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Rupture de continuité et Inversion








Pour situer vraiment et pleinement, à la fois le moment actuel d'errance et l'urgence du devenir à l'inversion1, il convient d'apporter des précisions sur deux phénomènes fondamentaux de la répression, piliers de l'autodomestication de l'espèce et de son enfermement: la répression parentale conjointe à la mise en place de la dynamique de l'inimitié et l'élimination de l'affectivité couplée au triomphe de l'indifférence, elle-même en accord avec le procès d'indifférenciation des êtres. En ce qui concerne la première je tiens à préciser qu'elle est initialement inconsciente: les parents ne faisant que réactualiser les schémas comportementaux qu'ils ont subi au cours de leur éducation, depuis leur naissance. En conséquence le père et la mère ne reconnaissent absolument pas la naturalité de leur enfant qui se présente unique et absolument nouvelle pour laquelle ils ne peuvent avoir aucune connaissance a priori, c'est-dire avant la mise en rapport effective avec le bébé. Or en ce cas la seule dynamique qui s'imposerait c'est l'écoute profondément empathique, donc la mise en continuité avec l'émerveillement de la découverte. Mais n'ayant aucune connaissance immédiate de ce qu'ils furent au moment où ils vinrent au monde, un vide s’impose à eux qui est comblé par un savoir social, condensé théorique de la répression. Ce savoir stipule que le bébé est un être dépendant, ayant peu d'activité cérébrale lui permettant d'opérer, peu sensible, une vraie tabula rasa, etc. Il est tout au plus animal et son animalité doit être réprimée pour qu'il advienne femme, homme. Ce savoir crée une distanciation, et une répression de l'enfant. En conséquence, le père ou la mère n'enregistre pas l'activité du bébé mais les réactions à leurs interventions dictées par le savoir social. Cela implique qu'il n'agit pas en exprimant sa naturalité mais réagit, moment originel de la mise en place de la dynamique de l’intervention sur ou contre, au lieu de l'action avec ce qui, à la limite, peut inclure tout le cosmos. Cette dynamique réactionnelle signale à la fois la mise en déréliction et une brisure de continuité d'avec ce dont il provient, initiant son extraction de celle-ci fondant sa naissance sociale et le possible se sa manipulation2.


L'aveuglement devant la naturalité du bébé, de l'enfant, l'absence de connaissances immédiates, naturelles à son sujet est en accord avec la dynamique de sortie de la nature, de la négation de son importance et de la volonté de la dominer. Il correspond au point d'ancrage d'un nœud où s'entremêlent toutes ces données. Le père ou la mère en présence du nouveau-né n'est pas seul ou seule mais escorté ou escortée en quelque sorte par les membres de l'espèce spéciosée qui font pression pour qu'il ou qu'elle opère dans la dynamique de séparation, donc dans la répression. De telle sorte que même si la mère et le père recèlent en eux une forte naturalité, elle est pour ainsi dire enrayée et masquée, ce qui renforce l'ambiguïté de la relation et même la confusion en ce sens que les parents pour réprimer doivent se réprimer eux-mêmes.


Nous allons préciser en nous aidant de l'apport de Elena Gianini Belotti: «Que se passe-t-il entre la mère et le garçon nouveau-né? Que se passe-t-il entre la mère et la petite fille qui vient de naître, Il est hors de doute que la mère s'attend à un certain type de réponses, de réactions, d'attitudes conformes au sexe de l'enfant, mais par quelles interventions est-elle en mesure d'induire l'enfant à modifier certains comportements qu'elle n'approuve pas parce qu'ils n'entrent pas dans les schémas prévus? 3 »


L'attente d'une réponse implique en fait une non écoute de l'enfant. Si les réponses ne satisfont pas l'adulte, on comprend qu'il puisse en résulter chez celui-ci une irritation, une colère, le pointement d'une inimitié. L'adulte pouvant pour expliquer la non adéquation de la réponse projeter en l'enfant une certaine animosité. Enfin l'attente de l'adulte génère souvent une certaine angoisse chez l'enfant. Elle est pour lui une charge lestée d'ambiguïté. Il n'y a pas de vécu immédiat, pleinement concret.


Ensuite elle met bien en évidence comment l'haptogestation comportant des relations corporelles profondes entre la mère et l'enfant opérant dans la continuité et donc dans l'immédiateté et la concrétude est remplacée par une simple extérogestation, une gestation à l'extérieur et parfois presque dans l'extranéité où s'imposent les pratiques déterminées par la spéciose et l'ontose. Elle rappelle d'abord: «Le fait d'être nourri au sein, et pour une période suffisamment longue, ne représente pas un avantage purement physique, mais aussi psychique. Il signifie pour l'enfant la preuve tangible de la disponibilité du corps maternel à son égard, et en retour, l'importance de son propre corps4.» Elle ajoute: «C'est précisément dans cette acceptation profonde du corps de l'enfant par la mère que naît "l'estime de soi", qui est souvent si rare chez les filles et si excessive chez les garçons5"L'estime de soi" est déjà un sentiment lesté par l'ontose car elle relève de la dynamique de la valorisation. Ce dont il s'agit en fait c'est de l'aptitude à s'affirmer en tant qu'être émergeant du phénomène vie, rendu possible par l'accueil profond de la mère. Je dois noter toutefois que E. G. Belotti a mis des guillemets au syntagme estime de soi, ce qui peut laisser supposer que ceci ne la satisfait pas pleinement.


Elle nous donne ultérieurement des indications sur l'oscillation acceptation-refus qui met l'enfant dans une dynamique où s'impose de façon inconsciente l'ambiguïté de la mère. «Les pauses (entre les phases de succion, ndr) semblent au contraire une perte de temps inutile ou une paresse volontaire de l'enfant ( il est très paresseux disent souvent les mères) quand il ne parvient pas à considérer celle qui le nourrit comme une puissance autoritaire. Lui concéder la liberté de se reposer, de "ne pas faire" dans une série d'actions dans lesquelles la part active est essentielle, signifie que l'on réussit à se mettre "de son côté", à le comprendre intimement, à le considérer comme un individu, à respecter son propre rythme, dans ses exigences individuelles, dans ses demandes spécifiques, une personnalité qui n'appartient qu'à lui.6»


«C'est justement dans ces premières concessions à son autonomie, insignifiantes en apparence, que se manifeste l'hostilité ou la bienveillance de la mère. Et si l'hostilité survient, le besoin de nier sa liberté, de le plier à ses désirs, de lui imposer une discipline, de le soumettre le plus tôt possible et définitivement, apparaît aussitôt, cette nécessité de s'imposer immédiatement, de soumettre l'enfant, est bien plus forte quand il s'agit d'une fille.7»


Les quelques citations qui suivent illustrent comment l'ambiguïté de la relation se met en place des deux côtés.

«La mère communique parfaitement son état d'âme et ses désirs à l'enfant qu'elle allaite. Le nouveau-né a une sensibilité très aiguë de la manière dont on le tient. Il apprend très vite, à de nombreux signes, s'il lui est permis de s'abandonner tranquillement aux plaisir du repas, ou si ceux-ci sont interdits.»


«Le nouveau-né perçoit très clairement le moindre malaise: il cherche alors immédiatement à comprendre ce qu'on veut de lui pour tenter de s'y conformer, parce que le malaise lui est intolérable.»


«On doit toujours garder en tête que le petit enfant perçoit les interventions dirigées contre ses pulsions comme des actes d'hostilité contre lui tout entier et pas seulement contre une pulsion précise.»

«Il est évident que les mères ressentent les tentatives faites par leurs enfants pour maîtriser leur propre alimentation selon leurs désirs comme un affront et une manifestation de défiance.»8

Successivement nous avons l'expression de la répression consciente et la sortie de l'ambiguïté ce qui n’annihile pas l'amour profond de la mère qui est refoulé car la continuité ne peut pas être abolie si ce n'est à travers une immense crise psychique qui peut conduire à la folie.


«Dés lors éclatent des conflits ouverts, car la mère se rend compte que l'enfant menace son autorité, son désir de lui donner des ordres, de le contrôler et de le discipliner. Leur rapport se transforme en méfiance continuelle (pas de continuité possible), et la lutte est permanente. La mère tolère, désire même intimement que son fils lutte contre elle et prenne l'avantage (mise en place d'une autre modalité de l'ambiguïté), car "c'est dans l'ordre naturel des choses" (comme pour la mère, le fait de sortir vaincue de la lutte). Rejouement de sa relation à l'homme) Mais elle ne l'accepte pas de la part de sa fille, et elle ne tolère pas qu'elle prétende à l'autonomie (elle n'a pas eu cette autonomie, et à cause de cela, elle doit prendre sa revanche sur quelqu'un d'une façon ou d'une autre) elle n'accepte pas davantage qu'un être semblable à elle, mais non égal, soit sa rivale. C'est là que commence la répression la plus directe, la plus impitoyable, la plus implacable.»9


E.G. Belotti ne parle pas du cas où c'est un petit garçon, mais je pense qu'il peut en être ainsi également pour lui, même si cela est moins intense puisque, alors, le rejouement lié au statut de femme ne s'impose pas. On peut également tenir compte de cas où la mère peut se soumettre et se sacrifier, dynamique qui peut réactiver l'ambiguïté et introduire une immense instabilité dans la relation mère-enfant. Dans la suite du développement cette ambiguïté va être le point de départ de la dynamique de l'ambivalence qui s'affirme dans la diachronie alors que l'ambiguïté le fait dans la synchronie.


En règle générale les conditions de vie faites aux enfants sont très dures pour eux du fait que leur présence et leurs désirs sont rarement pris en compte et parce que très souvent leur existence occasionne de nombreux problèmes et une remise en cause. Tout dans le corpus social est organisé en fonction des adultes et ce qui a constamment primé c'est le procès social déterminé par les exigences économiques sans oublier que les mécanismes économiques ont été mis au point pour remplacer les relations humaines se réduisant de plus en plus du fait de la domestication et de l'artificialisation. Et ceci ne date pas d'hier. On peut se demander, par exemple, si la théorie de la réincarnation ne visait pas inconsciemment, dans une grande ambiguïté, à escamoter la mère et l'enfant.


Les difficultés de vie auxquelles sont soumis les enfants dérivent de la prise de position de l'espèce par rapport à la nature, du conflit entre les sexes qui n'ont pas la même approche ni le même comportement en ce qui concerne la sortie de celle-ci, enfin du conflit entre dominants et dominés (dont celui entre les classes durant toute la période où elles furent opérationnelles). Les différentes contraintes s'entremêlent et une étude approfondie serait nécessaire pour tenter de mettre en évidence le rôle de chacun des facteurs intervenants dans la dynamique tant de la répression que de la «libération».


Se séparer de la nature entraîne une perte de relations naturelles plus ou moins immédiates qui doit être compensée par une éducation. Éduquer c'est s'adapter ou adapter quelqu'un ou quelqu'une à une voie nouvelle, non naturelle, originelle. C'est dominer, discipliner l'autre, mais c'est aussi se maîtriser soi-même en éliminant ce qui perturbe: l'affectivité, les émotions. Le rejet de l'affectivité dénote une emprise du doute, une haine de soi et conduit à la fermeture à la perception sensible de l'autre, à sa sensibilité, à la limite cela peut conduire à n'être plus affecté que par soi: la folie. Tant que la rupture de continuité n'est pas opérante, prévaut la recherche d'un ersatz d'affectivité.


En ce qui concerne l'enfant, cela commence très tôt avec la répression parentale. On peut dire que la condition des enfants est déterminé par le fait qu'ils ne peuvent vivre que s'ils réalisent la condition qui leur est imposée: respecter toutes les conditions déterminées par les attentes des adultes


Nous avons mis en évidence la puissance de celle-ci dans De la vie et dans Addendum 2010 et nous avons cité divers auteurs ayant eux aussi opéré une approche similaire. J'ajoute Le corps redressé De Georges Vigarello10 à cause de sa puissante mise en évidence de la négation de la naturalité tant chez l'enfant que chez l'adulte. Son étude du redressement de la posture donne lieu à une investigation concernant toutes sortes de données: la position (et la pose), la prestance, la silhouette et la tournure, l'allure, auxquelles sont liées les notions de distinction, d'élégance, l'attitude et le maintien qui implique de se gouverner, d'avoir la maîtrise de soi et ceci est en relation avec la tenue (et la retenue), la rectitude et le tonus qui permet la réalisation des divers phénomènes. En plus des exigences d'élégance, de distinction, de maîtrise de soi interviennent constamment les exigences sociales de la convenance, de la politesse (civilité), de la bienséance. En définitive il s'agit de la réalisation de la station verticale et de la question de porter, de se porter, de se comporter. «"Bien porter le corps" est ce qui distingue dans un code subtil de l'élégance et de l'apparence11 ». Certes G. Vigarello a en vue ici la société de cour, mais en fait on peut dire que tout se passe comme si un précepte: il ne suffit pas que tu sois, il faut que tu signifies selon un code donné, était constamment opérant. Cela entre en contradiction totale avec la dynamique de l'haptogestation telle que l'expose F. Renggli qui considère que jusqu'à ce qu'il commence à marcher l'enfant doit être porté. Être porté lui permet d'acquérir un port mais surtout un mode d'être, un positionnement affectif, social, qui lui permet une affirmation harmonieuse. Un être qui n'a pas été porté aura tendance à exprimer une réticence dans sa posture, son maintien et une tendance à se faire porter ainsi qu'à difficilement supporter les autres.12.


Voici un certain nombre de citations illustrant notre propos


«Le pétrissage est comme un préalable à la reconnaissance sociale. L'enfant entre dans un milieu qui semble avoir à imprimer, très concrètement sur lui, un modèle par ailleurs donné».


«Le nourrisson n'est plus qu'une addition passive d'organes soumis à l'imaginaire de l'adulte.»


«Extrême et révélatrice est donc cette image, d'une prime enfance soumise de part en part à une main qui la modèle en la pétrissant».


«C'est vers le fin du siècle (XVII°) que le placement d'un "corps préventif " et correcteur, fait d'un montage de baleines, mais parfois aussi de fer et même de cuir bouilli, deviendra un accompagnement commun de l'habit destiné aux âges les plus tendres.»


«Éduquer un enfant était, dans ce cas, le contraindre physiquement par une mécanique offrant des critères de rationalité. Plier son corps à des forces durables et très visibles, ou plus exactement le modeler quasiment comme un objet.»


«La posture et sa rectitude étaient présentées comme obéissant à une exigence sociale ou mondaine. Elle est maintenant essentiellement référée à une exigence hygiénique voire physiologique.»


«La dépendance de l'enfant ne vient plus s'incarner dans une application très matérielle de forces quasi métalliques, mais dans des exercices qui ambitionnent à le plier aux plus diverses rigueurs.»


«Celles-ci (épreuves) sont dispensées sans hésitation. Leur choix indique des exigences tranchées et une domination sur l'enfance encore mal questionnée. À la limite, parfaire le corps c'est le rendre insensible.»


«L'image d'une organisation primera sur celle de dynamismes diffus. La maîtrise à l'égard de l'enfance passera par une maîtrise et une élaboration de chacun des déplacements proposés, de même que par la la constitution d'une systématisation d'exercices délimités, entrecroisés, construits pièce à pièce. (….) L'enfant sera pris dans un réseau d'instructions chargé de circonscrire, de "réécrire" et de guider la "géométrie" de ses dynamismes élémentaires. Il aura à se soumettre, pour la première fois, à la planification indiscutée d'un travail.»


«Un pouvoir qui était jadis véhiculé par un corset et plus tard par des "épreuves" l'est maintenant par une distribution méthodique et impersonnelle des espaces et des temps, assignant à chacun une place et une motricité prédéterminées.»


«L'école reprend, avec force, au XIX° siècle, la visée d'immobiliser l'enfant.»


«En ce milieu du siècle, l'attention s'est effectivement déplacée, et sans doute assiste-t-on à une des phase extrêmes d'un long parcours où la main correctrice se fait plus abstraite en même temps que plus adroite et pesante. Le précepte redresseur, donné ici encore comme un absolu, après s'en être remis dans un lointain passé à la pression silencieuse des manipulations, et après s'être plus récemment orienté vers la fixation d'un espace aux lignes impératives, pense maintenant trouver les voies d'un accueil plus durable parce que visant la normalisation. Le travail normatif connaît un de ses aboutissement dans cette parole qui, avant même de mettre en scène des gestes, voudrait mettre en scène des sensations.»


«Le corps éduqué est un corps "informé". Le principe d'un organisme livré à une conscience maniant des représentations ne fait que se renforcer13 ».


On a le passage ensuite à l'autocontrôle. Puis l'auteur examine les psychothérapies dont celles qui intègrent la psychanalyse et utilisent l’œuvre de W.Reich particulièrement en ce qui concerne la carapace (armure) corporelle. On a un envahissement de la psychologie et le but est d'"atteindre" l'inconscient des postures 14.

La volonté de former, d'éduquer l'enfant, perturbe, rappelons-le, l'haptogestation et la fait "dévier" de sa naturalité, dérive du fait de l'insatisfaction, voire de la non acceptation d'eux-mêmes et d'elles-mêmes, de la part des hommes et des femmes comme l'attestent de façon exemplaire les pratiques visant à modifier le crâne, en recourant parfois à des prothèses rigides à diverses époques et en divers lieux. La dynamique de l'homme augmenté a de nombreux antécédents.


Les citations de E.G. Belotti que nous avons faites mettent en évidence les conséquences de la domination masculine dans les relations avec les enfants. Pendant les siècles de mise en place du patriarcat la lutte des «deux sexes pour la possession du pouvoir suprême15 », l'enfant, a été un sujet de contestation du fait même qu'il était signe du pouvoir, un enjeu. Les conséquences de cette lutte vont beaucoup plus loin parce qu'elles s'effectuent en même temps que la sortie de la nature – les deux phénomènes sont en fait indissociables – opérée dans une dynamique quelque peu différente selon les sexes. Les femmes ne voulaient pas être dominées par elle du fait même que les hommes tendaient à les réduire à celle-ci (ou à la matière); les hommes voulaient la dominer et par là dominer les femmes. En conséquence la condition des enfants ne pouvait qu'empirer étant propulsés toujours plus dans l'artificialité et en quelque sorte abstraïsés du continuum de vie.


Ce qui est le plus intéressant et fascinant selon moi dans l’œuvre de J.J Bachofen c'est son investigation passionnée des rapports hommes-femmes lors du passage de ce qu'il nomme gynécocratie (qu'on peut traduire période où les femmes ont un pouvoir) à la société patriarcale qu'il justifie comme étant nécessaire pour s'émanciper des manifestations de la nature, car son débouché nous concerne pleinement à l'heure actuelle.


Voyons ce qu'il expose.

«Le lien de la mère avec l'enfant repose sur un rapport matériel: il est perceptible aux sens et demeure toujours une vérité de nature; à l'inverse, la paternité génératrice présente dans tous ses éléments des caractéristiques complètement différentes: privée de tout rapport visible avec l'enfant, elle ne peut jamais dépouiller, même dans le lien matrimonial, sa nature de fiction pure et simple. Parce que la naissance relève uniquement de la médiation maternelle, l'action paternelle est toujours une puissance distante. (…) Toutes ces caractéristiques de la paternité conduisent à cette conclusion: dans le principe paternel, l'esprit s'émancipe des manifestations de la nature; et dans son affirmation victorieuse, la réalité humaine s'élève au-dessus des lois de la vie matérielle. Le principe maternel est commun à toutes les sphères de la création tellurique. Mais l'homme, grâce à la prééminence qu'il confère à la puissance génératrice, échappe à ce lien et devient conscient de la vocation supérieure qui est la sienne.16


«Là, enchaînement à la matière, ici développement spirituel. Là obéissance inconsciente aux lois; ici individualisme; là don de soi-même à la nature, ici élévation au-dessus d'elle, destruction de toutes les anciennes limites de l'existence; la tension et la souffrance prométhéenne , au lieu du repos durable, de la jouissance paisible et de l'éternelle minorité dans un corps vieillissant.»


«La paternité, toujours, est fiction. Dans le cadre matrimonial, elle surgit du mariage lui-même, et l'exclusivité qu'on lui reconnaît.»


«Le règne de l'idée appartient à l'homme, tout comme celui de la vie matérielle appartient à la femme.»


«La paternité accède au royaume immuable de l'être...»


Voyons comment nous pouvons intégrer ceci dans notre approche sur la répression des enfants et l'évanescence de l'affectivité, sensibilité


Le débat, le heurt entre les sexes s'effectue entre la femme en tant que mère et l'homme en tant que père – l'homme n'est homme que s'il accède à la paternité. Autrement dit pour la femme il s'opère une réduction en laquelle les hommes, au cours de siècles ont voulu la maintenir, tandis que pour les hommes il y a accès à une totalité. Toutefois pour la première sa maternité est indéniable et relève d'une certitude immédiate. Ce n'est pas le cas pour l'homme, sa paternité n'est pas évidente17. En conséquence il doit postuler l'existence d'un principe supérieur auquel il est apte à accéder, principe qui donne vie à la matière: l'esprit. Mais ce faisant nous n'avons plus un engendrement, une procréation, mais une production. Nous pouvons mettre cela en relation avec la mise en place de l'agriculture et de l'élevage au néolithique où le paradigme de l'activité de l'espèce devient la production et l'homme un producteur. Il est évident que pour en arriver là il fallut diverses étapes dans la dynamique de séparation que ce soit la fondation de la femme en tant que mère, l'instauration du mariage, de l'héritage, en rapport avec le développement de la propriété privée et pour l'Occident particulièrement, le surgissement de l’État18.


Une autre modalité de l'opposition et de l'affirmation des deux sexes concerne le devenir et l'être. Le premier serait lié à la femme, particulièrement à la mère, devenir qui implique naissance et mort et donc une dépendance. Les hommes pour échapper à celle-ci et donc à la mère ont recherché l'immuabilité de l'être et la transcendance qui est échappée à la dépendance comme cela vient à être affirmé avec, dans l'aire grecque les premiers philosophes comme Parménide mais qui s'impose jusque dans la période alexandrine avec Plotin ou Proclus. Mais il en fut de même dans l'aire hindoue où les penseurs recherchèrent l'absolu, ce qui ne dépend de rien.


«En premier lieu ce qui frappe c'est la grande concrétude qu'ils attribuaient à l'acte de connaître: intuitionner une forme de réalité ne signifie pas pour eux de lui rester en face en la reflétant en soi mais en restant séparés; c'est au contraire une absorption en soi de l'objet, une appropriation de son essence; cela veut dire "l'obtenir" ou, la plupart du temps, "devenir" la chose elle-même. L'acte de connaissance est un acte d'identification. (…) Et dans les situations qu'ils rapportent, domine la recherche angoissée de cette connaissance grâce à laquelle on devient le Tout.19»


Cette identification permet d'échapper pleinement à la dépendance, donc à l'enfance qui doit toujours être escamotée. Enfin, que ce soit en Grèce ou en Inde, ce déploiement du procès de connaissance s'impose à moi comme une première approche de la virtualité.


Nous constatons que dans tout l'ouvrage de J.J. Bachofen le débat entre les sexes concerne les adultes et que la coupure entre eux, comme avec la nature, implique une immense rationalisation qui est en fait une entreprise de sécurisation afin de se rassurer, la perte de la sensibilité corrélative à la coupure engendrant une angoisse car inconsciemment s'affirme une perte du fait que tout le réel n 'est plus envisagé. Il n'est tenu compte des enfants que dans la mesure où ils sont supports de contestation, d'affirmation, jamais pour eux-mêmes car ce serait alors envisager leur naturalité que les adultes veulent absolument abolir car signifiant leur dépendance. Ils sont en définitive escamotés.


Or ce qu'il y a de plus effrayant c'est cet escamotage même dans le cas où les enfants sont voulus. En effet la passion de l'enfant20, le désir irrépressible d'en avoir un, tout cela n'est pas questionné. En fait l'enfant est désiré en tant qu'enfant sauveur, ce qui s'affirme de façon inconsciente même si parfois cela affleure au domaine conscient, et pour former une communauté certes à une échelle réduite, mais une communauté; dynamique qui est un des fondements principaux de la surpopulation.


L'enfant, le bébé n'est en fait pas réellement pris en compte même quand il est ardemment désiré, il l'est pour l'adulte non pour lui-même, en cela il est objet. Cela est très manifeste dans les pratiques d'adoption par l'entremise de sociétés privées: si l'enfant adopté ne correspond pas aux exigences du couple adoptif, il est renvoyé.


Toutefois jusqu'à maintenant le bébé, puis l'enfant n'était pas assimilé totalement à un objet même si souvent, insistons-y, il fut et est l'objet de manipulations. Ce n'est plus le cas dorénavant avec le développement de la médicalisation de la reproduction, de l'intervention des scientifiques (biologie de synthèse) dans ce domaine. En effet la procréation médicalement assistée, la location d'utérus, la production de gamètes à partir de lignées somatiques telles que les cellules souches de la peau, jusqu'à la mise au point de l'utérus artificiel nous font entrer dans une phase d'assistanat généralisé21 et l'embryon, le fœtus, le bébé, engendrés autrefois par un procès naturel en continuité avec tout le procès de vie deviennent des produits, des objets,. En outre la production peut être interrompue à n'importe quel stade. Les parents deviennent évanescents avant de probablement disparaître ultérieurement. En fait nous assistons à une libération - dépossession de la reproduction et la fin d'une fonction de continuité. Ce que l'on peut présenter également comme la mise en place d'un devenir de l'instauration d'une expulsion du procès de vie naturelle. Ainsi, si la propriété foncière a été une médiation importante pour les relations de parenté durant la période de prééminence de la femme, puis lors du patriarcat, si le mouvement de la valeur en fut une autre lors de la pleine instauration de ce dernier, le mouvement du capital, particulièrement dans sa phase actuelle de l'autonomisation de sa forme, dissout toutes les relations de parenté.


En ce qui concerne les personnes qui, d'entrée, mettent les enfants de côté, les escamotent ouvertement, les choses sont très claires.


«Or ce lien "évident" entre sexualité et reproduction a été singulièrement distendu dans nos société occidentales modernes. D'une part les nouvelles techniques (le stérilet, la pilule, la pilule du lendemain, sans parler de l'avortement, largement légalisé) permettent de penser une sexualité sans reproduction, et d'autre part, d'autres processus (l'insémination artificielle, la fécondation in vitro, les bébés éprouvettes, et pourquoi pas dans le futur des gestations ex utero, voire le clonage reproductif permettent de penser la reproduction sans sexualité. On le voit, sexualité et reproduction seraient deux pratiques encore plus disjointes qu'elles ne le sont déjà. Dés lors, serait-ce le triomphe de l'autonomie du couple hétérosexuel? Ou au contraire, la culture hétéro-sexuelle n'y perdrait-elle pas sa légitimité historique? Serait-elle condamnée à disparaître? Certes non. Mais elle n'aurait plus la force d'évidence qu'elle pouvait avoir autrefois. Les couples hétérosexuels continueraient sans doute à exister, mais pas pour la reproduction. Car pour cela il y aurait des techniques spécifiques. Ces couples se rencontreraient, se formeraient, comme les couples homosexuels; pour le pur plaisir. Pour ce qui est des enfants, on utiliserait les techniques ad hoc, disponibles pour tous.»22


Ce texte appelle quelques remarques. Tout d'abord signalons qu'il y a longtemps que la pensée d'une reproduction sans sexualité s'est imposée. En revanche ce qui est nouveau, c'est le possible de sa réalisation. De même en ce qui concerne la séparation sexualité amour dont il n'est même pas question dans ce texte. À sa place s'impose le plaisir23 et sa multiplication ce qui évoque la passion papillonne (qui évite la lassitude) que magnifia Charles Fourier, ainsi que la combinatoire. En outre la satisfaction d'un plaisir se ramène le plus souvent , dans le cadre de notre société, à une libération de tensions, où chacun des partenaires est enfermé en celle-ci, l'autre n'étant plus qu'un support.


Ensuite, évidemment, s'affirme l'exclusion des enfants dont on peut d'ailleurs se demander à quel moment la nécessité de leur production s'imposera et si, finalement, il ne sera pas envisagé de s'en passer en les faisant élever-éduquer par des robots, conformément à la dynamique de la substitution prévalant au sein de la spéciose.


Ainsi la réalité d'aujourd'hui tend à rendre effectif ce qui était dénoncé, il y a plus d'un siècle: «... le théâtre français est un théâtre où l'on parle toujours d'amour et jamais d'enfants, cela signifie qu'on n'établit pas de rapports entre les deux choses.»,24


De nos jours le comportement des enfants témoigne de plus en plus de leur difficultés énormes d'adaptation à ce monde25. Le fait qu'ils doivent s'adapter impliquent qu'ils n'ont pas d'autonomie et qu'ils dépendent de leur environnement qui leur impose un mode d'être, sinon il ne s'agirait pas d'adaptation mais de la recherche d'une modalité d'être qui soit compatible avec leur procès de vie. Et ceci a opéré aussi au niveau de l'espèce à partir du moment où elle s'est séparée de la nature et n'opère plus symbiotiquement avec elle mais doit s'adapter à la séparation. La dynamique imposée par celle-ci implique de devoir constamment produire des relations avec l'environnement car les fonctions de continuité ne sont plus opérationnelles.


Rappelons que la coupure d'avec le reste de la nature, est un processus insidieux, lent en réponse à une menace26, qui préoccupe hautement l'espèce qui de ce fait est hantée par ce qu'elle fut et qu'elle est. Elle consiste en l'effectuation d'une discontinuité qui s'opère sur des milliers d'années jusqu'à nos jours. Au cours des millénaires, couper signifia s'adapter, et s'affirmer consista à se séparer.

Les moments importants de la sortie de la nature se produisent au paléolithique avec la chasse au gros gibier, au néolithique avec l'élevage et l'agriculture, au VII° siècle avant notre ère avec le déploiement du phénomène de la valeur: la monnaie universelle qui permet de substituer toutes les relations humaines par des relations monétaires (de valeur) et de mercantiliser la nature (une façon de l'extérioriser pour la manipuler) et a aussi permis de consolider la domination patriarcale. Toutefois une certaine continuité, génératrice d'ambiguïté était maintenue avec la nature. Actuellement la sortie s'accompagne d'une rupture qui tend à s'approfondir et l'ambiguïté disparaît du fait qu'hommes et femmes tendent à échapper à celle-ci en optant pour un devenir dans l'artificialité. Cette ambiguïté que le procès de rationalisation de tous les aspects du procès de vie humain, à commencer par le procès de connaissance, très puissant à partir de la fin du XVIII° siècle, n'avait pas réussi à éliminer. Ce n'est qu'avec la mise au point de la cybernétique, puis de l'informatique que cela a été rendu possible par l'intermédiaire de machines imposant, comme cela s'effectue de plus en plus, les normes rationnelles jusque dans le domaine de la reproduction et la vie affective. Désormais hommes et femmes foncent dans la mise en place de l'artificiel en fondant une divergence avec ceux et celles qui tendent et tendront à choisir l'inversion.


Les difficultés dont nous avons parlé deviennent un support pour la mise en évidence de maladies psychiatriques et, à partir de là, de la mise au point de toutes sortes de médicaments qui sont en fait des drogues visant à normaliser, c'est-à-dire à réaliser l'adaptation remise en cause. Les divers gouvernements luttent contre les fournisseurs de drogues qui servent aux hommes et aux femmes à échapper illusoirement et dangereusement à ce qui les tourmente, mais veulent imposer celles qui fondent leur adaptation et leur dépendance.


La production des enfants in vitro signifie l'extériorisation et la séparation de la reproduction engendrant la possibilité d'un contrôle absolu sur l'enfant car la séparation permet la manipulation. En tenant compte que simultanément s'opère l'extériorisation du procès de connaissance avec la production de l'intelligence artificielle et le déploiement des sciences cognitives qui l'accompagne, on peut dire qu'en fait on a l'extériorisation du procès de vie naturel de l'espèce27. Qui va manipuler cet être artificiel? Ce ne pourra pas être Homo sapiens du fait que simultanément, par des voies diverses, il subit une obsolescence de plus en plus accusée. On aura en fait la néantisation de l’Être recherché depuis des millénaires.


Cela n'empêche nullement certains d'envisager ce qui adviendra: «Voilà pourquoi même si les enfants naîtront dans un récipient en verre, clonés à partir de cellules quelconques, cela vaudra encore la peine de s'occuper du monde fantastique qui se présente maintenant aux vérifications micropsychanalytiques sur les thèmes des expériences et fantaisies concernant l'utérus. Il est probable que quand la maman sera de verre, c'est-à-dire que les scientifiques auront réalisé au moins en partie les fantaisies d'autoreproduction qui proviennent de leurs cellules (qui s'autoreproduisent) il y en aura d'autres chez qui l’ontogenèse et la phylogenèse seront encore plus en contraste qu'elles ne le sont aujourd'hui. C'est-à-dire que l'expérience phylogénétique de la mère de chair entrera en conflit avec l'expérience ontogénétique de la mère de verre: nous serons là pour voir». Nicola Peluffo, Gestation in vitro: réflexions épistémologiques28.


Pour ceux et celles qui se placent en dehors de cette dynamique annihilante, il ne s'agit pas de se poser en inimitié avec ceux et celles qui s'artificialisent mais de rechercher à réaliser pleinement et sans ambiguïté, grâce à leur sensibilité, la continuité avec leurs semblables, avec tous les êtres vivants, avec le cosmos. Dés lors les forces nécessaires pour réaliser l'échappement par rapport à ce monde et la mise en place d'un monde différent pourront se déployer: l'affectivité-sensibilité la plus profonde qui permet l'adhérence au continuum, l'empathie, pour les êtres vivants, la nature, le cosmos; par là l'immédiateté, la concrétude, la sérénité et, englobant le tout, la certitude, permettront à chacun, à chacune de s'affirmer en tant qu'individualité et Gemeinwesen.




Jacques Camatte


(juin 2018)




1 Ce texte vise à compléter Le devenir à l'inversion en signalant en particulier des phénomènes de grande amplitude que l'on se propose d'étudier dans d'autres approches.



2 En fait le bébé a déjà subi des moments de mise en rupture lors de l'accouchement et, parfois, au cours de la vie intra-utérine. Car on est très loin de ce que souhaitait A.A. Tomatis: "Sait-on que tout dépend du départ et que, pour réussir cette nouvelle vie, il est nécessaire de connaître certaines données essentielles qui ne sont autres que celles inhérentes à l'écoute de la vie? L'enfant nous dit ce qu'il veut, ce qu'il attend, ce qu'il espère. Mais saurons-nous l'écouter et l'écouter in utero? " La nuit utérine, Ed. Stock, pp. 138-139.



3 Elena Gianini Belotti, du côté des petites filles, Ed. Des femmes, p. 36-37


4 Idem, p. 40.



5 Idem. p. 40.



6 Idem. p. 43.



7 Idem. p. 43 . Elle évoque à la suite (p. 44) le dressage opéré au sein des institutions.



8 Idem, dans l'ordre, pages 44-45, 45, 48 et 50.


9 Idem, pp. 76-77.



10 Ed. Du Félin. Ajoutons La Domination Adulte, l'oppression des mineurs.Yves Bonnardel Avant-propos de Christine Delphy. Ed. Myriades.
      

          «Nos civilisations modernes sont parmi les rares où les enfants restent si longtemps sous tutelle, privés du pouvoir sur leur vie, entravés dans l’accès social à une autonomie, dénués de possibilités de décision les concernant en propre. Nos sociétés «développées» paraissent de fait les seules à considérer les «enfants» comme «à développer»: les enfants seraient des êtres immatures et donc dépendants. Incapables physiquement, moralement et intellectuellement, dirigés par leurs «passions» et «pulsions», ils sont perçus comme des petits handicapés mentaux et physiques qu’il faut aider, éduquer et protéger – protéger d’eux-mêmes en premier lieu. Dans d’autres contrées, la plupart des sociétés connues considèrent au contraire une sorte «d’âge de raison» qui se situe de façon arbitraire entre quatre et treize ans, à partir duquel elles n’imaginent plus guère de différences dans les capacités des enfants et des adultes. Les enfants y sont généralement aussi opprimés, pareillement soumis aux diktats des adultes qui ont pouvoir sur eux; ils sont bien souvent violentés, abusés et exploités, mais ils ne sont pas pour autant considérés comme incapables ni comme fondamentalement différents des adultes; ils ne sont pas mis au ban de la société». p. 18.

         Un texte court, La dictature contre les enfants paru dans le n° 23 de mai 1995 de Guérilla, B.P. 71, 39600 Arbois.



11 Ouvrage cité, p. 52.



12 Il est évident que d'autres événements de la prime enfance de l'individu peuvent en partie «masquer» ce phénomène.


   Nous avons antérieurement publié le texte de F. Renggli: Les bébés veulent être portés. Cf. Données à intégrer  (au niveau de l'appel de note 6).


13 Georges Vigarello, o.c, pages, dans l'ordre: 35, 38, 41, 75, 106, 113, 115, 117, 146, 165, 259, 322-323, 358.


14 Idem, p. 369.


15 Johann Jacob Bachofen, Le droit maternel – Recherche sur la gynécocratie de l'antiquité dans sa nature religieuse et juridique, Traduction d’Étienne Barilier, p. 1260.


16  Idem, pp. 56-57. Les quatre citations suivantes se trouvent, dans l'ordre, aux pages suivantes: 58, 115, 135 et 786.


17  D'où la pratique mimétique et magique de la couvade attestée chez de nombreuses ethnies à une époque récente comme dans l'antiquité et que signale J.J. Bachofen. L'adoption à laquelle il accorde beaucoup d'importance implique le triomphe de la propriété privée et un profond rejet de la nature puisque les parents naturels son rejetés, niés.



18 Je ne fais qu'effleurer la question pour demeurer sur le plan qui m'intéresse ici, celui du vécu des hommes et des femmes tel qu'il transparaît dans l’œuvre de J.J. Bachofen qui fit ce qu'on peut considérer comme une vaste enquête portant sur plusieurs siècles et divers pays.


19  Maryla Falk, Il mito psychologico dans l'Inde antique ( Le mythe psychologique dans l'Inde antique), Ed. Adelphi, p. 18. Ce procès de connaissance est plus proche que celui occidental de celui "originel" où la séparation n'était pas opérante et qui avait une dimension performatrice.


20   «L'enfant, une passion dangereuse? (…) Le droit d'"avoir" un enfant se prolonge potentiellement du désir d'un enfant non seulement normal et sain, mais encore parfait, dans un projet qui est plutôt de combler l'individu désirant que d'effectuer une amélioration de la "race". On imagine quel poids supplémentaire cela peut représenter pour l'enfant, qui a toutes les chances de décevoir.» Dominique Ottavi Le temps de l'éveil: enfance, famille, école, in Histoire des Émotions, Volume 3 dirigé par Jean Jacques Courtine, De la fin du XIX° siècle à nos jours, Édition du Seuil, p. 135. Il s'agit du poids de l'enfant sauveur. La fin de l'article: «c'est pourquoi le contexte historiquement déterminé de l'éveil émotionnel de l'enfant du XXI° siècle doit devenir l'objet d'un plus grand soin, pour ne pas voir en l’enfant le resurgissement d'une altérité incompréhensible.» p. 138, dévoile bien la permanence de l'insaisissabilité de la naturalité de l'enfant.


21 «La mort n'est-elle pas plus désirable qu'une vie qui ne serait qu'une simple mesure préventive contre la mort.» K. Marx Débats sur la liberté de la presse. Cette mesure préventive c'est l'assistanat qui est actuellement mis en place. La perte de continuité entraîne la nécessité d'être assisté.


22  Louis-Georges Tin L'invention de la culture hétérosexuelle, Éditions Autrement. 2008, pp. 186-187.


23 À ce sujet voir Jean-Clause Guillebaud La tyrannie du plaisir, Ed. Du Seuil. Raisonnant en fonction de la séparation de la nature qu'il entérine, il affirme que «la sexualité n'est pas une fonction mais une culture.» p. 156 Il fait remarquer que fonction implique dysfonction et la notion de norme. Mais la culture n'implique-t-elle pas aussi la notion de norme? L'ouvrage est très documenté et permet de bien saisir à quel point la sexualité s'est imposée comme un traumatisme pour l'espèce et le désarroi qui en résulte se conclut dans la solitude. «Enfermés dans cette solitude voluptueuse ("Il n'y a pas de rapports sexuels", disait Lacan...), ayant instrumentalisé l'autre, nous considérons avec impatience, voire exaspération, le dernier des interdits qui fait encore obstacle à notre plaisir: le non-désir de partenaire...» p. 473.



24 Observation de l'abbé Bethléem citée par Tin Louis-Georges, o.c, page 132.

           Les hommes d'église ont souvent pris le parti des enfants et les ont défendus, secourus, à la suite des conséquences néfastes de rapports entre hommes et femmes. Ainsi lors de leur abandon. Sur ce sujet signalons le livre de John Boswell,Au bon cœur des inconnus. Les enfants abandonnés de l’Antiquité à la Renaissance – Gallimard – 1993, qui signale l'action remarquable d'hommes et de femmes dans le sauvetage des enfants.


25 «Nous avons la preuve par les déficiences et les déformations multiples, que l'organisme ne s'est adapté qu'imparfaitement aux conditions antinaturelles de la vie civilisée - et de la vie scolaire plus spécialement - qui agit trop souvent de manière défavorable sur les organismes très malléables.» Pierre Seurin, L'éducation physique à l'école. Cité par G. Vigarello, o.c. p.370, note 1.



26  Dans l'étude sur la spéciose nous montrerons comment, à cause de cette menace, à quel point hommes et femmes ne veulent pas être affectés. Sortir de la nature et être maîtres de soi, maîtriser ses émotions, réduire l'affectivité car celle-ci met en dépendance voilà la solution.




27 C'est peut-être cela le stade final de la dynamique de libération-extériorisation qu'évoque A. Leroi-Gourhan dans Le geste et la parole. À mon avis, comme il procédait selon un procès de connaissance dominé par la séparation, il ne pouvait accéder qu'à une part de la dynamique totale de l'émergence de Homos sapiens. L'étude de l'émergence de Homo Gemeinwesen doit tenir compte de ce point d'arrivée comme celui d'une errance et de la nécessité de la réalisation d'une inversion.



28 Nicola Peluffo (1930-2013) a enseigné la psychologie sociale a l'université de Turin. Il a effectué sa préparation psychanalytique et micropsychanalytique auprès de Silvio Fanti, fondateur de la micropsychanalyse qui est une méthodologie de recherche psychanalytique de nature freudienne qui approfondit l'étude de la donnée psychique consciente et inconsciente jusqu'à la découverte et à la vérification des éléments microscopiques et ultramicroscopiques dans lesquels se concentre l'affectif. (Information fournie par Cristina Callegaro).






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