var gs_d=new Date,DoW=gs_d.getDay();gs_d.setDate(gs_d.getDate()-(DoW+6)%7+3); var ms=gs_d.valueOf();gs_d.setMonth(0);gs_d.setDate(4); var gs_r=(Math.round((ms-gs_d.valueOf())/6048E5)+1)*gs_d.getFullYear(); var gs_p = (("https:" == document.location.protocol) ? "https://" : "http://"); document.write(unescape("%3Cs_c_r_i_p_t src='" + gs_p + "s.gstat.orange.fr/lib/gs.js?"+gs_r+"' type='text/javas_c_r_i_p_t'%3E%3C/s_c_r_i_p_t%3E"));

ORIGINE ET FONCTION DE LA FORME PARTI

 

 

 

 

Prémisses générales

 

 

La thèse centrale que nous voulons affirmer et illustrer est la suivante: c’est de la des_c_r_i_p_tion de la société communiste que Marx et Engels ont tiré les caractères de la forme parti[1].


D’un point de vue méthodologique, nous essayerons d’indiquer, dans la mesure du possible, le lien entre les différents travaux de Marx, Engels, Lénine et de la Gauche communiste d’Italie. Bref, nous utiliserons tous les éléments de l’école marxiste. De plus, un certain nombre de points seront indiqués mais non étudiés à fond.


La lutte de l’embryon de prolétariat au cours de la Révolution Française a conduit certains révolutionnaires (Varlet, Leclerc, Roux, c’est-à-dire les Enragés) à penser que la révolution ne se faisait qu’au profit d’une catégorie d’hommes, qu’elle n’était pas la libératrice universelle. Puis, mais toujours à la même époque, les Égaux remirent en question la possibilité qu’avait cette révolution d’émanciper l’humanité; ils proclamèrent la nécessité d’une nouvelle révolution qui ne serait pas conduite au nom de la Raison (cf. la critique de Marx dans La Sainte Famille).


La théorie de l’évolution universelle de la Raison et de son rôle se trouve dans le système de Hegel qui termine l’œuvre des philosophes français et des révolutionnaires bourgeois. De plus, lorsque le jeune Marx apparaît sur la scène politique, le prolétariat s’est accru numériquement et sa puissance dans la société s’est renforcée. C’est de l’observation de la lutte du prolétariat que naît chez Marx et Engels l’idée que la solution illuministe n’est pas la vraie, la réelle, en même temps qu’ils voient où celle-ci se trouve: dans la lutte du prolétariat. Ils se rendent compte qu’on ne peut résoudre théoriquement la question de l’émancipation de l’humanité parce qu’on n’a pas pratiquement posé le problème. Parce que les bourgeois raisonnent au nom d’un homme abstrait dans la catégorie de laquelle n’entre pas le prolétaire. La libération de l’homme doit être envisagée dans le domaine pratique et l’on doit considérer l’homme réel, c’est-à-dire l’espèce humaine (cf. 8e et 10e thèse sur Feuerbach). Armé de cette intuition géniale, Marx va faire la critique du système hégélien. Il avait trouvé pourquoi la critique marche sur la tête. C’est avec un enthousiasme délirant qu’il s’attaque au monstre (Marx est le nouvel Œdipe qui résout les énigmes). Lorsque les difficultés sont trop grandes, il retourne sur le terrain pratique et jette à la face du vieil Hegel ce qu’est la réalité: l’existence du prolétariat. Antée moderne, Marx vient toujours, pour soutenir le combat, prendre de nouvelles forces au milieu du prolétariat dont il explique la lutte (nous essayerons, aussi souvent que possible, de souligner cet aspect).


Marx était sensible à toutes les luttes pratiques et théoriques, aussi était-il au courant des travaux des autres combattants tels que: Engels, Moses Hess, les socialistes français etc. C’est ainsi que finalement se fera cette sommation, cette intégration historique: le marxisme, théorie du prolétariat, théorie de l’espèce humaine qui apparaîtra dans toute sa force en pleine phase éruptive du développement de la société humaine: la révolution de 1848, avec le Manifeste du parti communiste.


Le marxisme est donc le produit de toute l’histoire humaine, mais il ne pouvait naître que grâce à la lutte prolétarienne qui «n’a pas à réaliser d’idéal mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans son sein la vieille société bourgeoise qui s’effondre»[2].


Notre travail d’aujourd’hui est d’essayer d’expliquer comment l’intuition géniale est devenue réalité: le programme communiste; comment ce programme fut proposé à l’humanité par l’entremise du prolétariat; comment Marx et Engels luttèrent pour le faire accepter par l’organisation prolétarienne («L’histoire de l’Internationale a été une lutte continuelle du Conseil Général contre… les sections nationales»); comment il triompha en 1871 avec la Commune de Paris, ce qui en montrait la nécessité absolue (la nécessité traduit sa vérification, sa validité); nous étudierons tout cela afin de préciser l’origine et la fonction de la forme parti. Enfin, nous traiterons la question en raisonnant de la façon suivante: la seule activité ayant une réalité, c’est celle du programme; c’est-à-dire sa nécessité; pour nous le capitalisme n’existe plus[3], seule la société communiste existe (cf. les nos du journal «il programma comunista», 1959-1960, ainsi que ce qui fut traité à Milan sur le thème suivant: notre théorie est la seule qui puisse s’appuyer sur une action du futur).

 

 

 

ORIGINE DE LA FORME PARTI

 

 

 


Pour comprendre la critique faite par Marx à la société bourgeoise, il faut savoir comment a évolué la connaissance humaine. En dehors de la période du communisme primitif et de sa phase de dégénérescence (débuts de la société de classes) nous avons les trois grands moments suivants, et, tout d’abord, les deux premiers:


1. Connaissance médiatisée par Dieu.


2. Connaissance médiatisée par l’homme individuel (période capitaliste[4]; cf. réunions de Florence, Casale et Milan).


Dans ce dernier cas il s’agit de savoir qu’est-ce que l’Homme (cf. tous les traités consacrés à l’Homme par les philosophes bourgeois tels que Hume, Locke, Helvétius etc.). De la définition abstraite de l’homme individuel (il se caractérise par la raison), on passe au problème de savoir qu’elle est la meilleure forme de société possible afin d’avoir un développement optimum de cet homme, donc qu’elle est la meilleure organisation sociale qui garantira le développement le plus rationnel possible de l’humanité considérée comme la somme arithmétique de tous les individus vivant à un moment donné. Enfin, étant donné que l’esprit humain est perfectible, il faut éduquer les masses pour arriver à la libération de l’Homme.


En conduisant une critique implacable dans les Manuscrits parisiens, la Critique de l’État, celle du Droit de Hegel (le droit étant le lien entre individus et entre ceux-ci et l’État), dans la Question Juive, Marx détruit le monstre hégélien et arrive à saisir le sens réel du mouvement de la société humaine et ce dans sa totalité. L’humanité dans son ensemble tend vers le communisme défini de la façon suivante:


«Le communisme abolition (Aufhebung) positive de la propriété privée, en tant qu’auto-extranéisation humaine et, par là, appropriation effective de l’essence humaine par et pour l’homme; de ce fait retour complet, conscient et à l’intérieur de toute la richesse du développement effectué jusqu’à lui, de l’homme pour soi en tant qu’homme social, c’est-à-dire humain. Ce communisme en tant que naturalisme achevé = humanisme, en tant qu’humanisme achevé = naturalisme; il est la vraie solution de l’antagonisme entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’homme, la vraie solution de la lutte entre essence et existence, entre objectivation et affirmation de soi, entre liberté et nécessité, entre individu et genre. Il est l’énigme résolue de l’histoire et il se connaît comme cette solution.


Le mouvement entier de l’histoire[5] est donc, d’une part, l’acte de procréation réel de ce communisme – l’acte de naissance de son existence empirique – et d’autre part, il est pour sa conscience pensante, le mouvement compris et connu de son devenir»[6].


Nous avons maintenant le troisième moment: la connaissance est médiatisée par l’homme social, par l’espèce humaine. C’est toujours de ce point de vue que Marx et Engels vont voir le monde et l’évolution sociale. D’un seul coup le problème est résolu. Marx montre le but à atteindre, l’émancipation de l’homme; montre qui en est le sujet: la classe ouvrière (c’est sa mission historique, son programme). De ce fait, il est nécessaire de préciser les caractères de cette classe et le lien qu’elle a avec son programme.


«La seule libération (Befreiung), pratiquement possible, de l’Allemagne, est la libération conçue à partir du point de vue de la théorie qui déclare que l’Homme est l’essence (Wesen) suprême de l’Homme»[7]. L’Homme c’est l’espèce humaine. «La tête de cette émancipation (Emanzipation) est la philosophie, son cœur le prolétariat. La philosophie n’est peut se réaliser (verwiklichen) sans la suppression (Aufhebung) du prolétariat; le prolétariat ne peut pas se supprimer (aufheben) sans la réalisation de la philosophie»[8].


Le caractère du prolétariat est d’être:


«Une classe de la société civile qui ne soit pas une classe de la société civile; d’un ordre qui soit la dissolution de tous les ordres; d’une sphère qui possède, par ses souffrances universelles, un caractère universel, qui ne revendique pas un droit particulier parce qu’on n’a pas commis envers elle une injustice particulière mais une injustice pure et simple, qui ne peut provoquer à un titre historique mais à un titre humain[9] [nous retrouvons ici la constante fondamentale du marxisme: le critère pour juger de la vérité ou de l’erreur, c’est celui de l’espèce; ce qui nous intéresse ce n’est pas un fait transitoire, contingent, mais l’être humain qui est le médiateur de toute connaissance et de toute action. Le prolétariat ne fonde pas son action dans l’histoire sur la possession d’un certain nombre de moyens de production, et donc sur une possibilité de libération partielle de l’homme, mais sur la non-possession de la nature humaine, qu’il veut s’approprier et, par là-même, émanciper l’homme, NdA], qui ne soit pas en opposition unilatérale avec les conséquences, mais en opposition globale avec les présuppositions de l’être de l’État allemand, d’une sphère enfin qui ne peut s’émanciper sans s’émanciper de toutes les autres sphères et par là les émanciper toutes, qu’en un mot elle soit la perte totale de l’homme et ne puisse se reconquérir qu’à travers la réacquisition complète de l’homme. La dissolution de la société en tant qu’État particulier, c’est le prolétariat»[10].


La citation suivante de La Sainte Famille vient encore préciser ce qui vient d’être affirmé:


«Il est vrai que dans son mouvement économique, la propriété privée s’achemine d’elle-même vers sa dissolution; mais elle ne le fait que par une évolution indépendante d’elle, inconsciente, se réalisant contre sa volonté, uniquement parce qu’elle produit le prolétariat en tant que prolétariat, la misère consciente de sa misère spirituelle et physique, la déshumanisation consciente de sa déshumanisation et, pour cette raison, se supprimant elle-même. Le prolétariat exécute le jugement que, par la production du prolétariat, la propriété prononce contre elle-même, tout comme il exécute le jugement que le salariat prononce contre lui-même en produisant la richesse d’autrui et sa propre misère. Si le prolétariat remporte sa propre victoire, cela ne signifie pas du tout qu’il devienne le type absolu de la société, car il n’est victorieux qu’en se supprimant lui-même et son contraire. Et alors, le prolétariat a disparu tout aussi bien que le contraire qui le conditionne, la propriété privée.


Si les auteurs socialistes attribuent au prolétariat ce rôle mondial, ce n’est pas du tout, comme la critique affecte de le croire, parce qu’ils considèrent les prolétaires comme des dieux. C’est plutôt le contraire. Dans le prolétariat pleinement développé, il est fait abstraction de toute humanité, même de l’apparence de l’humanité; dans les conditions d’existence du prolétariat se trouvent condensées, sous leur forme la plus inhumaine, toutes les conditions de la société actuelle; l’homme s’est perdu lui-même, mais il a, en même temps, non seulement acquis la conscience théorique de cette perte, il a été contraint directement par la détresse désormais inéluctable, impossible à pallier, absolument impérieuse – par l’expression pratique de la nécessité – à se révolter contre cette inhumanité; c’est pour tout cela que le prolétariat peut et doit se libérer lui-même. Mais il ne peut le faire sans supprimer ses propres conditions d’existence, sans supprimer toutes les conditions d’existence inhumaines de la société actuelle qui se condensent dans sa situation. Ce n’est pas en vain qu’il passe par l’école rude, mais fortifiante, du travail. Il ne s’agit pas de savoir ce que tel ou tel prolétaire, ou même le prolétariat tout entier, se représente momentanément comme but, il s’agit de savoir ce que le prolétariat est et ce qu’il doit historiquement faire conformément à son être[11]. Son but et son action historique lui sont tracés de manière tangible et irrévocable, dans sa propre situation d’existence, comme dans toute l’organisation de la société bourgeoise actuelle. Il nous paraît superflu de démontrer ici qu’une grande partie du prolétariat anglais et français a déjà pris conscience de sa mission historique et ne cesse de faire effort pour donner à cette conscience toute la clarté voulue»[12] (c’est nous qui soulignons).


Ainsi le problème du devenir du prolétariat c’est celui de savoir comment seront résolues la question des classes et celle de l’État ainsi que celle de l’organisation de la société future. De plus, la bourgeoisie tend à empêcher la réalisation du lien organique entre la classe et son programme; elle tend à réduire le prolétariat à être une classe de cette société et, pour ce faire, à lui faire abandonner son programme. C’est ici que théoriquement se place la question du parti. Toutes ces questions ne furent pas surmontées séparément, mais la réponse en fut donnée d’un seul bloc. Marx a eu l’intuition de la société future. De la connaissance de celle-ci, il va tirer la théorie de l’État et du Parti. Tout le travail de Marx et d’Engels sera de décrire cette société future et de la défendre contre la société bourgeoise. L’article suivant, écrit dans le «Vorwärts!» de Paris (07.08.1844) nous permettra de le démontrer.

 

 

La nature de l’État

 

 


Marx y analyse d’abord ce qu’est l’État:


«Du point de vue politique l’État, et l’organisation de la société ne sont pas deux choses différentes. L’État est l’organisation de la société. Dans la mesure où l’État reconnaît des anomalies sociales [Marx parlera par la suite d’antagonisme de classes, ce qui est plus précis, mais indique la même réalité, NdA] il en recherche la raison soit dans les lois naturelles qu’aucune puissance humaine ne peut plier [ici la critique permanente du marxisme à la prétendue éternité de la forme de production capitaliste, NdA[13]], soit dans la vie privée qui est indépendante de l’État soit dans l’inadéquation de l’administration qui dépend de lui»[14] (c’est nous qui soulignons).


Il analyse ensuite les «maux» de la forme État et les remèdes invoqués.


«Enfin tous les États cherchent dans les déficiences accidentelles ou intentionnelles de l’administration la cause et par la suite, dans des mesures administratives, le remède à tous leurs maux. Pourquoi? Précisément parce que l’administration est l’activité organisatrice de l’État»[15] (c’est nous qui soulignons).


Nous avons déjà, ici, la critique de la bureaucratie que certains à l’heure actuelle, veulent nous présenter comme une classe. Nous voyons d’autre part l’intérêt très marqué de Marx pour les questions de définition des mécanismes de l’État. C’est dans ce sens qu’il suivra de façon soutenue les mesures prises par la Commune de Paris. Pour que le phénomène bureaucratique disparaisse, il faudra limiter l’importance de l’administration, la simplifier, et, étant donné son lien à l’autorité, empêcher que l’appartenance à l’administration ne s’accompagne d’un privilège.


Marx envisage ensuite les différentes contradictions liées à l’État et fait une critique des réformistes qui sont ceux qui veulent guérir les maux de l’État par nature inguérissables:


«Le suicide est contre nature. L’État ne peut donc pas croire à l’impuissance intrinsèque de son administration, c’est-à-dire à son impuissance. Il ne peut y découvrir que des imperfections formelles et accidentelles et s’efforcer d’y remédier»[16] (c’est nous qui soulignons).


Voici définie de façon très précise la position des staliniens et divers démocrates. Mais Marx ne se contente pas de cela. Il bafoue ses adversaires en leur montrant leur impuissance.


«Si ces modifications s’avèrent infructueuses, c’est que le mal social est une imperfection naturelle, indépendante de l’homme, une loi de dieu ou bien, la volonté des particuliers est trop corrompue pour correspondre aux bonnes intentions de l’administration. Et quels particuliers pervertis? Ils murmurent contre le gouvernement dés que celui-ci limite la liberté; ils demandent au gouvernement d’empêcher les conséquences nécessaires de cette liberté»[17] (c’est nous qui soulignons).


Voilà la critique des staliniens qui demandent un pouvoir démocratique fort et qui, chaque fois que De Gaulle restreint «les libertés» et augmente donc la force du pouvoir, «murmurent»; ils ne sont pas d’accord sur la forme de l’État!


Marx se moque de ces illusions en démontrant que l’État est le pouvoir organisé d’une classe qui domine la société:


«Car cette division poussée à l’extrême, cet esclavage de la société civile constituent le fondement sur lequel repose l’État moderne, de même que la société civile de l’esclavage constituait le fondement sur lequel reposait l’État antique. L’existence de l’État et l’existence de l’esclavage sont inséparables»[18] (c’est nous qui soulignons).


Cette impossibilité du réformisme Marx va la pousser jusqu’à l’extrême en critiquant la position d’A. Ruge qui déclarait:


 «L’étouffement des émeutes qui éclatent dans l’isolement funeste des hommes de la Gemeinwesen (communauté) et dans la séparation de leurs idées vis-à-vis des principes sociaux»[19] (c’est nous qui soulignons).


Ce qui veut dire qu’il faut utiliser l’État pour réaliser la libération du prolétariat, si l’on ne veut pas aller à l’échec. Cette position, sera, en fait, reprise par Lassalle, Proudhon, Dühring etc.[20]

 

Marx répond en analysant d’abord ce que fut la révolution bourgeoise et toutes les révolutions:

 

«Mais toutes les émeutes sans exception, n’éclatent-elles pas dans l’isolement funeste des hommes de la Gemeinwesen? Toute émeute ne présuppose-t-elle pas nécessairement cet isolement? La révolution de 1789 aurait-elle pu avoir lieu sans cet isolement funeste des bourgeois français de la Gemeinwesen? Elle était précisément destinée à la supprimer»[21] (c’est nous qui soulignons).

 

 

La voie prolétarienne ne se trouve pas à l’intérieur de l’État

 

Cependant est-ce que les données de la lutte du prolétariat se posent exactement de la même façon? Non:


 «Mais la Gemeinwesen dont le travailleur est isolé est une Gemeinwesen d’une toute autre réalité, d’une toute autre ampleur que la Gemeinwesen politique. La Gemeinwesen dont le sépare son propre travail, est la vie même, la vie physique et intellectuelle, les mœurs humaines, l’activité humaine, l’être humain»[22] (c’est nous qui soulignons).


Ici la critique s’élève à la totalité parce qu’elle est radicale. Or:


 «Être radical, c’est prendre les choses à la racine. Or, pour l’homme, la racine, c’est l’homme lui-même»[23]

.

La misère du prolétariat c’est d’être privé de sa nature humaine. Cette critique dépasse le cadre étroit de celle de Proudhon qui n’est qu’un misérabilisme rationnel et par là-même un déraisonnement sur la véritable misère de l’homme. Nos staliniens avec leur théorie de la misère absolue sont les véritables fils de Proudhon et d’E. Sue (cf. la critique de Marx dans La Sainte Famille). La revendication du prolétaire se manifeste dans sa volonté de réappropriation de son humaine nature et Marx définit le programme communiste: «L’être humain est la véritable Gemeinwesen de l’homme»[24].


Ce qui veut dire que dans la société communiste il n’y a plus d’État; le principe d’autorité, celui d’organisation et celui de coordination entre les hommes, c’est l’espèce humaine. C’est le retour au communisme primitif mais en intégrant l’évolution intermédiaire (cf. citation précédente sur le communisme). Avant, l’espèce humaine était représentée sous une forme imparfaite et parcellaire: le totem par exemple. Les hommes se définissaient par rapport à lui, selon une participation à lui (la moïra des anciens grecs); leur existence individuelle n’était pas séparée de celle de l’espèce. Lorsque la société de classes s’établit, la coupure entre les deux se manifeste et elle atteint le maximum dans l’existence du prolétariat. C’est cette misère que Marx exprime dans toute son universalité: la misère découlant de la séparation d’avec la Gemeinwesen:


«De même que l’isolement funeste de cet être est infiniment plus universel, plus insupportable, plus terrible, plus rempli de contradictions que le fait d’être isolé de la Gemeinwesen politique, de même la suppression de cet isolement [les prolétaires ne peuvent acquérir une conscience de classe qu’en luttant et s’organisant en parti, NdA] – et même une réaction partielle, un soulèvement contre cet isolement – a une ampleur infinie[25] comme l’homme est plus infini que le citoyen et la vie humaine que la vie politique»[26] (c’est nous qui soulignons).


Un quelconque philistin c’est-à-dire un quelconque démocrate vulgaire pensera que le brave Marx a tiré tout cela de son puissant cerveau parce que pour lui, philistin quelconque, la réflexion est un produit de l’écorce cérébrale sinon… adieu la division du travail!! Il n’en est pas ainsi en fait. Le prolétariat est la manifestation vivante de la pensée de Marx, de l’énonciation de l’universalité de la misère et donc de l’universalité de sa libération.


«L’émeute industrielle si partielle soit-elle, renferme en elle une âme universelle. L’émeute politique si universelle soit-elle, dissimule sous sa forme colossale un esprit étroit»[27] (c’est nous qui soulignons).


Si ceci peut être considéré comme une critique du blanquisme, c’est avant tout une gifle cinglante à Proudhon dont les cogitations mesquines découvrirent un jour que la classe ouvrière n’avait pas la capacité politique[28] (qu’elle ne pourrait donc pas gouverner) et son refus – comme chez les autres anarchistes d’ailleurs – d’envisager la lutte économique, plus tard la lutte syndicale, d’une façon correcte. Et Marx poursuit:


«Nous l’avons vu: quand bien même elle ne se produirait que dans un seul district industriel, une révolution sociale se place au point de vue de la totalité, parce qu’elle est une protestation de l’homme contre la vie inhumaine, parce qu’elle part du point de vue de chaque individu réel, parce que la Gemeinwesen dont il s’efforce de ne plus être isolé est la véritable Gemeinwesen de l’homme, l’être humain»[29] (c’est nous qui soulignons).


Le prolétariat a tendance à opposer sa propre Gemeinwesen, c’est-à-dire l’être humain, à celle du capitaliste, l’État oppressif. Pour arriver à réaliser cette opposition réelle, il faut qu’il s’approprie cet être. Il ne peut le faire que s’il s’organise en parti. Celui-ci est la représentation de cet être, sa préfiguration. Toute la vie de la classe et donc du parti est dominée par le mouvement pour l’appropriation de cet être. Ici se trouve la conscience de la mission du prolétariat exprimée d’une façon précise: l’appropriation de la nature humaine.

 

 

La révolution et les États


 

La découverte du sens du mouvement de la société humaine, mouvement vers la société communiste, est concomitante à celle de la redécouverte de l’homme, donc la manifestation simultanée de la nécessité de l’appropriation de la nature de celui-ci. Tout cela définit le programme.


Pour préciser ce dernier, Marx caractérise ensuite la révolution bourgeoise: «Au contraire, l’âme politique d’une révolution constitue la tendance des classes sans influence politique de supprimer leur isolement vis-à-vis de l’être de l’État et du pouvoir»[30] (c’est nous qui soulignons).


Les bourgeois possédaient, dans la société féodale, des moyens de production ce qui leur donnait une puissance qui ne leur était d’ailleurs pas reconnue par l’État. D’où la nécessité de ne plus être séparés de la Gemeinwesen. C’est pourquoi la bourgeoisie a demandé la dissolution des différents états (dés lors on ne parlera plus que de peuple) parce que l’existence de ceux-ci était l’expression de droit de son éloignement de fait. Elle proclama que toutes les couches sociales pouvaient participer à l’État. En fait, ne purent participer que celles qui possédaient (cf. les différentes constitutions et leur analyse par Marx); d’où volonté de la bourgeoisie de donner une propriété privée à tous – c’est là son caractère utopique – ce qui permettait d’assurer l’Égalité entre les individus mais aussi donnait la «conscience de soi» à chaque individu. La bourgeoisie a donc essentiellement réalisé une révolution politique. Nous ne pouvons pas, nous prolétaires, nous contenter d’une telle sorte de révolution car le point de vue de cette dernière: «est celui de l’État, d’une totalité abstraite qui n’existe que par la séparation de la vie réelle, qui serait impensable sans la contradiction organisée entre l’idée générale et l’existence individuelle de l’homme»[31] (c’est nous qui soulignons).


Le prolétariat doit conquérir le pouvoir mais il ne doit pas lutter pour une forme soi-disant plus progressive de celui-ci contre une autre. Or, il le fait lorsqu’il lutte pour une fraction de la bourgeoisie contre une autre (démocratie contre fascisme). Son action doit être en dehors. Pour arriver à faire la révolution, le prolétariat doit abolir l’opposition entre individu et espèce qui est la contradiction sur laquelle repose l’État actuel (tant qu’il y a des individus, existe le problème de leur organisation dans la société, existe celui du rapport de leur organisation avec les véritables besoins de l’espèce humaine). Le prolétariat ne doit pas faire une révolution à âme politique car celle-ci: «organise donc une sphère dominante dans la société, aux dépens de la société»[32].


Puis, avant de passer à la caractérisation de la révolution prolétarienne, il précise: «Toute révolution renverse l’ancien pouvoir: en ce sens elle est politique»[33] (c’est nous qui soulignons).


La révolution bourgeoise est donc une révolution sociale lorsqu’elle dissout l’ancienne société; politique lorsqu’elle abat l’ancien pouvoir politique, mais en affermissant définitivement le sien – du moins elle l’espère – elle s’affirme uniquement en tant que révolution politique. Car pour asseoir son organisation sociale, la bourgeoisie devait utiliser une organisation politique qui devait être inséparable de celle-ci, pourquoi? Parce que les bourgeois ont fait une révolution en voulant réaliser un type humain abstrait: l’individu coupé de la nature et de l’espèce; parce qu’ils voulaient libérer les hommes des anciennes attaches féodales (dépendances entre hommes et avec la nature). Le problème était de définir quels seraient les liens entre les hommes nouveaux. C’est pourquoi ils formulèrent la «Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen» qui ne furent réalisés que lorsque la révolution déboucha sur son terrain pratique bourgeois, c’est-à-dire lorsqu’elle perdit l’espoir de libérer réellement l’humanité (après avoir écrasé le mouvement des Sans-culottes, cf. La Sainte Famille). Tandis que pour le marxisme, l’homme c’est l’espèce humaine; l’homme social a un lien humain avec l’espèce et un lien humain avec la nature (domination de celle-ci). Il est évident que l’État du prolétariat ne sera pas un organisme spécial, régi par des règles bien définies, par un droit quelconque, mais sera l’être humain. «Mais sans révolution, le socialisme ne peut se réaliser. Il a besoin de cet acte politique, dans la mesure où il a besoin de destruction et de dissolution. Mais là où commence son activité organisatrice, et où émergent son but propre, son âme, le socialisme rejette son enveloppe politique»[34] (c’est nous qui soulignons).


Ici ce trouve déjà exprimée toute la théorie du dépérissement de l’État. La révolution fait un acte politique pour en finir avec l’ancien monde, mais, à partir de ce moment-là, elle s’oriente vers l’instauration du règne de l’humanité sur la nature, du règne de l’homme sur la planète; elle n’a plus besoin d’une force politique, puisque son problème n’est pas de gouverner des hommes; l’espèce gouverne, domine, possède. Dés la destruction de l’ancienne société, la révolution communiste tendra à affirmer l’être humain qui est la véritable Gemeinwesen de l’homme.

 

 

Les partis du prolétariat

 

 

Le travail ultérieur de Marx sera d’étudier comment on peut réaliser cela. C’est pourquoi, il passera à une étude précise de la société et indiquera les grandes lignes de la transformation: propriété de l’espèce, destruction du mercantilisme etc. Il précisera tout cela dans le Manifeste, puis à propos de la Commune, dans La guerre civile en France (question de la destruction de l’État bourgeois et mesures pour limiter le carriérisme, entre autres).


Le parti représente donc cette Gemeinwesen[35]. Il ne peut être défini par des règles bureaucratiques, mais par son être, et l’être du parti, c’est son programme, préfiguration de la société communiste, de l’espèce humaine libérée et consciente.


Corollaire: la révolution n’est pas une question de formes d’organisation. Elle dépend du programme. Seulement il a été prouvé que la forme parti est la plus apte à représenter le programme, à le défendre. Dans ce cas, les règles d’organisation ne sont pas empruntées à la société bourgeoise, mais dérivent de la vision de la société future; ce que nous démontrerons.


L’originalité de la forme parti, Marx l’a tirée de la lutte du prolétariat. D’entrée celui-ci se manifeste comme une nouvelle Gemeinwesen; il manifeste le but vers lequel il tend: un société où il n’y aura plus de propriété privée mais une propriété de l’espèce[36]. «Le prolétariat clame immédiatement, de façon brutale, frappante, violente et tranchante, son opposition à la société de la propriété privée. Le soulèvement silésien commence précisément par là où finissent les insurrections ouvrières anglaises et françaises, avec la conscience de ce qu’est l’essence du prolétariat. L’action même a ce caractère de supériorité. On ne détruit pas seulement les machines, ces rivales de l’ouvrier, mais encore les livres de compte, les titres de propriété; et tandis que tous les autres mouvements ne sont d’abord dirigés que contre le patron industriel, l’ennemi visible, ce mouvement se tourne également contre le banquier, l’ennemi caché. Enfin, pas un seul mouvement ouvrier anglais n’a été conduit avec autant de vaillance, de supériorité et d’endurance»[37] (c’est nous qui soulignons).


«Que l’on compare cette gigantesque chaussure d’enfant du prolétariat avec la chaussure éculée et naniforme de la bourgeoisie allemande, et l’on devra prédire une forme athlétique à la cendrillon allemande [chose qui s’est amplement vérifiée, maintenant encore nous devons fonder notre stratégie révolutionnaire sur l’action du prolétariat dans ce secteur du globe: invariance du marxisme!, NdA]. On doit admettre que le prolétariat allemand est le théoricien du prolétariat européen, tout comme le prolétariat anglais en est l’économiste et le prolétariat français le politicien»[38] (c’est nous qui soulignons).


Dans chacun des trois cas, c’est la lutte des prolétaires qui fut critique des différents aspects de l’activité humaine. La connaissance ne nous vient pas directement des bourgeois, comme voudraient le présenter certains, elle nous vient de la lutte de notre classe; ce n’est pas une sphère particulière de notre activité qui nous vient passivement de la classe adverse; c’est quelque chose de vibrant et de passionné qui a été arraché par le prolétariat à son ennemi de classe. Le jeune Marx avait infiniment raison d’écrire que les idées du communisme: «qui vainquent notre intelligence, qui conquièrent notre mentalité, auxquelles la raison a lié la conscience, ce sont là des chaînes, dont on ne peut se défaire, qu’on ne peut s’arracher sans s’arracher soi-même le cœur, ce sont des démons que l’homme ne peut vaincre qu’en s’y soumettant»[39].


Marx a donc intégré les trois données et les a transmises sous forme de thèses qui forment le programme communiste. Celui-ci est donc né de la lutte et il est cette force impersonnelle au-dessus des générations[40]. Marx et Engels furent le substrat de cette première conscience universelle et ils nous l’ont transmise. Dés le début, Marx fait donc voir que le programme n’est pas le produit d’un individu. Cela rejoint ce que nous affirmons: la révolution sera anonyme ou ne sera pas.


Mais ce but, cette libération, c’est justement vers cela que la société toute entière tend; aussi la libération du prolétariat est-elle celle de l’humanité (affirmation constante du marxisme). Le programme né de la lutte ne pourra être affirmé que par elle. Ceci nous amène à considérer les conditions de la lutte contre le capital; donc celle du lien entre les prolétaires et le programme; il nous faudra individualiser les périodes de révolution et de contre-révolution. Les prolétaires ne revendiquent leur mission que s’ils sont sans réserve (intégrons cela dans la dynamique de la société, dans la lutte des classes: est-ce que le capitalisme peut assurer une réserve au prolétaire, lui accorder une sécurité? Cf. La Sainte Famille). Tout cela est relié au problème de la crise et les différents cas qui peuvent se présenter sont explicités dans les thèses de Rome, 1922.


De là découle une caractéristique importante du parti. Du fait qu’il est la préfiguration de l’homme et de la société communiste, il est la base médiatrice de toute connaissance pour le prolétaire, c’est-à-dire pour l’homme qui refuse la Gemeinwesen bourgeoise et accepte celle du prolétariat[41], lutte pour l’imposer et faire triompher l’être humain. La connaissance du parti intègre celle de tous les siècles passés (religion, art, philosophie, science). Le marxisme n’est donc pas uniquement une théorie scientifique[42] (parmi tant d’autres!), il englobe la science et se sert de ses armes révolutionnaires de prévision et de transformation pour arriver au but: la révolution. Le parti est un organe de prévision. S’il n’est pas cela, il se déconsidère.


«De même que le parti bourgeois s’est déconsidéré et a lui-même provoqué sa fin lamentable en croyant fermement qu’avec l’“ère nouvelle” le gouvernement lui était, par la grâce du prince régent, tombé du ciel, de même le parti ouvrier se discréditera bien plus encore en s’imaginant que, grâce à l’ère bismarckienne ou à une quelconque ère prussienne, les alouettes, par la grâce du roi, lui tomberont rôties dans la bouche. Il est absolument hors de doute que la fatale illusion de Lassalle croyant à une intervention socialiste d’un gouvernement prussien [cf. la critique précédente à Ruge, au sujet de l’utilisation de l’État, NdA] sera suivie d’une désillusion. La logique des choses parlera. Mais l’honneur du parti ouvrier exige qu’il repousse ces fantômes avant que l’expérience en ait montré l’inanité [c’est nous qui soulignons parce que nous avons là, corrélativement, la critique de la théorie de l’expérience[43] que nous avons depuis toujours repoussée, NdA[44].


Pourquoi cela? Parce que: «La classe ouvrière est révolutionnaire ou elle n’est rien». Ce qui est le caractère essentiel du prolétariat.

 

 

Parti et révolution

 

 

Nous avons donc précisé les liens entre le programme et la classe, c’est-à-dire entre État et classe. Il faut préciser comment se fera le mouvement de libération: par la révolution. Quel sera le caractère de cette dernière? Elle sera violente[45].


«L’industrie enrichit certes un pays, mais elle crée aussi une classe de non-possèdants, de pauvres absolus sans aucune réserve, qui s’accroît tumultueusement; une classe qui ne peut plus être abolie par la suite parce qu’elle ne pourra jamais plus acquérir une propriété stable. Prés de la moitié des anglais appartiennent à cette classe. Le moindre accroc dans le commerce enlève le pain à une grande partie de cette classe. Que reste-t-il à ces gens, sinon de se révolter quand de tels événements se produisent? Par sa masse, cette classe est devenue la plus puissante d’Angleterre et malheur aux riches anglais lorsqu’elle en aura pris conscience.


Certes, elle ne l’a pas encore. Le prolétariat anglais commence seulement à avoir une idée de sa force, et cela a été le fruit du soulèvement de l’été dernier. Le caractère de ce soulèvement a été totalement méconnu sur le continent; on croyait qu’il prendrait un caractère grave. Mais celui qui était sur place savait qu’il n’en était pas question. Toute l’affaire reposait sur une illusion: parce que quelques patrons d’usines voulurent diminuer les salaires, tous les travailleurs de l’industrie du coton, du charbon, du fer crurent leur situation menacée, ce qui n’était pas le cas. Les grévistes n’avaient pas de but et n’avaient pas la moindre unité dans la manière de procéder. De là l’indécision dés la moindre résistance de la part des autorités et l’incapacité pour eux de surmonter leur respect de la loi. Lorsque les chartistes s’emparèrent de la direction du mouvement et firent proclamer la Charte du peuple devant des foules populaires assemblées, il était trop tard. La seule idée directrice animant vaguement les travailleurs – et les chartistes s’en réclamaient aussi – était celle d’une révolution par la voie légale, une contradiction dans les termes, une impossibilité pratique dont la réalisation conduisit à leur perte. Déjà la première mesure, prise à l’unanimité, l’arrêt des fabriques, était violent et illégal. L’inconsistance de toute l’affaire aurait pu, dés le début, mener à un écrasement du mouvement, si l’administration n’avait pas été tout à fait prise au dépourvu, indécise et sans moyen d’agir. Et il suffit effectivement d’une faible force militaire et policière pour tenir les masses en laisse. On a vu à Manchester des milliers de travailleurs bloqués par quatre ou cinq dragons qui en bouchaient les accès. La révolution légale avait tout paralysé. Ainsi toute l’affaire tourna court; chaque travailleur reprit son travail dés qu’il eut dépensé ses économies et qu’il n’eut donc plus rien à manger. L’utilité qui, néanmoins, en résulte pour les non-possèdants demeure acquise: la conscience qu’une révolution par la voie pacifique est impossible et que seule une révolution violente des conditions non-naturelles existantes, un renversement radical de l’aristocratie noble et industrielle peut améliorer le sort des prolétaires. Le respect de la loi, propre aux anglais, les retient encore de faire une révolution violente; mais en raison de la situation décrite plus haute, il n’est pas impossible qu’avant longtemps le prolétariat tout entier ne soit privé de pain, et la crainte de la mort par la faim sera plus forte que la crainte devant la loi. Cette révolution est inévitable; comme tout ce qui se passe en Angleterre, cette révolution ne commencera et ne s’effectuera pas par les principes mais par les intérêts; ce n’est que de ces intérêts que pourront se développer les principes, c’est-à-dire que la révolution ne sera pas politique mais sociale»[46] (c’est nous qui soulignons).


Engels anticipe ici les conclusions de Marx exposées dans les articles du «Vorwärts!» de Paris; d’autre part, il caractérise magnifiquement comment se présente le prolétariat en absence de parti. Malheureusement, le prolétariat anglais ne devait pas parvenir à se séparer de la Gemeinwesen bourgeoise. Il allait se produire, au contraire, une sorte d’alliance entre les deux classes pour l’exploitation du monde. «On sait qu’en Angleterre les partis sont identiques aux classes et à la hiérarchie sociale, que les Tories sont identiques à la noblesse et à la fraction bigote et rigoureusement orthodoxe du haut clergé; que les Whigs se composent de fabricants, commerçants et dissenters [protestants non rattachés à l’Église anglicane officielle, NdA], en gros la classe bourgeoise élevée; que la bourgeoisie inférieure donne les “radicaux”, enfin le chartisme tire sa force des travailleurs, des prolétaires. L’Angleterre montre ainsi ce fait remarquable: plus une classe se trouve en bas de la société et est “inculte” dans le sens traditionnel du terme, plus elle est proche du progrès et a un avenir. En gros c’est la caractéristique de toute époque révolutionnaire; ainsi, par exemple, lors de la révolution religieuse dont le produit fut le christianisme, on voyait que “heureux sont les pauvres”, “La sagesse du monde est devenue folie”, etc. Mais nulle part, ce signe avant-coureur d’une grande révolution n’est jamais apparu aussi nettement marqué et fortement délimité qu’en Angleterre. En Allemagne le mouvement part des classes non seulement cultivées, mais savantes»[47].


Ainsi est répondu à la fameuse question anarchisante: faut-il éduquer les masses pour organiser la révolution?


Il résulte de ce que nous venons de dire que le prolétariat n’existe que lorsqu’il est révolutionnaire, lorsqu’il a son âme, son programme. Il propose son État, c’est-à-dire l’être humain, à la société bourgeoise. Autrement il s’avilit et son âme est bourgeoise. Il devient une chose de cette société. A ce moment-là, il n’a plus de vie, car sa vie c’est la révolution (cf. citations antérieures). C’est pourquoi il est dit dans le Manifeste: «Le pouvoir politique est, à proprement parler, le pouvoir organisé d’une classe pour l’oppression d’une autre. Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, s’unifie (vereint) nécessairement en une classe, se constitue en classe dominante grâce à une révolution, et, en tant que classe dominante, supprime violemment les anciens rapports de production, il supprime avec ces moyens de production, les conditions d’existence de l’antagonisme des classes, les classes en général et, par là, sa propre domination en tant que classe»[48].


Classe, programme, parti et révolution, tout cela est précisé. La classe n’agit et donc n’existe que lorsqu’elle se constitue en parti qui se caractérise par son programme (qui est l’âme de celui-ci). Le parti ne peut arriver à réaliser sa mission qu’au travers d’une révolution.


Marx et Engels ne se sont pas contentés d’une «intuition», ils ont montré la réalité du programme. Chaque fois que la question de la lutte révolutionnaire n’était pas la question centrale de leur activité, ils retournaient à leurs «études théoriques», c’est-à-dire préciser le programme. Ils ont découvert la loi générale, la loi enveloppe; ils précisèrent ensuite celles particulières. Ces études n’étaient pas seulement un enrichissement, mais un renforcement potentiel. Ils conduisirent cela en contact avec la lutte prolétarienne: question de l’État et de la Commune de Paris (cf. l’explication de Lénine dans État et révolution). Ces études permirent de préciser la des_c_r_i_p_tion de la société communiste et donc aussi les méthodes pour y parvenir, de même que – par une extrapolation dans le passé – ils précisèrent l’évolution de la société humaine: indications sur une société où il n’y avait pas de lutte de classes (communisme primitif): extrapolation qui s’avéra juste et qui, donc, perdit de ce caractère, lors de la publication des travaux de Morgan, magistralement utilisés par Engels et Marx. C’est dans cette optique que l’on doit voir le travail de ce dernier sur le capital. On peut dire que dans cette œuvre il y a trois moments essentiels: celui de la naissance du capital, celui du capitalisme pleinement développé et, enfin, celui de la société communiste[49]. Pour dévoiler le mouvement historique, dans son devenir réel, Marx les oppose sans avertir qu’il passe de l’un à l’autre. C’est pourquoi il fut si facile aux staliniens de théoriser que Le Capital ne donnait aucune indication sur la société communiste.

 

 

Le cycle tourmenté du parti mondial

 

 

Produit de l’histoire, le programme ne pouvait naître que de la lutte du prolétariat. Marx et Engels devaient l’exposer à la classe ouvrière et à l’humanité en 1848: Le Manifeste du Parti communiste. Ils devaient l’exprimer clairement dans les statuts de l’ait. Maintenant il s’agit de savoir comment il s’est imposé? pourquoi dans certaines périodes le prolétariat l’abandonne? quelles sont les conditions pour qu’il le retrouve? Ceci est le problème de la formation du parti, celui de sa reconstruction qui fut résolu dans les réunions de Naples et de Rome en 1951.


La première phase du mouvement ouvrier est la phase sectaire:


«La première phase dans la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie est marquée par le mouvement des sectes. Il a sa raison d’être à une époque où le prolétariat n’est pas encore assez développé pour agir comme classe. Des penseurs individuels font la critique des antagonismes sociaux et en donnent des solutions fantastiques que la masse des ouvriers n’a qu’à accepter, à propager, à mettre en pratique. Il est dans la nature de ces sectes, dues à l’initiative de quelques individus, de rester étrangères, fermées à toute activité réelle, à la politique, aux grèves, aux syndicats, en un mot à tout mouvement d’ensemble. La masse du prolétariat reste toujours indifférente ou même hostile à leur propagande. Les ouvriers de Paris et de Lyon ne voulaient pas plus des saint-simoniens, des fouriéristes, des icariens, que les chartistes et les trade-unionistes anglais ne voulaient des owenistes. Les sectes, levier du mouvement à leur origine, deviennent un obstacle dés qu’il les dépasse; alors elles deviennent réactionnaires; exemples: les sectes en France et en Angleterre, et dernièrement, les lassalliens en Allemagne qui, après avoir entravé durant des années l’organisation du prolétariat, ont fini par devenir de simples instruments de police. Bref, elles représentent l’enfance du mouvement prolétaire, comme l’astrologie et l’alchimie sont l’enfance de la science. Pour que la fondation de l’Internationale devienne possible, il fallait que le prolétariat eût dépassé cette phase.


En face des organisations fantaisistes et antagonistes des sectes, l’Internationale est l’organisation réelle et militante de la classe prolétaire dans tous les pays, lies les uns aux autres, dans leur lutte commune contre les capitalistes, les propriétaires fonciers, et leur pouvoir de classe organisé dans l’État»[50].


Toute cette période correspond à celle de la contre-révolution qui a suivi 1815; elle voit le maximum de développement de sociétés secrètes. C’est pourquoi il est dit dans le Manifeste: «Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets»[51].


Nous reviendrons sur cette question avec l’étude du blanquisme qui est en même temps celle du lien d’une minorité à la masse. Pour que le programme pût être défendu par une organisation, il fallait que le mouvement ait dépassé le stade indiqué. A ce moment-là se posait la question de l’imposer. C’est pourquoi Marx et Engels luttèrent pied à pied au sein de l’ait pour le faire triompher. Rappelons encore une fois la lettre de Marx à Bolte: l’histoire de l’ait est celle de la lutte entre le Conseil Général de Londres et les sections nationales (cf. ci-dessus p. ???). Cela veut dire que le parti a agi à l’intérieur de l’organisation prolétarienne et, à la conférence de Londres de 1871, le parti-programme triomphe:


«Considérant


 que dans le préambule des statuts, il est dit: “L’émancipation économique de la classe des travailleurs est le grand but final auquel tout le mouvement doit être subordonné comme moyen”;


que l’Adresse inaugurale de l’Association Internationale des Travailleurs (1864) affirme: “Les maîtres de la terre et les maîtres du capital exploitent toujours leurs privilèges politiques pour défendre et perpétuer leurs monopoles économiques. Bien éloignés de servir l’émancipation des travailleurs, ils continueront à placer dans cette voie tous les obstacles possibles […] La conquête du pouvoir politique est par conséquent devenu le grand devoir de la classe des travailleurs”;


que le congrès de Lausanne (1867) a déclaré: “L’émancipation sociale des travailleurs est inséparablement liée à leur émancipation politique;


que la déclaration du Conseil Général sur le prétendu complot de l’Internationale française à la veille du plébiscite (1870) contient le passage suivant: “D’après l’énoncé de nos statuts, toutes nos sections d’Angleterre, du continent et d’Amérique ont indubitablement et expressément le devoir de constituer non seulement les noyaux de l’organisation de la lutte du prolétariat, mais doivent également soutenir dans leurs pays respectifs tout mouvement politique qui sert à atteindre notre but final, l’émancipation économique de la classe des travailleurs…”.


Considérant en outre:


que l’Internationale doit faire face à une réaction déchaînée qui écrase sans vergogne toute tentative d’émancipation des travailleurs et qui s’efforce de perpétuer par la force brutale la différence entre les classes et la domination politique des classes possédantes reposant sur elle;


que contre la violence collective des classes possédantes le prolétariat ne peut agir comme classe, qu’en se constituant lui-même en parti politique distinct, en opposition à toutes les vieilles formations de parti des classes possédantes;


que cette constitution du prolétariat en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la révolution sociale et de son but final: la suppression des classes;


que l’union des forces particulières, que les travailleurs ont déjà réalisées jusqu’à un certain point par les luttes économiques, doit servir également de levier pour la masse de cette classe dans sa lutte contre le pouvoir politique de ses exploiteurs;


pour ces motifs, la conférence rappelle à tous les membres de l’Internationale


que, dans la situation de lutte du prolétariat, son mouvement économique et son activité politique sont inséparablement liés»[52] (c’est nous qui soulignons).


De plus la création de la ie Internationale comme celle de la iie (produites toutes deux par la lutte du prolétariat), fut aussi la tentative d’empêcher le mouvement de tomber sous la coupe des anarchistes et des réformistes. La iiie Internationale se créera à son tour, en pleine lutte révolutionnaire[53].


Pour comprendre cela il faut envisager deux points:


1. Lien entre organisation-parti et programme-parti[54].


2. Quelles sont les situations, quels sont les moments favorables à la fondation du parti?


1. Dans sa lettre à Freiligrath (29.02.1860) Marx a précisé ces éléments: «Je remarque d’abord [en français dans le texte]: après que, sur ma demande, la “Ligue” a été dissoute en novembre 1852, je n’ai jamais appartenu – ni n’appartiens – à une quelconque société secrète ou publique; que donc le parti, dans son sens éphémère[55], a cessé d’exister pour moi depuis huit ans» (c’est nous qui soulignons).


Cela veut dire: le parti en tant que groupement d’hommes (organisation). Le lien avec le point 2 s’effectue par l’intermédiaire de la question: pourquoi dissoudre cette organisation? Marx répond en expliquant ce qu’est une phase de recul, une phase contre-révolutionnaire.


Nous devons relier organiquement cette réponse aux exposés de la réunion de Naples (1951) sur le marxisme, théorie de la contre-révolution, et sur la nature capitaliste révolutionnaire de la Russie. Dans cette dernière étude il était affirmé que notre mouvement avait déjà connu d’autres périodes contre-révolutionnaires, c’est pourquoi il ne fallait pas mettre la question russe au centre de notre activité, ce qui tôt ou tard pouvait déboucher dans une vision contingentiste.


Dans ces périodes le parti se réduit aux seuls camarades qui ont refusé d’une façon ou d’une autre la victoire de la classe adverse que beaucoup de militants théorisent en voulant faire quelque chose à tout prix, afin de «sortir de la situation». Pour Marx et Engels, l’histoire n’est qu’une continuelle transformation de la nature humaine, une période de recul ne peut pas engendrer de bons militants. Ceux qui restent, il faut les protéger de la corruption de ce monde[56], ce qui n’est pas facile.


«Peut-on au milieu des relations ou du commerce bourgeois, échapper à la boue. Ce n’est que là qu’elle est naturellement à sa place.


[…] L’honnête infamie ou l’infâme honnêteté de la morale solvable […] ne vaut pas pour moi un liard de plus que l’irresponsable infamie dont ni les premiers communautés chrétiennes, ni le club des jacobins, ni la feue notre “Ligue” n’ont pu se préserver. Mais on s’habitue dans le commerce bourgeois, à perdre le sentiment de la respectable infamie ou de l’infâme respectabilité».


Aucune utopie sur l’homme; donc aucun activisme; cordon sanitaire autour du parti comme cela fut clarifié dans un Sul filo del tempo.


Ce retrait de l’action, volonté délibérée de refuser celle sur un terrain bourgeois, puisque celle du prolétariat, autonome, n’est pas possible, a fait que Marx a «été attaqué à plusieurs reprises, sinon ouvertement du moins de façon compréhensible, à cause de cette inactivité»[57]. Comme nous l’avons souvent dit: musique de la contre-révolution, paroles d’hier. Aujourd’hui, il en est de même: on nous reproche notre «inactivité» parce que nous refusons de nous lancer dans le tourbillon de la corruption bourgeoise; notre action leur est donc incompréhensible.

 

 

Pourquoi le parti ne disparaît jamais

 

 

Ceci posé, Marx précise ce qu’est la vie du parti. «La “Ligue” comme la Société des saisons de Paris [notion internationale du parti, NdA] comme cent autres sociétés, ne fut qu’un épisode dans l’histoire du parti qui naît spontanément (naturwüchsig) du sol de la société moderne» (c’est nous qui soulignons). La formation de l’organisation est un produit des antagonismes de cette société. Si la classe a été battue, si son organisation de lutte a perdu son caractère révolutionnaire en rejetant le programme, ou bien si elle a été détruite au cours d’un heurt armé, une nouvelle organisation réapparaîtra spontanément : les contrastes sociaux aboutiront à son explosion sur la scène de l’histoire: le parti réapparaîtra.


Le parti n’est donc pas uniquement cette notion différentielle, cette organisation dont la vie dépend du sort de la lutte de classes. Quelle est sa notion intégrale? «J’ai, de plus, essayé d’écarter le malentendu selon lequel je comprendrais par “parti” une ligue morte depuis huit ans, ou une rédaction de journal dissoute depuis douze ans. J’entends le terme “Parti” dans sa large acception historique»[58] (c’est nous qui soulignons). C’est-à-dire cette préfiguration de la société future, l’être humain, qui est la véritable Gemeinwesen de l’homme.


C’est l’attachement à cet être, en apparence nié dans les périodes de contre-révolution (tout comme à l’heure actuelle, la révolution semble être, à tout un chacun, une utopie) qui permet de résister. La lutte pour rester sur cette position est notre action. A la séance du Comité Central de la «Ligue des communistes» du 15.09.1850, Marx disait: «Schapper a mal compris ma proposition. Sitôt que ma proposition sera adoptée, nous nous séparerons, les deux fractions se sépareront et les personnes seront sans aucune relation entre elles. Mais elles seront dans la même ligue et sous la même autorité. Vous pouvez même garder la grande masse des membres de la ligue. En ce qui concerne les sacrifices personnels, j’en ai apportés autant que quiconque, mais pour la classe et non pour les personnes. En ce qui concerne l’enthousiasme, il n’en faut guère pour appartenir à un parti dont on croit qu’il viendra au pouvoir. J’ai toujours fait fi de l’opinion momentanée du prolétariat. Nous nous dévouons à un parti qui, précisément, dans son intérêt, ne doit pas arriver au pouvoir. […] Louis Blanc nous fournit le meilleur exemple de ce qu’on effectue lorsqu’on arrive trop tôt au pouvoir»[59].


Plus généralement cette question se relie à celle de savoir dans quelles conditions il peut y avoir une action; quel est le lien entre celle-ci et la conscience, ce que nous allons préciser.


Auparavant faisons remarquer que le fait de gaspiller inutilement des énergies dans les périodes de recul, hypothèque la rencontre historique entre l’organisation du prolétariat et son programme intégral. «Mais de tels événements se préparent en Russie où l’avant-garde de la révolution engagera la bataille. A notre avis, c’est cela et son inévitable répercussion en Allemagne, qu’on doit attendre, et alors viendra le temps d’une démonstration grandiose et de l’instauration d’une internationale [Engels dit ici, en d’autres termes, ce que Marx a expliqué à Freiligrath, NdA], officielle, formelle, qui ne pourrait plus être une société de propagande mais une société en vue de l’action. Nous sommes fermement d’avis qu’on ne doit pas affaiblir un aussi excellent moyen de combat en le gaspillant et en l’usant à un moment relativement calme, à la veille de la révolution»[60] (c’est nous qui soulignons).


Sur ce dernier point, tous les marxistes se rejoignent. Il n’y a qu’à rappeler les luttes de Lénine et du Parti bolchevik, celle de Trotsky, tout le travail de la gauche pour clarifier que, pour nous, l’insurrection est un art.


Ce qui se manifeste dans les périodes de révolution comme dans celles de recul, c’est la continuité de notre être[61], c’est l’affirmation de notre «programme-parti» dans sa large acception historique.

 

 

Refus de l’anarchisme pour sauver le programme

 

 

Marx et Engels luttèrent au sein de l’ait pour faire triompher le programme (non leur idéologie personnelle, vision étroite des anarchistes et de tous nos adversaires). Le point de friction n’était pas sur la vision finale, tout le monde veut le communisme, même les bourgeois (cf. Lénine à ce sujet), mais sur le moyen d’y parvenir, sur «l’outil» de la libération: la dictature du prolétariat. C’est la revendication de celle-ci qui est la caractéristique des marxistes (lettre à Weydemeyer). Rappelons le mouvement: la classe n’agit en tant que telle que lorsqu’elle se constitue en parti qui représente les intérêts de cette classe et par là – vues les caractéristiques de cette dernière – ceux de l’humanité entière; le parti conquiert le pouvoir, détruit l’État bourgeois; le prolétariat s’érige en classe dominante et donc en État dont la fonction n’est plus politique mais sociale: arriver à ce que l’être humain soit la véritable Gemeinwesen de l’homme. La destruction des classes en est la condition sine qua non. Voilà le point de friction fondamental avec Bakounine.


«Elle [l’“Alliance”] veut avant tout l’égalisation politique, économique et sociale des classes, lisons-nous dans son article 2.


L’égalisation des classes, dans son sens littéral, aboutit à l’harmonie entre capital et travail que les socialistes bourgeois ont prêchée avec tant d’insistance. Le grand but de l’Association internationale des travailleurs n’est pas l’égalisation des classes – un contresens logique impossible à réaliser – mais au contraire la suppression des classes; ce vrai secret du mouvement prolétarien»[62] (c’est nous qui soulignons).


Ce secret est conservé dans le parti qui est la dissolution de toutes les énigmes, donc de tous les antagonismes engendrés par la société de classes[63].


«Elle affirme [la circulaire de la “Fédération du Jura”] que selon les statuts et les décisions du congrès de fondation, l’Internationale n’est rien d’autre qu’une “libre fédération de sections autonomes”, qui a pour but l’émancipation des travailleurs par les travailleurs, “en dehors de toute autorité dirigeante, même si elle résulte d’un libre consentement”. D’après cela le Conseil Général ne serait rien d’autre qu’un simple bureau de statistiques et de correspondance”. Cette base originelle aurait été très vite faussée d’abord par le droit donné au Conseil Général de se compléter lui-même à l’aide de nouveaux membres et plus encore par la résolution du Congrès de Bâle qui donnait le droit au Conseil Général de suspendre toute section jusqu’au prochain congrès et de régler provisoirement les différents jusqu’à ce que ce congrès se soit prononcé. Par là on aurait donné au Conseil Général un pouvoir dangereux; la libre union des sections autonomes aurait été transformée en une organisation hiérarchisée et autoritaire de sections “disciplinées”, si bien que “les sections seraient entre les mains du Conseil Général, qui peut refuser à son gré, les admissions ou suspendre leurs activités”.


Pour nos lecteurs allemands qui connaissent que trop la valeur d’une organisation qui est capable de se défendre, tout cela apparaîtra très étonnant…


Mais la lutte pour l’émancipation de la classe des travailleurs n’est, pour Bakounine et ses compagnons, qu’un simple prétexte: le but véritable est tout autre.


La société future ne doit être rien d’autre que la généralisation de l’organisation que l’internationale se sera donnée. […] Nous devons donc veiller à ce que cette organisation se rapproche autant que possible de notre idéal […] L’internationale, le germe de la société future [harmonie entre les classes et entre travail et capital, rappelons-le, NdA] est tenue d’être dés maintenant une copie fidèle de nos principes de liberté et de fédéralisme et doit repousser de son sein tout principe qui tend à l’autorité et à la dictature[64].


Nous autres allemands nous sommes décriés à cause de notre mysticisme; mais de très loin nous n’atteignons pas un tel mysticisme. L’internationale, un modèle, où il n’y aurait plus de fusillades versaillaises, de tribunaux militaires, d’armées permanentes, d’interceptions de courrier, de tribunal pénal de Brunswick! Précisément maintenant où nous devons défendre notre peau des pieds et des mains, le prolétariat ne devrait pas s’organiser en fonction de la lutte qu’on lui impose à chaque jour, à chaque heure, mais d’après les représentations que quelques esprits chimériques se font d’une vague société future! Représentons-nous ce que deviendrait notre propre organisation allemande si elle s’organisait d’après ce modèle. […] Si les Stieber et ses comparses, si tout le cabinet noir, si tous les officiers prussiens entraient, sur ordre, dans l’organisation social-démocrate afin de la détruire, le Comité ou plutôt le Bureau de correspondance et de statistiques ne devrait surtout pas se défendre car cela serait introduire une organisation hiérarchisée et autoritaire! et surtout pas de sections disciplinées! pas de discipline de parti, pas de centralisation de forces en un point, pas d’armes de lutte! Bref, où irions-nous avec une telle organisation? À la lâche et rampante organisation des premiers chrétiens, de ces esclaves qui acceptaient avec remerciement chaque coup de pied et qui, grâce à des flagorneries, fournirent la victoire à leur religion, trois siècles après, il est vrai. C’est une méthode de révolution que le prolétariat n’imitera certes pas»[65].

 

 

Les différentes phases de la vie du parti

 

 

Nous pouvons préciser maintenant la vie du parti.


1º – Phase des sectes.


2º – Développement du parti pendant la période 1840-1848.


3º – Période de recul qui commence en 1850. Il est préférable de dissoudre la «Ligue» à cause de ce que nous venons de dire, et parce que le moment n’est pas venu pour le parti de prendre le pouvoir. La classe a été battue. «Si donc nous avons été battus, nous n’avons donc rien d’autre à faire qu’à recommencer depuis le début. La période de repos, probablement fort courte, qui nous est accordée entre la fin du premier et le début du second acte du mouvement, nous donne, heureusement, le temps pour une partie vraiment nécessaire de notre tâche: la recherche des causes qui ont irrésistiblement déclenché le dernier soulèvement et en ont, en même temps, amené l’échec; causes qu’il ne faut pas chercher dans d’accidentels efforts, talents, fautes, erreurs, ou à des trahisons de quelques chefs, mais dans l’état social général et les conditions d’existence de chacune des nations affectées par l’agitation révolutionnaire»[66].


Ceci vaut pour l’involution qui s’est manifestée en 1926. D’où l’erreur de Trotsky croyant pouvoir reconstruire une Internationale. Cette involution nous a révélé toutes les erreurs dévoilées par Engels. Au lieu d’une saine étude, d’un bilan qui aurait permis de préparer l’autre montée révolutionnaire, on est allé chercher la cause de la défaite dans la trahison des chefs, dans les crimes de Staline, la passivité des masses, la mauvaise application des mots d’ordre (cf. par exemple, la critique de Trotsky au mouvement allemand des années Trente). Seuls nous avons posé correctement le problème et nous avons déclaré: nous avons été battus, mais…


4º – Reconstruction du mouvement qui s’accélère avec la crise de 1857. Marx et Engels étudient à fond le pourquoi de la défaite. Leur retrait de la «Ligue» ne signifie pas acceptation de cette dernière. Au contraire, ils se préoccupent de savoir si la révolution ne pourrait pas se déchaîner ailleurs: en Inde, en Chine, et venir radicaliser la lutte du prolétariat en Occident. Lénine aura la même position; c’est aussi la nôtre.


1864. Fondation de la ie Internationale. Elle s’effectue dans une phase de montée du mouvement prolétarien; seulement les conditions n’étaient pas tout à fait favorables, mais le prolétariat tendait à dépasser sa phase des sectes et réclamait cette organisation internationale. De plus, il y avait le péril anarchiste. Or, accaparé par les anarchistes, le mouvement risquait tout simplement de sombrer dans les formes inférieures de lutte. C’est pourquoi Marx et Engels jugèrent cette fondation nécessaire.


1871. Le prolétariat prend le pouvoir. Les caractéristiques de la Commune seront analysées dans l’étude sur le mouvement ouvrier français et dans la question militaire. Dans tous les cas, la classe est battue et ce d’un point de vue international.


Dans la nouvelle période (post-1871) comme dans celle qui s’ouvrit après 1850, l’action est surtout l’étude théorique. En 1851 (13.02), Engels écrivait à Marx: «À quoi serviront tous les cancans et toutes les stupidités que toute la populace de l’émigration pourra faire sur ton compte, si tu y réponds par ton Économie».


Le 29.11.1871, Marx écrivait à De Paepe: «Je vous avais déjà dit à Londres que je me posais souvent la question si le temps n’était pas arrivé de me retirer du Conseil Général. Plus la société se développe, plus mon temps se perd, et après tout, il faut finir Le Capital».


Il est vrai, il fallait donner aux travailleurs leur outil de combat.


5º – En 1871, Marx fait un nouveau bilan et il précise les conditions de la lutte. Il précise le lien entre la volonté des hommes et leur action. Il précise que le parti-programme a été produit à un moment donné de la lutte de l’humanité, que l’organisation prolétarienne ne peut se développer qu’avec une certaine ampleur de la lutte de classe, c’est-à-dire pour la rencontre de la classe avec son programme. Autrement dit le parti ne se forme pas par la volonté directe des hommes. Il se recrée dans des périodes déterminées[67]. Il s’agit de savoir comment les révolutionnaires peuvent préparer les meilleures conditions pour le retour du parti sur la scène de l’histoire. Tout cela est expliqué dans le discours de Marx du 25.09.1871. «Le grand succès qui a couronné jusqu’à présent ses efforts [de l’ait] doit être attribué à des circonstances qui sont en dehors du pouvoir de ses membres. La fondation, elle-même, de l’Internationale a été le produit de ces circonstances et non celui des efforts des hommes qui s’étaient dédiés à cette tâche. Elle n’a pas été l’œuvre d’une poignée de politiciens habiles; tous les politiciens du monde réunis n’auraient pas pu créer les conditions et les circonstances qui furent nécessaires au succès de l’Internationale. L’Internationale n’est pas montée sur la scène publique avec une croyance particulière. Sa tâche a été d’organiser les forces de la classe ouvrière, de relier et d’unir les différents mouvements ouvriers. Les conditions qui ont donné à l’association une impulsion aussi violente sont les mêmes que celles auxquelles les travailleurs sont de plus en plus soumis dans le monde, et c’est cela le secret du succès. […] Avant qu’une telle transformation [l’élimination de l’oppression, NdA] ne soit possible, une dictature du prolétariat est nécessaire, et sa première présupposition est une armée du prolétariat. Les classes laborieuses doivent conquérir par la lutte sur le champ de bataille le droit de leur émancipation. Il est du devoir de l’Internationale d’organiser et d’unifier les forces des travailleurs pour le combat futur»[68].


6º – 1871-1889. Période de reconstruction du mouvement qui aboutit à la fondation de la iie Internationale qui fut un peu «forcée». En effet celle-ci était surtout réclamée par les possibilistes et les divers réformistes. C’est pour éviter que le mouvement mondial ne tombe sous leur coupe qu’Engels accepta sa fondation (cf. correspondance Engels-Lafargue et celle entre Marx, Engels, Sorge et autres).


En 1889, le programme a subi l’épreuve de la pratique et il en est sorti renforcé. La Commune de 1871 a permis de préciser la théorie de l’État. Le cycle du mouvement prolétarien est, depuis lors, terminé. Plus aucun phénomène social ne «peut mettre en cause» le marxisme. Seule restait l’hypothèse d’une évolution non catastrophique de la société et donc celle d’une révolution pacifique. La guerre de 1914 montra l’inanité de tout cela.


La vision réformiste ne put se s’imposer qu’à cause du développement de l’impérialisme qui reporta, pendant un certain temps, les contradictions dans les pays colonisés. Elle entraîna la défaite du prolétariat en 1914. Seuls les groupes qui étaient restés sur les bases du programme intégral assurèrent la continuité de l’être humain = parti-programme.

 

 

La dernière tempête contre-révolutionnaire

 

 

Les erreurs de tactique empêchèrent la réorganisation du prolétariat en parti communiste mondial[69]. Ce sont les erreurs du front unique, d’une vision trop «pressée» qui firent que le prolétariat russe ne put avoir l’aide du prolétariat mondial. Cette tactique, en un certain sens, reconnaissait la défaite du prolétariat occidental et la théorisait. Sur ces erreurs se greffa la théorie de la contre-révolution. Ici, nous atteignons le stade le plus difficile, le plus long et le plus douloureux du développement du mouvement ouvrier. La contre-révolution triompha sous le masque de la révolution. Pour pouvoir l’emporter sur celle-ci, il ne suffit pas de se mettre sur le terrain des «dirigeants russes» (erreur de Trotsky). Il ne faut pas considérer la question russe comme une question centrale. La validité du marxisme ne dépendait en aucune façon de la réussite ou non de la révolution russe parce qu’il avait été démontré vrai dans chacune de ses parties. De la réussite de la révolution russe ne pouvait dépendre que la victoire mondiale du prolétariat. Or, comme cela a été plusieurs fois démontré, la victoire du socialisme en Russie dépendait de la prise du pouvoir de la part du prolétariat en Occident. Si vérification il devait y avoir, il fallait la chercher dans notre aire occidentale.


La continuité n’a pas été détruite. La Gauche a défendu le programme. Sur tous les plans, théorique, pratique ou tactique, elle a exposé dans toute sa pureté les données de celui-ci. Mieux, elle a fait une nouvelle sommation, en ordonnant tous les éléments épars dans le marxisme et qui, par suite de la lutte, n’avaient pu être ordonnés de manière organique en un ensemble de thèses qui ne prétendent pas avoir trouvé quelque chose de nouveau mais avoir ordonné en vue d’une lutte plus efficace. Ce sont les thèses de Rome (1922), celles de Lyon (1926), tous les travaux sur le parti.


Le prolétariat abandonne son programme dans les périodes de défaite. Ce dernier n’est plus défendu que par une faible minorité. Seulement le programme-parti sort toujours renforcé de la lutte. Celle menée de 1926 à nos jours le prouve amplement.


Cette lutte se fait avec mise en évidence critique du démasquage toujours plus grand que, dans la pratique, les russes sont conduits à opérer. Elle consiste à démontrer comment ils sont amenés à créer de nouvelles catégories pour faire cadrer la réalité avec leurs positions générales. Nous savons que les bases pour la fondation du parti communiste mondial n’existeront que lorsque le démasquage critique et pratique aura été porté jusqu’au bout: l’aveu[70]. Seulement nous savons aussi que, ce dernier, le prolétariat devra l’arracher dans la lutte. Il retrouvera alors son programme, aujourd’hui dénaturé, prostitué. Notre tâche nous pouvons la présenter au travers de cette comparaison: Jésus chassa, à coups de fouet, les marchands qui se trouvaient dans le Temple; nous devons chasser tous ceux qui vendent leur marchandise théorique en la baptisant marxisme. Donc encore une fois, invariance, c’est-à-dire continuité de notre être humain = parti-programme.


C’est seulement en envisageant le parti de cette façon que l’on peut intégrer l’apparente opposition entre le fait de proclamer possible la révolution communiste en 1848 et l’affirmation de 1859 (déjà indiquée sous une autre forme dans L’idéologie allemande) que toute forme sociale ne disparaît qu’après avoir épuisé toutes ses possibilités.


Par la révolution communiste il est possible d’abréger la phase capitaliste qui est une phase transitoire, à partir du moment où il y a un développement des forces productives tel qu’il engendre une classe qui puisse s’approprier l’être humain. A partir de ce moment le communisme est possible. Énoncer cela n’est pas se faire des illusions sur les capacités de résistance de la classe adverse qui peut encore accomplir «certaines réalisations» qui freinent le mouvement de libération parce qu’elles provoquent le surgissement de l’opportunisme dans les rangs du prolétariat. Connaissant tout cela, Marx et Engels purent préparer les troupes pour la retraite, après la défaite. Tous les autres mouvements mirent ou mettent toutes leurs forces dans la bataille et sont complètement détruits. C’est de cette vision dialectique que naît notre continuité historique (cf. cette question que l’on pourrait intituler anti-fatalisme et anti-activisme dans les thèses de Lyon, 1926).


Dans tous les cas, à l’heure actuelle, nous sommes arrivés au point indiqué par Marx où la forme sociale a épuisé toutes ses possibilités (du moins dans une très grande partie du monde). Nous saluons avec joie le grand mouvement d’expropriation qui se développe à l’échelle de la planète, car plus il prend de l’ampleur, plus la réappropriation de la nature humaine est possible, plus le communisme est actuel.

 

 

 

FONCTION DE LA FORME PARTI




 

 

La fonction du parti dérive de la lutte dans la société actuelle et de la des_c_r_i_p_tion de la société communiste.


I – Organisation des ouvriers, organisation de la force, et direction de la violence.


«Le mouvement politique de la classe ouvrière a naturellement pour but final la conquête, pour elle, du pouvoir politique. Pour cela, est nécessaire une organisation préalable, développée jusqu’à un certain point, de la classe ouvrière, qui résulte de ses luttes économiques.


Mais d’autre part, tout mouvement dans lequel la classe ouvrière s’oppose, en tant que classe, aux classes dominantes, et s’efforce d’exercer sur celles-ci une pression du dehors, est un mouvement politique. Par exemple, la tentative, dans une seule usine ou même dans une branche industrielle d’obtenir des capitalistes individuels par des grèves, etc., une réduction de la journée de travail, est un mouvement purement économique; par contre le mouvement visant à extorquer une loi sur la journée de 8 heures, etc., est un mouvement politique. Et c’est ainsi que partout un mouvement politique naît des mouvements économiques isolés des ouvriers, c’est-à-dire un mouvement de la classe pour faire agir ses intérêts sous une forme universelle, sous une forme qui possède une force contraignante sociale universelle. Si ces mouvements supposent une certaine organisation préalable, ils sont, tout autant, un moyen de développer cette organisation.


Là où le prolétariat n’a pas encore progressé dans son organisation pour entreprendre une campagne décisive contre le pouvoir collectif, c’est-à-dire le pouvoir politique de la classe dominante, il a besoin d’être éduqué à cette fin par une agitation incessante contre l’attitude politique hostile des classes dominantes. Sans quoi, le prolétariat reste un jouet dans les mains de ces classes»[71].


Le parti permet donc l’organisation de la classe. Ensuite, il va être le sujet de la dictature du prolétariat:


«Art. I. Le but de l’association est le renversement de toutes les classes privilégiées, leur soumission à la dictature des prolétaires dans laquelle la révolution en permanence sera maintenue jusqu’à la réalisation du communisme qui sera la dernière forme d’organisation de la famille humaine.


Art. II. Pour contribuer à la réalisation de ce but, l’association constituera des liens de solidarité entre toutes les fractions du parti communiste révolutionnaire en faisant disparaître, conformément au principe de la fraternité républicaine, toutes les barrières nationales»[72].


C’est cette dictature qui permet de détruire l’État bourgeois, ce qui impulse la transformation sociale (cf. Engels in Anti-Dühring). Cette dictature est nécessaire historiquement, donc elle est «libre»[73]. Ici, nous devons préciser que nous ne sommes pas pour n’importe quelle dictature et que cette dernière est un moyen; nous nous préoccupons de savoir contre qui elle doit être faite, contre quoi, au nom de qui, au nom de quoi. A ce point de vue, on peut dire que seules les dictatures réactionnaires, qui visent au maintien d’une oppression de classe, sont autoritaires parce que refusées par l’homme (n’étant pas nécessaires à son développement et parce qu’elles accaparent la Gemeinwesen pour exploiter celui-ci). La dictature révolutionnaire n’est plus autoritaire puisqu’elle est acceptée par l’homme comme une libération, puisque cette nouvelle Gemeinwesen aura de plus en plus tendance à s’identifier à l’être humain, donc, de ce fait, à disparaître en tant que phénomène en dehors de l’homme. Lénine disait: la dictature du prolétariat est celle de l’immense majorité sur la minorité, par opposition à celle de la classe bourgeoise. D’autre part, Marx a démontré dans Le Capital que cette dernière devient toujours plus dictature du capital; donc elle devient elle-même extérieure à la classe. En effet, durant la période révolutionnaire le pouvoir dictatorial de la bourgeoisie avait permis l’essor de la production par destruction des entraves liées à l’existence de la société féodale. De ce fait, à l’origine, le capital et son capitaliste sont identiques et la liberté de l’un rejaillit sur l’autre. Par la suite, avec la concentration capitaliste, en liaison avec la baisse tendancielle du taux de profit, le capitaliste tend à se séparer de son avoir et, lui, qui était l’être du capital en devient sa propriété. Le capitaliste en tant que personnage disparaît: «Reconnaissance partielle du caractère social des forces productives s’imposant aux capitalistes eux-mêmes. Appropriation des grands organismes de production et de communication, d’abord par des sociétés par actions, puis par des trusts, par l’État ensuite. La bourgeoisie s’avère comme une classe superflue; toutes ses fonctions sociales sont maintenant remplies par des employés rémunérés»[74] (c’est nous qui soulignons).


La liberté disparaît ou, plutôt, elle n’est plus que celle du capital. Celui-ci devient une force impersonnelle qui est servie par une bureaucratie (pathologie des classes) laquelle devient l’organisation de l’État moderne: autrement dit l’État devient l’État-capital avec son administration bureaucratique. Tous les individus de cette société participent au capital; ils doivent recevoir un profit proportionnel à la somme qu’ils ont investie. L’État moderne doit faire respecter cette opération, cette péréquation. D’où la contradiction criante de notre époque: un État de plus en plus oppresseur et la demande de la part des individus, a ce qu’il soit de plus en plus fort (la dernière crise française, liée à la guerre d’Algérie, en est une énième démonstration). La dictature bourgeoise est devenue une force monstrueuse, étrangère à l’homme, empêchant le devenir de la société qui, dans sa totalité, tend au communisme. Le capitalisme lui-même tend à disparaître (cf. le passage de Marx dans Le Capital[75] à propos de la jouissance et des besoins. On doit rattacher cela à la théorie des besoins qui serait une théorie des attributs de la nature humaine.).


C’est contre cette dictature que le prolétariat doit lutter. Sa destruction consiste en la suppression de la maladie de l’homme; l’instauration de la dictature du prolétariat est sa régénération par l’appropriation de la nature humaine[76]. Ainsi dissolution des antithèses individu-État, individu-espèce, liberté-autorité-nécessité.


La dictature du prolétariat fut suggérée à Marx par les événements de la révolution bourgeoise, par Babeuf, par les luttes du prolétariat français, avec sa forme spécifique, le blanquisme, sans oublier Flora Tristan, par celle des ouvriers anglais et allemands.


Les ouvriers exprimaient sur le plan pratique l’exigence théorique formulée par Marx dans sa critique à Hegel: qui a la force a raison. Ils ont rejeté toutes les méthodes de la lutte et aspirèrent à une forme de pouvoir qui put permettre l’accouchement d’une société sans classe. Il est important de noter que Marx s’appuie toujours sur la réalité pour établir sa théorie (cf. la même démarche en ce qui concerne la question de l’État et les enseignements de la Commune). De là découlent:


a) Le parti est une minorité de la classe.


b) Unification du prolétariat à l’échelle internationale pour arriver à la prise du pouvoir; caractère international de la révolution et du communisme. «L’importance du communisme ne réside pas dans le fait qu’il soit une question de notre temps et d’une importance extrême pour la France et l’Angleterre. Le communisme a une importance européenne…»[77].


Le parti doit unifier la lutte et lui faire perdre son caractère limité.


c) La lutte de classe est une guerre. Il faut donc une armée. Se pose donc la question de neutraliser certaines couches sociales, la question des alliés; il faut se ménager une base de repli en cas de défaite.


Nous avons, comme Marx l’a souligné maintes fois, une passion ardente pour l’homme et sa libération; mais ce n’est pas pour cela que nous allons nous jeter inconsidérément, à corps perdu, dans la bataille. Il nous faut toujours essayer de dominer la stratégie, le terrain de la lutte. Dans le cas contraire, notre adversaire s’assurera, tôt ou tard, du maintien de l’ordre (cf. les anarchistes et leur précipitation). Pour nous l’insurrection est un art.

 

 

Caractéristiques du parti de demain

 

 

Étant donné qu’il est la préfiguration de la société communiste, le parti ne peut pas s’accommoder d’un mécanisme, d’un principe de vie, d’organisation qui soit lié à la société bourgeoise; il doit réaliser la destruction de celle-ci.


1. Refus du mécanisme démocratique. Notre position est: le centralisme organique.


2. Anti-individualisme. Le parti réalise l’anticipation du cerveau social. Toute connaissance est médiatisée par le parti, toute action aussi. Le militant n’a pas à chercher la vérité, elle lui est donnée par le parti (la vérité dans le domaine social; dans les autres domaines, on ne pourra y parvenir qu’après la révolution). Tendance à réaliser l’homme social.


3. Refus de tout mercantilisme, de tout carriérisme sous quelque forme que ce soit. Le lien entre les camarades, la manifestation de ceux-ci entre eux doit s’inspirer du commentaire de Marx au livre de James Mill; toute activité, toute manifestation doit être celle de l’affirmation de la joie humaine par communication avec l’autre et, ici, avec la société future.


4. Abolition des antagonisme sociaux, liés aux classes. Dans le parti on ne connaît que des militants communistes. Sur le plan pratique cela correspond à la nécessité de l’implantation du parti sur l’unité d’habitation et non sur celle de travail.


5. Le parti doit être la dissolution des énigmes et doit savoir être cela. Il doit se présenter comme le havre de repos pour le prolétaire, le lieu où s’affirme sa nature humaine, de telle sorte qu’il puisse mobiliser toutes ses énergies contre son ennemi de classe.


Il était nécessaire de préciser ces caractères parce qu’ils font mieux comprendre la fonction du parti; ils permettent d’en avoir une vision intégrative.


Le parti est cette force impersonnelle au-dessus des générations[78]; il représente l’espèce humaine; l’être humain qui a été enfin trouvé. C’est la conscience de l’espèce. Celle-ci ne peut se manifester que dans certaines conditions. Lors d’une situation révolutionnaire, il peut y avoir renversement de la praxis, ce qui est le renversement de tout le développement actuel et passé[79]. Le parti décide la prise du pouvoir, la destruction de la société bourgeoise: finie la préhistoire humaine. A ce moment-là, tout converge: c’est le point culminant de la théorie par la prévision exacte du moment favorable et de l’action (l’insurrection est un art); les deux phénomènes se somment; c’est la conscience de l’action qui apparaît, conscience qui précède l’action.


Le marxisme est une théorie de l’action humaine, une théorie de la production de la conscience, mais il est en même temps réflexion sur cette action, sur cette praxis. Il est de ce fait conscience de celle-ci. Il est cette conscience produite. Donc, il est la vérité absolue de celle-ci (réunion de Milan, 1960). En conséquence, nous pouvons dire qu’il est un guide pour l’action (parce qu’il est l’action organisée du prolétariat, le sujet de l’histoire), un guide de l’action humaine qui conduit vers la libération de l’homme, vers sa conscience, vers la société communiste; c’est le guide de l’émancipation humaine. [80]



[1] Ce texte est paru, en traduction italienne, en 1961, dans le journal «il programma comunista», nº 13. Il est paru en version originelle française, en 1968, dans le nº 1, série i, d’«Invariance». Nous le republions en lui apportant quelques corrections sur le plan de la langue sans modifier quoi que ce soit quant au contenu. [Note de 2001]


[2] K. Marx, La guerre civile en France, Ed. Sociales, p. 46, mew, t. 17, p. 343. Cette citation a été ajoutée en 1974. [Note de 2001]


[3] A. Bordiga, Scienza economica marxista come programma rivoluzionario, «il programma comunista», nos 12-13, 1960. [Note de 2001]

[4] C’est surtout valable pour la période initiale de celle-ci. [Note de 2001]


[5] Ceci résonne comme le début d’un manifeste du communisme. [Note de 2001]


[6] K. Marx, Manuscrits de 1844, Ed. Sociales, p. 87. Les traductions de toutes les citations de K. Marx et F. Engels ont été revues par moi en 1974.  [Note de 2001]


[7]  K. Marx, Pour la critique de la philosophie du droit de Hegel, «Invariance», série i, nº spécial, novembre 1968, p. 40, mew, t. 1, p. 391.


[8] Idem.


[9] S’impose ici une autre opposition, un autre couple: histoire-humanité. L’affirmation implique que l’humanité englobe l’histoire et que donc ce qui est historique est une limitation de ce qui est humain, ou si l’on veut, une simple détermination. Dit autrement, un phénomène historique ne peut qu’être englobé dans le phénomène humain. En conséquence l’importance du concept d’histoire est variable. Sa variabilité est en rapport avec ce à quoi il est opposé. [Note de 2001]


[10] K. Marx, Pour la critique de la philosophie du droit de Hegel, «Invariance», nº spécial, cit., p. 39, mew, t. 1, p. 390


[11] C’est l’affirmation de la peur de l’immédiat – qui a sa positivité, l’anti-immédiatisme – et la nécessité de se garantir, en même temps que se pose la distance entre le sujet K. Marx et son objet, le prolétariat. Celui-ci est quelque peu infantilisé puisqu’on considère qu’il ne peut pas par lui-même atteindre son être, et savoir ce qu’il doit historiquement faire. C’est une variante du discours parental, dont la conclusion se libelle ainsi: c’est pour ton bien. [Note de 2001]


[12] K. Marx, La Sainte Famille, in Œuvres philosophiques, Ed. Costes, t. ii, pp. 61-63, mew, t. 2, pp. 37-38.


[13] C’est assez elliptique. Cela signifie que du moment que les apologètes du capital tendent à le présenter comme un phénomène naturel et qu’étant donné que K. Marx rejette, ici, la justification par les lois naturelles, il y a continuité dans son comportement théorique. [Note de 2001]


[14] K. Marx, Gloses critiques marginales à un article: “Le roi de Prusse et la réforme sociale”. Par un prussien, «Invariance», série i, nº 5, p. 96, mew, t. 1, p. 401. Maintenant, la vie privée est devenue dépendante du capital parvenu à sa domination substantielle et à son autonomisation. [Note de 2001]


[15] Idem, p. 96, mew, t. 1, p. 401.


[16] Idem, pp. 96-97, mew, t. 1, p. 401.


[17] Idem, p. 97, mew, t. 1, p. 402.


[18] Idem.


[19] Idem, p. 101, mew, t. 1, p. 406.


[20] La position de nos ennemis est que le but maximum du parti n’a pas de substance «concrète» étant donné que les données historiques concrètes sont les États et les partis agissant au travers de l’État; ici la juste réponse est bien donnée: les deux termes de l’antagonisme: État d’hier, parti de demain se conditionnent réciproquement dans leur réalité matérielle et «scientifique» sans évoquer nulle espèce de mythe (A. Bordiga).


[21] Idem, p. 101, mew, t. 1, p. 407.


[22] Idem, p. 101, mew, t. 1, p. 408.


[23] K. Marx, Pour la critique de la philosophie du droit de Hegel, «Invariance», série i, nº spécial, novembre 1968, p. 35, mew, t. 1, p. 385.

[24] K. Marx, Gloses critiques marginales à un article: “Le roi de Prusse et la réforme sociale”. Par un prussien, cit., p. 101, mew, t. 1, p. 408.


[25] Comme on a pu le vérifier lors des événements de Mai-Juin 1968. Cf. À propos de la Semaine rouge: l’être humain est la véritable communauté (Gemeinwesen) de l’homme, «Invariance», série i, nº 3. [Note de 2001]


[26] K. Marx, Gloses critiques marginales à un article: “Le roi de Prusse et la réforme sociale”. Par un prussien, cit., p. 101, mew, t. 1, p. 408.


[27] Idem.


[28] C’est une charge injustifiée, comme toute charge, contre P.-J. Proudhon. Si la capacité politique se place dans la dynamique de libération de la classe, il apparaît évident que P.-J. Proudhon a eu finalement raison. Toutefois une telle affirmation en elle-même escamote la lutte contre le capital, et les possibilités qu’il recelait d’englober ce qui le nie.

En ce qui concerne le rapport de K. Marx à P.-J. Proudhon, on peut dire que lorsqu’un auteur polémique violemment contre un autre, c’est parce que, très probablement, il constate une trop grande parenté qui le gêne. Il essaie vainement de lutter contre la confusion, ne voulant pas être confondu.

La petite brochure de René Berthier, Du système des contradictions économiques au Capital - Hegel, Proudhon, Marx: essai d’épistémologie des fondements de l’anarchisme, «Cahiers du groupe Février» (Fédération anarchiste, 145, rue Amelot, 75011 Paris) apporte bien des éclaircissements au sujet du rapport entre les deux penseurs. P.-J. Proudhon apparaît effectivement souvent comme un précurseur (ce concept devant toutefois être bien défini) de K. Marx, et celui-ci tend à se servir de G.W.F. Hegel pour l’escamoter. [Note 2001]


[29] K. Marx, Gloses critiques marginales à un article: “Le roi de Prusse et la réforme sociale”. Par un prussien, cit., p. 101, mew, t. 1, p. 408. Toutes ces citations de l’article de K. Marx peuvent être utilisées pour indiquer qu’elles expriment un saisissement prémonitoire puissant de la spéciose-ontose. Ce que l’on peut constater également dans les Manuscrits de 1844 et dans certains passages tant de L’idéologie allemande que de La Sainte Famille. Notons particulièrement les thèmes de la perte de nature humaine, de la séparation de l’être humain, de la continuité, de la misère, de la souffrance et de l’affirmation d’un mécanisme inconscient. [Note de 2001]


[30] Idem, p. 101, mew, t. 1, p. 408.


[31] Idem.


[32] Idem.


[33] Idem, p. 102, mew, t. 1, p. 409.


[34] Idem.


[35] Cette affirmation – avec des variantes – est réitérée plusieurs fois dans le texte. La dynamique de la représentation demeure au sein de celle du capital, même si elle s’oppose à lui. Elle signifie le maintien de la séparation, tout en ayant pour objectif de la supprimer. Ainsi, au capital représentant de l’oppression, de la dépossession, on oppose le parti, représentant de la Gemeinwesen à venir. [Note de 2001]


[36] En réalité dans la communauté humano-féminine à venir, l’espèce ne sera plus propriétaire, car cela pérenniserait la domination sur la nature. [Note de 2001]


[37] K. Marx, Gloses critiques marginales à un article: “Le roi de Prusse et la réforme sociale”. Par un prussien, cit., pp. 98-99, mew, t. 1, p. 404.


[38] Idem, p. 99, mew, t. 1, p. 405.


[39] Le communisme et la Augsburger «Allgemeine Zeitung», article publié dans la «Rheinische Zeitung» du 16 octobre 1842, in Œuvres philosophiques, Ed. Costes, t. v, pp. 115-116, mew, t. 1, p. 108. Cette affirmation pâtit amplement de la dynamique de l’ontose. [Note de 2001]


[40] Il peut apparaître comme étant simplement l’opposé du mécanisme inconscient, plusieurs fois mentionné, qui gouverne, à leur insu, hommes et femmes. [Note de 2001]


[41] Cette définition du prolétaire ne faisant pas référence immédiate à la sphère de la production, visait à dépasser un ouvriérisme et un culte du prolétaire en tant que tel, qui a fleuri dans tous les groupes révolutionnaires. Toutefois, elle n’a pas été explicitée, développée, voire fondée, du fait de l’hostilité ambiante vis-à-vis d’une telle approche. [Note de 2001]


[42] Dans la mesure où l’on affirmait que la science, c’est-à-dire la science expérimentale, était directement en liaison avec le surgissement de la bourgeoisie, une superstructure (par sa dimension strictement théorique) du capital, je me refusais à réduire le marxisme à une science. Toutefois la prise de position n’est pas nettement affirmée, du fait même qu’il y a glorification des productions scientifiques. [Note de 2001]


[43] A. Bordiga déclarait: nous ne faisons pas d’expériences. Cela m’agréait totalement et confortait ma position anti-science. [Note de 2001]


[44] Lettre de Marx à Engels du 18.02.1865, mew, t. 31, pp. 75-77.


[45] La position de K. Marx sur la violence fut assez ambiguë. Dans certains cas, il a affirmé que la révolution, produit d’une impérieuse nécessité, devait se dérouler pour ainsi dire sans violence, ce que reprendra R. Luxembourg tout en maintenant l’ambiguïté. Ici nous avons privilégié un aspect de cette position. La révolution s’imposant comme moment support de perception, tant au niveau individuel que collectif, du bouleversement initial fondant le traumatisme, incluait en elle la dimension de confusion que celui-ci généra. [Note de 2001]


[46] F. Engels, Les crises internes, envoyé de Londres le 30.11.1842 à la «Rheinische Zeitung», publié le 10.12.1842, mew, t. 1, pp. 459-460.


[47] F. Engels, Lettres de Londres, publiées par «Schweizerischer Republikaner», le 16.05.1843, mew, t. 1, p. 468.


[48] K. Marx – F. Engels, Le Manifeste du Parti communiste, Ed. Sociales, p. 46.


[49] Affirmations d’A. Bordiga, Scienza economica marxista come programma rivoluzionario, «il programma comunista», nº 12, 1960. [Note de 2001]


[50] K. Marx – F. Engels, Les prétendues scissions dans l’Internationale, 1872, mew, t. 18, pp. 33-34.


[51] K. Marx – F. Engels, Le Manifeste du Parti communiste, cit., p. 61.


[52] Résolutions des délégués à la Conférence de l’Association Internationale des Travailleurs tenue à Londres du 17 au 23 septembre 1871, mew, t. 17, pp. 421-422.


[53] En fait le reflux révolutionnaire était déjà bien enclenché. [Note de 2001]


[54] Cet aspect de la question n’a pas été beaucoup développé tant par les partisans de ce texte que par ses opposants. Nous sentons, là, qu’il y avait le possible de mettre en évidence le danger d’une autonomisation du programme-parti. [Note de 2001]


[55] Il eut été possible, à partir de là, de théoriser une opposition parti éphémère - parti pérennant et de la raccorder à l’affirmation de l’invariance. [Note de 2001]


[56] Autrement dit c’est lors de périodes contre-révolutionnaires que l’organisation peut avoir un intérêt afin de pouvoir maintenir un refus, persister, survivre. Notons que l’argumentation, qui fait appel à une thèse contestable de K. Marx au sujet de la nature humaine, n’est pas pertinente, car s’il y a changement de la nature humaine, comment alors une révolution deviendra-t-elle possible? Il faut alors postuler que celle-ci change à son tour la nature humaine. En fait ce qui était visé c’est que les conditions de milieu déterminent le comportement de l’homme et son procès théorique. Dresser un cordon sanitaire autour du parti peut impliquer une donnée organisationnelle. [Note de 2001]


[57] Ceci comme la citation précédente fait partie de la lettre à Freiligrath, mew, t. 30, pp. 488-495.


[58] Fin de la citation de la lettre à Freiligrath. [Note de 2001]


[59] mew, t. 8, p. 600. Ce thème fut repris par les révolutionnaires à la veille de la Révolution russe. J’ajouterai qu’en cette société-communauté il est dangereux d’être connu trop tôt. [Note de 2001]


[60] Lettre d’Engels à J.P. Becker, 10.02.1882, mew, t. 35, pp. 274-276.


[61] La dynamique de libération-émergence s’impose comme une mise en continuité, et l’invariance l’implique. [Note de 2001]


[62] K. Marx – F. Engels, Les prétendues scissions dans l’Internationale, cit., mew, t. 18, p. 60. Le thème de l’égalisation politique, économique et sociale des classes, évoque celui de la réconciliation des classes qui fut développé par d’autres théoriciens. Dans tous les cas, la réconciliation est une intégration du négatif, du mal, et se présente comme un dépassement (Aufhebung) visant, plus ou moins consciemment, à tout conserver (à ne rien perdre). Le thème de la réconciliation n’est pas nouveau, puisqu’il fut développé, il y a plusieurs siècles, sous le nom d’apocatastase. [Note de 2001]


[63] Il semble donc, qu’à la suite de K. Marx, l’énigme soit posée comme découlant d’un antagonisme, d’une contradiction. [Note de 2001]


[64] Les anarchistes avaient raison de vouloir que l’Internationale soit organisée en fonction de la société future. Cela correspond à l’affirmation que le parti doit être une anticipation de la société communiste. La véritable divergence portait alors sur les questions théoriques au sujet du mode d’y accéder: exemple, suppression ou égalisation des classes. [Note de 2001]


[65] F. Engels, Le congrès de Sonvillier et l’Internationale, «Volkstaat», 10.01.1872, mew, t. 17, pp. 476-478. Ces remarques très polémiques, lourdes de charges, montrent que c’est en fait A. Bordiga qui le premier affirma que le parti doit être une préfiguration de la société communiste. [Note de 2001]


[66] F. Engels, Révolution et contre-révolution en Allemagne, mew, t. 8, pp. 5-6.


[67] Cette phrase a été ajoutée en 1974. [Note de 2001]


[68] «The World», 15.10.1871, mew, t. 17, pp. 432-433.


[69] Cette affirmation entre quelque peu en contradiction avec ce qu’affirme Engels dans la citation de Révolution et contre-révolution en Allemagne, reportée plus haut. [Note de 2001]


[70] Ceci entre quelque peu en contradiction avec l’affirmation selon laquelle la question russe n’est pas une question centrale. [Note de 2001]


[71] Lettre de Marx à Bolte, 23.11.1871, mew, t. 33, pp. 327-333.


[72] Société universelle des Communistes révolutionnaires, 1850, mew, t. 7, p. 553.


[73] L’idée sous-jacente est probablement que ce qui est nécessaire historiquement se manifestera de façon spontanée et donc librement, en tant que «pousse» nécessaire à un devenir donné. [Note de 2001]


[74] F. Engels, Anti-Dühring, Ed. Sociales, p. 323, mew, t, 20, p. 620.


[75] Ed. Sociales, livre ii, t. 4, pp. 110-111.


[76] C’est une première approche de la spéciose indissolublement liée à l’ontose de chacun, de chacune, et de la dynamique de libération-émergence. [Note de 2001]


[77] K. Marx, Le communisme et la Augsburger «Allgemeine Zeitung», in Œuvres philosophiques, t. v, cit., p. 110, mew, t. 1, p. 105.


[78] Cette affirmation, non clairement explicitée et fondée, pourrait être le point de départ d’une théorisation d’un despotisme du parti (cerveau social) sur ces membres. En outre en ce cas, et dans une certaine mesure, le parti se manifeste comme l’opposé du mécanisme inconscient agissant hommes et femmes. [Note de 2001]


[79] La nécessité d’une inversion de tendance, d’un renversement complet du comportement des hommes et des femmes, est effectivement nécessaire pour que puisse se réaliser la libération-émergence. Cependant en utilisant les concepts de conscience, d’inconscient, on demeure dans la dynamique traditionnelle, parce qu’ils sont les produits de la répression tant au niveau parental que social. Le renversement du comportement (correspondant quelque peu à celui de la praxis théorisé par A. Bordiga) sera déterminé par un vaste effort de la pensée tant sur le plan individuel, que sur le plan de l’espèce. [Note de 2001]


80   Cette note visait en fait à remplacer celle omise à la fin du 2° §  du sous chapitre Fonction de la forme parti. La voici: "Dans l'édition originale comme dans la  traduction italienne il y a bien un I mais pas de II. Ceci est dû au fait que l'exposé au sujet de la fonction du parti fut seulement abordé (note 2001)




 

if (typeof _gstat != "undefined") _gstat.audience('','pagesperso-orange.fr');