L’écho
du temps
Pour pouvoir apprécier correctement
l'apport de tout courant de pensée, de toute réflexion sur le devenir de notre espèce, il
faut
situer le phénomène capitaliste et délimiter ce à quoi il a abouti. Nous ferons donc, à nouveau, une petite présentation synthétique de celui-ci en
situant où nous sommes advenus.
Le phénomène capital tel qu'il bouleverse la société féodale pour former
la société capitaliste, le mode de production capitaliste (MPC),
apparaît tout d'abord comme une révolution agraire: la séparation de l'homme de ses moyens de production, de la terre ; ceci fut possible grâce à une augmentation de productivité dans l'agriculture créant une surpopulation qui, contrainte de façon directe οu
indirecte,
alla s'entasser
dans
les villes; très souvent ce
furent ceux qui sentirent le mieux la fin d'une époque, qui
partirent et tentèrent de vivre
une vie nouvelle,
accomplissant
des migrations plus ou moins amples. Ceci constitue la phase du libéralisme et de
l'individualisme: il faut abolir les entraves, faciliter
l’esprit
d’entreprise, accumuler;
d’où le rôle de l'idéologie protestante comme K. Marx l'avait déjà noté avant M. Weber (ce
qui n'épuise pas 1a question de savoir pourquoi les hommes se lancèrent dans une réalisation individuelle, cherchèrent à réaliser un sauvetage dans une pratique, désespérant en quelque sorte du ciel...).
L'augmentation de la
plus-value put être représentée par l'or accumulé durant la phase antérieure (mercantilisme intense), phase essentielle au développement du capital, d'où la
possibilité de faire commencer le MPC au XVème
siècle. C'est d'autant plus correct que l'on précise qu'il s'agit alors
de la phase de domination formelle du capital dans le procès de
production οu
phase
de soumission formelle du travail au capital, phase qui se
caractérise par
l'importance de
la plus-value absolue et celle de la force de travail, donc du capital variable.
À 1a fin du XVIIIème
siècle se produisit une révolution essentielle, qui tend à se renouveler dit K. Marx,
ce qui fait qu’en définitive on a une seule révolution industrielle, le reste n'est que
conséquence (même la soi-disant révolution post-industrielle qui
tend à
éliminer totalement l'homme,
phénomène où prédomine la représentation); c'est
le développement du machinisme qui permet
la production de la plus-value relative et qui fonde la soumission réelle du travail au
capital ou phase de domination réelle du capital dans le procès de production.
Toutefois le capital ne peut réellement se développer que s'il parvient à dominer 1a société, c'est-à-dire s'il passe de la phase de domination formelle, qui correspond à la société bourgeoise, à la phase de domination réelle sur la société où s'épanouit la communauté capital. Ceci s'effectue à partir du début de ce siècle et est réalisé pour l'ensemble du monde occidental.
Le MPC naît avec deux classes antagonistes, la bourgeoisie, le prolétariat qui lutteront ensemble contre le mode de production féodal et s'opposeront soit de façon contemporaine, soit postérieurement. De cette lutte découlera une accélération du procès de capitalisation de la société. Car le capital ne peut pas dominer une société qui serait de nature non capitaliste ; d'οù plutôt que de parler.de domination réelle du capital sur la société qui est une expression qui,permet d'indiquer un devenir transitoire, il est important de dire que nous sommes maintenant dans la période de 1a communauté capital.
Au cours du développement du MPC et de son devenir à la communauté il y a élimination des deux classes. fondamentales et formation de nouvelles classes moyennes suivi de leur accroissement considérable, de telle sorte que si l'accession du capital fut due à l’.action de la bourgeoisie et du prolétariat, la réalisation de la comunauté capital fut due à celle de ces couches (cf. nazisme, fascisme mais aιssi gaullisme, franquisme, salazarisme, péronisme etc...).
Ce
faisant le capital est le point
d'aboutissement du phénomène de démocratisation, individualisation
et de la massification qui commence
bien avant que le capital soit un élément déterminant dans la societé.
C'est pourquoi parlons-nous souvent de
présuppositions
du
capital, c'est-à-dire des éléments
qui doivent être produits pour qu'il puisse apparaître,
mais dont le surgissement historique ne postule pas obligatoirement sa production historique ultérieure. Ce sont
la production de l'individu,
son autonomisation, celle
de 1a propriété privée qui
lui est liée,
celle
de 1'État et
sοn autonomisation, celle de
1a valeur d' échange qui peut
revêtir
des formes
très évoluées. Ces éléments sont
apparus
en Grèce avec la polis et
sont liés à une représentation
qui fonde la justification de la coupure d’avec la nature, d’avec
la communauté, la domination des hommes sur les animaux et
les
végétaux, celle de l'homme
sur la
femme.
Dans
le
monde
antique on a un
cycle qui commence avec 1a polis
grecque
et se termine avec la chute de 1'ernpire
omain cycle où 1a
valeur
d'échange tend à s'autonomiser,
où il y a tendance
à l’autonomisation d'un
monde : Rome étant
un Ètat
devant
gouverner différentes
commnautés tendant toutes à
être romanisées. L'État est ici un
équivalent général
qui ne parvient pas à l’autοnomie
complète,
de même que la
valeur
d’échange n'y accède
pas.
La représentation la
plus
adéquate pour cette phase du phénoméne capital
est 1e christianisme qui a
intégré le droit romain.
On
trouvé
au cours
de ce
cycle
qui se clôt au Vème
siècle après
Jésus-Christ dès phénomènes absolument
comparables à ceux qui affectent le
devenir du capital à partir de
son développement
au ΧVème siècle
: phénomène
d'expropriation,
de concentration,
d'autonomisation etc., mais, étant donné que la force de travail ne
devint
jamais
marchandise, la valeur d’échange ne
put pas accéder à l’autonomie ce qui aurait fondé le capital.
En ce qui concerne la représentation
il est clair que le christianisme ne put
accomplir le rôle indiqué plus haut,
au sein du
monde romain, que parce qu'il avait été dépouillé de sa
dimension révolutionnaire qui consistait fondamentalement à
lutter pour la libération
des esclaves pour
les faire accéder au
rang d'homme et pour
cela il
fallait abattre l’Ètat romain[1]. Ce qui fondait également la possibilité de se
virginiser en revenant à son
impulsion primitive. C'est pourquoi il pourra
jouer un rôle mobilisateur des masses
insurgées sous le féodalisme comme
au
moment de
la dissolution de celui-ci, avec 1a montée de la société
bourgeoise, et même à l'heure actuelle dans certaines régions οù le MPC n’est pas encore parvenu à
sa domination réelle.
Une
fois les
esclaves
libérés,
une
fois les prolétaires produits et
sécurisés dans la communauté
capital, le
christianisme n’a plus de fondemant social, plus de base ;
il ne peut plus
être une représentation du capital; il n'est plus qu'un écho du passé. Pour survivre il doit
se porter presque uniquement sur le terrain de la transcendance, de l'invariance, mais, là,
il doit
affronter non seulement d'autres représentations qui lui furent contemporaines οu
postérieures, mais toute la représentation plus οu
moins
consciente
des hommes qui depuis leur coupure d'avec la
nature cherchent à
.fonder ce qu'ils sont, des êtres non immédiats, non
directement liés à la réalité,
ce qui, en d'autres termes, peut s’exprimer
par la transcendance.
On
ne
peut donc pas parler de capitalisme pour expliquer l'économie antique, tout particulièrement celle de la Grèce,
ce qui n'empêche pas de reconnaître des
formes capitalistes
(ce que K.
Marx appelle les formes anté-diluviennes du capital : capital usuraire, capital commercial), mais elles ne sont telles qu'à cause des formes élaborées qu'elles revêtent dans 1a structure réalisée qu'est 1a communauté
capital à l'heure actuelle.
Avec la période du Moyen-Âge, on a, comme je l'ai indiqué dans Capital et Gemeinwesen, enrayement du devenir de la valeur d'échange à
l'autonomie. Elle tend même à
disparaître ; les hommes et les
femmes cherchent à
fonder des communautés qui l’excluent.
Ils visent également à enrayer l'autonomisation du pouvoir, de l'État.
Toutefois avec 1a réalisation de la féodalité, ceci échoue et un nouvel État
se
fonde; 1a valeur d'échange est,
cependant, pour un certain temps bannie. Elle ne pourra reprendre son mouvement d'autonomisation qu'à 1a périphérie et avec 1a
destruction des rapports féodaux, tout particulièrement quand la terre deviendra aliénable[2].
On
peut également trouver des formes capitalistes en
Orient, en Chine par exemple, mais on n’a
pas
eu de capitalisme (comme il n'y eut pas de féodalisme).
L'État existe mais il ne s’autonomise pas, l'individu tend à être produit (il le fut peut-être à certaines époques) mais il est certain que l’ensemble social, plus exactement la communauté despotique tenta
d’enrayer le phénomène
d’où
d'ailleurs une certaine ambiguïté des représentations orientales : d'une part il y a négation de l'individualisation vue comme source même de la
douleur et volonté de
réalisation par soi-même pour atteindre une autre communauté où il n’y
a plus de hiérarchie, liée à 1a tendance à
refuser la communauté despotique. Dit autrement, on a une oscillation
ou une imbrication entre deux thèmes fondamentaux : une hyperindividualisation en
réaction contre la communauté
despotique, οù
il y a
autonomisation
totale
de
l'être qui finalement se gonfle
jusqu'à être la communauté οu
sa dissolution,
une
affirmation
exacerbée de 1a communauté qui dilue tous les êtres et qui est souvent affirmée sous 1a
forme d'un flux,
d'un devenir indéterminé. On doit noter que la
réalisation de
1a communauté despotique se vérifie en Chine dès le troisième siècle avant J.C, et qu’elle fut plusieurs fois renise en question, ce qui provoqua divers
moments de
troubles[3].
Dans
la zone située entre l’Orient et l’Occident se trouvent des peuples (du Maroc
à
Ce
que nous avons dit au
sujet du christianisme n'est pas encore actualisé en
ce qui concerne l'Islam,
mais celui-ci
subira
le même phénomène. Il
a un avamtage, c'est
qu'il est en quelque
sorte une
"transcendance"
moins
lestée que le
christianisme d'une
représentation de ce monde. L'Islam n’eut
aucun rapport
avec
le droit romain et si,
avec Averroes
et Avicenne, il englobe la pensée d'Aristote cela ne l'a pas autant figé
(à cause probablement
de l'importance du
mouvement mystique). Enfin
il n'a pas subi de Réforme, ce qui
le rend plus juvénile parce
que
plus près
de ses sources
et donc
plus apte
à représenter une communauté qui se veut rénovée. Mais étant données ses présuppositions,
il ne peut pas comme nous l'avons
déjà exposé être l'alternative
à la représentation
du capital, ni devenir la
sienne.
Nous
l'avons maintes fois
expliqué ce n'est que lorsque le capital atteint son stade
de communauté matérielle
qu'il peut tendre à
s'implanter dans tous les pays où
la communauté ne put être détruite.
Car
dans ces zones les conditions de la
production étaient
en contradiction
avec ses
présupposés. En revanche le résultat
de son procès historique : la communauté, devenait
compatible
avec
le présupposé de la
production de ces divers pays
à la communauté plus ou moins despotique.
Voilà pourquoi
le capital étend sa domination de par le
monde sans oublier que ce phénomène
n'était pas inéluctable
et qu'il
est
même possible
que le
capital ne parvienne pas à s'instaurer réellement dans diverses
régions
du globe.
Globalement
nous
constatons que
nous avons un arc
historique
qui va des communautés
plus ou moins naturelles
où l’homme n'est pas séparé de
ses conditions de production (le procès de séparation
essentiel pour définir
le capital
ne
s'est pas produit) à la communauté
capital. Le phénomène
capital y est inclus puisqu’il
commence avec
le surgissement
de la polis
grecque, pour
ce qui
est de l'Occident, tandis que pour
les autres parties
du globe
il
commence avec la pénétration du
capital.
Enfin il est
un présupposé que nous
n'avons pas signalé
auparavant
parce
qu’il
ne se retrouve pas
uniquement dans
la société occidentale,
c'est le phénomène
du patriarcat,
c’est-à-dire le phénomène
d'assujetissement de la femme à l'homme,
condition fondamentale également pour le procès
d'individuation. Il s'est produit
à la fin du
néolithique et
s'est réalisé
tout
d'abord au sein des peuples
pasteurs où naît
également 1a propriété privée.
Le triomphe
du patriarcat
qui est simultanément
autonomisation
du
pouvoir au sein de la communauté ne
se produit pas de façon linéaire.
Ι1
y eut de grands
reculs. C'est avec
le développement
de 1a chasse
au gros gibier au
paléolithique
supérieur que se manifeste une
première
tendance
à 1a prédominance des hommes,
mais ceci est réabsorbé au mésolithique
et au néolithique. Ιl
est fort
probable que 1a
communauté
d'alors
n'a la plus les mêmes
caractères que celle
antérieure où
il ne pouvait pas
se poser
un pouvoir ni un mode
d'être
où la femme
aurait eu
une
prépondérance déterminante
(lorsqu'elle l'acquiert c'est
qu'il y
a déjà fragmentation de
la communauté) encore
moins donc un matriarcat. D'autre
part
avec
le développement de l’élevage au
néolithique, l'apparition
de la propriété privée,
l'accroissement de la population,
se produit la montée du pouvoir
des hommes
qui a probablement
conduit
les femmes,
afin
d'enrayer le phénomène,
à se mettre sur le terrain de
ce dernier, d'où l'apparence de
matriarcat
qui induisit
en
erreur, ce qui explique également l’aspect
parfois sanguinaire de
certaines
communautés où les femmes eurent 1a prépondérance ainsi que la
manifestation des amazones. Cependant même avec le triomphe des hommes, le pouvoir, 1'État
ne parvinrent pas encore à s'imposer. Ιl
est probable que la
destruction de
la civilisation créto-mycénienne
fut due à une rebellion contre
le pouvoir. Il faudra
quelques siècles de
domestication ultérieure pour que l'État
puisse
enfin se manifester sous
la forme de la polis grecque,
mais entretemps 1’individu
lui aussi a été produit.
Nous
voilà à la fin d'un
arc historique et
nous devons préciser que le patriarcat du moins dans la zone
occidentale se termine au
sein du
phénomène capital; dès maintenant
nous
sommes au-delà. Je
veux dire par
là que le capitalisme
n'est pas
la phase
finale
du patriarcat puisque
ce dernier se
dissout
en lui. Les hommes ont perdu toute
force et
ne peuvent plus être déterminants.
S'étant appuyé sur
eux pour
advenir
et
ayant pompé leur substance,
le capital
peut
avoir
tendance à utiliser maintenant
les capacités encore
inconnues de la femme,
non pour les
mettre au "pouvoir",
mais
pour se revitaliser; d'où
le grand danger de récupération
de divers mouvements féministes.
Signalons,
en conséquence, les
résultats auxquels aboutit le déroulement
du phénomène capital:
le mouvement intermédiaire l’emporte,
la
représentation. L’origine
du capital c’est l'argent
qui devient
capital parce
qu'au sein d'un
procès
de production il y a un
incrément de valeur:
1a plus-value, mais
ceci
ne peut
être que s'il est
représenté (sinon il serait
lié à
un procès
donné et
ne pourrait avoir
aucune
conséquence); donc
le capital s'est emparé de
l'équivalent général, l'argent. Il
doit
pouvoir se
poser et se
différencier,
être
totalité indifférenciée
où ΔK ne se distingue pas de Κ
et totalité
différenciée où ΔΚ se pose
différent de K, de même qu'il faut
qu'il puisse se particulariser,
tout en étant organiquement
lié
à
lui.
Le
mouvement
intermédiaire l'emporte également sur
un plan plus
phénoménologique. En effet
si pour
son
surgissement
le capital a besoin des trois classes:
propriétaires fonciers, bourgeois, prolétaires
salariés, puis fondamentalement
de deux:
bourgeois et prolétaires, puis d'une seule
les prolétaires (
car
c'est la classe
qui produit la
plus-value) il triomphe
sur 1a société
et s'instaure en communauté grâce
aux
classes
moyennes engendrées par son procès de production global intermédiaires entre
prolétariat et capital, classes
dévolues à sa
circulation et donc
à sa médiation.
Le triomphe du capital est celui de la médiation, et de la
perte de toute immédiateté
pour
l’homme.
Celui-ci ne
peut retrouver quoi que ce soit qu'à travers une
médiation du capital. D'où
les illusions actuelles.
Le
capital valeur d'échange parvenue à l’autonomie,
médiation autonomisée, s'autonomise
en tant que représentation : c’est
son
échappement.
Il est parvenu à ce
résultat au travers de diverses révolutions qui sont autant de moments de sa libération. D'où
avons-nous dit le cycle des
révolutions est fini et le mouvement de libération ne peut plus être envisagé si on ne veut pas s’enfoncer dans l'errance qui est parvenue à
son
terme, et s’y abolir.
Dans
la
communauté
du
capital, on n'a
plus
de classe mais on a
un esclavage généralisé avec
massification et homogénéisation des hommes et des produits, terme ultime du phénomène démocratique. Toutefois si le capital s’est
imposé
grâce à l’égalitarisme démocratique
il peut
maintenant fonder
des hiérarchies donc des
inégalités à divers
niveaux afin de créer de.s différences de potentie1 permettant d’enrayer un
phénomène d’entropie (Cf.
La séparation nécessaire et
l'immense refus).
Le
capital
réalise
le vieux projet de dominer la nature, de se
différencier des animaux.
Il apporte aux hommes et
aux femmes la sécurité toujours recherchée, depuis que les êtres humains ont rompu leur lien à la nature et celui
avec leur Gemeinwesen.
On peut se démander si ce
n’est pas à cause de
cette recherche incessante
que
les
hommes
ont
accepté les pires infamies.
Or, le capital créé la société
sans risques, mais
aussi
sans aventures et sans passions
(d'οù
pour
certains
le slogan du droit
à l'aventure). Il engendre
en même temps
l'inhibition de la créativité
et même de l’activité.
Schumpeter avait en
partie
individualisé le phénomène
en
mettant en évidence la tendance à la perte de l'esprit
d’entreprise qui est liée à la transformation de l’être humain
en particule du capital.
Ayant
réalisé
un projet
humain:
assurer la
sécurité,
le capital parvient à sa
pleine anthropomorphose
et
atteint sa mort potentielle parce que, simultanément, ayant tout désubstancialisé il
se charge de substance qui l’inhibe. Il désubstantialise au travers d'un procès d'escarnotage.
Il escamote la
terre et
produira des
denrées avec
un simple
support matériel; il
escamote
la femme et produira des enfants in vitro; il escamote les
êtres vivants
et produira la vie chimiquement ; il escamote la matière pour produire: une réalité matérielle
à partir d'une combinaison de
particules plus
ou
moins évanescentes.
Ι1
est clair que ce
procès est à
son début, mais il est
inclu, dans sa détermination fondamentale: médiation autonomisée, réflexion
qui n’a
plus d’enracinement.
Le
capital est un produit de l’activité des hommes qui s’est autonomisée
d’eux
sous forme d’une anthropomorphisation qui réalise de façon hypertélique
une
détermination fondamentale de l’espèce: la réflexion.
D'où le
triomphe actuel
de l'abstraction,
d'une espèce de spiritualisme[4], en tant que dématérialisation. Le capital
est le mouvement pur qui doit
surmonter toutes
les barrières ; il
ne peut être que s'il y a justement
des limites à franchir. Or la limite du capital c’est
l’homme. Il ne peut le dépasser qu'en l’intégrant; ceci
étant, se pose sa
mort
potentielle.
Sa
mort réelle ne
s’effectuera qu’au travers d’un procès d’abandon: l’abandon
de l’ensemble
du phénomène avec tout ce qu’il intègre et présuppose, que nous avons
précédemment exposé.
L’accession
du capital
à son autonomie, son échappement, c’est le moment où il n’est plus que
représentation.
Dès lors tout ce qui a été escamoté peut être réintroduit grâce à des
médiations mais, à ce moment-là et étant donné l’accroissement énorme
de la
population humaine, il y a un tel nivellement, une telle dégénérescence
des
êtres humains que le capital ne peut plus se régénérer. Il pourra
survivre sous
l’effet de l’impulsion acquise depuis ces derniers siècles. Il a
rencontré sa
vraie limite, tandis qu’une certaine humanité à rencontré sa mort.
Etant
donné le procès d’anthropomorphose, il
est clair qu’il s’agit aussi de notre mort, non de la mort en tant que
cessation absolue mais en tant qu’initiation à une nouvelle vie. Nous
vivons
donc un bardo particulier; nous devons franchir un
espace-temps rempli
d’horribles menaces, de pièges, d’illusions et de fascinations. Mais,
du moment
que nous savons que la mort potentielle du capital et la mort en nous
d’une
errance millénaire, rien ne peut enrayer notre devenir à la communauté
humaine.
On peut encore préciser
l’importance du phénomène capital en le situant par rapport aux
problèmes posés
par la coupure d’avec la communauté et d’avec la nature qui fonde la
dichotomie
extériorité-intériorité, donc celle entre être-soi et être-autre.
Originellement les humains pensent en termes d’allinace et d’aide les
rapports
entre ces deux "êtres". Toute vie est aide et
alliance;
alliance avec l’autre en tant qu’étranger, en tant que femme, c’est
l’amour,
en tant que manifestation non immédiate et non sensible on a le sacré
et ses
diverses hiérophanies, en tant qu’au-delà c’est la mort qui est souvent
considérée en tant qu’initiation à la vie autre. Ensuite ces rapports
sont vus
de plus en plus en termes d’échange ce qui fonde le mouvement de la
valeur. Le
rapport à l’autre sera une valorisation. Le capital en tant que valeur
d’échange ayant accédé à l’autonomie et étant lui-même parvenu à ce
même stade
englobe tout et fonde ainsi les différents rapports: il y a
homogénéisation des humains, des cultures; la démocratisation
est
fondement d’une combinatoire d’êtres désubstantialisés:
l’amour est
réduit à une combinatoire sexuelle, la mort n’est plus posée comme un
raport à
l’au-delà mais comme la simple cessation de la fonction d’un des
éléments de la
combinatoire (mort démocratisée). Enfin le capital est fondamentalement
profanation du sacré. Autrement dit tout ce qui pouvait se poser comme
éléments
antagonistes susceptibles d’avoir des devenirs plus ou moins
irréductibles
nécessitant donc des alliances afin de rendre possible le flux de vie a
été
ramené à des éléments d’une combinatoire qui joue au sein d’un procès
de
capitalisation. L’être humain étant le seul autre du capital et ce
dernier
s’étant anthropomorphisé, il n’y a plus d’autre. D’où la mort
potentielle du
capital[5].
Nous avons indiqué
aileurs que pour enrayer cette tendance mortelle, le capital n’avait
qu’un
recours: la violence[6].
Au cours de la dernière période de
ce vaste mouvement que nous venons succinctement d’exposer, s’est
manifesté ce
que nous avons originellement appelé la dimension biologique de la
révolution
et qu’il convient mieux de signifier comme dimension biologique du
devenir à la
communauté humaine. C’est le fait que les hommes et les femmes
dépossédés du
geste, de la parole, du rythme et de l’imagination veulent se les
réapproprier.
Plus globalement on peut dire que le phénomène vie s’est, au travers de
l’espèce humaine, fourvoyé dans l’impasse qui est cette hypertélie de
la
réflexion, phénomène s’autonomisant en s’abstrayant, en se
désubstantialisant
sous forme de capital faisant courir un risque énorme à l’ensemble du
monde
vivant. Celui-ci doit tendre à l’enrayer, il doit prendre une autre
voie de
réalisation de la réflexivité qui est la fonction de notre espèce non
uniquement pour elle-même, mais pour l’ensemble du monde vivant. Or, la
réflexivité ne peut exister que si l’immédiateté des êtres persiste aux
divers
niveaux, c’est-à-dire que doivent persister toutes les formes de vie.
Autrement
dit
ce qui
se
pose,
ce n'est pas
simplement un problème culturel, mais un problème naturel, c'est-à-dire plus précisément que la culture autonomisée doit être éliminée ροur que s'accomplisse, grâce à l'espèce humaine ayant enfin mis un terme à son errance, le devenir de la vie à 1a réflexivité. En conséquence
le fameux débat
sur l'opposition nature-culture, les
discussions au sujet de la primauté de celle-ci en tant que détermination essentielle de l'espèce humaine ne font qu'effleurer la
réalité que l'on doit affronter. Ils concernent tout au plus un petit moment du phénomène humain défini comme le procès par lequel un être ayant les présupposés humains tel que station verticale, bipédie, main, va
par accroissement de son cerveau, acquisition du langage, des
outils, de la pensée conceptuelle, devenir homme, procès qui prend des millions d'années.
Enfin
pour
apprécier
une
théorie
visant
à donner
des indications
sur
une
voie non capitaliste, comme prétend le faire
Ιl
est évident
que
l'opposition
ne s'effectua pas aussi clairement et nettement
que nous l'indiquons ci-après, en effet, les adversaires ne se reconnurent souvent pas tels qu'ils étaient.
Ainsi le mouvement réactionnaire lutta fondamentalement contre la bourgeoisie puis contre elle et le prolétariat, celui-ci devenant progressivement
l'ennemi essentiel, sans jamais reconnaître le capital; il s'opposa à tout ce qui devait permettre l'épanouissement de ce dernier.
Ce
mouvement
réactionnaire très virulent et puissant au début du ΧΙΧème
siècle subit maintes variations au fur et à mesure du devenir de la société bourgeoise; ainsi s'il resta fort sceptique en ce qui concerne le progrès, il fut amené à accepter la science; toutefois il maintint son opposition à la démocratie et sa revendication d'une communauté organique qui semblait d'autant plus nécessaire que le mouvement du capital manifestait une expropriation qui atteignait les diverses
couches de la société. D'où la revendication, entre autres, de
l'enracinement, se présentant comme un culte de la
terre en tant que patrie!
À l'opposé le mouvement prolétarien s'est
élevé contre le capital, lui aussi sur une base de classe, en tendant à créer une communauté nouvelle:
le communisme. En outre, il acquit assez rapidement connaissance de la réalité de son adversaire: le
capital et non simplement la bourgeoisie. Εn lui s'est manifesté la nécessité de porter
à son accomplissement l'épanouissement de
l'individualité, en même temps que devait se
réaliser 1a communauté humaine. Ce sont les anarchistes qui s’occupèrent plus particulièrement de l'individualité, les marxistes de la
communauté.
Ce
qui
est
essentiel dans le mouvement prolétarien c'est
son
caractère international et sa perception d'une unification de
l'espèce; c'est pourquoi le concept d'espèce a
une réelle importance chez des
hommes aussi divers que Marx et Kropotkine.
Ce faisant le mouvement prolétarien νa
au-delà
du mouvement bourgeois qui, lui aussi, à son apogée lors de la révolution française, visa à 1'union du genre humain (on trouve cette préoccupation dans tout ce qu'on a appelé l'humanisme) ainsi qu'à l’émancipation de l’individu. La différence est que ce dernier pensait pouvoir
atteindre son but à travers l'instauration
d'institutions qui auraient limité le développement du capital, tandis que le premier postulait qu'un
tel but ne pouvait être atteint tant qu'il y avait des classes et
une exploitation d'une classe par une autre; il fallait donc l'élimination du capital.
Mais le
mouvement prolétarien gardait malheureusement certains présupposés du capital: la dichotomie extérieur-intérieur, la vision du progès, l'exaltation de la science, la nécessité de se distinguer de l'animal considéré, dans tous les cas,
comme inférieur, l'idée de l'exploitation de la nature, même si on trouve 1a formulation, chez Marx, de la
nécessité de la réconciliation
avec celle-ci, ce.qui fait que la
revendication d’une communauté humaine est
restée dans les limites du phénomène capital et, du fait que la coupure avec celui-ci ne s'est pas opérée de façon draconienne, il ne fut pas possible de donner une vision concrète de 1a communauté.
Pour mieux faire saisir ce que je veux exprimer, je voudrais insister tout particulièrement sur l'apport de Marx en anticipant sur ce que j’aimerai exposer dans un livre (si je trouve un
éditeur !):
Marx dans son éternité humaine qui reprendra les thèmes abordés dans le
projet qui avait pour titre:
Marx au-delà de Marx.
K.
Marx fut
non
seulement
un théoricien
du
mouvement
prolétarien mais il est le théoricien qui clôture la phase historique commencée avec la formation de la cité grecque. Les présupposés de
sa pensée ont été
engendrés à ce moment-là.
Affirmer
la caducité du marxisme implique de rejeter tout le phénomène historico-théorique qui le sous-tend.
Ιl
exprime
la fin
du phénomène de démocratisation-massification
et celui
d'individuation qui est
généralisation à tous les humains de
certaines déterminations ou privilèges originellement réservés à certains êtres. Ce qui élimine les hiérarchies fondées sur des
déterminations humaines; celles qui surgissent dès lors sont fondées par le capital; ce phénomène est en réalité, simultanément dégradation de l'espèce. Marx a bien montré toute la linιite
de
la démocratie et il ne l'a
acceptée qu'en tant que revendication au sein de la lutte contre le système féodal; car il a fondamentalement posé la nécessité d'une autre communauté. Et ceci est tout à fait cohérent avec sa perspective considérant le MPC comme constituant une phase tout à fait transitoire de l’histoire humaine.
Ιl
a exposé les conditions de production d'une science, les règles d'une scientificité qui implique l'élimination de l'homme comme opérateur déterminant. Ce qui
fonde le structuralisme même si le courant qui porte ce nom fut affirmé par des hommes qui crurent faire œuvre
originale, autonome vis-à-vis de lui (Cf. Introduction de 1857 et
1a préface à Contribution à la critique de l’économie
politique et sa théorie de
l'équivalent général). Avec son exposé sur la genèse
de 1a valeur (Livre Ι du Capital, Contribution à la critique de l'économie politique, Grundrisse)
on a la clef explicative non seulement du phénomène valeur et de la
genèse du capital mais on a la trame explicative de la formation de toutes les valeurs (souvent nommées idées) comme justice, liberté, égalité, etc...,
ce qui
montre que le développement de la pensée était lié à un comportement déterminé des hommes et que leur idéalité était également concrète.
En même
temps, il est possible de comprendre la dynamique envahissante de chaque idée-valeur-équivalent général qui tend à se soumettre le tout du réel. Et là nous avons l'essence même de la dynamique du racket:
tout le monde doit
s'équivaloir à l'élément fondamental qui détermine le racket; cet élément permet de fonder l'appartenance et
l'exclusion, enfin il veut s'enfler jusqu'à être communauté totale (que ce soit des
idées οu
des hommes).
K.
Marx donne
toutes les indications
nécessaires pour comprendre la domination réelle du capital sur la société (il n’a parlé que de la domination dans le procès de production), la formation de la communauté capital et donc l'échappement de celui-ci.
Dès
le ΧΙΧème siècle on eut aussi une opposition au capital qui ne s'effectua pas sur le terrain d'une classe mais sur 1a base d'une communauté[7] : cas de
Pour le moment, ici encore, nous n'avons qu'un écho du temps.
L'échec du mouvement prolétarien
qui avait pour but également la libération de la femme rendit nécessaire un mouvement
autonome des femmes:
le mouvement
féministe qui prit un réel essor après la
seconde guerre mondiale. L'importance de ce mouvement fut
indéniable à cause de sa critique des insuffisances du mouvement révolutionnaire
classique, montrant à quel
point
les révolutionnaires
eux-mêmes
étaient infestés de pouvoir
et de domination
et dévoilant toutes les formes subtiles de 1a phallocratie forme
dégénérée mais délétère du patriarcat. Elle dérive, en outre, de la
remise en question
des rôles, ce qui aboutit à poser clairement la question qu’est-ce que
la
femme, qu’est-ce que l’homme ? Le féminisme a provoqué une
cassure
éminemment salutaire au sein de la représentation en place.
Le mouvement
régionaliste a les mêmes causes
fondamentales: faillite du mouvement ouvrier et le fait que
les
contradictions furent, au cours du mouvement historique, englobées mais
jamais
résolues; recherche d’une identité et refus d’une
homogénéisation. Là encore on ne peut pas nier
son apport dans la mesure où
il remit en cause toute
une tradition plus
ou
moins monolithique de la domination par exemple
celle de l'église catholique qui
asphyxia toutes
les cultures locales,
dans la mesure où il revalorise
le paganisme et contribue à affirmer
l’importance du
corps manifestant par là-même,
d’une autre façon, ce que nous
appelâmes la dimension biologique de la révolution.
Au
fur et
à
mesure que le mouvement d'opposition
au capital se fragmente, se
particularise, il
tend à s'enraciner dans une réalité
plus ancienne, c’est-à-dire
qu'il
est obligé de
chercher son identité dans un passé plus éloigné, retrouver une réalité plus ample, une
plénitude. En ce qui
concerne les régionalistes, ils remontent à
la période antérieure, à
la conquête
romaine,
pour les
féministes
c'est surtout la période du néolithique qui est envisagée, moment
de ce que Françoise d’Eaubonnes appelle
gynocraties, ce qui ne l’empêche pas de faire de multiples incursions
dans le
paléolithique afonde préciser le surgissement de l’assujettissement de
la femme
à l’homme[9]. Il tend d’autre part, du
moins pour certains de
ses composants, à se radicaliser, c’est-à-dire à ne pas se satisfaire
du simple
renversement du pouvoir actuel ce à quoi visent uniquement les
révolutionnaires
classiques, c’est-à-dire qu’ils sont conduits à s’opposer non seulement
au
capital au stade où il est parvenu actuellement, mais à ce qui a
détruit à un
moment donné leur culture ou a inhibé leur être. Cependant cela
s’accompagne
d’une perte d’universalité; plus profondément il y a
évanescence de
Il
en est de même
de groupes qui surgissent sur le terrain de la rébellion contre le
capital et
qui eux aussi s’enracinent dans les mêmes fondements:
dissolution du
mouvement ouvrier, etc., mais où joue de façon prépondérante "la
dimension biologique de la révolution", au travers de la
recherche du
rythme, du geste, etc. Il s’agit de divers groupements musicaux et de
communautés dont nous avons parlé ailleurs. Nous assistons à la
génération de
multiples microcommunautés qui s’édifient sur la base de la défense
d’une
modalité d’être de l’espèce soit en s’opposant au capital, soit en
compatibilité complète avec lui. Ceci est en liaison avec la
restructuration de
l’espèce qu’impose la réalisation de la communauté despotique du
capital. En
effet la perte de substance, la désintégration de l’individu
impliquent la
formation d’un autre mode d’être des particules libérées. C’est ainsi
qu’au-dessus de ce qui est appelé le rapport nucléaire plus ou moins
stable
s’édifient des micro-communautés exclusives qui produisent leur propre
langage,
recréant sous une forme caricaturale un système de castes, manifestant
une
volonté de différencitation, en opposition à l’homogénéisation
capitaliste et à
l’espèce de dilution qu’apporte la surpopulation. L’individu esclave de
la
communauté capital se définira par son appartenance à telle ou telle
micro-communauté, ce qui ne fera qu’accroître les difficultés de
communication
entre les humains.
Dans
ce cas, l'enracinement est immédiat
; en
outre
les adeptes de telles
micro-communautés
en
arrivent à préconiser
l’oubli,
donc le rejet du
passé et
de l'avenir pour privilégier le
présent, l'ici
et
maintenant où tout doit
se résoudre,
de même qu'ils privilégient certaines modalités
d'être comme la
jouissance effrénée
et l'acquisition de moyens qui peuvent accélérer
son
obtention, ou qui peuvent escamoter
un procès de transformation des
êtres:
la drogue. Tout cela
exprime une impatience
certes
nécessaire
mais
aussi une destruction
de la plénitude de l’être humain-féminin
et l'affirmation de l'incapacité à affronter sans
prothèse,
sans thérapeutique le problème du
devenir à une autre communauté.
La
multiplication des sectes religieuses d'inspiration orientale, le plus souvent,
traduit elle
aussi une opposition
au capital. Ce
n'est
pas nouveau en
Occident, qui
connut un phénomène similaire
à l’époque de
1a fin de l'Empire romain. Ce
fleurissement du mysticisme est en fait le complémentaire
de l’hyperrationalisme occidental; il tend de plus en plus à être intégré d'autant plus que 1'idéologie des
sectes sont souvent
un horrible mélange d'individualisme
et de despotisme communautaire, en outre la vogue de ces sectes dans
les milieux de gauche et d’ultra-gauche où s'effectue
de multiples conversions montre à quel point règnent le désarroi et l'incapacité à
réfléchir
ainsi que le suivisme débile.
Toutes
les formes
de rébellion
ont été explorées; toute utopie est
devenue impossible
d'autant plus
que
c'est le capital lui-même
qui pose
sa propre utopie. Ι1
n'y a plus d'espace où les
êtres humains pourraient
à nouveau réaliser une rébellion
et on ne peut plus avoir des bandes de pirates constituant
des contre-sociétés[10].
Voilà donc
où nous en sommes.
Il nous est possible
maintenant d’aborder le discours de
Avec
le mouvement suscité par Mai-68
on
a eu réactivation
de
tous
les thèmes fondamentaux affrontés dans
les années
20 par les
avant-gardes artistiques,
philosophiques, révolutionnaires, etc. La
discontinuité
de Mai-68 fut
représentée par
un advenu,
par
l'écho de pensées
qui avaient conquis
leur temps des années
auparavant. De
même le courant
dénommé
ND est un ressurgissement de
quelque chose manifesté
il y a plus
de cinquante ans.
Dans les années
20 et 30 les gens
de gauche
ne voulurent pas réellement prendre en
compte, analyser les idées émises
par le
mouvement nazi et
les courants qui
lui furent plus ou
moins
proches même si
ultérieurement
beaucoup
de leurs
membres durent subir 1a
répression nazie.
En règle
générale, il n’y eut
pas d’essai sérieux visant
à comprendre l’οriginalité οu
non du phénomène
advenant; seule son immédiateté fut analysée et on tenta le plus
souvent de
le réduire; et, surtout,
personne
ne se rendit compte que nombre de
ses prétentions avaient un
fondement réel;
ainsi il est
vrai qu’il peut se nommer révolutionnaire puisqu’effectivement il mit
fin à la
vieille société bourgeoise. Les gens de gauche se justifièrent a postériori en mettant en évidence ce à quoi avait abouti
un tel
mouvement et en
affirmant
que le
nazisme
avait
définitivement était
battu,
éliminé.
Or ces idées
réapparaissent avec
force de
nos jours[11]
et ceux qui les
affirment se voient
immédiatement
disqualifiés
en étant
traités de
nazis, ce faisant
le débat (dont les démocrates sont pourtant friands) est esquivé. Il y
a la
peur de prendre en considération la réalité existentielle des gens qui
reproduisent et défendent ces idées, parce que cela manifeste que si le
nazisme
a été éliminé, les questions qu’il posa n’ont pas trouvé de réponses
satisfaisantes.
Il
est
évident, qu'on ne doit
pas oublier que ces idées sont
reprises
sur
une base
nouvelle et dans
un contexte géo-social nοuveau.
Il n'y
a plus de
colonies.
Les divers
peuples hier taxés
d'infantilisme, d'incapacité
à se gouverner, etc., sont débarassés de
leurs
maîtres depuis
plus de 20 ans et pourtant, ils ne
connaissent pas les
catastrophes qu’on leur avait prédites, souhaitées; le
rapport entre les sexes a été profondément
perturbé avec le
surgissement
– ou le ressurgissement – vigoureux d’un
mouvement
de libération
de la
femme dans
presque tous les pays.
La notion
de normalité
a été
terriblement ébranlée
avec l’irruption du mouvement gay, de libération des
homosexuels, etc.
En outre, il y a eu
les camps
de concentration en
Allemagne, il y a
eu et il y a le
goulag en
URSS. Il est donc difficile d'être raciste
et totalitaire. C’est pourquoi
ces idées
réapparaissent
sous la
forme suivante: nocivité
de l'égalitarisme,
de l'homogénéisation, affirmation de la diversité, de la différence, nécessité
des élites,
etc.
La
vieille droite qui
s’opposait au capital sur la base d’un passé totalement révolu, ou a
disparu ou
a été happée par le MPC et est devenue gestionnaire du capital, dès
lors qui va
représenter la continuité, la tradition, la conservation?
Si
le nazisme fut un
mouvement qui permit le passage de la domination formelle à la
domination
réelle du capital sur la société, à quoi peut correspondre le
ressurgissement
d’idées qui sont ressemblantes à celles qui animèrent ce
mouvement? Plus
globalement, dans l’ensemble des représentations du capital et de
celles qui
s’opposent à lui qu’est-ce qu’elles signifient? Peuvent-elles
signaler
une alternative? Quel rapport peuvent-elles avoir vis-à-vis
du cycle
total du capita ?
Pour
répondre à ces
questions nous aborderons l’œuvre du représentant le plus connu de
Mais,
étant donné qu’Alain de Benoist ne
fait aucune analyse du capital, et qu’il ne peut pas avoir, a fortiori,
une
connaissance de ses présupposés, il y a une immersion totale de sa
pensée dans
la représentation capital. En outre, ce qui est assez saugrenu, il ne
se rend
pas compte que certaine de ses affirmation ne sont nullement
antagoniques à
celles de Marx. Par exemple :
«L’homme
n’est pas maître de ses
capacités, mais il est maître de la façon d’en user. Il est le démiurge
des
formes, der Herr des Gestalten» (Vu
de droite, éd. Copernic, p. 93).
Or,
pour Marx qu’est-ce que le travail sinon
la capacité de créer des formes; l’activité qui permet de
réaliser des
formes? L’acte de production est ce qui permet d’engendrer
des formes, de
faire apparaître quelque chose, de donner forme à quelque chose, à une
matière.
Le concept de production n’étant pas du tout limité au domaine
économique. Il
signifie un procès de formation, de genèse qui est apte à ôter toute
magie au
surgissement de tout être, de toute chose, de toute formation
historique, etc.
Le but
d’A. de Benoist est de produire une
représentation globale en vue d’un objectif immédiat: ravir à
la gauche
le pouvoir intellectuel pour être ensuite à même de transformer la
société.
Pour cela il se met sur le terrain de son adversaire puisqu’il veut
édifier une
théorie[13]
apte à effacer le
marxisme, ce qui fut tenté par d’autres avant lui souvent avec la même
méthode: se fonder sur les apports de la science pour montrer
que le
marxisme n’est pas scientifique. Pour ce faire il recourt aux résultats
les
plus récents de la recherche en biologie et en physique qui l’aident à
fonder
son nominalisme qui est la clef de voûte de sa représentration et qui
lui
permet de rejeter toutes les théories qu’il considère comme
universalistes, le
marxisme en particulier.
C’est le nominalisme qui lui
permet
d’affirmer un anti-réductionnisme (terme qui très à la mode chez tous
les
critiques du marxisme) qu’il présente commé étant la caractéristique de
Or,
il est vrai que l’universalisme est un moyen d’escamoter les
différences et A.
de Benoist a raison de refuser, comme le fit Marx, de parler d’homme en
soi : «Il n’y a pas d’homme
en
soi, il n’y a que des cultures ayant
toutes leurs caractéristiques» (Les
idées à l’endroit, p. 39). Mais lui aussi est un
réductionniste dans la
mesure où il perd totalement de vue la dimension de
La
pensée universaliste tend certes à autonimser des équivalents généraux
qui sont le produit d’une abstraction et d’une réduction[15]
et qui sont autant
de médiations du capital, mais la pensée nominaliste en niant le
continuum des
êtres et des choses est une pensée privée de la dimension de
«Si
Dieu est mort, si le
monde est un chaos dont seule une
action volontaire peut faire un cosmos organisé, alors l’homme est
seul »
(Vu de droite, p. 90).
Le
nominalisme actuel est une manifestation du processus de décomposition
qui frappe le corps social et de l’impasse de la science qui ne
parvient plus à
donner une représentation cohérente d’une totalité sans devoir remettre
en
cause ses présuppositions, comme le prouvent les débats récents comme
ceux du
colloque de Cordoue[16].
Il est clair de même
que la pensée universaliste peut elle aussi être l’instrument adéquat
pour
établir une représentation conservatrice, comme on le constate avec le
structuralisme qui pose l’éternité du capital.
Le nominalisme d’A. de
Benoist
demeure dans l’orbite de la représentation du capital parce qu’il ne
rompt en
rien avec le mode de connaissance qu’il présuppose: la pensée
binaire,
individualiste, etc. En outre il n’est pas aussi radical que le
proclame son
auteur; car ce dernier pose des universaux, des invariants
quand cela lui
convient pour défendre ses thèses au sujet de la race, de la justice,
de
l’honneur, etc. Le seul nominaliste conséquant de l’époque moderne fut
Stirner
qui écrivit L’Unique et sa propriété et
déclara «j’ai fondé ma cause sur rien»[17].
Le nominalisme a toujours
fleuri
aux moments critiques de l’évolution de la pensée philosophique et
scientifique. K. Marx lui aussi fit œuvre de nominaliste quand il
affirma de
façon percutante qu’il n’existe pas d’homme en soi, de justice en soi,
mais que
tout être humain est déterminé par le mode de production historique où
il se
trouve pour ainsi dire inclus; de même il affirma que toute
justice est
liée à une classe donnée (laquelle évolue dans le temps), à un État,
etc. C’est
pourquoi l’histoire en tant que dévoilement des diverses magies
occultrices des
différences avait une grande importance pour lui.
De
même, on peut dire que nous faisons œuvre nominaliste quand nous
mettons en évidence le phénomène de l’idée-racket !
On
peut reconnaître, il est vrai, que Marx a péché contre son propre
nominalisme dans la mesure où il aurait fait du prolétariat un
universel
abstrait; mais ce sont les épigones qui produisirent un tel
universel-opérateur. Chez lui, il y a surtout l’affirmation que le
prolétariat
ne peut avoir qu’une conscience universelle, c’est-à-dire apte à poser
les
problèmes pour l’ensemble de l’espèce, et son importance est due à son
rapport
à
Á propos de l’histoire, A. de Benoist n’affirme rien d’autre que ce sont qu’ont déjà exposé Marx et Hegel. A. de Benoist déclare :
"L’histoire n’a pas de
sens : elle n’a que le sens que lui donnent ceux qui la font.
Elle n’agit
l’homme qu’en tant qu’elle est d’abord agie par lui." (Les idées à l’endroit, p. 38).
Que dit Marx ?
« L’histoire ne fait rien,
elle ne "possède pas de richesse
énorme", elle ne "livre aucun combat" ! C’est plutôt l’homme, l’homme réel et vivant qui fait et
possède tout cela et
livre des combats; ce n’est pas "l’histoire"
- comme si elle
était un personnage à part – qui se sert de l’homme comme moyen de
réaliser ses
buts, car elle n’est rien d’autre
que
l’activité de l’homme poursuivant ses buts » (
« La question de savoir
si l’on peut ou non faire "revivre le passé"
devient caduque ;
le passé conçu comme passé revit toujours dans tout présent ;
il est l’une
des perspectives grâce auxquelles
l’homme peut élaborer des projets et se forger un destin » (Les idées à l’endroit, p. 38).
Que démontre Hegel avec sa
dynamique historique fondée sur la Aufhebung[18].
En
outre, quoi que d’aucuns en
pensent, il n’y a pas chez Marx une problématique de la fin de
l’histoire qui
se caractériserait par l’apparition d’une phase de paix perpétuelle où
l’espèce
humaine n’aurait plus à lutter, parce que le communisme se situe
au-delà de la
dichotomie guerre-paix et parce qu’il pose qu’avec la révolution
communiste se
clôt toute une phase historique et que, dès lors, commence une autre
histoire
humaine.
Comme
beaucoup d’autres théoriciens qui, eux, se trouvent à gauche, A. de
Benoist s’élève contre l’histoire linéaire; il est partisan
d’une
conception "sphérique" de celle-ci. Toutefois
certaines de ses
affirmations postulent une conception indéfiniment linéaire, mais sans
progrès.
« Qu’il survivra
[l’homme, n.d.r.] aussi longtemps
qu’il continera,
comme une chose naturelle, à relever les défis qu’il se lance à
lui-même »
La
linéarité de l’histoire découlerait de l’invariance d’une nature
humaine, qui serait une dialectique du défi. Où est le nominalisme
ici ?
Or ceci comme d’autres
affirmations sur l’inévitabilité du pouvoir, de l’Ètat, sont en fait
l’essence
même de la représentation que le capital donne aux hommes:
tout est
toujours remis en cause, la jouissance est impossible. Il faut sans
cesse
lutter, travailler, peiner. Il y a un défaut rédhibitoire dans le
monde;
on peut tendre seulement à le diminuer; cela donne un moteur
à une
dynamique où les êtres humains s’aliènent à un mouvement qui n’a de
sens que
dans la mesure où il ne peut jamais atteindre son but[19].
Une autre conséquence de la
prise de position nominaliste d’A. de Benoist est son refus du
déterminisme
(nécessité) dans le domaine humain, culturel:
«Nous récusons tout
déterminisme, qu’il soit "spatial" ou "temporel". Nous
nous séparons ici d’un "ordre" naturel… » (Les
idées à l’endroit).
Avant d’aborder le fondement
de cette attitude: la volonté à la fois de défendre une
tradition dont
les racines seront cherchées dans un soubassement biologique et de
poser
quelque chose qui soit hors le libéralisme et le marxisme qui
requièrent tous
deux le déterminisme, il est bon de signaler que là encore il n’y a pas
cohérence. Comment A. de Benoist peut-il justifier sa volonté de
prendre le
pouvoir intellectuel, en disant que Marx vient avant Lénine, s’il n’y a
pas de
déterminisme ?
Ici sa pensée est nettement
dichotomique, binaire :
« La culture est aussi tout
ce qui s’ajoute à la nature. Or, la "nature" est nécessité elle
agit tous ceux qui ressortissent d’elle. Tandis que la culture est
hasard: elle dépend de choix qui ne sont prédéterminés que de
façon
potentielle. Poser la culture c’est poser l’homme. C’est poser
l’existence
hasardeuse du réel comme seule réalité. » (Vu
de droite, p. 324).
La nature serait mue par un
déterminisme; l’homme la verrait avec les yeux du hasard et
il voudrait
l’organiser pour y faire régner un ordre (déterminisme)
humain !
« Soit il existe un ordre
dans l’univers, et la tâche de
l’homme est de s’y conformer: l’instauration de l’ordre
public se confond
alors avec la recherche de la vérité, et l’essence de la politique se
ramène à
la morale. Soit l’univers est un chaos,
et la tâche que l’homme peut entreprendre est de lui donner une
forme. » (Les idées à l’endroit, p.
101).
« Pour parler le langage
de Hobbes: l’état de nature, c’est la guerre civile. Le monde
est un
chaos. » (Vu de droite, p.
91).
Il y a en réalité une autre
possibilité où le monde est chaos et non un chaos. Il ne s’agit pas de
l’ordonner, de le discipliner, il s’agit de le vivre. Il est curieux
qu’A. de
Benoist et tant d’autres puissent affirmer qu’il n’y a que l’homme qui
donne un
sens (ce qui est une autre façon de fonder la sécurité dont nous avons
parlé
pus haut). Comment d’autre part un tel être a-t-il pu être produit par
un monde
sans sens ? Sinon par un hasard absolu. Or il le refuse. Il
serait
peut-être préférable de dire que l’espèce humaine prend conscience d’un
sens
donné, ce qui est affirmation de sa réflexivité qui est celle du
phénomène vie.
Toutefois raisonner ainsi c’est encore demeurer au niveau de
l’opposition
binaire sens/non-sens. Que le monde se manifeste en formes différentes
c’est
une chose, vouloir imposer une forme au chaos en est une autre qui est
présupposition du despotisme et affirmation simultanée de satisfaire le
besoin de
sécurité. Or, rappelons-le, le capital est grand organisateur de
formes, un organisateur[20].
La pensée d’A. de Benoist est
parfois magique: la culture apparaît comme une donnée
surgissant avec
l’homme. Mais d’où vient-elle, comment se forme-t-elle. Certes il
dit:
«L’hominisation est elle-même rupture avec la
nature » (Vu de droite, p.
324) ; cependant
il n’explique pas en quoi consiste ce procès de rupture, car la culture
est
posée toujours agglutinée à lui.
« Non seulement l’homme
s’est toujours posé en sujet de la nature, en la transformant et en
utilisant
ses ressources, mais c’est par là qu’il se constitue en homme. La
culture,
pourrait-on dire, est la nature que l’homme, parmi d’autres possibles
s’est
donné et par laquelle il s’est constitué » (Idem,
p. 324).
Ici la culture préexiste à la
nature humaine !
La pensée binaire ne semble
pas pouvoir éviter le piège de l’anthropocentrisme, comme le signalent
les
citations qui précèdent, et qu’A. de Benoist affirme vouloir éliminer.
Or un
auteur latin qu’il cite volontiers, Celse (Le
discours vrai), avait déjà compris que la culture n’était pas
un apanage de
l’homme et il écrivait: «Ce n’est pas pour l’homme
qu’a été ordonné
le monde visible. Toutes choses naissent et périssent pour le bien
commun de
l’ensemble, par une incessante transformation d’éléments.» (in Louis Rougier, Celse
contre les chrétiens, éd. Copernic, p. 206). Il ajoutait que
dieu ne favorise par plus l’homme que les autres animaux ;
nous ne sommes
pas les rois et il mentionne les mœurs sociales des fourmis, des
abeilles et,
en ce qui concerne les premières, il indique qu’elles ont inventé
l’élevage et
la culture[21].
Son anthropocentrisme est
structurel puisqu’il définit le hasard par rapport à l’homme – le
hasard est
choix. De là il définit la culture qui est hasard, d’où par opposition
il nous
indique ce qu’est la nature. En outre, il accepte comme définitif le
procès
d’autonomisation de l’homme par rapport à la nature comme si ce procès
n’avait
aucun retentissement sur tout le phénomène vie, en dehors des
conséquences
écologiques que tout le monde connaît. Or, le phénomène culturel humain
est
lui-même inclus dans le procès total du devenir de la nature (ce qui
définit
l’homme c’est moins la culture que l’autonomisation de celle-ci) et, à
l’heure
actuelle avons-nous dit, il y a contradiction entre les deux.
L’accession de
l’espèce humaine à la réflexivité concerne toutes les
espèces ; tôt ou
tard l’autonomisation de notre espèce devra être enrayées afin que les
différentes formes de vie puissent perdurer sans que les hommes et les
femmes
soient pour cela immergés dans la nature.
Il y a une foule de
contradictions, de superficialités dans l’exposé d’A. de
Benoist; les
révéler n’a pas grande importance parce que notre but n’est pas de
polémiquer
mais de présenter ce qui est affirmeé comme un corps de doctrine, et de
voir si
réellement il peut représenter le devenir du capital ou une alternative
à
celui-ci, ce qui est son ambition. Pour la fonder il situe bien que
nous sommes
parvenus à un moment particulier, à une fin de cycle commencé au
néolithique et
il pense que les hommes seront aptes à trouver une solution comme ils
en
trouvèrent une à ce moment-là grâce à la mise en place de tripartition
des
indo-européens. Ce qui est à nouveau réduire l’ampleur du problème car
celui-ci
s’est posé également aux chinois qui n’ont pas connu cette tripartition
(de
même pour une foule d’autres peuples). En outre comment se fait-il
qu’elle ait
pu donner naissance à deux modes d’évolution différents:
celui de
l’Occident avec la production de l’individu, de l’autonomisation de
l’État, du
capital et celui de l’Inde qui engendra un despotisme
communautaire ?
La solution d’A. de Benoist
au grave problème posé par la situation actuelle consiste à vouloir
revenir à
des formes sociales ancestrales en tant que modèles (il ne proporse pas
un
retour pur et simple car il veut une création) qui permettraient un
épanouissement des groupes humains (il évite de parler de races), des
cultures
dans leur diversité; formes sociales qui auraient besoin de
hiérarchies,
d’un pouvoir, d’un État ? etc.
Une telle représentation ne
peut avoir aucun avenir : elle ne peut pas servir au capital
pour le
représenter en son entier et elle ne signale pas une alternative. Je
sais bien
que le phénomène de la fausse conscience fait qu’il peut arriver qu’une
théorie
puisse servir à des fins différentes de son but avoué. Il est évident
que tout
ce qui est contenu dans Mein Kampf (livre
d’une superficialité et d’une mauvaise foi délirantes) n’a pas
grand-chose à
voir avec ce qu’on peut nommer la représentation nécessaire pour le
passage de
la domination formelle à la domination réelle du capital sur la
société;
mais une communauté populaire pouvait servir, immédiatement, à tous les
déracinés du début de ce siècle ; maintenant il y a une
communauté !
La
représentation de
L’aspect
passéiste de
A. de Benoist ironise sur
la « spécéité ». Or c’est un acquis à mon avis
essentiel du devenir
de ces deux derniers siècles que le surgissement d’une conscience
d’espèce avec
l’affirmation d’une unité de celle-ci et de la présence d’invariants en
elle.
Or cette conscience n’implique nullement la revendication simultanée de
l’homogénéisation telle qu’on peut la voir se réaliser actuellement, ce
qui est le
mode selon lequel le capital unifie l’espèce.
En effet, diverses
personnes, surtout les auteurs de science fiction sont conscients du
phénomène
espèce et l’exposent, tout en faisant ressortir la nécessité impérative
de la
diversité ; le thème de l’identité est souvent, alors, au
centre de leur
investigation (cf. Van Vogt, N. Spinrad, Malaguati, F. Herbert, Ursula
le Gun,
etc.). Ils se préoccupent aussi de la pérennisation de l’espèce dans le
cosmmos
non en tant que dominatrice telle qu’elle se comporta et se comprte
vis-à-vis
des autres êtres vivants de la planète, mais en symbiose, en harmonie
avec
d’autres espèces "conscientes" ; ce qui
est un certain dépassement
de l’anthropocentrisme, préoccupation fréquente parmi eux[22].
Réduire les dimensions
spatiales et temporelles de la communauté revient à opérer ce que fit
le
nazisme et c’est aller à l’échec. Car le capital ne peut pas se
contenter d’une
communauté restreinte; de ce fait le nazisme ne pouvait pas
se prolonger.
Cependant ce n’est pas la démocratie qui l’a emporté, mais la
communauté
despotique du capital fondée sur les réduction des êtres humains à des
particules indifférenciées (phénomène démocratique réabsorbé).
Nous
avons déjà exposé que nous trouvons le concept d’espèce trop limité
parce qu’il
pâtit d’une détermination trop zoologique, ce qui risque d’induire
l’idée que
l’homme, la femme, n’est qu’un animal ; d’autre part, son
utilisation revient
à demeurer encore sur le plan de la saisie du capital, c’est-à-dire du
mode
selon lequel la représentation de celui-ci peut individualiser le
mouvement
d’unification des hommes et des femmes où nous sommes posés comme des
objets.
En revanche le rejeter pour affirmer des micro-communautés (surtout du
type de
celles préconées par A. de Benoist) ne nie pas le capital puisqu’il
peut toutes
les intégrer et cela ne permet pas d’accéder à la compréhension du
stade où se
trouvent hommes et femmes à l’heure actuelle.
La réalisation de l’unité
des hommes et des femmes ayant retrouvé une réalité dont ils furent
dépouillés,
l’élimination du capital ne signifie pas la fin de toute lutte par
repli des
êtres dans une vie en cocon lestée de la fameuse sécurité, ne serait-ce
que
parce que pour assurer leur pérennité sur cette terre ils devront
affronter des
situations qui imposeront des luttes; que l’on songe à la
possibilité
d’oscillations glaciaires, de bouleversements provoqués par l’orogénie
engendrant séismes et volcanisme, etc. Une grande énergie sera
nécessaire,
comme il en faudra pour poursuivre la vie dans le cosmos.
Penser qu’un paradis
terrestre pourra être instauré après une révolution ou une catastrophe
c’est
penser que devra s’instaurer un négatif de ce qui est; c’est
faire œuvre
réductrice car c’est viser à éliminer des données essentielles de la
vie, comme
le font ceux qui pensent qu’il n’y aura plus de douleur, plus
souffrance, etc[23].
Enfin en ce qui concerne
la communauté, elle est la plupart du temps envisagée comme une
prothèse et
donc une thérapeutique. Elle doit être réalisée pour réunir les hommes
et les
femmes divisés; elle leur est octroyée. Elle n’est pas le
produit
spontané d’une union au niveau de la planète (totalité de l’espèce) et
au
niveau d’une zone géographique (un groupement limité d’êtres humains).
Elle
n’est pas comprise, a fortiori, comme une dimension interne de l’être
humain
qui, si elle ne se réaffirme pas il sera impossible de fonder une
communauté
humaine.
Pour en revenir à 1'étude
des
rapports entre nature et culture qui est l'axe fondamental de l'investigation d’A. de Benoist, il est important de signaler qu'elle s'impose avec la
naissance du capitalisme sous sa fome mercantile et
libérale et fut abordée par les réactionnaires comme par les révolutionnaires. K. Marx, par exemple, posa et voulut leur réconciliation. Avec A.
de Benoist on a une théorisation du devenir autonome de l’espèce humaine en tant que fait culturel, ce qui est en parfaite harmonie avec la représentation capital puisque celui-ci ne peut être que 1'anthropomorphose d'un être autonomisé.
Ιl
ne
peut pas toutefois se passer de la nature. Elle lui sert pour affirmer la pérennité d'une détermination qui lui parait essentielle, par exemple en ce qui concerne la propriété privée dont la racine giserait dans l'instinct de territoire,
tandis que les
luttes incessantes au sein des sociétés humaines releveraient de la nature de tueur de
l'homme, de son agressivité originelle. Le péché contre la
culture répond à celui
contre le nominalisme. Ce n'est pas un hasard.
L'exaltation de
1a
culture, du hasard visent à réaffirmer l'importance
de l'homme (affirmé ici en tant qu'universel) et ce en
opposition au structuralisme, qui lui
aussi pourtant postule la primauté de 1a culture. Or, en voulant trouver une base
biologique, scientifique à sa théorie de la diversité
et de l'inégalité parmi les hommes, il s'appuie sur la
sociobiologie qui
est un modèle de
structuralisme biologique. L'être vivant, l'être
humain, n'ont aucune importance, ce qui compte ce sont les gènes et leurs
relations.
Il
cite Dawkins (cf. Le Figaro Magazine, n°10830,
Juin 1979) : «Les gènes se multiplient dans d'énormes colonies (nous)
en toute sécurité[24], isolées du monde extérieur et le manipulant à distance. Ces gènes nous ont créés, corps et cerveau, et leur préservation est l’ultime
raison de notre existence. Nous sommes leurs machines à survie». (Ce
qui est une affirmation plus sophistiquée
de la vieille formulation
de Weismann sur
le soma
et le germen).
Mais si les gênes – à
noter que les gênes étant des particuliers sont des
affirmations nominalistes – nous
déterminent, nous épiphénomènes, comment le hasard intervient-il dans nos
conduites ? Comment pouvons-nous choisir ? Le hasard est-il inclus en tant que possible dans un gêne ? Il est
vrai qu'A.
de Benoist exprime quelques critiques-réticences
en fin d'article, mais elles visent surtout
l'exagération des thèses sociobiologiques plutôt que ces
dernières. Et il conclut: «C’est la raison
pour laquelle
Dawkins rappelle avec justesse que l’homme, par opposition aux gènes obstinés qui se "servent" de lui, est seul capable de
prévoir. C'est
1a raison pour laquelle nous sommes
aussi les seuls sur terre à
être capables de nous rebeller contre 1a tyrannie des "réplicateurs égoïstes".
La
lutte de l’avenir, c’est
peut-être cela: la
révolte des prévoyants éphémères contre les aveugles
immortels ».
Cette
invocation de science fiction ne résoud
rien car qu’est-ce qui fait que
l'homme prévoit et peut se rebeller? Certains gênes?
D’autres éléments? Où est-ce là que gît le vrai
hasard?
L’oscillation
entre
nominalisme, culture, hasard pleinement affichés et universalisme,
nature, déterminisme voilés,
est en
liaison avec
la recherche d'une identité et d'un enracinement. L'
identité est permanence; aucune
discontinuité ne doit la troubler;
c’est pourquoi elle réclame un point
d'ancrage car
elle contient en elle, ou elle l’implique, le besoin de sécurité[25]. A.
de Benoist affirme que l’identité des occidentaux est déterminée par leur
appartenance au groupe
ethnique des indos-européens; ils
doivent donc retrouver la tradition de ce groupe. En
outre, il importe
de justifier (autre élément du procès identité) la valeur de
cette culture où dominent
propriété foncière, individu, État,
etc. Ce qui impose de leur trouver
une base irréfutable qu’on recherche
dans
l’ordre de la nature[26].
Cet
ordre
de la nature
joue un
rôle
essentiel
– il
faut
y revenir – dans la justification de la violence et
donc des luttes intestines au sein de l’espèce. Beaucoup de théoriciens
acceptent la thèse que l’homme dès l’origine est un tueur. S’il en est
ainsi la culture, l’éducation ont pour but de neutraliser, inhiber ce
tempérament
meurtrier. Le principe de plaisir n’est plus celui de jouir de tout (et
pas
seulempent sexuellement parlant) mais celui de tuer. Dès lors la vie
sociale
humaine est répression et sublimation. L’amour est un détournement de
l’acte de
tuer! Il est tout au plus un équivalent général, une
médiation. Ce manque
d’immédiateté on le retrouve chez l’amour chrétien[27].
C’est le moyen de réunir ce qui a été
divisé, d’abolir les inégalités, les contradictions, d’unir les
dissemblables.
Son caractère d’équivalent général saille parfaitement dans le fait que
tout
amour particulier vient se mirer dans celui de dieu qui le fonde. Dès
lors tous
les amours sont rendus compatibles et opérationnels.
C’est
l’étude de l’éthologie des primates qui a conduit à l’affirmation qu’il
y a une
agressivité humaine; or elle a révélé égaement l’importance
considérable
des contacts, du toucher entre les différents composants des groupes de
primates. Comment concilier les deux résultats ?
La
thèse du caractère tueur, carnivore de l’homme permet de justifier un
autre
fait de culture : l’énorme consommation de viande;
dans ce cas elle
sert les intérêts idéologiques de droite comme de gauche. Ainsi le
groupe
d’extrême-gauche Communisme ou
civilisation affirme que l’alimentation carnée est
l’alimentation
supérieure qui permit à l’homme de développer son cerveau. Ce disant,
les
adeptes de ce groupe s’appuyent sur Marx et surtout sur Engels (Le rôle du travail dans la transformation du
singe en l’homme) qui fit un véritable plaidoyer en faveur
des protéines
animales. Ils devraient avec plus de conséquence faire appel à l’œuvre
de Oscar
Maerth, L’étrange origine de l’homme,
pour qui la genèse de l’homme est un fait entièrement culturel (comme
l’affirme
Plus
étrange est la démarche des partisans de Communisme
et civilisation quand ils accusent le MPC de ne pas
satisfaire les besoins
carnivores de l’homme. En effet, pour eux, le capitalisme =
végétalisme, parce
que la consommation de viande diminuerait et que se généraliserait une
nourriture à base de céréales.
Or,
il n’en
est rien et c’est
tout le contraire qui
se vérifie.
Evidemment ce
n’est plus une viande
innocente et simple
telle celle
que pouvaient dévorer les hommes du
néolithique qui est consommée. Toutefois il
est fort
probable que,
étant donné
l'augmentation de la population et le gaspillage énorme que
représente l’élevage (puisqu’avec
la
même
quantité de
céréales qui permet d'obtenir une certaine
quantité de viande on
peut nourrir un nombre supérieur
d'hommes à celui
nourri par cette
même viande), l’on en vienne à un végétarisme
imposé par
la
communauté capital.
Apparemment on
aura une solution
du type
de celle du néolithique mais il y eut introduction des céréales
dans
l'alimentation des homnes. Là
encore on aura
un écho du
temps,
un écho lointain et perverti.
Μême
ceux qui ne sont pas des adeptes frénétiques
d'un carnivorisme
outrancier comme celui
de "Communisme ou
civilisation"' sont
d'avis que
l'homme est un omnivore et que, donc, il est aussi un mangeur
de viande. Dans leur plaidoyer
pour l’onmnivorisme humain – qui rapproche
l'homme du
porc – ils passent sous silence
les affirmations de savants
comme Cuvier qui
en 1801
dans ses
Leçons d'anatomie
comparée affirmait :
«L’anatomie comparée nous enseigne qu’en toute chose l’Homme ressemble
aux
animaux frugivores, et en rien aux carnivores… Ce n’est qu’en déguisant
la
chair morte rendue plus tendre par les préparatifs culinaires, qu’elle
est
susceptible d’être mastiquée et digérée par l’Homme, chez qui, de la
sorte, la vue des viandes crues et saignantes
n'excite pas l'horreur et le dégoût ».
Buffon,
Bichat, affirmèrent la même
chose. C’est-à-dire des hommes d’avant le développement du capitalisme
industriel, avant le bouleversement agraire fondamental et la fondation
de la
rente en viande greffée sur celle du blé.
Ainsi
dans tous les domaines, on fait
appel aux savants dont on a besoin ![29]
L'étude
du
rapport
nature-culture
se situe en réalité
la plupart du temps dans
la problématique de la
justification d'une représentation. La
nature elle aussi est saisie
en tant qu’équivalent général et en
tant
qu’opérateur. Elle
a perdu
toute immédiateté; elle n’est plus
le lieu de la vie. Aussi est-ce important
de connaître la façon dont le rapport est conçu, d’autant plus que nous vivons la fin
d'une
culture telle que l’ont
définie divers théoriciens
comme Lévi-Strauss et
que se pose le
problème de l’enrayement de son autonomisation. Mais d’autre part
déterminer ce
que sera la communauté
humaine nécessite
l’analyse de tous les comportements actuels et ceux
qui
les fondèrent.
Ainsi
notre
comportement vis-à-vis des animaux est en
grande
partie
conditionné par
l’élevage qui prit naissance
au néolithique.
Or
c'est avec
celui-ci que naquit,
et surtout s’autonomisa, la
propriété privée, ainsi que la valeur d’échange. Comment peut-on
conserver tel
que une activité
présupposition du devenir du capital ?
Εn outre elle fut la
base sur laquelle put s’édifier le
patriarcat. En
effet, c'est grâce
à l’élevage que l’homme a pu non seulement
vérifier la réalité
de son
rôle dans la procréation, mais manipuler la reproduction. Dès lors il
lui était
possible de prendre une autre attitude vis-à-vis de la femme;
car je ne
pense pas que ce soit avec l’élevage que les hommes se sont rendus
compte
qu’ils avaient un rôle dans la reproduction comme l’affirme Françoise
d’Eaubonnes, mais cela leur a permis d’objectiver une réalité, de la
manipuler.
En quelque sorte, avec l’élevage naît la conduite scientifique qui
consiste à
prendre l’autre (être humain, animal, végétal, chose) ou soi-même comme
un
objet[30]. On peut dire que c’est
ainsi qu’une connaissance
s’est transformée en savoir; la première est participation,
le second
est manipulation.
Il
est donc évident qu’il faille abandonner l’élevage et
laisser les animaux domestiques retourner, dans la mesure où ils le
pourront, à
un état de nature. Car ils ne sont pas indispensables en agriculture, à
l’encontre de ce pensent les partisans de la biodynamie. On peut
réaliser un
cycle des éléments qui régénérera l’humus sans recourir au fumier.
Ce
qui est dit
au sujet
de l'élevage vaut
également pour l’agriculture, telle qu'elle fut fondée par les hommes. Françoise d’Eaubonnes fait remarquer que c’est à la suite de
l’exploitation par
les hommes qu’il y eut désertification de vastes régions au
Moyen-Orient. Or
ceci ne fut pas seulement dû au fait que les hommes rompirent le vieux
mode de
faire des femmes qui impliquait de laisser reposer les terres, mais à
l’utilisation de la charrue et à l’irrigation qui provoquèrent un
lessivage
plus important des sols. Il faut remettre en cause le fait de cultiver
ou
élever des plantes car il faut trouver un autre lien à la nature. Il ne
s’agit
pas seulement d’en finir avec la monoculture, principale cause actuelle
de la
dégradation des sols et du développement du parasitisme, mais de
trouver un
mode de produire nos aliments qui ne cause plus aucun trouble ou
déséquilibre.
L’activité
d’éleveur a eu une autre conséquence essentielle sur
l’humanité: les hommes ont eu tendance à se considérer
eux-mêmes comme un
troupeau qu’il fallait faire prospérer, croître. Du « croissez
et
multipliez-vous » à la conception d’Adam Smith affirmant que
l’élément
fondamental dans le procès de production c’est l’homme, c’est-à-dire ce
que
Marx appellera le capital variable, à l’aphorisme de Staline :
« l’homme, le capital le plus précieux », il y a
continuité – et
simultanément même fausse conscience – de conduite qui se retourne
contre ceux
qui l’ont adoptée. La manipulation des choses devient manipulation des
hommes,
la domination de la nature devient manipulation des hommes (Th. Adorno
et M.
Horkheimer). Autrement dit, avec les présupposés scientifiques établis
au
néolithique lors du déploiement de l’élevage s’établit le devenir à la
domestication dont nous avons abondamment traité. D’autre part, il se
manifeste
une contradiction essentielle : les hommes veulent toujours
plus se
distinguer des animaux et ils se traitent toujours plus en
bétail:
l’insémination artificielle, d’abord appliquée dans l’élevage, tend à
être
utilisée chez les humains (d’où la floraison des banques de
spermes !).
La
plupart des débats théoriques ainsi que les diverses tentatives
pratiques de fonder un autre mode de vie ne sont, avons-nous dit,
qu’écho du
temps, tandis qu’il n’y a pas stagnation du phénomène capital qui, au
contraire, progresse de plus en plus nettement vers la réalisation de
la
communauté despotique. Cependant cela s’effectue en réactualisant des
phénomènes qui furent opérant il y a plus de conquante ans. Ainsi de
l’inflation. L’augmentation du prix de l’or qui dépassa 800 dollars
l’once (38
en 1968), celle du pétrole sont ses manifestations les plus
spectaculaires.
Ce n’est pas sans évoquer la fameuse inflation des années 20[31]
que connut la
république de Weimar (aussi n’est-ce pas tellement surprenant que tant
de
débats théoriques soient en écho de son temps). Á cette époque
l’inflation joua
fondamentalement comme arme de désorganisation de la classe
ouvrière;
elle provoqua la destruction de la vieille société bourgeoise et permit
le
passage à la domination réelle du capital sur la société, qui s’opéra
politiquement grâce au nazisme. De nos jours l’inflation (sous-tendue
par
divers phénomènes que nous ne pouvons analyser ici) à l’échelle
mondiale tend à
déraciner soit les vieilles structures sociales antérieures au capital,
soit
celles de la société bourgeoise, soit pour l’Occident les
représentations
économiques archaïques qui empêchent la réalisation de la communauté
despotique. Plus profondément, nous l’avons dit, l’inflation permet un
déracinement de l’espèce, c’est-à-dire qu’elle lui sape toutes ses
représentations, sa sécurité établie à partir de diverses institutions,
ce qui
l’oblige à se confier, en dernier ressort, au mouvement même du
capital.
Á travers l’inflation se profile la recherche d’une solution alternative
au problème de l’énergie.
En
effet, vus les prix du pétrole et de l’or, il devient
possible de financer
des recherches sur l’utilisation de l’énergie solaire, géothermique, etc., ou pour inventorier une autre source d’énergie… Paradoxalement c'est cette immence inflation qui peut accélerer la mise en
place de la gratuité. Il y aura alors disparition d'une représentation
généralisée de
l'échange. Ce sera simultanément la
réalisation d’un despotisme plus intense;
car on y accédera par deux voies opposées:
le libre mouvement de
l'inflation
qui aboutit à
l'évanescence des prix,
la lutte contre elle qui implique un contrôle strict des salaires et des prix. Il est clair que la
première voie ne peut
l’emporter immédiatement à cause de la puissance des anciennes représentations et à cause de l’incapacité actuelle de 1a
communauté capital à
tout contrôler, puisque dans ce cas, il
sera accordé à chacun en fonction de sa position dans le procès total du capital.
Dans tous les cas à l'heure actuelle cette inflation, signalée également par des taux
d'escompte et d’intérêts incroyablement élevés, nécessite une restructuration mondiale d'autant plus que la
zone intermédiaire entre Occident et Orient, l'aire
islamique, s'est
ébranlée dans une remise en cause de la dynamique carpitaliste telle
qu'elle est proposée par les USA ou par l'URSS[32]. Nous doutons fort que les pays de cette
aire puissent trouver une voie autre que celle du capital mais il n'est pas impossible qu' ils mettent au
point une variante capitaliste, de même qu'il n'est pas exclu
non plus que l’impossibilité de l'affermissement
du capital tende
à générer une vaste zone d'instabilité permanente . Ce
n’est pas pour rien que
l'URSS
est intervenue en Afghanistan, en dehors du fait que c'est aussi une mesure à
usage
interne, c’est-à-dire qu'elle vise ses propres républiques
islamiques.
En
outre les évémements peuvent précipiter l'apparition d’une forme de
contestation du capital en Afrique
Noire (on a pu ralentir un processus on ne peut pas l'abolir) qui est encore moins apte que les pays de l'aire islamique à faire fructifier le capital. Là aussi de vastes
populations déracinées pourront se lancer dans un mouvement de fondation de
leur identité, tel que le connut également
Aussi-il
y
a actuellement
un mouvement
d'accélération
tel
que
le signale le
processus d'inflation avec genèse d'une voie énergétique (or tous les moments singuliers de
l'histoire connaissent des bouleversements sur le
plan de l'énergie).
Cette vague inflationniste empêche la
stabilisation de telle sorte que les peuples contestant le capital pourront
difficilement trouver une base de
repli à partir de laquelle ils pourraient
faire
un compromis
entre leurs besoins et le devenir du capital qu'ils ne peuvent plus ignorer.
On
a un double
phénomène: restructuration de
l'ensemble mondial et
domestication
des
peuples
non encore réellement contrôlés par le capital. En ce qui
concerne le
deuxième, les diverses guerres
locales dans la péninsule
indochinoise, l’intervention
soviétique en
Afrique, en Afghanistan, de même que les luttes au
sein de l’Iran permettent de réduire
les oppositions de diverses
communautés, parfois en les éliminant
totalement. Or, fondamentalement la communauté
globale, internationale du capital est d'accord à ce sujet;
ce qui veut dire que les oppositions soviéto-étasuniennes ne sont que farces politiques qui recouvrent
évidemment
des intérêts immédiats divergents. Elles ne peuvent pas conduire à une troisième guerre mondiale comme le pensent divers révolutionnaires et comme veulent souvent le faire croire certains journalistes.
La
séparation
vis-à-vis
des vieilles
représentations
s'amplifie,
de même que le refus du devenir du capital. Cependant en Occident ce refus est
souvent exprimé en un simple renoncement qui confine à la passivité,
indice d'une profonde perte d'énergie des êtres humains. Il est vrai qu'avec 1980 doit commencer, comme c'est
proclamé de divers bords, l’ère des catastrophes, et que la peur de celles-ci inhibe en conduisant à proposer
et à mettre en pratique le "à
quoi
bon" de
la démission. Tel n'est pas notre
mode de vivre qui veut être affirmation d'une autre voie.
Ι1
y
a inhibition
de
la pensée de ceux qui voudraient rompre ou qui rompent avec la dynamique du capital parce qu'elle est engluée dans les représentations qui, actuellement, ne sont plus que des combinatoires
d'éléments idéologiques unitaires qui proviennent
de gauche comme de droite, souvent pâles reflets des pensées
du passé[33].
Fuir
le
temps,
créer
une
vie
féminine, humaine, tels sont les
objectifs impératifs qui doivent nous guider dans ce monde gros de
catastrophes.
Jacques
CAMATTE
Février 1980
[1]
C'est
pourquoi 1a critique de Celse Le
discours vrai, si importante et
essentielle, encore de nos jours, n'affronte pas son objet en sa totalité parce qu'elle escamote cet aspect du
christianisme. Ι1
en est de même
pour la critique opérée
par
Il
est probable
que
le refus du christianisme soit
secondaire de
1a part de ce courant. En
effet l'opposition essentielle est celle au marxisme. Or, selon les adeptes de 1a ND, celui-ci revendique une égalité nivelatricε qu'ils refusent; il n'est pas possible de l'éradiquer sans éliminer ce qui semble être sa présupposition: le
christianisme qui fut 1a première
théorie
universelle à prôner une telle égalité. Ce n'est pas
un hasard si A. de
Benoist dans Vu
de
droite
fait une analyse du livre intéressant du point de
vue de
la documentation, mais assez superficiel de Gérard Walter Les origines du communisme. Ι1
met en évidence le culte du pauvre développé par divers
courants chrétiens qui établissaient l'équation pauvre =
élu, comme les maoïstes des
années 60 et 70 postulaient prolétaire =
révolutionnaire (
autre écho du temps !). Ce qui aboutit dans certains cas au
culte de
1a débilité et de la dégénérescence, et au travestissement de
stupidités en génialités souveraines.
Ιl
donne des éléments
importants
pour
critiquer ce que Marx
appelle le communisme de l'envie, ce qu'on peut nommer la rébellion par ressentiment. Les êtres rnûs par l'envie ne peuvent pas créer un autre monde; ils peuvent seulement changer 1a répartition de ce qu'ils
convoitent: les richesses !!
C'est dans son rapport aux pauvres, aux déshérités, aux malvenus, aux débiles que Nietzche analyse le christianisme qu'il définit comme une religion de 1a pitié (L'Antéchrist). Ιl
a raison ; on a d'ailleurs pu parler de religion d'esclaves. Il accuse :
"L'Evangile est une insurrection de ce qui rampe contre ce qui a de
1a hauteur…".
Plus essentielle est la dénonciation de
la problématique aberrante de la faute et de 1a pratique du renoncement. Mais là encore
si on occulte la dimension de lutte contre l’esclavagisme
on ne
peut pas réellement critiquer le christianisme. D'autant plus qu'on ne doit
pas oublier
que cet
aspect de
1a religion
chrétienne se manifeste
quand a fait faillite l'espoir de
transformation immédiate. La religion des esclaves est une adaptation
au monde ; même le marxisme (et non l'œuvre
de K. Marx) est une autre adaptation après l’échec de 1a révolution. Cela ne
suffit pas à discréditer le projet révolutionnaire.
Enfin
Nietzche,
aussi bien que
[2]
On doit
tenir
compte
que
ceci est
une esquisse. D'importantes études historiques sont nécessaires
pour préciser exactement le
moment et le lieu de ce phénomène. Cecί est
également vrai -pour toutes les. autres affirmations
au, sujet du
phénomène capital.
Ultérieurement
nous tenterons
de fonder tout
cela et nous donnerons
assise
à notre
affirmation que
1'apparition du christianisme ne
produit aucune
coupure,
car le
cycle fondamental commence
au VI° siècle av.J.C,
et finit de nos
jours.
En
ce qui
concerne le phénomène capital, il
semblerait que l'ouvrage
de F. Brauclel Civilisation
matérielle,
économie
et capitalisme
(quinzieme, dix
huitiême siècle)
puisse
apporter
une foule de
données pour l'expliciter; toutefois, en
fonction des extraits de la
conclusion reportés dans Le
Monde du 18.11.79
il apparaît
qu'il
ne cerne
pas réellement les limites
historiques du phénomène.
« J'ai
soutenu
au cours de
cet ouvrage,
qu'un capitalisme
en puissance
s'esquisse
dès
l'aube de la grande histoire,se
développe et se perpétue des
siècles
durant... »
« L'erreur
serait de s'imaginer
le capitalisme comme se
développant par phases ou
bonds successifs: capitalisme marchand, capitalisme financier… Avec
bien entendu, progrès continu d'une phase à 1'autre, le « vrai »
capitalisme commençant
tard avec sa mainmise sur la production.
Avant
lui, il ne faudrait parler que de capitalisme
marchand, voire de précapitalisme ».
Dans
la partie retranscrite dans Le Monde
on ne voit pas une définition du capitalisme,
c'est pourquoi est-il difficile de
juger, mais il semble bien qu'il ne réfute
en rien 1'affirmation qu'il y a une période de production
marchande incluse dans divers modes
de production
qui
peuvent la tolérer parce que
justement,
l'économique ne s'est pas automomisé du politique, du social ou du religieux,
qui précéde le capital.
Cependant la
possibilité de l’autonomisation de
la
valeur d'échange est contenue dès
le
début, et toute l'histoire jusqu'au XVI°
siècle
(en Occident) est celle de l’enrayement
de cette autonomisation.
Le
fait
que l’enrayement soit
enfin éliminé ne peut pas s'expliquer par
des causes purement
économiques, d'où
la grande difficulté
d'expliciter de façon exhaustive le surgissement du capital.
[3]
Ajoutons que toutes les régions de
Signalons
enfin que la régénération répétée du MPA en Chine est liée à la lutte
contre
les nomades.
[4]
De là vient
une certaine convergence entre pensée scientifique et pensée orientale,
cf.
note 16.
[5]
Variante:
avec la coupure d’avec
C’est
Robert Jaulin qui a magnifiquement abordé l’étude des sociétés
préoccupées par
le soi et celles préoccupées par l’autre (La
paix blanche, éd. Le Seuil, Gens
de
soi, gens de l’autre, éd. 10/18). Son œuvre est un plaidoyer
pour la
différence d’une plus vaste ampleur que celui de
« L’espace
devrait être le lieu de nos différences, le lieu et le moyen de
multiples
dialogues alors que nous en faisons celui d’une identité et d’un
silence;
la répétition de nous-mêmes, alors décharnés, artificialisés et fuyant
à
l’infini « (La paix blanche)
« La
conquête blanche est la négation de l’autre ou de l’univers, la mort
blanche
notre propre mort aussi » (Idem).
R. Jaulin
affirme la diversité sans avoir besoin de l’ancrer dans l’inégalité, ce
qui
veut dire qu’il est au-delà du stérile débat égalité-inégalité. D’autre
part,
son discours a d’autant plus de prégnance qu’il met en cause les
méfaits de
l’Occident sur les autres peuples, tout en montrant ce que
l’américanisation
peut avoir de mortellement homogénéisateur. Car, il est suspect que
beaucoup de
français découvrent la perte de différence, maintenant que leur pays
n’est
plus à même de réaliser des ethnocides (comme il en fut tant commis) et
qu’ils
deviennent des victimes, des « colonisés » (qui
souvent ont nostalgie
des colonisateurs qu’ils furent).
[6]
Cf. La révolution intègre, Invariance,
série
III, n°4.
[7]
En réalité
ce phénomène est déjà opérant au cours de la révolution française, mais
il fut
masqué par le phénomène de classe: cf. Les
caractères du mouvement ouvrier français, Invariance, série
I,
n° 10 ; Kropotkine, La grande
révolution.
En
particulier il est fort probable que la révolte vendéenne ne puisse pas
du tout
s’expliquer selon le schéma bourgeois et même marxiste,
traditionnel:
mouvement réactionnaire en faveur des nobles. En fait, les vendéens
devaient
défendre la vieille communauté contre les empiétements du MPC que
favorisait la
politique des jacobins. Ceci commence à trouver confirmation dans les
études
récentes consacrées à ce mouvement paysan.
[8]
En Bolivie,
les partisans des ayllus = communautés villageoises de
« Notre
principal objectif est d’éduquer et de conscientiser le peuple indien
du
Collasuyo. Nous en avons assez d’être les éternels laissés-pour-compte
et les
spectateurs de notre propre histoire. Nous voulons en redevenir les
principaux
acteurs. Il est temps de réapprendre notre véritable histoire… C’est en
récupérant nos valeurs ancestrales que nous pourrons affirmer notre
indianité ».
Un membre
d’un autre groupe, le MRTK (Mouvement révolutionnaire Tupac Katari)
déclara
(toujours dans Le Monde) :
« Nous
voulons nos propres lois, qui tiennent compte de nos coutumes et de
notre
personnalité, pour renouer avec le socialisme de nos ancêtres.
[9]
Cf. Les femmes avant le
patriarcat, Ed.
Payot. Livre fort intéressant et stimulant qu’on ne doit pas éviter.
Toutefois
il y a une idée implicite qui est assez gênante: l’homme
aurait usurpé un
élément féminin essentiel.
Concernant
le même sujet il convient de signaler Le
patriarcat, origine et avenir de notre système social, d’E.
Borneman, dont
nous avons entrepris la lecture dans l’édition allemande car l’édition
française
semble moins complète. Ce livre fournit une foule d’éléments pour
comprendre
les différents moments du passage au patriarcat. Nous y reviendrons.
[10]
La piraterie
encore plus que le banditisme a eu une dimension utopique. Tous les
deux
jouèrent le rôle de soupape de sécurité pour la société.
La
formation de bandes de brigands dans
Ce roman
révèle de façon lumineuse un mode de régénération de la communauté
despotique.
La communauté des brigands accumule tous les caractères sains d’une
convivialité, tandis que la société en place est minée, pourrissante.
Il suffit
alors que l’empereur amnistie tout le monde pour récupérer la
communauté des
bons qui redonne vie à l’organisme dégénérant et le cycle recommence.
[11]
Comme s’en
rend bien compte A. de Benoist :
« Ce n’est
pas un hasard non plus si l’on en finit pas, en redécouvrant Marcuse,
Adorno,
R. Luxembourg et W. Reich de constater que l’essentiel du débat d’idées
actuel
a déjà été dit dans le courant des années 20… L’Europe contemporaine
commence à
ressembler à une immense république de Weimar » Le
Figaro magazine, du 30.08.78.
[12]
Cf. Walicki Una utopia
conservatrice. Una storia dei
slavofili, ed. Einaudi.
« La
doctrine de la sobornost, fut en
substance une théorisation d’une communauté supraindividuelle de
consciences
qui excluât l’isolement de l’individu, et, ce faisant, son
inutilité ».
Les hommes
inutiles étaient tous ces intellectuels qui avaient été expropriés de
leur
communauté et qui ne se sentaient plus englobés dans un procès de vie.
Ils
allaient constituer l’intelligentsia.
« La
théorie de la personnalité intégrée et harmonique opposa à la structure
psychologique – dissociée et persécutée par l’inquiétude des
« hommes
inutiles » - l’idéal de
l’homme non
encore arrivé au stade de l’individualisation;
enfin la philosophie slavophile de l’histoire voulut être une tentative
de
clarifier les causes du rationnalisme et, avec cela, la décadence des
communautés traditionnelles, l’isolement et l’aliénation des
individus »
(p. 350).
Le nazisme
proposa une communauté:
En ce qui
concerne le courant allemand citons Edmund Vermeil Doctrinaires
de la révolution allemande ; Otto Ernst
Schüddekopf National Bolchevismus in
Deutschland 1918-1933, Ullstein Buch, 1972.
Rappelons
que Th. Mann rêvait au fond de restaurer l’époque de la bourgeoisie
montante
(une espèce d’aristocratie mercantile) où il y eut une grande floraison
de
l’art. Nous y reviendrons lors d’une étude du phénomène art.
[13]
Bien qu’on
pourrait déjà noter la contradiction qu’il peut y avoir entre la
volonté
d’établir une théorie et une prise de position nominaliste vis-à-vis de
la
réalité, nous ne nous attarderons pas sur ce problème; nous
préférons
envisager la signification du renouveau nominaliste à l’heure actuelle.
[14]
A. de Benoist
critique une idéologie qui est celle de la bourgeoisie. Etant donné que
Marx en
a conservé des éléments comme l’idée de progrès, de la nécessité du
dévellopement des forces productives, il lui est possible de faire un
amalgame.
D’autre
part, on a maintes fois mis en évidence à quel point la pensée
universaliste
telle celle des théoriciens de L’unité de
l’homme (éd. Le Seuil) est pensée du capital ; de
même qu’on a
expliqué que le structuralisme est l’expression de la réalisation de la
communauté capital.
Je ne veux
en aucune façon nier la part de révolte enfermée dans l’affirmation
nominaliste, mais il est incontestable qu’elle reste dans la
problématique
capitaliste ne serait-ce que parce qu’elle est incluse en lui en tant
qu’elle
peut représenter l’opposition d’un capital particlier à la totalité
capital.
Or A. de
Benoist, s’il critique des aspects particuliers du capital, ne met
jamais en
cause la communauté capital, pour la simple raison qu’il ne la perçoit
même
pas.
Enfin,
historiquement le nominalisme apparaît comme un phénomène de
dissolution, celui
de la scolastique et de la vieille représentation rigide et dogmatique
qui
inhibait l’épanouissement de la pensée individuelle nécessaire au
développement
de ma phase bourgeoise du phénomène capital.
[15]
Cf. Introduction de 1857 à Contribution
à la critique de l’économie politique.
[16]
Ce colloque
eut lieu en octobre 1979. Il s’est préoccupé des questions normalement
hors la
science : psychokinèse, vision à distance, méditation
transcendantale,
etc.
Certains
savants qui y participèrent sont influencés par la pensée orientale et
considèrent que les développements de la science à l’heure actuelle
viennent
confirmer la justesse de cette dernière, ainsi de Fritjof Capra pour
qui la
théorie quantique confirmerait le Tao. Il dit
Il est
évident que la vision du monde d’un être humain séparé n’ayant plus la
dimension de
D’où ce qui
apparaît essentiel c’est que la science est une représentation
déterminée par
un comportement donné des hommes. Elle n’a pas l’universalité absolue
que les
scientistes lui prêtent. Elle n’est surtout pas le seul mode de
connaissance
valable de l’espèce. Elle fut fondamentalement l’expression d’un corpus
dissocié où la communauté n’était plus représentée que par l’État.
Maintenant
que le capital instaure de plus en plus sa communauté despotique, elle
ne peut
plus être représentation adéquate; d’où la solution de
l’orientalisme,
véhiculant une dimension communautaire, qui se manifeste à tous les
niveaux de
la société occidentale. Ce phénomène s’est déjà vérifié lors de la fin
de
l’empire romain, moment où s’édifiait une communauté plus vaste et plus
despotique. Le christianisme est en partie sa production.
On
reviendra ultérieurement sur cette immense question. Ajoutons ceci.
Nous sommes
parvenus au point où doivent converger deux modes de pensée qui furent
séparés,
permettant le développement de la science officielle d’une part et des
sciences
occultes de l’autre. La première s’occupe de la nécessité, de ce qui
est
multiple, itératif, reproductible, de l’être advenu. Elle a des limites
où elle
opère. Le procès de connaissance implique séparation sujet-objet. Il
peut y
avoir progrès de la science, mais l’homme reste inchangé. Il n’y a pas
de
sotériologie ni d’inquiétude.
Les
secondes se préoccupent de ce qui est unique, de ce qui peut ne se produire
qu’une
fois (ce qui est au-delà du hasard), de l’advenu de l’être. Elles ne
connaissent pas de limites (d’où leur démesure), mais elles peuvent
instaurer
la nécessité par mise en évidence d’un élément fondateur. Le procès de
connaissance implique union sujet-objet; d’où l’importance de
la
transformation de l’être connaissant au cours des travaux qui visent à
une
certaine transformation de la matière. La dimension sotériologique est
immense
puisqu’il peut s’agir parfois de sauver la divinité immergée dans la
matière.
L’inquiétude est importante car il s’agit d’une création à accomplir
dont on
n’est jamais sûr qu’elle pourra advenir.
[17]
De nos jours
un écrivain commme Cioran semble aller au bout du
nominalisme :
« En
elle-même toute idée est neutre ou devrait l’être ».
« Lorsqu’on
se refuse au caractère interchangeable des idées, le sang
coule… »
(« Contre les fanatismes », in Les
nouvelles littéraires).
Aucun
universalisme n’est dans ce cas possible. En contre partie c’est la
perte de
sentiment, de passion. L’indifférenciation, l’indifférence permettent
l’instauration de la combinatoire.
Il
individualise le phénomène racket :
« Il
me suffit d’entendre quelqu’un parler sincèrement d’avenir, de
philosophie, de
l’entendre dire « nous » avec une inflexion
d’assurance et s’en
estimer l’interpète, pour que je le considère comme mon
ennemi ».
Mais c’est
pour sombrer dans la solitude !
[18]
Ce qui est
fondamental dans la pensée de Hegel c’est que rien n’a pu arriver en
vain. Par
rapport aux penseurs religieux qui privilégient deux moments:
celui
initial, de la faute, de la catastrophe, celui final de la rédemption,
Hegel
est le penseur du mouvement intermédiaire qui, auparavant, était
considéré comme
secondaire. Il ne peut considérer que ce qui s’y effectue soit sans
conséquence
et puisse être oublié. Il ne peut pas accpeter que ceux qui commirent
l’erreur
doivent disparaître puisqu’ils sont les représentants du faux en tant
que
moment du vrai. En conséquence pour que la vérité soit, et finalement se
dévoile, comme dirait Heidegger, il faut que soient maintenus présents
tous ses
moments. En ce sens Hegel est un penseur qui a éliminé dieu de façon
irréversible du procès historique. C’est une profanation extrême que
Marx
amplifiera.
Cependant
ce comportement cognitif peut être la mise en place de la justification
généralisée. D’où d’ailleurs un aspect conservateur de la pensée
hégélienne. Il
faut donc pouvoir aussi penser les discontinuités qui éliminent
certaines
données. Mais faut-il oublier en totalité? C’est là que se
situe la
difficulté. Car si on refuse le temps linéaire – et même le temps tout
court –
reste à savoir comment intégrer de façon permanente et dynamique la
totalité de
ce qui est advenu, advient et adviendra.
[19]
C’est parce
qu’il y a un invariant: la pérennité de la lutte, qu’il n’ya pas fin de
l’histoire; ce qui pose la permanence nécessaire
d’institutions, l’État
en particulier, donc la persistance de l’établi.
« La
réponse « surhumaniste » consiste à dire qu’il faut
que l’homme se
transforme lui-même pour reprendre possession du monde qu’il a
transformé » (Vu de droite, p.
329).
Il faut
donc s’adapter aux diverses dégénérescences des espèces animales et
végétales,
à la catastrophe, à la destruction et ses variétés, la pollution et la
minéralisation de la nature.
[20]
La question du
chaos et celle de l’énergie sont fondamentalement actuelles comme elles
le
furent à l’aube de la réflexion humaine. Nous y reviendrons
ultérieurement.
[21]
Que la pensée
binaire soit liée à l’anthropocentrisme cela ne fait pas de doute, bien
qu’il
faudra le prouver de façon précise. Qu’elle soit liée à la symétrie
bilatérale
semble aussi plausible. Or celle-ci est une modalité d’être de la vie
qui est
peut-être une réduction, mais qui aurait une efficacité majeure. Nous
avons
fait remarquer qu’à travers l’art les êtres humains tentaient de
retrouver une
symétrie rayonnée et ce faisant ils avaient communication avec les
autres
formes de vie. De même en manifestant une pensée rayonnante, on pourra
échapper
définitivement à l’anthropocentrisme réducteur.
[22]
Affirmer
l’unité de l’homme c’est reconnaître que l’autre est aussi homme, qu’en
dépit
de grosses différences, il y a participation à un même être, à une même
réalité. D’où le surgissement de l’impossibilité de tuer, de torturer…
Défendre la
spécificité des diverses cultures peut conduire au même
comportement ;
mais il y a le danger d’une réduction à un horizon étroit.
[23]
Voilà pourquoi
nous avons depuis longtemps fait ressortir les graves dangers que
recèle la
formule « abolition du travail ».
[24]
C’est une
préoccupation anthropocentrique.
[25]
Dans une
prochaine étude, je tenterai de préciser l’importance de ce concept
d’identité
qu’on ne peut pas analyser en dehors de concepts englobants comme
représentation,
valeur, etc.
[26]
R. Vacca lui
aussi veut établir une tradition mais il faut qu’elle soit forte et
nouvelle; en elle le savoir doit l’emporter sur l’avoir, car
cela
permettra une réelle efficience .
A partir de
là il rejette toutes les remises en cause de la science et de la
technique; il veut qu’elles se développent au maximum.
Il
reconnaît une inégalité parmi les hommes, liée à la possession du
savoir, d’où
il ne peut pas accepter telle que la démocratie. Aussi
propose-t-il :
«Non plus un homme vote, mais un nombre de votes pour chaque
homme
(p. 218).
Comme
souvent chez les gens qu’on peut nommer de droite, la critique de la
démocratie
ne dépasse pas le cadre de l’opérationnalité, de l’efficience immédiate.
[27]
Il semble
qu’il en soit de même pour l’amour prôné par Mo-TSeu (V° siècle avant
J.C.).
Les études
de Irwin S. Bernstein sur l’éthologie des primates ont montré qu’il
fallait
relativiser l’importance de l’agressivité (cf.
« Ainsi
, nous nous apercevons à nouveau qu’une caractéristique clé des
primates est
leur nature sociale. Celle-ci est plus importante que leur capacité
d’agression… ».
« Trop
longtemps nous n’avons envisagé la dominance que comme une capacité
d’agression
et d’affirmation de la supériorité physique dans les combats
singuliers. Je
pense qu’il faut désormais tenit compte de la nature sociale des
combats.
Ainsi, les alliances sociales au centre d’une troupe sont
remarquablement
efficaces pour exclure tout intrus et diminuer les forces de
dislocation de la
troupe ».
Á propos de
la dimension sociale de la vie des animaux, il est fort important de
faire
remarquer ce que dit Kropotkine dans son livre sur l’entraide. Il
affirma que
la pression des hommes sur le territoire des espèces animales a
perturbé
totalement le comportement de celles-ci qui sont devenues plus
« individualistes ». Or, on a souvent fait remarquer
qu’il ne peut
plus exister de primitifs étant donné les phénomènes de contamination
avec les
autres formes sociales; il en est de même pour les animaux.
On étudie des
êtres qui ont été totalement perturbés par notre action.
En ce qui
concerne l’homme, il est aberrant d’utiliser comme modèle explicatif de
comportement de nos ancêtres, l’organisation sociale des babouins,
comme le
fait très justement remarquer Vernon Reynolds dans The
biology of human action, éd. Butler and Tanner, livre très
intéressant parce qu’en particulier il intègre la vraie dimension des
êtres
humains dans leur évolution: la pensée
conceptuelle; c’est-à-dire
que pour lui, plus que l’agressivité, c’est cette pensée qui a permis à
nos
ancêtres de résoudre les problèmes posés par l’
« adaptation » au
milieu de la savane.
Nous
reviendrons sur tous ces points dans une étude sur le phénomène
d’émergence des
hommes et des femmes, de même que nous aborderons sous forme de thèses
le
problème de la violence, dont nous donnons en première approxiamtion la
définition suivante :
La violence
apparaît, se manifeste dès qu’il y a rupture, que ce soit dans le
milieu
physique, cosmique, biologique, humain. Elle implique donc la
manifestation de
forces, la mise en branle de quantités d’énergie plus ou moins grandes.
Elle
implique que cette énergie soit orientée.
[28]
Au sujet de
l’origine de l’espèce humaine, il est fort stimulant et agréable de
lire le
livre d’Elaine Morgan The descent of
woman, parce qu'elle réintègre la femme dans le procès de
genèse et s’appuie
sur une théorie fort astucieuse postulant une phase de retour au milieu
aquatique.
[29]
C’est pourquoi
je citerai un courant qui maintint que l’homme est un frugivore et
qu’il
fallait proscrire toute thérapeutique: le mouvement
hygiéniste des USA,
dont Shelton est le principal représentant. En France
Il s’agit
de retrouver les données biologiques fondamentales de la femme et de
l’homme en
enlevant les diaphragmes culturels. Or, des études scientifiques
révèlent qu’un
grand nombre de solutions aux difficultés que posent certains
phénomènes vitaux
résident dans un retour à un comportement plus naturel, c’est-à-dire à
l’élimination de pratiques culturelles; ainsi pour
l’accouchement
envisagé du point de vue de la femme comme du point de vue de l’enfant
(cf. la
méthode d’accouchement sans appréhension, la méthode de Leboyer), ainsi
pour
divers troubles psychiques dus à la déficience du toucher, pourtant
phylogénétiquement fondamentale (cf. le livre extraordinaire d’Ashley
Montagu La peau et le toucher. Un premier
langage,
sur lequel nous reviendrons). Ce qui pose le problème de la validité de
l’intervention des êtres humains (sans tomber dans un taoïsme
occidentalisé !).
[30]
Ceci a
obligatoirement un retentissement considérable sur l’appréhension de
l’autre.
On comprend que là où la science ne s’est pas développée, il puisse y
avoir des
civilisations de l’autre et non du soi !
[31]
La tentation
protectionniste est une autre manifestation qui se vérifia également
dans les
années 20; en dehors du phénomène purement économique, elle
est signification
de la volonté de préserver l’identité menacée par le mouvement international
du capital. C’est ainsi qu’elle opéra chez les nazis.
[32]
Pour résister
aux deux forces de l’occidentalisation c’est-à-dire à la pénétration du
capital, les peuples recourent à l’Islam, ciment et fondement de leur
communauté, qui va être rempli d’un contenu nouveau :
« Ainsi
l’Islam apparaît-il
davantage comme une conception sociale, facteur d’ordre national,
d’évolution,
de progrès des peuples que comme une religion au sens étroit de ce mot.
Ce
caractère de l’Islam, qui pénètre tous les aspects de la société, a
créé une
situation dans laquelle il n’y a aucune place pour toute autre
philosophie
sociale libérale et moderniste conforme aux conceptions d’une
partie de
la bourgeoisie nationale ou de la philosophie à laquelle adhèrent les
descendants locaux du marxisme.
L’Islam
en tant que politique et
civilisation dépasse en fait la prédication de l’Islam lui-même. Cela
vient du
fait que le concept de l’ummah islamique (au-delà des civilisations,
des
cultures, des nations, des sociétés, des groupes ethniques et des
peuples
réunis sous l’Islam) dépasse toutes les civilisations et les cultures
qui
existaient dans ces régions avant la prédication islamique »
(Anouar
Abdel-Malek, « Une des civilisations universelles », Le Figaro, 18.01.1980).
En
ce qui concerne la perception
du phénomène d’occidentalisation apporté par les étasuniens comme par
les
soviétiques :
« Là
où l’occidental de
l’Est comme de l’Ouest voit une lutte sans répit entre deux systèmes
tendant à
se supplanter, l’iranien, l’afghan, l’arabo-musulman, et peut-être bien
tout
homme du tiers-monde, voit deux degrés, deux moments, du même processus
d’occidentalisation qui le guette, de la même tendance de l’Occident à
s’imposer
universellement, à nier l’autre ».
« Le
socialisme ne constitue
pas dans cette région une réplique égalitaire au capitalisme exploiteur, mais
bien au contraire une réplique capitaliste à l’absence de capitalisme,
à ce qui
se situe en dehors de l’univers économique, culturel et politique
occidental » (Salah Bechir, « Deux degrés d’une même
bataille »,
Le Monde, 15.01.1980).
Cette
perception participe d’un
phénomène de maturation de la compréhension globale de ce que fut la
révolution
russe de 1917 et du stade où nous sommes arrivés aujourd’hui. C’est un
élément
déterminant dans l’édification d’une nouvelle représentation qui n’aura
rien à
voir encore avec la nôtre, mais sera une progression.
[33]
Le
détournement réalise la complémentarité, ce qui permet de boucler la
combinatoire. On ne pense plus, on combine et de là on extirpe des
œuvres.
« Qu’est-ce
qu’un savoir fondé sur le postulat tacite qu’on n’est jamais si bien
desservi
que par soi-même » (Vaneigem, Le
livre des plaisirs, éd. Encre, p. 13). A partir du
détournement d’un adage
populaire on peut produire le symétrique de ce qui fut propagé
auparavant. Rien
n’est bouleversé.
Dès lors il
est logique qu’un homme de droite, Gregory Pons, puisse écrire dans Le Figaro Magazine du
22.09.1979 :
« Sur ce constant d’échec de la société marchande, qui confisque la vie et pervertit plaisirs et désirs de l’homme, la convergence est nette entre Le livre des plaisirs et de nouveaux courants de pensée, comme celui d’A. de Benoist, qui fonde une large part de sa critique des idées contemporaines sur ce refus de l’«impérialisme marchand»: aux deux pôles de la sphère intellectuelle, des étincelles commencent à crépiter, qui pourraient former un flux d’énergie » (Nouvelle gauche: Nietzsche enterre Marcuse).