LA SÉPARATION NÉCESSAIRE ET L’IMMENSE REFUS
Depuis notre dernière étude de mars 1975 sur le développement économique de la communauté capital publiée dans Invariance, Série II, n°6 : « C’est ici qu’est la peur, c’est ici qu’il faut sauter », rien de fondamentalement nouveau de ne s’est produit. On a assisté à une purification des phénomènes dont certains ont pris un caractère plus accusé : chômage et inflation.
L’analyse des évènements peut se faire en fonction de la manifestation de deux modalités d’être du capital. Tout d’abord, on peut envisager le capital en tant que multitude de capitaux particuliers ; ce faisant on doit observer leur procès de production, ce qui implique la prise en considération de la productivité et de la composition organique, données étroitement liées à la concurrence (tout particulièrement nécessité de conquêtes de nouveaux marchés).
On peut la faire en fonction de la totalité. C’est alors la représentation qui est déterminante ; phénomène qui permet la domestication de plus en plus profonde des hommes et des femmes et fait coexister les divers moments du capital dans une aire géo-sociale et dépasser les limites qui surgissent lors de l’affirmation du procès de production ; donc possibilité également de faire coexister les différents capitaux. C’est en quelque sorte un phénomène immatériel qui intégrerait celui matériel et le réordonnerait ; il permettrait l’intégration des différentes zones (ex : le déficit des USA qui alimente le flux de capital, particulièrement vers les pays de l’Est ou en voie de développement).
Les déséquilibres divers qui se produisent désormais depuis la crise monétaire de 1967 et apparaissent soit en tant que crise monétaire soit en tant que récession (1971, 1974) indiquent que le devenir du capital à la totalité, son anthropomorphose, ne sont pas encore révolus à l’échelle planétaire. C’est cela qui est le soubassement de ce que certains appellent crise du capitalisme. D’où, implication profonde : le devenir de cette crise en cours est une accession à cette totalité ; elle n’est pas grosse d’une destruction du mode de production capitaliste (MPC) à partir de ses éléments internes ; il ne peut pas y avoir engendrement des acteurs d’une révolution. D’ailleurs les faits sont là : cette crise qui a connu son apogée en 1975 existe depuis 1973 et n’est pas résorbée ; pourtant au cours de ce vaste laps de temps, aucun évènement d’ordre révolutionnaire ne s’est révélé. Ce qui n’élimine pas la possibilité de catastrophes plus ou moins immédiates, catastrophes qui ne se manifestent pour le moment qu’à une échelle réduite. Mais, avant d’aborder cette question, il est important de revenir sur les modalités d’être du capital.
Au cours de l’étude de l’œuvre économique de K. Marx nous avons pu constater qu’il a fait remarquer que le capital parvenu à son existence, c’est-à-dire après s’être incarné (einverleiben) dans le procès de production, doit fonder sa propre représentation, donc secréter son propre équivalent général afin de pouvoir mesurer ce que K. Marx appelle sa valorisation et qu’il vaudrait mieux nommer capitalisation, c’est-à-dire la variation du capital au cours d’un cycle de production total incluant procès de production immédiat et procès de circulation.
C’est dans le Livre III du Capital, lors de l’étude de l’égalisation du taux de profit, que Marx expose la genèse de cet équivalent général : la composition organique sociale moyenne. En effet, c’est à partir de cette dernière que les capitaux vont pouvoir se comparer et que la dynamique de vie des capitaux particuliers, la concurrence, va pouvoir s’effectuer ; plus exactement, elle les pose et en est le résultat. Les capitaux auront tendance à aller dans les zones qui rapportent le plus de profit, c’est-à-dire vers celles à haute composition organique qui pompent, en définitive, la plus-value, donc le profit, aux zones à composition organique plus faible.
Cette dynamique explique l’élimination de certains centres autrefois hégémoniques comme la Grande-Bretagne ou les USA (en ce qui concerne certains produits) remplacés par le Japon et la RFA.
Ces derniers sont à leur tour menacés par d’autres pays : Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong. Dans ce cas, il y a lieu de faire intervenir un autre phénomène : l’existence de bas salaires. Cette surexploitation des ouvriers ne profite pas obligatoirement en totalité aux capitalistes détenteurs des implantations productives de ces divers pays ; mais, par suite de la péréquation du taux de profit, elle renforce le secteur ayant une composition organique plus élevée ; d’où, si d’un côté, la concurrence peut nuire aux intérêts des capitalistes étasuniens ou nippons, elle leur permet, d’un autre côté, de récupérer un profit qu’ils ne peuvent pas directement obtenir. Toutefois, ceci ne peut être qu’un phénomène transitoire, parce que l’augmentation générale des salaires est un fait constant dans l’évolution du capital à cause de l’égalisation des taux de profit et surtout du fait que l’ouvrier devient lui aussi un consommateur.
Cette double action de la composition organique élevée et du bas coût des salaires explique le phénomène de désindustrialisation qui affecte la Grande-Bretagne et qui commence à toucher la France : les industries ont tendance à aller s’implanter dans le sud de l’Europe et de l’autre côté de la Méditerranée : désindustrialisation qui n’est en aucune façon une décapitalisation. Ainsi, certains économistes proposent-ils que la Grande-Bretagne devienne un centre mondial des services, c’est-à-dire un centre de la circulation globale du capital à l’échelle mondiale.
L’explication du mouvement du capital à partir de la composition organique moyenne, en tant qu’équivalent général, permet de comprendre l’histoire récente depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, période au cours de laquelle les USA, zone où le capital avait une très haute composition organique par rapport aux autres zones et qui avait une production globale ou, si l’on veut, un PNB, représentant 50% de celui mondial, purent dominer l’ensemble de l’économie capitaliste et permettre, grâce au dollar, le mouvement ininterrompu du capital. Mais on a eu ensuite un moment de déséquilibre dû au fait de la reconstruction de l’Europe et du Japon qui devinrent eux aussi des zones à très haute composition organique en même temps qu’ils provoquèrent la baisse de la proportion du PNB étasunien dans celui mondial, rendant plus difficile au capital étasunien la tâche de représenter celui total. Dès lors vint à manquer un centre régulateur de tout le système. De là, la recherche pour former une nouvelle zone plus vaste qui pourrait jouer le rôle autrefois tenu par les USA. Tel est l’objectif de la Trilatérale.
La Trilatérale qui fut fondée en 1973 par la Chase Manhattan Bank (on voit par là l’importance toujours plus prépondérante des banques dans le devenir du capital et l’accession de ce dernier à la forme la plus pure et la plus adéquate) a pour objectif, comme l’indique Ruiz Garcia « d’offrir des réponses à l’intérieur du capitalisme contemporain, aux problèmes sociaux de l’époque sans perdre les positions de force traditionnelles » (La era de Carter. Las transnationales, fase superior del imperialismo. Aleanza Editorial. Madrid, 1978). Elle regroupe des membres des pays qui dominent l’économie mondiale : USA, Canada, Europe Occidentale, Japon. Elle a supplanté un autre club de réflexion économique, le club de Bildelberg fondé en Hollande en 1954 en vue de « créer une meilleure compréhension des forces et des tendances qui forment les nations occidentales. » Il est à noter qu’un certain nombre d’hommes appartenant aux divers gouvernements actuels font partie ou firent partie de la Trilatérale : Carter, Brzezinski, Mondale, Barre, etc.
On peut constater que dans ce cas encore, le problème de la domination est résolu au travers du procès de production puisque la production de l’ensemble de ces pays représente environ 50% du PNB mondial. Ces pays peuvent assurer la relève des USA. Ce faisant il y a renforcement de la mondialisation du capital et surtout perfectionnement de la réalisation de la communauté. En outre au sein de cette alliance les USA gardent leur rôle dirigeant parce qu’ils peuvent contrôler l’énergie et l’information, grâce à leur technologie plus avancée, à la présence de conditions naturelles plus favorables sur leur territoire et à leur contrôle de vastes zones du globe.
Avec l’élection de Jimmy Carter à la présidence des USA on a eu accession à une forme plus évoluée du capital. C’est ce qu’interprète Garcia en disant qu’on passe à l’instauration d’un capitalisme scientifique et il ajoute : « Le capitalisme scientifique imposera ses propres décisions, un monétarisme moderne, conservateur » (o. c. p.68). C’est le triomphe d’une certaine rationalisation et, à ce propos, on peut penser que le développement des forces productives est peut-être le moment nécessaire pour accéder à celle-ci, car il permet de remplacer les forces humaines et naturelles, par celle produites par la science qui sont éminemment contrôlables. A partir de ce moment-là, une représentation scientifique de toutes les conduites humaines est possible, ce qu’affronta dès le début le marginalisme et que le monétarisme moderne veut perfectionner. Pour parvenir à un tel résultat il faut, comme l’affirme Garcia, contrôler l’énergie et l’information. Pour qu’il y ait rationalité opérante, il faut un contrôle despotique de tout.
Grâce à leur avance technologique les USA tentent de contrôler la révolution de l’énergie ; ainsi ils pourront conserver leur place prééminente. Mais ce qui est plus essentiel, c’est qu’en fait ce sont les firmes multinationales qui opèrent et les États doivent s’adapter de plus en plus à la nouvelle situation créée par ces dernières. La démonstration de Garcia rend sensible à quel point les États sont des formes contraignantes, des représentations dépassées, inadéquates au devenir du capital. Il doit s’en séparer.
L’intervention de l’État et des multinationales est similaire en ce qui concerne l’information1 qui est représentation du capital en action à la fois continue et discontinue.
L’information est, d’une part, un produit d’un procès bien matériel, d’autre part, un intermédiaire entre les divers pouvoirs au sein de la communauté, pouvoirs qui ne se localisent pas uniquement en l’État, d’où leur insaisissabilité. Ce rôle a une grande importance à l’échelle mondiale et il est clair que les centres qui peuvent contrôler l’information, contrôlent le système ; selon Garcia, le projet Brzezinski est justement de parvenir à un tel contrôle, d’où sa proposition d’un développement fantastique de la télématique.
L’information est l’imagination mécanique. Le computer engloberait tous les possibles existentiels et donc l’imagination humaine elle-même. Un esprit facétieux et pessimiste envisageait de fournir à un énorme ordinateur le programme suivant : composer, avec les 26 lettres de l’alphabet tous les mots de diverses longueurs qui pourraient être combinés en une série indéterminée de phrases pouvant composer une série similaire de livres ! En effet, et dit autrement, un mot est formé d’un nombre fini de lettres, par la combinaison on peut déterminer le nombre de mots possibles. Une fois ceci réalisé, et si on se donne un nombre fixe de pages, on peut calculer de la même façon le nombre de livres qu’on peut écrire avec des mots en tant de pages. Dès lors, l’ordinateur produirait, en ce qui concerne l’humanité occidentale, toutes les œuvres déjà parues et toutes celles à paraître. Les êtres humains ne sont plus utiles que pour analyser parmi toutes les œuvres engendrées celles qui auraient un sens et celles qui n’en auraient pas. Ils devraient simplement lutter contre l’absurdité de l’imagination mécanique. Les hommes et les femmes totalement désubstancialisés, extranéisés se retrouveraient dans la même situation où ils sont déjà placés : on leur demande constamment de lutter contre les absurdités de l’imagination parce que celle-ci poserait toujours de l’impossible. En définitive, la technique n’aurait rien résolu ; elle n’aurait fait qu’escamoter les êtres humains.
Science-fiction ? Peut-être ! Mais on a souvent vu que le capital dans sa dynamique d’appropriation de ce qu’est l’être humain, de son faire, de son paraître, tend à le rendre évanescent ou à l’escamoter.
Pour en revenir à la Trilatérale, son influence aura tendance à s’accroître parallèlement à celle des multinationales et elle englobera d’autres pays, quitte à disparaître pour reparaître sous une forme plus élaborée car elle est un organe de la communauté capital s’emparant de façon de plus en plus rigoureuse de l’ensemble mondial.
Avec elle on constate la cohabitation de deux modes de représentation du capital : à partir du procès de production (composition organique) et à partir de son mouvement d’ensemble.
En ce qui concerne la première, elle pourrait réellement s’effectuer et ordonner par là même le système s’il n’y avait pas tendance à l’autonomisation des capitaux, tendance à une capitalisation sans passer par les procès de production. C’est là qu’intervient une autre figure du capital, plus ancienne mais qui a pris un contenu nouveau avec le développement du MPC devenant communauté capital : le capital porteur d’intérêt avec ses formes modernes du crédit et du capital fictif, auxquelles se rattachent une foule de formes encore plus récentes.
Le capital n’a pas seulement besoin d’une représentation pour juger de sa capitalisation ; il se pose en tant que représentation et tend donc à échapper à sa détermination d’origine historique : la nécessité de s’incarner dans un procès de production matérielle. Par là même, il peut escamoter ou englober les difficultés surgies au cours de son développement antérieur, d’autant plus que cela présuppose une capitalisation des êtres humains concomitante à son procès d’anthropomorphose. Le capital devient espèce humaine et réalisation de son projet de dominer la nature, de se poser en discontinuité totale avec elle, d’accéder à une réalisation d’un monde a-naturel.
La représentation du capital ne peut plus se faire à partir d’un centre hégémonique, car il lui faut intégrer des pays qui sont à des stades différents afin d’éviter de profonds déséquilibres. Il faut une représentation du capital total et de ce fait l’équivalent général composition organique est insuffisant. C’est cette limite qui fait que la livre sterling de Grande-Bretagne a été éliminée en tant que monnaie étalon, monnaie clef du système capital. Ceci s’est effectué avec les diverses crises monétaires à partie de 1967, mais dès 1971 c’est le dollar qui était menacé tandis qu’actuellement les diverses crises président à son élimination. La fondation d’un système monétaire européen est une étape dans le cours de ce processus. Cela ne solutionne rien : il faut que se trouve la représentation adéquate à la dynamique où il y a un ensemble de pays à forte concentration capitaliste, où la domination réelle est déjà un fait historique largement acquis, où il y a échappement, c’est-à-dire qu’il n’y a plus nécessité absolue d’une confrontation à une matérialité pour être, des pays où la domination est très difficile mais où tout de même de fortes bases ont été implantées (ex: Union Soviétique) et puis tous les pays d’Afrique, principalement, où le vieux mode de vie a été détruit mais où le capital effleure à peine la vie sociale.
Au cours de ce moment de réajustement, d’incertitude, l’or reprend de son importance, ce qui ne veut absolument pas dire qu’il puisse retrouver toutes ses fonctions, être remonétisé. J’emploie à dessein ce terme afin d’être compatible avec le langage en place, en vigueur ; en fait cela n’a plus de sens car depuis longtemps la monnaie n’a plus de fonction autonome. S’exprimer ainsi voudrait dire qu’il y aurait coexistence de deux phénomènes : le capital et la monnaie ; c’est-ce que semblent penser les divers économistes. Or, il y a seulement un problème de représentation du capital. L’or ne peut plus le représenter.
Dans la manifestation récurrente d’un renouveau d’une importance de l’or (l’Italie a donné son or à l’Allemagne fédérale pour garantir l’emprunt qu’elle fit auprès de cette dernière) se lit toute l’incertitude des hommes ainsi que la difficulté de les éliminer. L’or représente l’activité humaine antérieure. Le défendre revient à défendre un passé humain. En quelque sorte les hommes essayeraient de se prémunir contre le capital en s’appuyant sur un élément du passé. Par là, il y a essai d’affirmer la permanence des hommes et leur identité rendue évanescente par la dynamique du capital ; c’est aussi la dialectique du maintien et de la négation du capital constant (il est possible de se représenter l’or comme un capital constant) par rapport au capital fluide en devenir fuyant toute substantialisation.
Durant toute la phase d’accession à une représentation plus adéquate du capital, l’or aura à nouveau le rôle de terre de refuge ; il sera le lieu illusoire où les hommes (ceux encore immergés dans le capital) penseront trouver asile humain. Si l’inflation aura tendance à faire augmenter son prix et donc en apparence à lui redonner une grande importance, elle aboutira en dernier lieu à son élimination et ce pour diverses raisons dont la plus essentielle est que la représentation doit devenir gratuite.
Avant d’aborder ce phénomène, revenons brièvement sur les caractères de l’inflation mis en évidence par divers économistes.
Certains considèrent qu’elle est liée fondamentalement aux groupes de pression de la société et à l’insatisfaction des individus ; en conséquence de cela, elle tendrait à uniformiser, à égaliser, d’où perte de différences et, de ce fait, impossibilité d’établissement de flux de capital. Cela conduirait à un stade que d’aucuns nomment entropie économique.
Dans « Le système transnational » extrait de « L’inflation créatrice » publié dans Problèmes Économiques n°1476, A. Meister considère l’inflation comme un phénomène d’adaptation et d’intégration permettant d’établir une cohésion et une homogénéisation du système. Ainsi les pays producteurs de pétrole ont pu, selon lui, être intégrés à la dynamique du bloc occidental grâce à l’accroissement du prix du pétrole ce qui a permis de les séparer des autres pays du tiers-monde, brisant ainsi un bloc qui aurait pu menacer celui occidental. On peut penser que dans une phase seconde, ces derniers pourront à leur tour être intégrés. Il faut donc ajouter, à la caractérisation de Meister, que l’inflation crée une dépendance qui permet ensuite une intégration.
Il est une autre théorie de l’inflation qui est en opposition directe avec la précédente. En effet, pour J.P. Dalloz (« Inflation et entropie du système économique », article de « Économie appliquée », reporté in « Problèmes Économiques » n°1434) elle serait un moyen de lutter contre l’entropie du système économique. Selon lui l’ordre initial du capital est celui de l’inégalité la plus aiguë. Avec le développement du MPC, il y a tendance à une égalisation des richesses (rôle de l’État-providence, de l’État du bien-être, avec assurances sociales, impôt négatif, etc.). Lorsque celle-ci se réalise on a abouti à l’entropie du système.
Il est clair qu’à partir du moment où l’élément humain, subjectif est de moins en moins important, on puisse concevoir le déroulement du procès du capital, de plus en plus selon un modèle purement physique. Si les divers centres du capital tendent à avoir une composition organique identique, les flux de capital tendront à s’évanouir, et la fameuse concurrence à disparaître. S’il réalise trop bien sa communauté, il se nie.
L’inflation apparaît comme un moyen plus ou moins artificiel pour instaurer de nouveaux flux. Dit autrement c’est-ce que nous avons expliqué à l’aide de la théorie du capital fictif. Ce qui en fait sa démesure, en même temps qu’elle est prise de position par rapport à un phénomène à venir.
Ainsi l’équilibre du système, s’il était enfin trouvé serait la mort du MPC. Or ce que recherchent les divers économistes c’est de comprendre le phénomène d’autorégulation plus ou moins adéquat du système qu’Adam Smith concevait comme étant réalisé par la main invisible (espèce d’ancêtre du démon de Maxwell !) et que les économistes actuels recherchent dans une représentation cybernétique. Ils veulent le trouver afin de pouvoir éliminer les crises, mais ils commencent à percevoir que s’il était trouvé et perfectionné, permettant ainsi de réaliser enfin l’équilibre des flux, le système capitaliste, sous sa forme actuelle, s’effondrerait et ce serait le moment de réalisation d’un despotisme généralisé vers lequel on tend inévitablement à plus ou moins longue échéance.
Cette théorisation de l’équilibre et de l’uniformisation, équivalents à l’entropie, montre que les économistes pensent d’une certaine façon la mort du système. Il est d’ailleurs curieux de constater, simultanément, que la thermodynamique est une représentation qui n’est pas seulement liée à une nécessité d’ordre technologique : l’étude des rendements des machines, généralisée ensuite au rendement que tout système cosmique peut engendrer (et la mort existe lorsqu’il n’y a plus de rendement), mais est une représentation de la dynamique du capital en tant que multitude de capitaux. Il n’y a existence que tant qu’il y a différence. Mais il n’est pas dit que la représentation thermodynamique puisse être valable pour décrire le mouvement du capital, et il n’est pas dit non plus que cela vaille pour l’univers. Car une fois éliminée la concurrence, que reste-t-il ? Or, la concurrence est un élément déterminant du capital ; elle n’existe pas de toute éternité.
Pour en revenir à l’inflation, phénomène purement économique, citons André Fourçan (Inflation et théorie économique, dans Problèmes Économiques n°1434) qui la définit ainsi : « … croissance continuelle du niveau général des prix à travers le temps. Par conséquent, elle correspond à une détérioration continuelle du taux de conversion de la monnaie en actifs non financiers. » Ainsi, si on l’aborde sous son aspect le plus banal2 on constate, étant donné la disparition des contraintes qu’impliquaient l’existence d’un équivalent général rigide comme l’or, celle de taux de change fixes, que le phénomène peut se poursuivre indéfiniment. Dès lors, ce qui devient essentiel, c’est de connaître la vitesse de l’inflation afin de prévoir les attributions de capital. La représentation des différents produits engendrés dans les procès de production matériels ou immatériels du capital. Nous parvenons alors à la fin du cycle historique de l’équivalent général.
À l’origine des échanges, l’élément intermédiaire devenant équivalent général n’a aucune valeur, il est signe, symbole. C’est pourquoi peut-il être représenté par des objets fort communs. Ceci impliquait évidemment des mentalités non déformées par l’appât du gain, ce qui est implicite puisque le phénomène n’est qu’à ses débuts et que le désir d’accaparer ne peut se développer qu’à partir du moment où le possible d’absorber tout grâce à un seul élément s’est réalisé. Puis l’élément intermédiaire se charge de toute la valeur des éléments extrêmes afin justement de pouvoir les représenter sans qu’il y ait discontinuité dans l’espace et le temps, ce qui se réalise pleinement avec l’or.
Le capital, développement ultime de la valeur et forme de son accession à la pleine autonomie, se sert d’abord de l’or en tant qu’équivalent général (comme il se sert des hommes et des femmes) et cherche progressivement à produire un moyen de représentation qui n’immobilise aucune valeur. Il réalisera ce projet en se posant lui-même - c’est-à-dire son procès de vie - en tant que représentation non plus d’un acte particulier, l’acte économique, mais de tous les actes de la vie.
À ce moment-là, l’activité économique qui s’était séparée de l’activité globale est réinsérée dans un tout qui est fondé par le capital ; c’est la réalisation de la communauté capital. On retourne à une immédiateté. Spontanément tout objet et tout être pourra signifier son importance, sa valeur, son quantum de capital sans devoir passer par une médiation, parce qu’en réalité celle-ci est devenue essence immédiate de la communauté capital. Un tel devenir signifie à quel point est dangereuse la revendication de la fin de toute médiation- Signalons qu’une inflation linéaire avec endettement indéfini de certains partenaires échangistes est impossible. Ce serait un devenir dans l’impasse. Aussi certains pays développés comme la Suède, l’Allemagne fédérale, ont renoncé aux sommes que leur devaient les pays les plus défavorisés. Ce qui est un contresens du point de vue du mercantilisme.- Signalons qu’une inflation linéaire avec endettement indéfini de certains partenaires échangistes est impossible. Ce serait un devenir dans l’impasse. Aussi certains pays développés comme la Suède, l’Allemagne fédérale, ont renoncé aux sommes que leur devaient les pays les plus défavorisés. Ce qui est un contresens du point de vue du mercantilisme.3.
Les crises actuelles ne sont que des moments de réalisation de cette représentation gratuite du système. Si l’or peut jouer un rôle c’est uniquement en tant qu’expédient momentané pour faire accéder certains pays (cas de la Chine) au circuit du capital et à sa représentation. C’est à travers lui qu’une communauté donnée se dépouille, en faveur du capital, de toute son activité passée qui devient support du devenir de ce dernier4.
On se dirige ainsi vers l’uniformisation totale, le despotisme achevé du capital sur la société où s’évanouiront les phénomènes de la valeur (cherté-gratuité) de la démocratisation (masses-chefs) par suite de l’égalitarisme entre tous les esclaves du capital, et nous aurons le communisme mystifié.
La double dynamique que nous avions envisagée : celle de la production avec son exigence de productivité et sa conséquence le chômage, celle de la réalisation de la représentation liée à la généralisation de l’inflation (ce qui n’exclut en aucune façon qu’il y ait des causes objectives d’inflation dans la dynamique précédente mais c’est au niveau de la réalisation de la représentation capitaliste qu’elle joue un rôle déterminant), double dynamique décrite par les deux théories fondamentales qui s’opposent à l’heure actuelle : le keynésianisme (et ses variantes) réclame le plein emploi et une intervention de l’État ; il est une affirmation du pôle travail et se présente comme un marxisme honteux ; le monétarisme, qui est l’affirmation du pôle valeur, exclue l’intervention de l’État et pense que le plein emploi est un phénomène dérivé, secondaire. Le première théorie est l’expression du mouvement même de la communauté capital s’établissant à partir du mouvement de socialisation, la seconde exprime que c’est à partir des capitaux particuliers, tendant chacun à se poser en communauté, que découle l’existence actuelle de la communauté totale.
D’aucuns voudraient bien réaliser une théorie qui serait à même d’expliciter de façon unitaire la double dynamique. De là, l’attente plusieurs fois proclamée d’un Einstein de l’économie. Mais il viendra trop tard parce que la représentation relativiste n’est plus adéquate au mouvement du capital.
En ce qui concerne le marxisme utilisé dans les pays de l’Est, il témoigne d’un stade moins évolué du capital, celui où il doit encore réaliser sa communauté matérielle. Au fur et à mesure qu’elle s’établit (ou qu’elle se rétablit pour les pays européens les plus évolués) il y a une osmose entre celle-ci et le keynésianisme voire avec le monétarisme. Toutefois sa fonction déborde l’aspect économique. Il sert de représentation globale pour l’instauration du capital à partir de son pôle travail. Il est la représentation nécessaire de la communauté travail en quoi se résout le socialisme des pays des l’Est, ou de ceux qui tendent à ce socialisme, comme en Afrique ou en Amérique5. Voilà pourquoi l’État a-t-il dû, dans ces divers pays, exclure le christianisme ou le confucianisme ! Mais, là encore, avec le développement du capital réalisant sa propre représentation, qui inclut celle subalterne fondée sur le pôle travail, il peut y avoir un œcuménisme entre marxisme, christianisme, bouddhisme, etc.
Le marxisme dans sa modalité de théorie de la crise du MPC effleure de façon des_c_r_i_p_tive les phénomènes et se leurre fondamentalement en postulant qu’inévitablement il y aura une cassure qui fondera une situation révolutionnaire au cours de laquelle le prolétariat interviendra pour détruire le système.
La double dynamique joue en dépit de la volonté des hommes. Un exemple probant et récent est le passage de l’application du plan Barre à saveur keynésienne à son abandon au profit d’une position infiniment plus libérale, proche de celle des monétaristes. Cela traduit l’échappement du capital et le fait que l’intervention est toujours a posteriori ; c’est aussi l’acceptation que la main invisible gouverne, la confiance en une cybernétique occulte…
À partir de là nous pouvons revenir sur ce qui fut écrit dans Ce monde qu’il faut quitter. Le concept de crise n’a plus de sens ; il n’y a plus de contradiction fondatrice de ratées puissantes du système permettant une remise en cause de celui-ci ; il n’y a plus de classes antagonistes.
La remise en cause s’effectue par le capital lui-même qui doit éliminer les vieilles représentations qui empêchent son libre devenir. Il doit se séparer irrévocablement d’elles et du support humain (phase finale du procès de séparation qui caractérise le capital), c’est-à-dire d’un être déterminé par un développement historique donné. Il réalise la séparation totale pour parfaire son échappement.
S’il n’y a plus de crise, est-ce que cela veut dire que la catastrophe est évitable ? On peut répondre à cette question en faisant remarquer que c’est probablement parce qu’il ne peut plus y avoir de crise, comme le songeaient les marxistes, que la catastrophe est difficilement évitable. Sur le plan des données fournies par le système on constate que les mesures préconisées par le rapport du MIT n’ont pas été prises au moment où elles auraient dû l’être, c’est-à-dire en 1975 ; dès lors l’apocalypse décrite en ce rapport doit se dessiner de façon rigoureuse.
Il est vrai, comme divers auteurs l’ont fait remarquer, que les dirigeants du Club de Rome avaient peut-être intérêt à noircir les données afin de pouvoir mieux faire accepter une économie de l’austérité. Il n’en demeure pas moins que ces auteurs n’ont pas poussé à fond l’étude de toutes les causes de catastrophe, par exemple les effets désastreux de l’agriculture industrielle sur les sols et que, d’autre part, sauf dans les pays développés, la croissance démographique ne s’est pas ralentie, ce qui fait que la pression exercée sur l’écosystème tend, du point de vue de la vie, à devenir insoutenable.
Il ne reste en définitive aux divers gouvernements qu’à planifier et à gérer la catastrophe. Il ne sera plus question alors, pour les gauchistes, de lutter contre sa survie, thème à la mode depuis 1968, mais de lutter contre sa mort planifiée !
En plus de cela, étant donné que la communauté capital ne peut exister que par différenciation - elle n’est pas union mais réunion d’éléments qui s’opposent, se concurrencent - et doit maintenir les différences sinon le flux du capital s’évanouit, il doit y avoir régénération de ce dernier. De là toutes les théories qui, comme on l’a déjà abordé, se préoccupent de l’entropie, du chaos, du désordre, du bruit. Là encore s’étale la dynamique de la réunion : tout ce qui avait été exclu doit être intégré.
Si le capital, avons-nous montré, tend à l’uniformisation, à l’homogénéité qui implique l’évanescence de la différence, mais aussi des tensions, il tend à s’éteindre : le mouvement se résorbant dans la structure qui l’a engendré. Il faut, en conséquence, régénération par des luttes, des conflits ; d’où le terrorisme nécessaire. Pour perdurer le capital doit être en perpétuelle remise en cause.
Je ne fais qu’indiquer les phénomènes tendanciels qui ne se dévoileront pleinement qu’ultérieurement. Toutefois ils sont en acte et l’on sent une certaine résistance des hommes et des femmes, un refus qui est immense (bien que souvent latent) et doit le devenir toujours plus.
Le cas le plus probant de ce refus se voit actuellement en Iran où la vieille communauté chiite s’oppose au capital qu’il soit de venue étasunienne ou de venue soviétique. Dans une certaine mesure ce qui s’y passe évoque les évènements de la phase révolutionnaire russe du siècle dernier mais, ici, c’est simplifié. En effet, sur la base de la volonté de restaurer l’obchtchina, s’est constituée en Russie une grande variété de groupes. Certains voulaient sa restauration pure et simple avec recomposition de l’église orthodoxe et l’exaltation du peuple russe : les slavophiles ; d’autres, au contraire, voulaient greffer sur les fondements de l’obchtchina tous les acquits de la production occidentale et éliminer l’orthodoxie : certains populistes dont Tchernychevski, etc. Or, en Iran on a seulement l’affirmation d’un intégrisme, c’est-à-dire la volonté d’un retour à la communauté islamique primitive. Il y a bien des courants se référant à d’autres idéologies, en particulier au marxisme, mais ils ont trop peu d’importance, du moins pour le moment.
En outre en Russie la classe ouvrière eut une importance considérable parce qu’elle se manifesta à une époque d’épanouissement du phénomène prolétarien, à tel point que la perspective put être - pour divers populistes et pour K. Marx - de greffer grâce à une révolution internationale prolétarienne où le prolétariat russe jouerait lui aussi son rôle, mais secondaire par rapport à celui des paysans, les apports positifs du capital, c’est-à-dire le développement technique et scientifique sur la vieille communauté russe. En Iran cette perspective n’existe pas parce que la mission du prolétariat est irrévocablement finie, que le marxisme n’est plus opérationnel ; qu’il y a remise en cause, à l’échelle des pays les plus avancés, de la science, de la technique, etc. C’est pourquoi la religion, exaltation et produit de la communauté chiite, apparaît comme étant seule apte à conduire et à représenter un mouvement de constitution d’une communauté dans l’ambiance actuelle. Là nous assistons à la fin du cycle prolétarien qui prend - comme à son origine - un fondement religieux : comme beaucoup de socialistes utopiques voulaient régénérer le christianisme primitif, beaucoup d’iraniens veulent un retour à un Islam originel6.
Ce qui se passe en Iran est le reflet tout d’abord de l’antique lutte entre la communauté et l’État7. D’après les données fournies par l’histoire, on constate que le chiisme a toujours voulu limiter l’importance de ce dernier, empêcher son autonomisation. C’est un caractère exacerbé d’un phénomène qui existe dans tout le monde musulman où l’on accepte difficilement la séparation de la politique et de la religion, séparation qui serait le premier moment du procès de destruction de cette dernière.
« La communauté ne peut être dirigée qu’au nom de l’Islam et par un personnage dûment investi de qualités religieuses » (Yann Richard : « Shari’ati et le gouvernement islamique », Le Monde, 31/01/1979).
En ce qui concerne l’Iran ce même auteur rapporte les propositions de Shari’ati « idéologue et idéaliste qui a derrière lui toute la jeunesse intellectuelle iranienne » :
« 1° le chiisme doit être réformé, car depuis qu’il est la religion officielle de l’Iran, il est devenu au service du pouvoir… »
« 2° la conscience des peuples du tiers-monde a été aliénée par l’Occident grâce aux idéologies qu’on leur impose. »
D’autre part, Shari’ati affirme que :
« Le Coran n’est pas dépassé, et son message est même révolutionnaire, si on le lit à lumière de la première communauté islamique. »
« La démocratie est formelle lorsqu’elle est gérée par le capitalisme… »
« Pour diriger la communauté Shari’ati préconise une démocratie ˜engagée˝ ou ˜dirigée˜ : si la société n’est pas encore mûre, le pouvoir doit être confiée à un groupe élitaire… ce pouvoir ne sera jamais livré à une quelconque idéologie « laïque ». Le peuple n’ayant pas de guide religieux présent, c’est lui qui choisit le remplaçant de son imam : Shari’ati ne parle pas de suffrage populaire, c’est que le peuple, ayant reçu une mission sacrée, celle de se guider lui-même, on ne peut pas envisager qu’il ne se forme pas dans la communauté dirigée, un consensus. D’avance la résistance à un tel consensus est condamnée… » (Yann Richard, Le Monde, 31/01/1979).
Or, en Occident le capital n’a pu se libérer d’une foule d’entraves à son développement qu’à la suite de cette séparation qui fut vivement réclamée lors de chaque révolution bourgeoise. L’antique communauté a été fragmentée, détruite. Le capital, nous l’avons montré, a pu la remplacer en se constituant lui-même en communauté.
En Iran on a donc une donnée différente : la vieille communauté n’a pas à s’opposer à un phénomène révolutionnaire qui la minerait et à partir duquel pourrait s’édifier une autre communauté, il y a opposition directe à la communauté du capital, même si c’est masqué par opposition à l’État ou par l’affrontement à la démocratie.
Nous avons vu que dans les pays où la communauté est très résistante le seul moyen où le capital peut s’y implanter c’est celui à partir duquel il s’est constitué en communauté. En conséquence les évènements d’Iran se révèlent comme étant particulièrement importants au regard d’une telle affirmation-théorisation et au regard du devenir immédiat de l’espèce.
Le résultat des luttes en cours sera le triomphe de la communauté capital parce que la communauté que veulent restaurer-implanter les chiites iraniens n’abolit pas les présuppositions de la domination formelle du capital sur la société : propriété privée, argent, salariat, etc. Sans oublier que l’intense urbanisation qu’a connu l’Iran au cours de ces dernières années a déraciné en grande partie la vieille communauté, de telle sorte que la communauté islamique rénovée risque fort de n’être qu’une simple communauté illusoire. En outre, cette tentative a lieu dans une ambiance internationale où le capital a réalisé sa domination réelle, stade où il est apte à tout englober. L’Ayatollah Khomeiny parviendra d’une façon ou d’une autre au pouvoir, mais le compromis qui s’instaurera entre les deux communautés permettra en définitive au capital de parachever sa pénétration8. En effet le capital n’a plus besoin de fragmenter la totalité antérieure. Il peut intégrer plus ou moins immédiatement une vieille forme communautaire. Ainsi on peut très bien penser que l’Islam demeurera essentiel dans la future communauté iranienne. Tout en étant apparemment la représentation qui détermine la vie, il sera en fait l’élément qui colore la représentation du capital. Il n’y aura pas eu de séparation mais l’Islam sera vidé de sa substance et à son tour extériorisé.
Évidemment la victoire complète du capital n’est pas inéluctable et l’on pourra voir formation d’une société instable parce que le processus de domination des hommes et des femmes au capital aura été enrayé. J’indique ici le phénomène tendanciel.
L’importance de la révolution iranienne découle du fait qu’elle est une révolution contre le capital qui ne peut plus recourir à la représentation marxiste pour se déterminer, d’une part parce que la communauté chiite est trop forte pour qu’il y ait besoin d’un substitut à l’Islam et d’autre part à cause de la faillite du marxisme représentation d’une communauté tendant à abolir les classes.
En dehors de l’Iran on peut trouver d’autres exemples de par le monde du refus de la communauté du capital. Cela devient tellement puissant que le « grand récupérateur », le pape, reprend le thème et déclare qu’il s’oppose autant au communisme qu’au capitalisme. L’église catholique se rend compte, surtout à la suite des évènements d’Iran, que sa seule possibilité de survie est de se démarquer du système en place, d’en finir avec les divers aggiornamenti qui la rendent compatible avec l’immédiat, de devenir plus intégriste, et de reproposer sa communauté qu’elle essaie de virginiser. Mais ici, encore plus que dans le cas de la communauté chiite, il n’est pas possible qu’il y ait une autre voie, car l’Église garde les présupposés fondamentaux du capital. En outre, objectivement, elle joue un rôle essentiel dans la restructuration en cours de la communauté capital. Le pape qui vient de l’Est est nécessaire pour rendre indolore l’intégration de ces pays dans celle-ci.
Le refus est persistant en URSS travaillée par la nécessité d’un immense réajustement9. Le communisme mystifié est en fait un capitalisme honteux qui ne parvient pas à la hauteur du développement adéquat. Pour que se réalise un communisme mystifié tel qu’il se dessine en Occident, il faut un certain bouleversement des structures soviétiques. Au cours de celui-ci, le thème fondamental sera celui de la communauté et de l’individualité.
Les derniers évènements pourraient faire penser qu’en Chine, à la suite de son rapprochement avec le Japon et les USA, la greffe du capital se soit enfin réalisée10. Dorénavant celui-ci n’aurait plus de difficulté à s’implanter profondément d’autant plus qu’il s’est renforcé grâce au boom extraordinaire que connaissent les pays de la périphérie chinoise : Singapour, Hongkong, Corée du Sud qui sont autant de centres de propagation de l’onde capital. Mais il est difficile de se prononcer sur l’amplitude de la destruction de l’antique communauté chinoise et donc sur l’existence d’un support fondamental immédiat de ce refus à un développement donné, d’un refus fondé sur un passé. Or, le désir de communauté s’exprime également en dehors de l’existence de ce support, surtout quand celle du capital n’a pas réussi à s’implanter. Ainsi l’accélération du phénomène d’instauration du capital en Chine peut engendrer une immense réaction - encore plus puissante que celle bouleversant l’Iran - qui remette en cause l’implantation du capital et permette de poser les vraies données de la communauté non séparées de celles de l’individualité car la pénétration du capital en ce pays a aussi facilité le surgissement d’une exigence qui était réprimée par la vieille communauté despotique et que celui-ci peut accepter dans la mesure où il peut l’intégrer dans son mouvement de vie : l’individualité11.
Plus près de nous, le refus se constate dans l’apathie de la jeunesse (ce qui désole nos gouvernants) car lycéens et étudiants acceptent comme un moindre mal une insertion plus ou moins réussie dans les mailles du système ; dans l’indifférence vis-à-vis des partis et des syndicats ; dans la volonté de trouver de nouveaux rapports entre hommes et femmes, même si cela est source de violence ; dans la désaffectation des mythes de la science, de la technique et, en règle générale dans celui d’une rationalité souveraine. À cela s’ajoute le refus des femmes lesté de toutes les insuffisances et de toutes les compromissions ; sans oublier le phénomène de marginalisation, et un début de refus des médias instruments d’intégration du capital. Enfin la généralisation et l’intensification de la torture ne sont-elles pas nécessaires pour briser un refus ?
On a une situation particulièrement instable, trouble : les hommes abandonnent les « valeurs mâles », les femmes les remettent en cause soit en les utilisant à leur profit, soit en désertant le terrain où ces dernières s’affirment et en tendant à penser selon un mode féminin qui n’est pas explicité puisque les femmes n’ont pas encore saisi sa réalité. Ainsi la confusion fondamentale de la pensée actuelle est due à l’obsolescence du mode mâle de poser les problèmes alors que celui des femmes ne s’est pas encore imposé12.
À partir de la caractérisation de l’état de ce monde, il importe d’envisager la prévision émise en 1973 : « Nul optimisme ne nous chuchote que dans 5 ans commencera la révolution effective : la destruction du MPC. » (Contre la domestication, Invariance, série II, n°3, p. 113)
D’un point de vue immédiat, elle paraît fausse. On doit toutefois noter qu’il ne peut pas y avoir de prévision ayant une précision absolue, car le procès est en général plus lent que prévu et parce qu’en toute prévision gît le désir profond de celui qui l’émet et que le désir est toujours pressé ; il ne saurait attendre.
En réalité on doit envisager les phénomènes en tenant compte de la fin du procès révolution et dans l’optique de l’abandon de ce monde. Affirmer simplement ceci, est esquiver. Or, il faut étudier cette prévision et ce qu’il advient. On peut dire que sa part de vérité réside dans le fait qu’en 1978 de façon plus nette et déterminée qu’au cours des années antérieures, le refus dont il a été question plus haut s’est manifesté et que ce refus est gros d’une destruction du capital.
Cette explication permet de cueillir la permanence de la perspective mais ne clarifie pas la situation actuelle où il ne s’agit plus de lutter contre le capital. Déjà en 1973, on avait fait noter que cette destruction n’était pas directe, venant d’une opposition frontale des hommes et des femmes au capital. S’il y a bien instabilité du système baptisée crise par les économistes13, cela ne le met pas en cause et la catastrophe ne développe encore que ses prémisses (mais le cour des choses peut s’accélérer).
Il y a un élément fondamental qui se révèle depuis 1978, c’est que nous parvenons au bout du cycle capital tant du point de vue extensif qu’intensif, ce qui rend plus facile son abandon. Il est plus aisé de prendre position par rapport à quelque chose d’achevé que par rapport à quelque chose en voie de formation, de développement.
Du point de vue extensif, il s’agit de l’intégration des pays de l’Est et de ceux en voie de développement. Si cela ne se réalise pas pleinement, cela n’infirme pas la thèse. Nous avons vu que certaines aires opposent de terribles résistances à l’instauration achevée du capital. Dès lors on aura une situation encore plus trouble et grosse de catastrophes parce que l’autorégulation du capital pourra difficilement fonctionner.
Du point de vue intensif il s’agit de l’anthropomorphose du capital qui est très avancée en Occident.
Parvenu au stade final du cycle capital, le communisme mystifié, on peut alors poser que s’effectue une sorte d’évanescence de celui-ci sans que les hommes et les femmes soient capables de réagir (dégénérescence complète de l’espèce). Dans tous les cas, nous pouvons déjà constater que nous parvenons au bout du cycle et que l’humanité n’a pas été capable d’engendrer un mouvement enrayeur de sa domestication.
Ceci ne fait que confirmer la nécessité de notre injonction : « Ce monde qu’il faut quitter ». Il n’y a pas à détruire le capital, il y a à créer une autre vie ce qui implique une réflexion profonde sur ce qu’est devenu-devenant ce monde et sur cette vie autre au moment où s’effectue sa création. Une réflexion qui doit porter sur des millénaires car l’espèce humaine a connu trois moments essentiels qui sont trois moments d’errance : au paléolithique supérieur avec le développement de la chasse au gros gibier, au néolithique avec la culture des céréales, au XVIIIe siècle avec le développement du capitalisme industriel (le capitalisme = révolution agraire, K. Marx). Au cours de ces trois moments l’espèce résolu une question de survie qui était peut-être une donnée momentanée, mais la solution apportée devint définitive, c’est-à-dire persista après que le danger eut disparu. La culture des céréales par exemple permit à l’espèce de subsister avec une population qui avait cru dans la phase antérieure dans un milieu où les conditions climatiques avaient été perturbées et avaient rendu plus difficile l’approvisionnement. Mais ces céréales permirent une augmentation considérable de la population, un des éléments fondamentaux de l’errance de l’humanité ; elles perturbèrent durablement son alimentation et il n’est pas dit qu’elles soient réellement compatibles avec le régime alimentaire de l’homme et de la femme.
Au cours de ces trois moments, les rapports des hommes et des femmes à la nature et leurs rapports entre eux furent bouleversés et l’on peut noter une certaine continuité entre ces trois moments et notre situation actuelle ; ce qui ne nie en rien qu’il y ait d’autres possibles.
La réflexion doit porter également sur ces derniers qui furent niés, non pour les réaliser, mais pour sentir toute l’importance de la tendance invariante de l’espèce à une autre affirmation que celle qu’elle a effectuée ; ce qui implique l’immense refus de ce qui fut et est advenu.
Afin de préciser ce que doit être la « nouvelle vie », on exposera, sous forme de thèses, dans un travail ultérieur, la positivité de notre projet : quitter ce monde et enclencher une nouvelle dynamique de vie.
CAMATTE Jacques - Janvier 1979
1 À l’heure actuelle on considère l’information comme une néguentropie, une entropie négative qui pourrait régénérer un système, empêcher qu’il ne sombre dans le désordre, qu’il ne se désorganise, etc. Là encore se manifeste la tautologie : l’information est également présentée sur le plan économique en tant qu’élément fondamental qui permet d’apporter une énergie (exemple typique : l’innovation). C’est également une autre façon d’indiquer que le capital est représentation. Cependant on a affaire ici à un phénomène discontinu : on a des informations. Pour qu’elles soient opérationnelles, il faut que le capital ait constitué sa représentation où ses quanta d’information-représentation peuvent se mirer. Or il y a un accroissement démesuré, démentiel de l’information qu’il est difficile de traiter convenablement en dépit de l’accroissement de l’information et de la télématique, etc. Elle subit elle aussi une inflation. On serait en droit de ce fait de penser qu’il y a une augmentation inouïe des différences à l’intérieur du système. C’est certain, mais ces différences ne sont valables que si on peut les représenter, les utiliser. La solution de maîtrise du phénomène implique une automation toujours plus poussée qui tendra à une sélection des informations pour pouvoir réaliser le mécanisme de domination. On en revient toujours à l’instauration d’un despotisme généralisé et à la réalisation d’une solution dans des termes qui ne sont pas ceux posés dans les problèmes examinés.
2- Étant donné que les différentes valeurs ont un procès de genèse et de vie similaire à celui de la valeur économique (cf. Thèses provisoires, Invariance, série III, n°4), il est important d’analyser quel sera le retentissement de cette fin de cycle de l’équivalent général sur les autres équivalents généraux, supports de ces valeurs. On verra qu’il s’agit d’un phénomène plus ample et profond que celui décrit sous le nom de dissolution des valeurs.
De même il conviendra de revenir ultérieurement sur le fait que le capital est la valeur-substance devenue sujet et qu’il tend à fuir toute substantialisation, car, comme dans le cas précédent, cela a une importance considérable sur le mécanisme de la représentation.
3- Signalons qu’une inflation linéaire avec endettement indéfini de certains partenaires échangistes est impossible. Ce serait un devenir dans l’impasse. Aussi certains pays développés comme la Suède, l’Allemagne fédérale, ont renoncé aux sommes que leur devaient les pays les plus défavorisés. Ce qui est un contresens du point de vue du mercantilisme.
4- L’augmentation du prix de l’or et la baisse du dollar favorisent énormément l’URSS qui manque de liquidités et est fortement endetté.
5- C’est-ce qu’a compris C. Lévi-Strauss qui, dans un entretien avec J.M. Benoist (Le Monde du 21-22/01/1979), déclare ceci :
« Je pense que l’idéologie marxiste communiste totalitaire n’est qu’une ruse de l’histoire pour promouvoir l’occidentalisation accélérée des peuples restés en dehors jusqu’à notre époque récente. »
Tant il est vrai que maintenant les faits deviennent transparents. Dans ce même entretien, il aborde un thème qui tend à être perçu par un nombre de plus en plus grand de personnes : la nécessité de rejeter tout anthropomorphisme :
« Humilité devant la vie, parce que la vie représente les créations les plus rares et les plus surprenantes dont nous soyons témoins dans l’univers. »
« Le grand modèle, c’est le monde et la nature ; et quand je dis le grand modèle, ce n’est pas seulement le modèle représentatif mais, aussi, à la fois esthétique et moral. »
« Se préoccuper de l’homme sans se préoccuper en même temps, de façon solidaire, de toutes les autres manifestations de la vie, c’est, qu’on le veuille ou non, conduire l’humanité à s’opprimer elle-même, lui ouvrir le chemin de l’auto-oppression et de l’auto-exploitation. »
Il faut donc respecter toutes les formes de vie si l’on veut que soient respectées « toutes les formes de vie au sein de l’humanité.»
Mais pour réaliser pleinement un tel programme, il faut refuser toute la dynamique qui depuis des siècles a abouti à l’instauration du capital ; il faut rejeter toute la culture qui s’est autonomisée sur le fondement de se distinguer radicalement de l’animal, a fortiori du végétal.
6- Je reviendrai sur cet aspect dans la préface à la republication des points 1 et 3 des Thèses sur la révolution communiste parues dans Invariance, série I, n°6, 1969 :
1. Bref historique du mouvement de la classe prolétarienne dans l’aire euro-nordaméricaine des origines à nos jours.
2. Le mouvement prolétarien dans les autres aires : les révolutions anti-coloniales.
7- L’histoire du peuple juif nous offre un type exemplaire d’une telle lutte depuis l’époque des prophètes en passant par les différentes communautés qui pérennisèrent la communauté juive jusqu’à nos jours où l’État a triomphé et s’est à nouveau instauré, comme aux temps de Saul, signant la fin de cette dernière.
8- Le déroulement de la révolution iranienne confirme une énième fois le schéma de Marx. La révolution dérive de l’impossibilité de toutes réformes. Son procès commence dès que celles-ci sont tentées. Ainsi en 1963, le gouvernement du Shah voulu appliquer les réformes suivantes pour réaliser la « révolution sociale » : « Terres prises aux féodaux, dédommagés en quinze ans sur la base de leurs déclarations de revenus ; nationalisation des forêts et des pâturages ; vente des actions des usines gouvernementales pour garantir la réforme agraire ; participation des ouvriers aux bénéfices des entreprises ; vote des femmes ; lutte contre l’analphabétisme ; lutte pour l’hygiène ; reconstructions ; maisons d’ « équité » pour le règlement des litiges ; nationalisation des eaux ; rénovation urbaine et rurale ; réforme de l’administration, déconcentration de l’État » (Le Monde, 17/01/1979). Les réformes provoquées par la mise en branle des couches les plus proches de la communauté en place, radicalisant ces dernières qui ont tendance à chercher appui auprès des couches plus défavorisées ce qui affaiblit le pouvoir et permet à ces couches, les plus éloignées de la communauté en place, d’intervenir. C’est cette intervention qui, dans la dernière phase, s’accroît de façon exponentielle : « … libération des prisonniers politiques, levée de la censure, augmentation des salaires, satisfaction des revendication des religieux… Un an plus tôt, le quart de ces mesures aurait paru fabuleux ; à l’automne 1978, l’ensemble est reçu comme un dû et paraît encore insuffisant. En janvier, le peuple demandait des réformes, en septembre, il réclame le départ du souverain ; en octobre il exige le renversement de la dynastie. » (idem)
Dès lors le phénomène révolutionnaire ne peut plus être enrayé et doit aller jusqu’au bout.
C’est vrai qu’au sein de ce peuple, la classe ouvrière a eu un rôle déterminant pour paralyser la vie économique, mais ce n’est pas pour cela qu’on peut dire qu’elle a dirigé la révolution iranienne ou qu’elle va le faire. La classe ouvrière est une classe mobilisée et non mobilisatrice car l’idéologie dominante, conductrice, est l’idéologie chiite.
Enfin, il est intéressant de noter qu’après l’Inde, l’Iran est le seul pays qui tente de conduire une révolution contre le capital en s’insurgeant contre le progrès. C’est un point nodal de l’histoire, un point de changement fondamental.
9- Cf. Contre toute attente(?), Invariance, série III, n°5-6.
La révolution interne(?), Invariance, série III, n°4.
Un symptôme intéressant de décomposition permettant l’intervention d’une portion toujours plus ample de la population est l’évènement indiqué dans Le Monde du 25/01/1979 : « Des écrivains soviétiques non-dissidents refusent la censure et éditent une revue dactylographiée ». Car, comme il l’est indiqué dans la note concernant la révolution iranienne, à partir du moment où les couches les plus proches de la communauté en place entrent en conflit avec cette dernière un vaste bouleversement social se dessine.
La revue en question est Métropole qui ne « contient pas de textes à proprement parler politiques. Mais les auteurs traitent de thèmes généralement absents ou interdits dans la littérature officielle - Dieu, la mort, l’érotisme, le sexe, l’ivrognerie… »
10- Cf. De la révolution, Invariance, Série II, n°2, 1972.
La lettre à P.P. Poggio, Invariance, série III, n°2, 1976.
Avant chaque moment de « crise » du système capitaliste, la Chine semble être l’Ultima Thulé où l’on pense venir résoudre toutes les difficultés. En 1964, la Chine est reconnue par la France, ce fut trois ans avant la grande crise monétaire de 1967 et la rupture d’équilibre au sein de l’économie étasunienne, un des préludes de 1968.
En 1972, Nixon va à Pékin et les étasuniens s’enthousiasmèrent pour la Chine. Ce fut trois ans avant la crise de 1975.
Depuis la reconnaissance de la Chine par les USA, à la fin de l’an dernier, une immense fièvre s’empare des milieux d’affaire étasuniens qui ne pensent qu’à investir en Chine, à commercer avec elle, etc. (comme ce fut le cas après 1956 ; mais l’objet de l’émoi était alors l’URSS, ce qui prouve que rien ne se résout). Il est à peu près certain que dans trois ans (1982) nous aurons une autre phase de bouleversement qui pourrait être beaucoup plus conséquente, telle une catastrophe (ou une série) affectant le système capitaliste. À voir !
11- Il est un pays qui présente à plusieurs points de vue un intérêt considérable : le Brésil. Son puissant développement de ces dernières années intervient profondément dans la restructuration nécessaire de l’économie mondiale.
12- Le surgissement de l’être féminin à partir du moment où la domestication masculine s’effondre est un élément essentiel de notre histoire récente. On abordera ultérieurement cela en faisant ressortir un phénomène qui a été omis dans notre analyse du mouvement de Mai-Juin 1968, c’est que c’est dans les années 60 que se produit l’émergence de l’être féminin qui bouleverse tous les rapports entre hommes et femmes, cause de l’immense désarroi actuel.
13- Ce ne sont pas seulement les marxistes qui parlent de crise mais divers économistes comme on peut s’en rendre compte à la lecture du n°1598, 22 novembre 1978, de la revue Problèmes Économiques.
J. Attali y croit maintenant, lui qui, en 1975, parlait de « L’a-crise ». Dans Le Monde du 07/05/1978, il examine la « phase II de la crise » et il écrit entre autre ceci : « Enfin et dans la logique même de la crise, menace la forme suprême de la dévalorisation, la destruction physique des hommes et des machines, la guerre. Il ne faut pas s’en étonner. Cette crise, comme les précédentes, est une machine à détruire le passé. L’inflation, les crises financières, les faillites n’en sont que les formes symboliques, et la guerre, machine à détruire l’homme, est la forme ultime de cette tragique organisation du changement. »
Curieux comme la pensée officielle retarde : il y a près de 25 ans Bordiga parlait déjà de Homicide des morts pour expliquer le phénomène de lutte contre la dévalorisation. Maintenant on devrait parler de décapitalisation. Enfin, considérer la guerre comme débouché du procès de changement, qui serait en fait un rajeunissement du capital, c’est être prisonnier du schéma du passé. La guerre n’est pas la solution inévitable du système parce que l’œuvre qu’elle devait accomplir est amplement réalisée : la domestication des hommes et des femmes. Ceux-ci s’ils sont trop nombreux, peuvent être éliminés sans guerre. Nos théoriciens oublient que le capital s’est anthropomorphisé et qu’il ne peut plus se comporter comme auparavant !
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