolution
culturelle qui a manifestement été engendrée par un vaste mouvement des
masses. La
direction
maoiste a
tenté et
à réussi à le canaliser.
La terreur des gardes-rouges est
comparable à celle des plébiens
dontin parlait Marx
pour la révolution française, terreur qui avait permis d'en finir avec
l'ancien régime. Mao
apparait alors comme un Robespierre qui
parvient à utiliser
ces masses,
à se mettre à leur
tête tout
en ne satisfaisant qu'un certain nombre de leurs
revendications. Dans tous les cas ce captage de direction n'a pas pu se faire sans heurt avec des éléments plus
à gauche (comme
ce fut
le cas au cours de la révolution
française).
D'autre part, nous
l'avons vu, la république bourgeoise ne triomphe qu'à partir
du jour οù elle a éliminé provisoirement
la puissance du prolétariat.
La non-intervention américaine en Chine peut
s'expliquer
par la peur d'accélérer, de radicaliser le phénomène qui
pourrait bouleverser l'Asie
et le monde.
3.4.9.
- Ι1
y
a donc un double mouvement : une d'intégration de la Chine dans le système mondial. Pour cela il faut que
les masses
chinoises
soient domestiquées; un autre révolutionnaire dû justement à la non-fixation
de la révolution,
au fait qu'elle n'a pas
donné naissance à une société stable,
structurée. L'orientation à
gauche de la direction
actuelle de 1'État
chinois peut être comparée à celui
de la direction stalinienne en 1929 qui illusionna tant de révolutionnaires.
La
révolution
culturelle représente peut-être la
fissuration du
bloc
des quatre classes,
le mouvement
de délimitation
de celles-ci et leurs
oppositions. Elle marquerait
la fin de la phase de révolution populaire et le début de celle de classe.
Le triomphe de Maο
représenterait alors le "blocage"
de la lutte
du prolétariat et
le triomphe de la classe
capitaliste.
3.4.10.
- Le phénomène
révolutionnaire n'est
donc que freiné en Chine. Ι1
y
a une
course
de vitesse
entre les deux phénomènes indiqués plus
haut.
Cependant pour discerner quelles sont ses possibilités réelles de donner naissance à un véritable mouvement communiste, il faudrait avoir
fait
au préalable une étude exhaustive de
l'évolution de
la société
chinoise depuis au moins la révolution
de 1911.
Or, un
tel travail est absolument inexistant. D'où toutes les confusions qui règnent au sujet de la Chine. En
1958, la gauche avait repris la position de Marx
sur le mode de production
asiatique et avait commencé une
étude
sur l'histoire
de la Chine
depuis
ses origines mais, on 1'a
dit, le travail qui a suivi
n'a aucun intérêt.
3.4.11.
- L'idéologie maoïste
a
un caractère révolutionnaire en Chine
en
tant qu'elle se présente
comme un substitut à
l'antique civilisation chinoise (elle détruit donc les anciennes superstructures),
au culte
des ancêtres.
Celui de
Mao constitue un pendant
à celui de
la Raison, puis de l'empereur en France. Le vieux
culte
unitaire
ne peut être détruit que par
un autre culte unitaire. Si
la société capitaliste chinoise assure son
assise, il n'est
pas improbable que l'on ait une
démaoïsation comme l'on eut une déstalinisation.
En
Occident cette idéologie avec sa déification du
peuple
représente un recul
de près de deux siècles. Sa vogue actuelle ne fait que traduire
l'absence de la classe
prolétarienne
en tant qιe
classe
sur la
scène de
l'histoire et donc l'absence de la théorie
du prolétariat[1].
* * *
"Récemment
on
a lancé avec beaucoup de
fatuité
1e mot d' ordre d'une certaine participation
des ouvriers au profit ô nous en
parlerons
dans
la section du salaire. Les primes
particulières
n'atteignent
leur but
que
comme exception à la régle elles ne servent en
fait
qu'à acheter tel οu
tel contre-maίtre,
etc,. dans l'intérêt du
patron
contre l'intérêt de sa classe, οu
elles
s'appliquent à
des commis, etc.,
bref à
des individus qui ne
sont plus de simples ouvriers, et
ne participent pas au rapport général.
C'est enfin un
procédé spécial pour escroquer
les ouvriers en retenant une partie de leur salaire sous la forme précaire d'un profit
lié à
la marche des affaires."
K. Marx. (Fondements de la critique
de l'économie
politique)