DE
LA VIE
Tout
est vie dans l’univers, le cosmos. Il ne s’agit pas de la vie abstraite
(un concept), mais de la vie
immédiate qui se manifeste
sous diverses formes, en des cycles et rythmes extrêmement variés dans
tout le
cosmos et nous ne sommes qu’une des pulsions de cette immense vie[1].
Pourquoi
a-t-on quitté cette union avec la vie, son adhérence à elle? Pourquoi
s’est-on
séparé du reste de la nature? C’est la même question en deux ampleurs
différentes. Nous avons fait une approche de réponse au début de
Émergence de
Homo Gemeinwesen et nous voulons tenter de l’amplifier dans le dernier
chapitre
de cette œuvre. Celui-ci tardera encore à paraître. En attendant urge
la
nécessité de signifier au moins où réside, maintenant, la séparation et
comment
elle se renouvelle constamment. C’est ici que se loge fondamentalement
la
question de l’individualité et de la répression qu'elle subit.
On
a
affirmé que tout homme, toute femme - au moins potentiellement à cause
de la
domestication agissante - est à la fois individualité et Gemeinwesen
(communauté); celle-ci étant l’ensemble des êtres vivants. On a
longuement mis
en évidence la dimension communautaire, ne serait-ce que pour rejeter
l’individualisme,
et nous avons peu insisté sur celle da l'individualité. Ceci du fait
que nous
manquions encore de la base sûre pour exprimer celle-ci, l'affirmer
sans
retomber dans un individualisme, comme celui de Stirner[2].
L’individualité
c`est la manifestation unitaire, particulière de la communauté. Mais
c’est plus
profondément celle du flux de vie qu`elle laisse passer en elle et
devient
ainsi une expression particulière. L`individu veut bloquer ce flux, le
maintenir en lui afin de se gonfler pour se distinguer, parce qu`il
opère par
comparaison. Il veut
être une excroissance
afin d’étre reconnu. Cependant le flux de vie ne peut pas être bloqué.
Ιl fait
donc sauter les barrières. L'individu constate alors que la permanence
à laquelle
il voulait accéder s`écroule et que se révèle l’impermanence. Dés lors
tout est
souffrance pour lui qui, pour être, doit tout fixer[3].
Chaque
individualité étant parcourue par le flux de vie porte en elle la
totalité de
celle-ci, mais ce qui s`épanouit en elle est un des possibles qui va
constituer
sa particularité, son cri ginalité. Et ce qu’elle va constater chez les
autres
, ce n'est pas une identité mais l’expression d'autres possibles, comme
de
multiples métamorphoses du même flux de vie. Ιl n’y a pas de recon
naissance
mais prise en compte de l’extrème diversité et, par là, absorption dans
les
deux sens: absorber toutes ces manifestations, s’absorber en elles.
L'individualité
voit toutes les autres comme diverses expressions du tout qui est en
elle. Ιl n'y
a pas de séparation. Elle est elle-même, comme elle est leur modalité
de vie. Ιl
y a révélation de tous les possibles en constatant la présence de
toutes les
autres individualités, de même qu'en constatant toutes les formes de
vie sur terre
ου dans le cosmos.
Se
trouver, c'est trouver les autres comme autant de manifestations du
même flux
de vie. L’autre n’est qu’une métamorphose de moi-même puisque j’ai en
moi la totalité;
de même je suis sa métamorphose. Il n’a pas a me reconnaître, je suis
lui. Il
est moi et nous sommes divers. Donc, nul ne peut me gêner dés lors que
nous
avons accédé à l’individualité. Chez les individus les psychoses[4]
- accumulats,
fixations - inhibent le devenir du flux, il faut donc des techniques
pour
parvenir à se percevoir.
L'espèce
particulièrement en Occident a renvoyé au lendemain le procès de se
libérer
parce qu’elle voulait produire un agent qui opérerait en quelque sorte
de l’extérieur,
ne la remettant pas en cause. Elle a fui l'opération interne.
Maintenant il n’est
plus possible de différer. Dit autrement nous avons constaté qu'aucun
phénomène
au' sein de la société-communauté du capital ne pouvait servir a sa
destruction
(pas de contradiction insurmontable). Donc il fallait sortir de
celle-ci. Mais
au cours de cette sortie nous avons constaté l’insuffisance de notre
dynamique.
Nous avons pensé qu’en ayant clairement en vue le but à atteindre et en
changeant de milieu nous pourrions nous transformer pour nous rendre
aptes à y
parvenir. En réalité la simple dynamique ne peut pas totalement nous
transformer. Pour cela il faut éliminer l’ oppression nichée en nous et
retrouver notre naturalité.
Nous
avons mis en évidence la mort du capital, l’enfoncement de l’espèce
dans la
virtualité. Autrement dit l’immense mécanisme d’oppression s'évanouit
et il n’y
a pas libération de l’espèce parce que la répression a l’intérieur de
chacun
d'entre nous est toujours opérante, vivace. Il faut encore une fois
l’indiquer:
le refus de ce monde, le désir d’une communauté humano-féminine
immergée en la
nature, même l'intuition profonde de cette dernière ne suffisent pas,
parce qu’on
est parasité, inhibé par l’oppression répression effectuée par les
parents à
chaque génération.
L'importance
et l’immensité de cette répression a toujours été escamotée ou non
reconnue en
tant que telle et ce en dépit des diverses et multiples révoltes qui se
:sont
succédées au cours des millénaires. Au début de ce siècle, il semblait
qu’enfin
on allait admettre à quel point les parents maltraitaient leurs enfants
en les
domestiquant, en les intégrant a l’ordre social. C'est alors que la
théorie de S
Freud vint enrayer cette tendance et justifier la répression comme
fondatrice
de la civilisation et cette dernière comme étant ce qui permettait à
l’homme
d'être homme.
À
la
fin du siècle dernier et au début de celui-ci, divers auteurs mirent en
évidence les sévices subis par les enfants, particulièrement les
sévices
sexuels. S. Freud au départ accepta cela et considéra que
l’intolérabilité de
ces faits conduit l’enfant à refouler et par là à pouvoir continuer à
aimer ses
parents, à espérer qu'il pourra l’être d'eux. C’est une nécessité
absolue, car
un petit enfant non aimé ne peut pas vivre. C’est dans tout ce
processus que se
forme l'inconscient qui va déterminer la vie ultérieure de l’enfant
devenant
homme ou femme. Tout ceci forme, de façon schématique, ce qu'on appelle
la
théorie de la séduction de Freud. Son exposition ne rencontra
qu’indifférence ou
hostilité.
Il
ne
nous importe pas ici d'exposer pourquoi et comment S Freud abandonna
cette
théorie qui était fondamentalement subversive. Il la remplaça par celle
qui est
connue sous le nom de psychanalyse[5].
En fonction de cette dernière, l'enfant a des
fantasmes; l'enfant est un pervers polymorphe. Pour donner une base
organique à
sa théorie, Freud postule une sexualité infantile. L’inconscient opère
également mais cette fois la dynamique de celui-ci est en rapport avec
le
refoulement des fantasmes. Le complémentaire de cette nouvelle approche
est l’affirmation
qu’il y a deux principes fondamentaux: celui de réalité et celui de
plaisir
avec le corollaire que le second doit être assujetti au premier.
Avec
une
telle théorie, les parents n’étaient plus remis en cause et la société
justifiée. Il fut possible de dévoyer tout le vas te mouvement de
contestation
de la société lié à l’insurrection de la jeunesse, qui commence dés la
fin du
siècle dernier. Un tel dévoiement, un tel détournement ne put se faire
que
parce que cette théorie contenait un élément libérateur: l’importance
de la sexualité
et la mise en évidence de sa répression. Ainsi répétons-le il y eut
détournement de la remise en cause fondamentale et les mouvements de
rébellion
se polarisèrent sur la question de l’émancipation sexuelle et ceci pour
une
période limitée de la vie: l’adolescence.
La
théorie freudienne est la représentation la plus efficace pour
justifier la répression
qui s’exerce depuis des milliers d’années et qui atteint un paroxysme
dans la
société-communauté actuelle. Elle le fit en s’appuyant sur un
dévoilement
partiel de l'horreur. Elle réactualisa l’idée du danger de la
jouissance et que
dans tous les cas celle-ci ne peut jamais être pleinement réalisée. Il
y a une
barrière qui est un avatar de l’interdit: le principe de réalité. Au
sein du
déploiement de la dissolution actuelle, le discours publicitaire donne
l'illusion d’un possible accès à la jouissance. Il opère par-dessus la
frustration,
d’οù la recherche d’une issue dans les mondes virtuels οù la publicité
s’abolit[6].
C'est
grâce au second ébranlement de ce siècle (le mouvement de Mai-Juin
1968) lié à
une immense révolte de la jeunesse que la supercherie en quoi consiste
la
théorie de Freud fut mise en évidence et que sa nocivité intrinsèque
fut
dévoilée’ par A. Miller qui expose dans ses oeuvre comment tous les
parents
oppriment leurs enfants en proclamant qu'ils le font pour leur bien[7].
C’est cette répression
qui fonde l'inconscient dont parle Freud ainsi que la psychose qui est
un moyen
de survie. Cela signifie qu’un tel inconscient et la psychose sont des acquits de
l’espèce, qu’ils ne sont
pas naturels, innés[8].
De quelle façon sont-ils apparus et pourquoi?
Répondre
à cela nous ramène à ce que nous avons traité dans l’étude Émergence
de Homo
Gemeinwesen et sur lequel nous devrons revenir encore
souvent: la
séparation d’Homo sapiens d'avec le reste de la nature. Voici comment
de façon
très sommaire nous pouvons envisager cela. Il n’y a pas une seule cause
fondatrice
à ce devenir. En outre les causes ne sont pas toutes externes à
l'espèce, comme
par exemple la pression de mauvaises conditions ambiantales liées aux
glaciations obligeant les êtres humains a s’isoler du milieu où ils
vivaient.
Voilà pourquoi avons-nous insisté sur le fait qu’à partir du moment où
il y a
hominisation avec l’acquisition de la station verticale qui permet de
réaliser
une meilleure préhension et donc une intervention sur le milieu
beaucoup plus
efficace, s’impose un devenir de séparation qui va s’accroître au cours
de l’anthropogenèse
et atteindre son paroxysme avec la libération des lobes préfrontaux:
les
centres de l'imagination. Cette dernière permet à l’espèce de percevoir
toutes
sortes de possibles dont la réalisation va lui permettre d’effectuer
une
intervention plus efficace. Ce faisant elle va sortir de l’immédiat, du
reste
de la nature. Alors elle pénètre dans le domaine de l’incertitude, de
l’inquiétude
au sujet de sa présence au monde, au sujet de sa réalité et de celle du
monde.
C’est là que commence à s’affirmer le phénomène de la psychose[9]. Il
faut combler le hiatus entre le moment où l'on
imagine (le présent) et celui où cela va être réalisé (le futur). Il y
a
insécurisation, car il y a un manque, un vide. Le mythe sera un moyen
de
combler.
L’espèce
tend a perdre le contact avec l'immédiat et a être emportée par ses
capacités
créatrices. Elle ira Jusqu'au bout en inventant des dieux et en se
posant
elle-même démiurge.
L’interaction
entre les deux sériés de causes (internes et externes) peut dés lors
s’apercevoir
clairement. Grâce à son imagination l'espèce peut chaque fois trouver
une
réponse aux difficultés engendrées par les phénomènes naturels. Dans
certains
cas il peut même y avoir une autonomisation de l’espèce qui anticipe en
quelque
sorte sur ce que peut lui imposer le reste de la nature. Et ce qui peut
lui
être imposé c’est une réaction de cette dernière à son intervention le
plus
souvent destructrice. Ce qui semble le plus fasciner dans l'imagination
c'est
l'accession à toutes sortes de possibles non réalisés dans la nature.
C'est là
où le devenir de sortie de cette dernière entraînant la perte de
continuité
avec l’immédiat devient un support au déploiement de l’imagination qui
permet a
la fois de vivre en pensée cette sortie et de la réaliser concrètement
grâce au
déploiement de la technique qui elle aussi n’est plus en continuité
immédiate
avec le procès de vie de l’espèce; elle n°est plus un exsudat du corps.
En
conséquence on peut se demander si les femmes en rapport avec la
création
concrète (enfantement) n’ont pas senti le danger de l’imagination qui
les aurait
ultérieurement piégées.
Toutefois
nous n’avons là encore qu’un phénomène potentiel. Pour que la psychose
s'implante réellement il faut qu’il y ait non seulement une séparation
d'avec
le reste de la nature mais une fracture importante dans les communautés
humaines.
Ce
qui
est essentiel de noter ici c'est que c'est grâce à l’imagination,
particulièrement par l’entremise de la pensée symbolique, qui en est un
dérivé,
que la psychose va pouvoir s’installer parce que pour surmonter les
différents
traumatisme liés à son devenir de séparation, l’espèce à travers chaque
individualité, a besoin de celle-ci pour supporter l'horreur qu’elle
vit. La
psychose va devenir constitutive de l’espèce se domestiquant elle-même
à
travers les diverses domestications, à travers la domination qu'elle
cherche à
réaliser sur le reste de la nature. Autrement dit la réponse interne de
chaque
individualité au mal engendré par son propre devenir est la psychose
qui se
réalise avec le surgissement de l'inconscient. L`origine de toutes les
maladies
affligeant l'espèce se trouve dans cette activité de l’inconscient,
somatisant
les troubles psychiques et rendant visible, tangible la psychose. Ce
qui, à
cause du désir intense de maintenir la continuité avec le phénomène
vie, crée
la possibilité de s’en séparer[10].
Il
me
semble qu'à l’origine la psychose affecte la petite commu nauté basale
telle qu’elle
émerge au moment où la séparation d’avec la nature se réalise. Pour
qu'elle
affecte pleinement l’individualité il faut un processus de
fragmentation de
celle-ci, moment où la répression parentale va prendre de l’ampleur.
Nous
pouvons maintenant essayer de nous représenter la fragmentation au sein
de la
communauté qui va donner substance à la psychose et comment tout le
procès de
connaissance est mis à son service.
Il
nous
faut donc compendre comment celle-ci opère. Nous ne pouvons le faire
avec une
certaine amplitude qu’en tenant compte des divers traumatismes de
l’espèce que
nous comptons exposer dans la dernière partie de notre étude Emergence
de
Homo Gemeinwesen et ce dans les diverses
aires géosociales.
Nous
devons en tant qu'individualité et en tant qu'espèce revivre tous les
trauma
que nous avons subis directement à cause de nos parents et ceux de
l'espèce
transmis par la mémoire génétique. C`est la seule possibilité pour nous
en
débarasser et retrouver la vie. Le but profond de Émergence
de Homo Gemeinwesen
est donc le
revivre des traumatismes (dans quelle mesure l’oeuvre historique
n`était pas
cela: conjurer un mal, s`en libérer et par là se fonder?).
Donc
on
fera appel à cette étude tant à sa partie déjà publiée qu’à celle à
l'état
d'ébauche et qui ne saurait tarder enfin à paraître.
Rappelons
tout d'abord les résultats du procès de fragmentation de la communauté
tel que
nous l’avons exposé dans Émergence
de Homo
Gemeinwesen.
C’est l’engendrement de la totalité qui de viendra l’unité
supérieure, l’État de la première puis de la seconde forme (on peut
ajouter qu’au
niveau de l’individualité elle peut apparaître en tant que mère), la
diversité
manifestée par les membres de la communauté se fragmentant, l’unité à
partir de
laquelle se fondera l'individu, forme réduite de l'individualité. Dit
autrement
le résultat est que l’individu est coupé de la Gemeinwesen, mais il
l’est
également vis-à-vis de l’individualité, non totalement épanouie, éclose
au sein
des commumunautés primordiales, mais dont le possible de réalisation
s'enfle au
cours du devenir, ce qui rend la séparation vis-à-vis d’elle de plus en
plus
intolérable.
Signalons
en outre que Homo sapiens se séparant de la nature a une activité pour
réaliser
son procès de vie (comme chez les autres espèces), et une activité pour
se
sécuriser; les deux s’interpénètrent tout en s’autonomisant; séparation
de
l’activité par rapport au flux de vie, à la jouissance d'être. Il n'y a
plus
continuité; l'activité se surajoute, devient une médiation, puis ce
sera le
travail. L’activité n'est plus générée immédiatement par le procès de
vie
naturel.
À
ce
propos il nous faut évoquer le phénomène d'aliénation qui est pour
ainsi dire
inclus à l’état potentiel dans celui de séparation d`avec le reste de
la
nature. Nous avons, antérieurement, mis en évidence ses composantes:
extériorisation, extranéisation, réification, mais nous avons omis un
phénomène
encore plus essentiel que nous nommerons objectalisation en ce qui
concerne le
processus et objectalité lorsqu’il s`agit du résultat.
Les
objets,
initialement intermédiaires entre les êtres humains particulièrement
entre
parents et enfants, deviennent des médiations entre ceux-ci - surtout à
partir
du pôle parental - et, comme cela arrive constamment avec la médiation,
ils
dominent ceux qui sont médiés. Ceci entraine une orientation perverse
du
regard. Le parent aù lieu de regarder l’enfant, regarde l'objet: jouet,
vétement, nourriture. Le parent pense aimer son enfant parce qu’il lui
donne
tous les objets que celui-ci réclame et qui sont censés lui permettre
de vivre.
Il lui donne tout sauf le regard d'amour. Pour le parent ce qui compte
c`est
qu’il soit en régle avec la dynamique de l’objectalisation qu'il a
lui-même
subie étant enfant. Ceci est évidemment exalté avec le développement de
la consommation
lors de la domination plénière du capital sur la société. La propension
à
consommer ne pourrait pas être exaltée - prenant dans la psyché la
place de
diverses pulsions - si cette dynamique n'était pas opérante. Autrement
dit la
publicité ne peut pas créer ex nihilo le désir irrépressible de
consommer. Elle
ne peut opérer qu`à partir d’une.dynamique en place qui est celle de la
psychose.
La
séparation d'avec l’individualité dont nous avons parlé implique la
formation
d’un être déterminé de l'extérieur, fondé par des déterminations
externes Tel
est bien l'individu surtout sous sa forme d’apparition avec le
surgissement de
la polis et de la dé mocratie en Grèce. Ce sont donc des lois qui le
déterminent. La séparation d`avec le reste de la nature conduit à une
séparation plus ample au sein de l’individualité et c'est celle entre
le corps
et l’esprit., le corps et le cerveau, celle, se réalisant gràce à la
représentation, entre le vécu immédiat et la pensée, la réflexivité. De
telle
sorte qu’en Occident on a, au cours des siècles, rejet de plus en plus
fort du
corps qui est dénigré, considéré comme support du péché, de la
malédiction et
exaltation de la conscience repressive. Actuellement il y a évanescence
du corps
et tout devient conscience[11].
L’individu est un
être sans corps, bourré de prothèses et gonflé de conscience
repressive. De là
découle l'importance excéptionnelle, et sur laquelle nous avons maintes
fois
insisté, du procès de connaissance pour Homo sapiens. Nous pouvons le
définir
comme étant l`ensemsemble des conduites, des comportements, des
attitudes
cognitives qui permettent à l’espèce de se situer dans le monde, de se
sécuriser, de se justifier (toute justification est une sécurisation).
La
répression du corps se réalise au travers de celle du toucher, du
geste, de la
parole, de la spontanéité. Tout devient conscience qui a été apportée
de
l’extérieur par le mouvement de la valeur, puis par celui du capital.
L’homme,
la femme acceptent la domination venant dé l'extérieur pour masquer
leurs contraintes
in térieures. La conscience répressive a besoin d'une foule de
représentations
pour être intériorisée. C'est ici qu'intervient pleinement le procès de
connaissance.
Pour
se
séparer du reste de la nature, il faut qu’apparaisent des fonctions
distanciatrices
qui se greffent sur les organes en place du corps naturel. Cela
implique que
celui-ci soit nié afin que les nouvelles fonctions puissent opérer. Au
cours du
devenir hors nature s`opére un vaste détournement des fonctions
organiques.
Ainsi la pensée va tendre toujours plus à objectiver, à donner substrat
aux
représentatiuons qu’elle engendre pour sécuriser l'espèce. Elle prend
très tôt
la dimension d’une simulation. Elle sert à simuler la réalité qui n’est
pas en
continuité avec celle de la nature. Elle doit donner corps à une
artificialité.
Le point d'achèvement de cette fonction de simulation est l'accession à
la
virtualité.
On
a
donc eu oubli du corps, de l’intériorité naturelle, refus de la femme
et perte
de l’homme. Tout s’effectue dans les représentations,dans
l’extériorité, dans
les formes, dans la forme, avec le cerveau metteur en scène des
représentations
interindividuelles. À partir de là s’effectue la plongée dans la
virtualité.
Après
avoir envisagé fort succinctement les principales conséquences de la
sortie de
la nature qui interviennent pour structurer la psychose en chaque
homme, en
chaque femme, il convient d'essayer de percevoir comment se sont
édifiés les
rôles de mère, de père et d’enfants.
En
ce
qui concerne celui de mère, il est évident que les femmes ne sont pas
brusquement devenues maléfiques vis-à-vis de leurs enfants[12].
Il s`est opéré
une dynamique complexe qui les a placées dans un devenir hors nature et
les a
conduites à développer une autre conduite vis-à-vis de leur progéniture
et ceci
s’est instauré à la suite de divers trauma que nous avons évoqués plus
haut.
Précisons
justement que, de nos jours également, la mère n`opére pas avec
l'intention de
réduire l’enfant, même lorsqu`elle lui transmet la psychose, la sienne
propre
et celle de l’espèce. Elle lui donne son amour, filtré par la psychose,
que
l’enfant accepte, et elle fait de ce dernier le support de ses
transferts, afin
de voir pour se libérer. Mais comme le processus de libération peut
rarement
opérer, c’est le meilleur moyen pour enserrer l’enfant dans la
psychose,
d'autant plus qu’elle l’inicte à devenir ce Qu4elle est, en luis
suggérant de
copier son comportement.
Ce
qui
constitue la femme en tant que mère c’est la séparation d’avec la nature[13];
la nature où hommes et femmes engendrent sans que ne
se pose un problème de savoir qui a l’essentialité dans la transmission
de la
vie. La véritable mère est la nature. La séparation constitue la femme
en tant
que mère qui s’accapare de la capacité d’engendrer et se pose, en tant
que
déesse, en mère universelle. Les mythes font apparaître un être femme
engendrant seule ou bien elle est indissolublement liée à un mâle qui
dans tous
les cas est subalterne. La femme prenant dimension de nature est
toujours
perçue ensuite en tant que nostalgie de cette dernière. Et même
ultérieurement
les hommes lui reprocheront d’être nature, quand ils auront accentué la
séparation et refuseront la mère.
La
mère
biologique est donc chargée d’une immensité qu’elle ne peut pas
assumer, base
de l’idéalisation de la femme, de la mère, que tout enfant (puis homme
ou femme)
réactive: être la totalité et non seulement la mère biologique. À
travers elle, par son entremise on peut rechercher la totalité, la
communaute,
l'union avec tous les êtres vivants, le cosmos.
Ce
faisant l'homme s’est perdu; sa fonction est absorbée par la femme; il
est
réduit. En outre étant nié il peut difficilement permettre à l’enfant
de se
distinguer de sa mère et accéder à la diversité., Il est fixé à la
symbiose
mère-enfant. Ce dernier s'en dé gage avec de terribles difficultés. De
là
l'origine de l’absence du père dont souffrent particulièrement les
femmes[14].
Afin
de
préciser cela il convient de partir de ce qu'il advient actuellement
entre
hommes et femmes. Dans ce but je ferai appel au témoignage d'un
psychiatre, W.
Lederer, que nous avons déjà mentionné ainsi que son livre: La
peur des
femmes, Ed. Payot. Voici ce qu'il écrit à la fin de celui-ci.
« Cet
ouvrage a débuté sous forme d'observations cliniques: mes patients
masculins
faisant de leur mieux pour m’expliquer et me faire comprendre pourquoi
ils
avaient peur de leur mère, de leur femme ou de leur fiancée; mes
patientes sont
venues corroborer leur discours en exprimant leur mépris pour la
fragilité des
hommes et le peu de confiance que leur inspirait leur soi-disant
force. »
(p. 27l)
Donc
les
hommes ont peur de leur mère[15] et
les femmes souffrent de l’absence du père. En effet
à cause de la mère, le garçon ne peut pas accéder réellement à la
virilité, ne
peut pas devenir homme, un père. On peut dire que là s’articulent les
schémas
comportementaux de l'homme et de la femme au niveau de l'espèce pour
entretenir
indéfiniment la psychose.
Voyons
tout d'abord ce qui. concerne la femme. Elle souffre à cause de
l’absence du
père; elle a une sensation de vide, de manque. Une solution s'ouvre à
elle, la
maternité.
Donc
la
femme se replie sur elle-même, s’autosuffit et il y a réactivation du
phénomène
originel indiqué plus haut, réactualisation d’un comportement conjurant
un antique
traumatisme.
Nous
pouvons
expliciter le jeu de miroirs qui s’opére en la femme. Quand elle pense
à l’enfant
non réprimé en elle, elle se reconnait et en jouit. Mais c‘est
insuffisant, sauf
si une dynamique de libération s’enclenche. Quand il y a un enfant en
elle,
c'est lui qui la reconnait et lui apporte l’amour et c'est de ce procès
qu’elle
va constamment exclure l'homme. Elle se nourrit de l’amour de l’enfant,
le suce
et quand celui-ci est vidé, elle en fait un autre et ainsi de suite;
Dans
ce
cas il ne s’agit plus d’une symbiose comme celle qui devrait
s’effectuer avec
l'extérogestation. Mais de l’affirmation du pouvoir et de l’amour
autonomisés,
car la mère affirme qu'elle aime son enfant, alors que c’est elle le
propre objet
de son amour. Ce pouvoir elle veut le maintenir le plus longtemps
possible. Elle
ne peut donc pas favoriser le mouvement de distinction de l’enfant par
rapport à
elle, en le présentant à l’accueil du père, afin qu’ il accède au
multiple, à
la diversité des hommes et des femmes en devenant une' individualité.
La fonction
du père, si père il y avait, serait donc d'attirer l'enfant hors de la
symbiose
avec sa mère et ceci en douceur, sans violence[16].
En
interprétant le discours que lui ont tenu divers parents, W. Lederer
affirme.
« En minimisant
le père, donc l’homme,
elle semble dire à son fils: "Toi non plus tu ne seras jamais un homme.
Tu
resteras toujours un petit enfant" ».
En
fait
le père n’est pas minimisé. Il est absent puisque l’homme est en fait
un petit
garçon. Ceci nous éclaire sur la remarque de W. Lederer.
« Mais si la mère
peut minimiser le père, c’est parce que celui-ci la laisse
faire ». (p.
70) Et pour cause! Il est totalement démuni, sans capacité, pour
affronter une telle
situation.
Le
désir
d'enfant est tellement important chez les femmes que lorsqu’elles
entrent en concurrence
pour la "conquête" d’un homme l’enjeu n'est pas la relation sexuelle,
mais l’accés à un enfant qu’elles pourront materner et contrôler.
La solution sus-indiquée s’avére souvent insuffisante. En conséquence la femme vit dans une attente constante. On attend toujours un absent. Le mythe de Pénélope est révélateur à cet égard[17].
En
ce qui
concerne l’homme, indiquons d’abord brièvement comment les choses se
passèrent historiquement,
en rappelant qu'au début, selon les représentations mythiques, l’homme
est passif,
tout au plus il contemple la femme. Les comportements se sont inversés
ensuite
pour aboutir, de nos jours, à la passivité des deux sexes.
Ultérieurement,
l’homme, le père voulut retrouver sa place, ses fonctions, son
essentialité. D’οù
la révolte contre les femmes, contre les mères. Le mythe de Tiamat et Marduk est très
expressif à ce
sujet.
L’insurrection
des hommes contre les femmes se comprend bien. La lutte fut dure et
l’histoire
des amazones qui refusent de perdre leur pévilège, leur pouvoir, le
témoigne
bien. Ensuite l’homme ayant triomphé, veut s’emparer de la procréation;
il veut
déposséder la femme de sa puissance, comme c’est fort bien exprimé dans
les
tragédies grecques.
Alors
les femmes se sont révoltées à leur tour parce que les hommes ont voulu
se
poser en véritables mères (voir par exemple la pratique de l’adoption,
celle
d'avoir des disciples et autres pratiques, dont celle non encore
réalisée, qui
permettrait à l’homme de pouvoir enfanter), comme si eux pouvaient être
la
nature. Pour cela ils veulent la dominer pour en arriver de nos jours à
vouloir
l’éliminer. Ils l’ont fait avec Dieu le père qui crée à partir de rien
ce qui,
dans une certaine mesure, est le symétrique de ce qui se serait produit
au
début: la femme créait toute seule. Par là les hommes ne pouvaient pas
non plus
se poser hommes, trouver leur originalité. Ils n’étaient qu'un
décalque; ce à
quoi les femmes ont abouti en s’émancipant. On peut voir également cela
comme
un jeu de miroirs opérant à l’échelle historique. Le père devient tout
- du
moins c’est ce qu'il pense avoir réalisé - la mère est refoulée au
second plan.
Cela
n’abolit
pas sa peur de la mère. «La profonde inquiétude de l’homme
devant la
menstruation, la grossesse et l'accouchement (dont témoignent tant de
tabous et
d'interdits) a tout lieu d’exister; il est incapable de comprendre
cette face
inconnue de la femme et cet étrange phénomène qui lui permet de
transformer le
sang qu’elle perd mensuellement en un bébé, donc de transformer le sang
en
nourriture, en lait selon toute apparence, de se suffire à elle-même et
d'être "inapprochable"
pendant tout ce processus.» (p. 36). D’οù, pouvons-nous
ajouter, la
sensation d'être exclu, inutile.
Il
nous
semble que Lederer nous fournit ici tous les éléments qui justifient la
peur que
l’homme a de la femme, de la femme en tant que mère. Ils ont une grand
importance et nous en avons déjà tenu compte. Mais leur simple énoncé
engendre
un questionnement. Cette peur est-elle originelle, structurelle? Et,
abordé du
point de vue de ce qui l’engendre, la menstruation est-elle originelle
ou un
phénomène acquis? Ne serait-elle pas survenue à cause d'un mode de vie
en
rupture avec les exigences biologiques de l’espèce (peut-être la
sédentarisation) ou à cause d'un traumatisme psychologique? Mais la
connaissance du déroulement des phénomènes de la vie sexuelle de la
femme,
telle qu'elle s'impose actuellement, devrait conduire à l’évanescence
de la
peur, tout au moins à sa non réactivation. Or, il n’en est rien.
Celle-ci
s’origine ailleurs. Elle prend racine dans celle de la répression. La
mère est
la première qui intervient pour interdire, toute activité insinctuelle
de
l'enfant. Elle le détourne de la manifestation réelle de la vie et d'en
être
lui-même une manifestation plénière. Tout le long de son existence
l’homme
vivra avec cette peur. Chez beaucoup d’hommes elle apparait sous la
forme de peur
d’étre détourné, d'être manipulé. En effet l’adaptation à la société
consiste
en un détournement qui implique des manipulations
Cette
peur existe aussi chez les femmes, mais elle peut être masquée par une
préoccupation
génératrice d'angoisse: l'absence du père. Ce masquage est d’autant
plus facile
qu’elles gardent une dimension naturelle. En revanche le devenir de
l'homme, nous
le verrons, tend à l'éloigner du reste de la nature, d’où la prégnance
du détournement[18].
Il
est
une sorte de femme auprès de qui l’homme semble perdre sa peur: la
putain. Or, ici
intervient un opérateur: l'argent. Celui-ci permet à la femme
d’affirmer une certaine
neutralité en même temps que sa psychose, tandis que l'homme conjure le
maléfice
grâce à ce même argent. La putain joue un très grand rôle dans diverses
histoires.
Ainsi celle d’Enkidou l’homme sauvage qui vit en symbiose avec les
animaux et
les protège contre les maléfices des civilisés. Gilgamesh roi du pays
décide
d'envoyer une prostituée pour désensauvager Enkidu. Elle seule peut le
faire parce
que de par sa fonction elle établit un pont entre la société et la
nature.
C'est ce qui se réalisa. Il y a beaucoup d'histoires où une putain s’en
va tenter
un ascète afin de l’éprouver. Le résultat est similaire: c’est elle qui
devient
sainte. Ce qui signifie que pour se protéger de la mère, il faut la
sanctifier,
la diviniser: la Vierge Marie. Il y a aussi l’histoire d'Hélène,
prostituée dans
un bordel de Tyr, que Simon prit pour compagne en la proclamant la
salvatrice du
genre humain. Il y a celle de Marie-Madeleine...
Dans
le
rapport à la putain c’est l'argent qui joue le rôle de la mère. C’est
lui qui permet
d’accéder à une jouissance. En possédant l'argent, l’homme se libère
momentanément
du lien à la mère. Cela lui permet de nourrir son sentiment de
supériorité par rapport
aux femmes, être au-dessus de la souffrance qui lui est infligée du
fait du non
amour de la mère.
En
tenant
compte de la dynamique de l’objectalisation, on peut penser que
l'argent puisse
être le substitut de la mère. Thésaurisé, il est le trésor enfin
trouvé, qui
doit être jalousement conservé et protégé : la mère ou plutôt
l’amour de
la mère rendu bien tangible mais qui ne peut pas être activé.
Quelle
est la solution pour l’homme qui a peur de la femme? C' est d’échapper
à
l'emprise de la mère (le mythe d’Ulysse). Et ceci s'affirme très tôt
historiquement, comme ontologiquement. A ce sujet W. Lederer écrit
ceci:
"dans les cultures qui nous ont précédées, qu'elles aient été
patriarcales
ou matriarcales, le garçon, à un certain âge, passait formellement et
rituellement, des mains de la mère à l’autorité pédagogique des hommes:
il
apprenait à devenir un homme selon les modes et les traditions locales.
Il était
dans l’ordre des choses de ces sociétés que le garçon quitte sa mère et
qu’elle
cesse d’exercer son autorité sur lui." (p. 70) Ailleurs il ajoute:
"On est une femme, on apprend à être un homme." (p. 70)[19]
Cela indique bien
le caractère artificiel de ce dernier, le fait qu'il s'édifie dans
l'apparence
et qu’il y a rupture de continuité. À un être qui a été bloqué dans son
développement, qui demeure donc au stade de petit garçon, on adjoint
une
représentation d'homme qui va varier au cours des phases historiques:
Ce n’est
pas pour rien que l’Etat définit l’homme. Les hommes - au travers de
phénomènes
complexes que nous avons traités ailleurs - se sécurisent en produisant
des
structures, des organisations, dont l’État. À ce propos, notons que
l'importance
de l'initiation diminue d'autant plus que celle de ce dernier augmente.
En
effet les hommes ne pouvant pas trouver de solution au sein des relations avec la
femme, dans une dynamique
placée dans l’intériorité, s’abandonnèrent au mouvement externe, à
celui des
choses, à la production, à la création, à essayer d'accéder à ce dont
ils avaient
été exclus et tendirent à s’autonomiser. Par là ils ont opéré dans la
dynamique
de la séparation d'avec la nature, en l’approfondissant. De là la mise
en place
de structures artificielles.
Dans
Émergence
de Homo Gemeinwesen
on a exposé que
les hommes visant à une rédemption, à une libération[20]
s’abstinrent de
toute relation
sexuelle avec les femmes
et tendirent à fonder des communautés asexuées d’où elles étaient
bannies
(communautés monastiques). Ils fuyaient la mère pour se réfugier auprès
de la
bonne mère. Ce monde sans femme est une horreur et sa réalisation eut
des
conséquences que nous avons évoquées et sur lesquelles nous reviendrons.
Ainsi
nous pouvons constater qu'au bout du phénomène historique envisagé, la
femme
s’est perdue. Elle s’est perdue d’abord dans la maternité, puis à
travers la perte
de cette dernière, comme cela s’opère
actuellement. L’homme ne
s’est
pas trouvé et il n’a jamais été un père. Il a essayé de se fonder grâce
au
mouvement externe: production et création. Mais dans ce dernier cas il
n’a pas
pu le faire sans la femme comme le montre le mythe des muses, de la
femme
inspiratrice, de "l'éternel féminin qui nous tire en avant" dont
parle Goethe dans son Faust. « C’est la femme qui "mobilise"
et "stimule"
l’homme. Il faut chercher dans cette action des femmes, la raison
principale
des sentiments ambigus qu'elle lui inspire. Pendant les milliers
d’années qu’a
duré le dur combat de l’homme pour se libérer et trouver son
individualité
propre, la femme a été le catalyseur et le médiateur placé entre lui et
l’apparente absurdité de la nature qui l’engendra, nature dont il veut
se
dégager à tout prix et qui, pourtant, reste la source majeure de sa
subsistance
quotidienne. » (p.l38) La nature dont il s'agit ici est en
fait une figure
de la mère, de la mère dont il veut se dégager. Pour cela, il cherche
appui
auprès de la femme en qui il a tendance à retrouver sa mère. Ainsi il
ne sort
pas du labyrinthe. La légende de Thésée et d’Ariane nous en dit long
sur ce
sujet, en particulier le fait qu’aprés être sorti du labyrinhte Thésée
abandonne
Ariane. L’image du labyrinthe hante le cerveau des hommes - comme delui
des
femmes d’ailleurs - du moins en Occident, depuis fort longtemps; c’est
l'image
de la psychose. En ce qui concerne l’homme elle signale qu’en fait il
ne s’est
pas encore trouvé.
Dans
Le
virtuel, vertu et vertige on trouve d’abondantes indications
sur la
métaphore du labyrinthe (pp. 79. sqq) et cette précision qui éclaire
bien le
phénomène de la psychose. "Dans l’original grec, c'est le mot
palintropos
qui est utilisé. Le palintropos, le labyrinthe, est composé de palin-,
de
nouveau, et de tropos, "ce qui tourne" ce qui se transforme. Le
labyrinthe est un lieu rempli de détours et de retours, on se perd
d'autant
plus qu’on se retrouve sur des chemins déjà parcourus, de quoi perdre
tout
espoir puisqu’on semble "tourner en rond" (p.92).
Se
dégager de la nature a été la préoccupation constante du peuple juif,
le
premier à rompre avec elle; c’est aussi celui où la haine de la mère
est des
plus virulentes.
Au
cours du devenir historique il y a engendrement de la mère qui est un
rôle qui
a un contenu, et du père qui est un rôle sans contenu réel. C’est comme
si une
virtualité était opérante. Elle est, elle agit, mais elle est
insaisissable.
La
représentation théatrale est l’extériorisation des scènes de la vie
relationnelle des hommes et des femmes: nous passons notre temps à nous
mettre
en scène. Leur vie dés lors est emprisonnée en tre le miroir de la
repésentation de leur réalité et celui de celle-ci. Tous leurs
sentiments,
leurs affects y sont piégés comme la lumière dans un trou noir. Et ce
jeu de
miroirs, ce trou noir, se retrouvent dans chaque individu, indiquant
l'immensité de la psychose, générant les sentiments d’impuissance,
d'accablement et de fatalité[21].
Pour
la
femme l'absence du père implique aussi qu'elle ne puisse rencontrer que
des
enfants sous forme d’hommes et non des hommes. De son côté pour l’homme
la
femme est un manque logé en son corps comme le signale le mythe d’Ève.
Elle
provient d'une côte prélevée à Adam. Elle est son manque. Il y a donc
là aussi
un jeu de miroirs qui se renvoient manque et absence, qui est aussi un
manque.
Enfin
pour mieux saisir comment se fondent les rôles dont nous avons parlé,
il est
bon d'indiquer comment opère le procès de connaissance à partir des
deux poles,
masculin et féminin.
Les
idées de cycle naturel, de nécessité, de fatalité, voire de
déterminisme,
semblent relever de la représentation féminine. Elle est en accord avec
la
mouvance d'acceptation, d’accueil de la femme.
La
revendication de la volonté, de l’intervention, l’affirmation du
hasard, de
l'arbitraire, comme de la loi externe, de la providence paraissent
relever de
la représentation masculine. Elle est en accord avec le désir
d’autonomie de l’homme.
Il
est
évident que ces deux représentations peuvent s’interpénétrer et
qu’elles
subissent des modifications au cours de l'histoire, comme nous le
montrerons
dans le chapitre: Valeur et procès de connaissance
de Émergence de
Homo Gemeinwesen.
L’homme
vit surtout dans l’apparence et la femme dans la substance, dans la
matière
disent les misogynes pour la discréditer. Or il y a une aspiration
spirituelle
importante chez la femme. «Du fait que la femme se situe hors
du-temps,
qu'elle porte au tréfonds d’elle-même le germe de toute vie à venir,
qu'elle
contient caché au plus obscur de son être tout ce qui a été, elle est
donc,
pour toutes ces raisons, particulièrement apte à devenir ce qui est
caché, à
prédire ce qui arrivera ». (p. 135)
Ceci
nous ramène au rapport au sacré qui est intimement lié à la femme. Nous
constatons
que les hommes incapables de se situer, de percevoir leur réalité
propre,
vont s’approprier
ce que faisaient les
femmes et pour accomplir les fonctions de prêtre, par exemple, ils vont
s’habiller en femme. Cela survit encore de nos jours où tous les hommes
d'église portent la robe!
Et
maintenant considérons les enfants. Être enfant c'est être affublé du
rôle que
les parents veulent qu'il joue, et dans ce rôle s’engouffrent tous
leurs
fantasmes. C’est là que la représentation fragmentaire de la vie
s'incarne le
plus. On parle de nourrisson, de bébé, d’enfant, d’adolescent. À chaque
segment
sont attribuées des déterminations qui ont pour contenu la négation de
toute
capacité d’autonomie. L’enfant est un incapable, un assisté; il a
besoin
constamment d’être surveillé ; d’où la nécessité d’intervenir afin
d’apporter ce qui va lui
permettre de surmonter son incapacité supposée.
Tout
cela est connu, ce n’est pas la peine d°insister. Ce que nous voulons
souligner, c'est qu’en ayant le comportement de celui qui assiste,
l’adulte
exerce une violence sur l’enfant puisqu°il l’empêche de réaliser
spontanément
son procès de vie. Il ne peut jamais faire en entier une action. Le
procès du
parfait, c’est-à-dire le procés par lequel une action voit toutes ses
phase se
réaliser jusqu'à son achèvement qui la rend, par là, parfaite (il n’y a
aucune
notion morale ou esthétique là-dedans) est enrayé. L'adulte
accomplissant à sa
place certaines des phases qui sont jugées irréalisables par lui,
exerce une
puissante violence qui engendre une inhibition. On peut dire que le
phénomène
est général et opérant à l’échelle sociale. La division du travail, la
fragmentation des tâches, etc., font que l’individu n'est jamais en
face d’une
totalité. Il est en fait utilisé par le procès de production pour
réaliser un
fraction de celui-ci. Comment ne pourrait-il pas se percevoir lui-même
fragmenté? À l’échelle de la société entière cela fonde le possible de
la
hiérarchie.
Un
autre aspect terrifiant de la situation des enfants c’est que par le
chantage à
l’amour, ils sont exploités par leurs parents. Si tu fais cela, tu
auras un
calin, un bonbon, ou tout autre substitut. Ou bien si tu es gentil (ce
qui
implique la négation qu°il le soit foncièrement!), tu auras... Il y a
également
l'utilisation de la dynamique du "je donne pour que tu donnes" et du
"je
fais pour que tu fasses" que dénonçait Marx. L’enfant est d’autant plus
exploité que la plupart du temps, au lieu d'amour, il reçoit des objets
(toujours
l'objectalisation). On peut comprendre qu’une telle éducation[22]
ait pu permettre
l’installation de l’exploitation de l’homme par l’homme!
On
doit
considérer l'enfant: comme un être à l’égal d’un adulte. Il possède
tout à
l'état potentiel. C'est son cheminement de vie, avec les autres enfants
et avec
les personnes plus agées que lui, qui fait apparaître toutes ses
capacités qui
lui permettent de devenir homme ou femme.
Il
nous
faut rejeter tous les rôles: mère, père, enfant. Nous sommes des êtres
humains,
féminins (nous en avons au moins la puissance) qui devont vivre dans la
joie et
la jouissance. Or les rôles sont intimement liés à la famille. Se
libérer
implique donc l’abandon de celle-ci.
Je
dis
bien que ce sont les rôles qu'il faut abolir. Sinon on retombe encore
dans la
psychose. Il arrive fréquemment que les enfants en arrivent à penser
qu’ils
n'auraient pas voulu avoir de père, ni de mère parce que cela cause
trop de
souffrance. Ce désir, on le trouve exprimé dans la littérature surtout
en ce
qui concerne les mères. Euripide, par exemple, rêvait d’un processus
d’engendrement
sans femme. De nos jours ce rêve dément tend à se réaliser: produire
des
enfants in vitro. Là, le foetus sera à l’abri de la mère, du père. Il
pourra
naître artificiellement sans dépendre de parents et vivre ensuite dans
la
virtualité.
C’est
le cas le plus extrême. Les hommes homosexuels en voulant enfanter
désirent se
libérer de la mère tandis que les femmes rêvant d'une parthénogenèse,
veulent
donner consistance à l'absence de père en le supprimant.
On
justifie la famille comme étant la structure qui permet aux enfants de
se
développer, le lieu où ils peuvent recevoir l'affection, etc. Mais les
enfants
n’appartiennent pas à la mère ni au père, ils n’appartiennent pas non
plus à la
communauté. Ils sont tout simplement, comme doivent l’être l’homme et
la femme
adultes. La nécessité impérieuse pour toute individualité de vivre la
totalité,
la diversité et l’unicité conduit à rejeter toute limite, toute
barrière, tout
interdit, tout ce qui empêche le flux de vie de librement s'écouler.
L’épanouissement de l'être humain, féminin, en tant qu’individualité et
Gemeinwesen implique la disparition de toute structuration, de toute
organisation des rapports humano-féminins.
Après
avoir succinctement abordé la phylogénie de la psychose, voyons son
ontogénèse
en situant comment elle s’installe en chaque individualité. Précisons
d’abord
en quoi elle consiste.
La
psychose est l’ensemble des mécanismes qui permettent à
l’individualité,
cherchant à survivre, de s’adapter aux conditions de domestication que
lui
imposent ses parents, à leur propre psychose qui les rend inaptes à
l’accueillir tant ils sont préoccupés, hantés par elle, par leurs
manques
affectifs. C’est la perturbation fondamentale de la conscientisation
c’est-à-dire
le processus par lequel les émotions, les sentiments parviennent à la
conscience, c’est-à-dire qu'il y a enraiement de la continuité, il y a
déviation, détournement du phénomène naturel et formation d'agrégats:
les
émotions, les souffrances non pleinement vécues et non parvenues à la
conscience.
L’installation
de la psychose dans l'individualité commence avant la naissance, avant
la
conception parce que nous ne vivons pas en communauté; le futur enfant
est
limité dés le départ parce qu’il provient d’individus. En outre les
deux
parents veulent un enfant pour eux, ce qui entraïne d’immenses
projections
permettant la transmission de la psychose, surtout durant les phases du
sommeil
paradoxal. Le plus souvent le futur enfant est vécu comme devant guérir
de
l'antique mal de ne pas être aimé. Lors de la conception tout est
transmis et
tout est accru si l’enfant n’est pas désiré.
Durant
toute la gestation l'embryon puis le foetus auquel on a nié pendant
longtemps
toute capacité, pour le considérer seulement comme un simple tout
organique,
absorbe les émotions de la mère et dans une moindre mesure celles du
père. Ceci
s’effectuant également surtout durant la phase de sommeil paradoxal.
Lors
de
la parturition toutes les somatisations opèrent chez la mère,
particulièrement
au niveau de l'utérus qui est tendu, rigide[23].
On peut affirmer. sans crainte de se tromper que les
douleurs liées à l’accouchement sont en grande partie dues à la
psychose qui
carapace l’individualité. C’est cela qui ne permet pas que la symbiose
mère-enfant
s'effectue harmonieusement. En effet ce qu’οn nomme le travail dans la
parturition relève en fait d’une relation symbiotique où le désir de
l’enfant
d'accéder au monde hors la mère et le désir de cette dernère
d’accueillir le
nouvel être se conjuguent. La non effectuation parfaite de cette
relation qui
se ramène à une rupture de continuité conditionne un traumatisme dont
chacun a
été marqué. La modalité de celui-ci signe en quelque sorte la
dimension
psychotique de chacun. Il est évident que le traumatisme est amplifié
si
l’accouchement a été effectué sous péridurale ou s’il y a eu césarienne.
Dans
la
plupart des cas les conditions dans lesquelles s’effectue
l'accouchement ne
permettent pas un accueil vibrant de la mère. En outre très souvent la
mère ne
fait qu’enregistrer l’arrivée au monde d'un nouvel être. Nous
n’insisterons pas
sur les problèmes de la naissance, le lecteur pouvant se reporter au
livre de
Leboyer Pour une naissance sans violence. Rappelons
simplement l’importance
du traumatisme dû au fait que l’enfant est séparé de sa mère alors que
durant
les premiers mois il doit être presque constamment en contact avec elle.
Une
fois né l'enfant est souvent vécu comme un être encombrant, comme un
obstacle à
la réalisation des désirs de la mère[24]
et du père.
Comment un être humain, féminin, peut-il trouver sa place quand il se
sent une
gène et est géné? Le non accueil de la mère lié à ce dernier phénomène
fonde les
sentiments d’ètre peu important, insignifiant et celui de honte (honte
de ne
pas être aimé). En outre l'enfant éprouve très tôt un sentiment
d’impuissance
par ce que ses appels sont très souvent sans effet: sa mère ne
satisfait pas
son désir. Il est probable qu’au début il cherche à communiquer par
télépathie
mais que le non succès de diverses tentatives fait qu’il recourt aux
cris qui
eux sont opérationnels. Cela nous semble très vraissemblable que
l’enfant ait
l’aptitude télépathique puisque le langage est lié à l’acquisition de
la
station verticale. L’ennui c'est que le devenir de l'espèce depuis des
mil
liers d’années consiste en la perte de l’inné. Aussi très rares sont
les mères
qui soient encore receptives aux messages télépathiques de leur
nourrisson[25]
Les
préjugés sociaux, les contraintes sociales, dans la mesure où elles
sont
acceptées par la mère, font que celle-ci n’est pas totalement
receptrice aux
désirs de son enfant. Voilà pourquoi la mère est pour ainsi dire
d'entrée vécue
comme un personnage ambivalent: menaçant ou maléfique et bénéfique.
Pour
décrire comment s’installe la psychose il me semble intéressant de
recourir à
l’ouvrage de J. Bril Lilith ou la mère obscure, Ed.
Payot. En effet
l’auteur, qui accepte les
thèses
psychanalytiques, décrit fort bien les traumatismes de l’enfant, mais
étant
donné qu’il ne remet absolument pas en cause la nocivité de l'action
des parents,
l’origine de ces maux demeure obscure. Voici d’amples extraits que nous
commenterons.
« On
n’insistera jamais trop sur ce fait que le petit d'homme vient au monde
dans un
état d’inachèvement qui ne trouve son équivalent,dans aucune espèce
supérieure.
(Il naît prématuré, d'où la nécessité d’une extérogestation[26];
n.d.r). Il’s’ensuit
que, parmi les mammifères, c’est
le nourrisson humain dont l’état de dépendance est le plus accentué (on
ne peut
parler de dépendance que parce qu’on ne reconnaît pas la nécessité de
l’extérogestation, prolongation de l’utérogestation, donc qu'on
entérine la
perte de continuité; or c’est celle-ci qui crée la dépendance parce
qu'elle
fonde la séparation; étant séparé, l’enfant devient dépendant de la
mère,
n.d.r); avec le corollaire nécessaire de conditions de détresse
spécifiques (en
réalité déterminées par un comportement non inné mais acquis de
l’espèce qui
rompt la fonction de continuité génératrice de confiance et négatrice
d’angoisse,
de détresse, n.d.r). Ses premières impressions, ses premières
expériences, il
les reçoit dans les conditions d’une impuissance absolue (puisque la
relation
symbiotique a été rompue, relation qui doit se poursuivre au cours de
l’extéro-gestation,
n.d.r) et aucune des mesures les plus attentives de son entourage pour
satisfaire ses besoins et le protéger des frustrations de toute nature,
ne
sauraient le garantir d'une impression d'abandon (puisqu’il est séparé
de l’être
essentiel avec qui son procès de vie doit s’effectuer, sa mère,
n.d.r). »
Poursuivons
(toujours à la même page 27). L’auteur expose le côté bénéfique de la
mère.
"En revanche le nourrisson connaît des instants de profonde
gratification;
ce sont ceux bien entendu qui correspondent à la satisfaction de ses
besoins et
particulièrement à l’apaisement de sa faim. Or cette satisfaction lui
est
donnée selon les conditions quasi-fusionnelles de l’allaitement avec
son
cortège de sensations orales et coenesthésiques. La relation contractée
avec la
mère se constituera en prototype exemplaire de la relation future à
l’autre. Et
C’est le pôle bénéfique de la relation infantile. Il’n’en reste pas
moins que
ces instants bienheureux n’interviennent que comme une réassurance
momentanée
au cours d'un vécu dans lequel prévalent les impressions d’abandon, de
solitude
et de danger potentiel (constatation de la dimension ambivalente de la
mère
sans situer son origine, n.d.r)."
L’auteur
aborde ensuite "l’ontogenèse de l’angoisse infantile":
"Ces
facteurs se retrouvent dans les différents stades que distinguent les
auteurs
dans l’ontogenèse de l’angoisse. Leur caractère phylogénétique ne
semble pas
faire de doute (pour tous ceux qui ne remettent pas en cause l'action
répressive,
domesticatrice de la mère puis du père, action qui consiste répétons-le
à briser
la continuité mère-enfant, n.d.r) quand bien même aucune théorie
cohérente ne s’impose
encore (et pour cause puisqu'il ne s’agit pas d’une donnée
phylogénétique,
innée, mais d'un acquis au cours du développement de l’espèce, n.d.r)."
"En
second lieu interviennent les nombreuses sensations diffuses de
déplaisir
propres au premier âge. Il’s’agit là de déplaisir in se (à nouveau
affirmation
d’une innéité dont on ne peut pas comprendre la raison, n.d.r),
analogue à
cette époque à l’angoisse en ce qu’il est dépourvu d’objet, déplaisir à
l'état
pur, indifférencié ...’ (p.28).
"L’origine
de la peur de la chute, dont les développements symboliques sont
considérables
et se retrouvent dans les mythologies de tous les peuples, se rapporte
à la
même période (...) À cette peur de la chute correspond le "réflexe de
Moro’" qui « est donc interprétable en terme d’adaptation
anticipative à une situation anxiogène. La peur de la chute
correspondrait
alors à la connaissance innée d'un danger spécifique. » (p.28)
Cette dernière
affirmation nous parait juste mais l’analyse du reflexe de Moro nous
révèle
autre chose. Ce reflexe consiste en ceci: « les deux bras du
nourrisson se
tendent brusquement à la verticale comτne pour étreindre quelque chose
et
retombent. Il intervient en réponse à un stimulus (bruit, secousse
inopinée, etc.)
dont la prolongation constituerait un danger.. »(p. 28)
L’enfant normalement
doit être en contact avec sa mère. Lorsque survient le stimulus dont
parle l’auteur
l'enfant tend à s’accrocher à cette dernière afin de ne pas tomber
(souvenir
phylogénétique de la vie arboricole que connurent nos ancêtres). Comτne
il ne
peut pas l’aggriper puisqu’il en est séparé, il ne saisit rien et
relâche. Or
le relâchement entraïne normalement la chute. En conséquence le
nourrisson perçoit
virtuellement la chute et est angoissé par le fait de ne pas être en
contact,
et par le porte-à-faux de son ressenti: la chute n'est que virtuelle[27].
Le
fait
que la mère ne porte pas[28]
constamment le
nouveau-né, ne soit pas en contact permament avec lui, engendre
l’angoisse sous
toutes ses formes et elle est cause de ce qu’οn nomme la mort
prématurée du
nourrisson.
Ultérieurement
l'auteur parle de «pulsion de mort, dirigée contre le sujet
lui-même et
cause d’une angoisse insupportable à laquelle il s’efforce d'échapper
dans la
régression» (p. 34). Mais cette pulsion de mort n’est pas
quelque chose
d’inné (un instinct selon Freud) mais est induite par le comportement
de la
mère. En réalité nous pensons qu’il est préférable de parler de
sensation de
mort engendrée par le non accueil et par l’indifférence de la mère, par
la
perception de la part de l’enfant de la dimension psychotique de cette
dernière
avec laquelle il ne peut pas se sentir en continuité.
À
nouveau une bonne expression de l’ambivalence de la mère.
« C'est
évidemment le corps de la mère qui sera la scène (à noter la référence
au
théatre à la représentation et donc au discours de la séparation,
n.d.r)
prévilégiée de ce conflit, de sorte que la gratification apportée par
la mère
protectrice et nourricière coexiste avec la persécution fantasmatique
(puisque
les maléfices maternels ne sont pas reconnus par l’auteur, n.d.r) qui
en
provient également. La mère - initialement métonomisée en sein (la
question n’est
pas abordée, et pour cause, si cette métonymie n’est pas induite par la
séparation qui oblige l’enfant à se représenter sa mère par une portion
d’elle,
n.d.r) - sera vécue par le nourrisson comme un objet profondément
ambivalent
susceptible d'être tout à tour ou simultanément gratifiant ou
persécuteur.’
(P.35) Tout le livre de J.Bril est une illustration de ce caractère
ambivalent
de la mère à travers l'exposé du mythe de Lilith et de tous ses
multiples
avatars qui montrent à quel point est profonde la peur des mères. C'est
ce
qu’illustre également Lederer dans son ouvrage La peur des
femmes qu'il
eut été préférable d'intituler La peur des mères.
Nous y reviendrons.
Indiquons seulement ceci: ce qui dans la femme fait peur à l’homme, c'est sa
dimension de mère; cette mère plus ou moins idéalisée qu’il recherche
en elle
et qu'il n'a pas eue. En revanche l’homme est profondément,
irrésistiblement
attiré par la femme.
Pour
revenir à la citation précédente indiquons que la référence à l’objet
nous
semble hors de propos. Elle dérive du procès d'objectalisation présent
dans la
pensée de l’auteur.
Reprenons
son exposé. « Dés lors, le caractère insupportable de
l'ambivalence
attaché à la mère conduit l’enfant à user d’un subterfuge: il dérivera
son
agressivité vers des créations purement imaginaires qui lui permettront
de
récupérer un objet uniquement gratifiant. » (p.35)
Nous
retrouvons ici le procès de l’objectalisation qui implique que l’enfant
a été
fourvoyé par l’adulte dans une errance: la recherche de substituts,
anticipations des prothèses. «L'invention d'objets sur
lesquels investir
l'angoisse est une des tâches essentielles du psychisme qui progresse
dans cet
art dés l'âge le plus tendre. Les processus mobilisés pour atteindre ce
but -
en particulier projection et transfert - sont à la base de toute
élaboration
mythique. » (p. 30) Ici encore l’auteur escamote le fait que
ce sont les
parents qui par leur abscence, leur évanescence, leur indifférence,
induisent
l’enfant à entrer dans la dynamique de l'objectalisation qui sera
toujours plus
forte au fur et à mesure qu’ il sera effectivement apte à manipuler des
objets
tangibles. Il convient d'ajouter qu'on a là également le point de
départ d'un
procès d'idéalisation de la mère, mais aussi de sa recherche. Chez
l'homme cela
le conduira à tenter de la retrouver en chaque femme rencontrée; de là
les
multiples impasses de l'errance.
Enfin,
notons que l’auteur parle de « tâches essentielles du
psychisme » ce
qui montre bien que la psychose s'élabore par un tra vail au sens
originel du
mot, de torture.
Cette
agressivité non innée mais acquise va engendrer un sentiment de
culpabilité
qui a d'autres fondements sur lesquels il nous faudra revenir. À ce
propos
nous rejetons évidemment la thèse de l'enfant criminel né[29],
mais nous sommes d’accord
pour dire que, potentiellement, chacun de nous le devient.
Il
semble donc que ce soit dans le caractère ambivalent de la mère que
s'enracine une
grand part de la psychose. « Les attitudes bipolaires que
toutes les
cultures manifestent ainsi en termes symboliques ne sont que les images
socialisées des attitudes fondamen tales de l’homme vis-à-vis de la
femme (en
fait, nous l'avons vu, c’est dans la femme en tant que mère que ceci
s'enracine, n.d.r): celle-ci sera mère et prostituée, vierge et
soldate,
nourricière et dévoratrice, séductrice et castratrice. » (o.c.
p.4l)
Pour
conjurer la peur des mères, largement documentée dans le livre de J.
Bril comme
dans celui de Lederer, hommes et femmes ont eu tendance à imaginer une
mère qui
ne soit pas affectée de l'ambivalence. Ceci se réalise parfaitement
dans le
christianisme avec le mythe de Marie, la bonne mère. C'est grâce à ce
personnage que le christianisme a pu l'emporter sur toutes les autres
religions
et représentations. D'une part Marie manifeste la résurgence de la
puissance de
la femme, comme elle était affirmée dans les sociétés non encore
pénétrées par
le phénomène de la valeur, où le patriarcat commençait seulement à
s'imposer.
D'autre part elle est univoque dans le bien; elle apporte l’amour, la
consolation; elle pardonne; elle intercède auprès de Dieu en faveur des
humains
pécheurs repentants. Elle est comnιe un équivalent général du bien et
des
émotions. Ainsi, elle seule peut pleurer le défunt, ce qui élimine les
pleureuses. En effet selon la doctrine chrétienne, on ne peut pas
pleurer un
mort puisque celui-ci est en fait délivré en quittant cette vallée de
larmes.
Alors celui οu celle qui est dans la peine se réfugie auprès de la
vierge Marie
et il ou elle accède ainsi à l’expression de la douleur.
En
même
temps Marie permet aux mères de se déculpabiliser. Elles peuvent placer
leur
enfant sous sa protection et la vierge peut les protéger contre
elles-mêmes. En
outre en l’invoquant pour leur enfant, elles le font aussi pour celui
qui est
en elles.
La
puissance des créateurs du personnage de Marie réside dans le fait
d'avoir
produit un être sans ambiguité. En outre Marie est vierge. Elle n’est
donc pas
lestée par la sexualité comme l’est toute mère terrestre. Ce n’est pas
un fait
nouveau. « La déesse mère vierge et son enfant divin précèdent
la vierge
de la chrétienté de plusieurs siècles. » (Lederer: La
peur des femmes,
p. 114)[30]
Or la sexualité c'est ce qui détourne la
mère de l’enfant, qui la rend non totalement disponible à lui. Ici
aussi
l'homme ne craint pas la sexualité de la femme, mais il appréhende
celle de la
mère.
Il
y a
encore un élément extrêmement important chez la Vierge Marie, c'est
qu'elle a
un enfant qui est un sauveur. « Dans le monde chrétien, de
façon plus
subtile, la conception virginale de Μarie engendrera le Sauveur, double
façon’
virginité féconde et mi se au monde d'un dieu - de proclamer la
toute-puisance
féminine. » (Lilith... p.42) On peut être d'accord avec cette
interprétation mais elle est insuffisante. Marie indique que l'enfant
est le
sauveur. Or pour toute femme il en est ainsi. C’est lui qui doit la
guérir de
sa psychose. À ce propos de nos jours diverses théorisations
l’affirment en
recourant parfois à l’intervention d’un dieu ou d’un ange qui enverrait
ou
apporterait l’enfant sauveur. Donc en priant la Vierge, la mère se voit
confirmée dans son désir et dans la justesse de son comportement.
Toujours
en rapport avec l’ambivalence de la mère nous avons la notion de sacré.
En
effet un des référents les plus essentiels de cette notion c'est bien
la mère,
la terre-mère d'abord, la mère tout court ensuite. Le sacré attire et
fait peur
et il est lié à la notion d'interdit ainsi qu'à celle de sa violation.
On peut penser
que la mère donne substance au sacré avant qu'il ne soit lié au sang
menstruel [31].
Parvenu
à ce stade de notre exposition nous voudrioons affirmer notre thèse
centrale:
tout ce qui relève de ce qu’οn appelle l'éducation est un constant
blocage du
développement spontané de l’enfant. Plus exactement il est bloqué,
brisé ou
bien il est détourné. De ce tait l’enfant subit une violence constante.
Avant d’illustrer
ce dire, indiquons le fondement du comportement des adultes. C’est
l’idée que
le bébé (sans parler du foetus) est un être vide en quelque sorte,
qù’il faut
le construire, c'est un simple tout organique. On lui refuse une
plénitude
d'être qui implique une conscience, une connaissance - celle de son
propre plan
de vie. Selon les adultes il faut tout lui apporter.
Nous
avons maintes fois signalé le phénomène du refoulement qui opère très
tôt chez
le bébé. Il nous faut préciser en quoi il consiste parce qu’il est
directement
en relation avec ce qui précède. C’est un phénomène de regression qui
fait
passer un conscient immédiat au stade d’inconscient. La fixation de ce
qui est
refoulé s‘opère dans le psychisme donnant l'inconscient psychique, et à
travers
une somatisation qui fonde l'inconscient corporel ou somatique (le ça
de Groddeκ
en quelque sorte). Le refoulement impose une surcharge psychique qui
entrave le
procès psychique normal; d’οù s'effectue une sorte de déversement des
émotions,
des sentiments refoulés sur le corps, dans les os, dans les muscles
principalement[32]
puis dans toutes
les autres parties du corps provoquant sa rig'ιdification de plus en
plus
intense au cours du temps. La personne a dés lors l’impression d’ëtre
habitée,
possédée par un autre être. Dans les anciennes représentations cela
prend la
forme de démons, si nombreux comme nous l’indiquent J. Bril et Lederer
auxquels
nous nous sommes abondamment référés.
Pour
se
réaliser le refoulement nécessite une violence terrible parce qu’il
implique
une inversion du phénomène naturel, le passage de l’inconscient au
conscient.
Cela veut dire qu'il y a enraiement d’un procès - ce qui caractérise la
violence[33]
- et mise en place d'un autre qui
nécessité une énorme dépense d’énergie, un travail.
En
conséquence, l’inconscient - fondement de la psychose - apparaït comme
un
conscient passé, refoulé qui veut à nouveau réafleurer et s’actualiser
en tant
que conscient. On comprend dés lors la tendance irrepressible qui
habite tout
homme, toute femme, à se retrouver dans des situations où ce conscient
refoulé
devenu inconscient pourrait enfin être perçu en tant que conscient.
Étant
donnée la puissance du refoulement qui a engendré l’inconscient, il est
normal
qu’il faille des situations de crise afin de provoquer un déchirement
dans la
personne pour permettre l'émergence du conscient refoulé, vécu
jusqu'alors
comme un inconscient. Si cette personne se trouve dans une dynamique de
libération dont nous parlerons ultérieurerment, ce conscient du passé
peut être
intégré dans le conscient présent, de l’ici et maintenant. Une prise de
conscience peut s'effectuer, une émotion peut se revivre.
Le
refoulement opère
le plus souvent en
tant que blocage du phénomène de conscientisation, c’est-à-dire le
passage de
l’inconscient au conscient. Ainsi le bébé qui a une émotion parce que
sa mère
ne répond pas à son désir ne peut pas la vivre pleinement, ne peut pas
en,
avoir pleinement cosncience ne serait-ce que parce qu’il ne parle pas.
Il n’est
pas encore passé de cosncience intime à la conscience immédiate qui est
une
floraison de la première. Le bébé, puis le petit enfant est mis dans
une
situation où il ne parvient pas à pleinement exprimer sa souffrance.
Ce
phénomène se répète souvent. Ainsi quand un enfant se fait mal,
l’adulte a
tendance à nier sa souffrance ou l’intensité de celle-ci. Ce qui peut
ultérieurement engendrer chez l’enfant un doute sur ses aptitudes à
sentir. Ou
bien il le console par un calin ou tente de le détourner en lui
proposant un
jeu par exemple. La consolation est la pire des choses. Elle contient
une
violence terrible parce qu’elle brise un procès. L’enfant en pleurant
exprime
sa souffrance; il peut la vivre, en prendre pleinement conscience en la
disant.
Enfin la consolation induit chez l’enfant la tendance à se lamenter
afin
d’obtenir un calin. Or la lamentation est la conduite la plus
dégradante au
sens où elle provoque chez l'homme, chez la femme, une regression: la
mise en
état de dépendance où il y a mise en culture de la souffrance et donc
sa conservation [34].
Le
milieu où se développe l’enfant n'étant pas un milieu naturel et étant
donné le
phénomène d'objectalisation, celui-ci se heurte constamment à des
interdits. En
outre du fait de la perte totale de la part des adultes de la
connaissance de
ce qu’ils furent en tant que bébés et de leur non écoute de l'enfant,
ceux-ci n
‘ont pas de perception de ce que désire l’enfant n’ayant pas encore
acquis le
langage verbal. En conséquence ils lui imposent un mode de vie dicté
par la
domestication, par les préjugés multiples. Le bébé est emprisonné,
fagoté, il
lui est difficile d’avoir un contact immédiat avec la réalité.
Lorsque
le jeune enfant commence à acquérir la station verticale et donc la
marche
bipède, son désir d’autonomie va se manifester. C'est alors aussi que
la répression
parentale, toujours justifiée au nom de son bien, s'amplifie. On lui
impose une
violence en interrompant chaque fois son procès de vie, puisqu'on ne le
laisse
pas librement s’épanouir. Les contraintes qu’οn lui impose, engendrées
par les
peurs des adultes (qu’il tombe, qu'il se coupe, qu'il casse quelque
chose,
etc..) instille en lui une grand violence qu'il peut plus ou moins
défouler. Là
encore la répression intervient car l’adulte ne peut pas tolérer ces
manifestations de violence qui le remettent en cause. En effet sans
s’en rendre
compte l’adulte placé devant la réaction de l'enfant est renvoyé à sa
propre
histoire où, lui aussi, au même stade de développement, dû subir une
répression
dont il souffrit amplement. C’est cette souffrance qui affleure alors;
d’où,.pour la conjurer, un déchaïnement de violence. L’enfant y est
piégé.
Nous
pouvons désormais essayer de synthétiser comment s’articule la psychose
sur
l'être [35]
émergeant. Celui-ci est une plénitu tude,
c’est-à-dire qu'il renferme conscience intime [36],
celle de son plan de vie et de sa particpation à la
totalité, ce qui impli que connaissance et amour. Nous désignons par ce
dernier
terme la pulsion de continuité de vie qui porte tout être humain à
rechercher
puissamment l’autre, pour la maintenir.
Ce
nouvel être déjà lesté par les troubles opérés lors de
l'utéro-gestation,
bouleversé par la parturition qui ne s'effectue pas selon un processus
symbiotique, n'est pas reconnu en tant que tel lors de son accession au
monde.
C'est une autre empreinte puissante qu’il reçoit, après celles subies
lors de
la conception et de l’utérogestation. D'autres se mettront en place en
fonction
des traumatismes qu'il va subir, traumatismes en connexion avec le phé
noτnène
de séparation. C’est à ce moment-là que surgit la sensation de mort, de
mort de
tout ce qui l’entoure. Ainsi l'épanouissement de la conscience intime
est
enrayé sans être aboli complétement. Le tout jeune enfant souffre, mais
cette
souffrance, somme de toutes les émotions négatives, ne peut pas avoir
un réel
débouché parce qu'elle ne rencontre pas un accueil. Selon nous la
souffrance
est un signe qui indique qu’il y a une anomalie dans la réalisation
d’un
procès, ce qui permet la mise en place d’une réaction appropriée pour
enrayer
le disfonctionnement en acte. Dés lors l'opérationnbalité de la
répression peut
s'effectuer: le refoulement qui engendre l’inconscient.
L’énergie
initiale constitutive de l’être apparaissant va se fragmenter et c'est
en cela
que réside la racine de la psychose, une réponse à la fragmentation qui
nous
permette de survivre. Elle s'affirme en tant que compromis entre l'être
émergeant, la pousse nouvelle de vie, et le procès de vie proposé par
les
parents, entre le devenir à l’épanouissement de la conscience intime
allant
vers une conscience immédiate, une conscience s’extériorisant, et la
conscience
repressive venant de l’extérieur, des parents, de tous les adultes.
C’est une
accommodation entre le flux puissant d’amour de l’enfant non domestiqué
et
l'amour réduit qu'il reçoit de ses parents-,
L’énergie
est déviée et déplacée. Elle n’est plus au service de la réalisation de
l’être
intérieur, de la pousse, mais à celui de l’accommodation, du compromis.
Elle se
déverse dans la projection, recherche d'une réalité fantasmée, dans le
transfert qui est recherche de points de repère stables grâce auxquels
il soit
possible de se comporter; d’οù l’essai de retrouver le père, la mère
plus ou
moins idéalisés dans diverses personnes rencontrées.
La
sensation de plénitude originelle due à l’intégralité et à
l'authenticité de
l’étre émergeant s’évanouit et demeure souvenir inéffaçable. L’enfant
est
déchiré. Il faut donc qu'il se structure pour survivre afin d’avoir un
comportement adéquat pour être accepté par les autres-. C'est en cela
qu'il y a
psychose.
Grâce
à
l’inconscient l’individu conserve la trace de toutes les émotions
négatives
qu’il a subies et qu'il n’a pas pu clairement exprimer; elles n'ont pas
pu
parvenir à la conscience. En tant que résultat du heurt entre
conscience
répressive venant des parents et conscience intime de l’ëtre émergeant,
il
conserve le souvenir de celle-ci et de l'être qui la supporte. C’est
pourquoi
peut-il être utilisé par elle pour mettre en branle le processus
constant de
libération de tout ce qui inhibe la floraison de la conscience,
l’affirmation
de l'être et le rétablissement de la continuité. D’où la
contrainte à la répétition de situations
devant révéler à l’individu ce qu’il a subi avec les diverses émotions
qui y
sont liées, afin d’en prendre conscience dans l’ici et maintenant et
s’en
libérer.
Cette
compulsion à réactualiser des situations primordiales où il y eut une
intense
souffrance, signalant un disfonctionnement profond, doit être également
mis en
rapport avec la nécessité de rétablir l'équilibre psychique et
réimposer une continuité
en l’être. Si ceci advient la souffrance disparait. Il en résulte que
la persistance
dé cette dernière est celle d'un signal et non l’indication d’un
élément constitutif
de l'individu. Si la prise de conscience ne s'effectue pas, il se sent
piégé dans
une situation dont il lui semble ne jamais pouvoir en sortir.
Ensuite
le déroulement de la vie psychique consiste en la mise en place de
schémas comportementaux
qui ont été déterminés par les empreintes et par leur opérationnalité.
Un schéma
détermine le mode de se comporter de l’individu en rapport avec les
diverses personnes
avec qui il vit ou qu'il rencontre.
Donnons
un exemple. Un enfant a été séparé de sa mère, ou de son père, ou des
deux, va
avoir tendance, devenu adulte, à se mettre dans une situation où il
sera à nouveau
abandonné. Ainsi il recherchera un conjoint dont le schéma
comportemental soit tel
qu'il induise une séparation. Et ceci se répétera chaque fois de façon
plus intense
jusqu’à ce que l'individu puisse réellement revivre les émotions
négatives (peur,
terreur, sentiment d’impuissance, honte, perte de confiance en soi), et
réalise
que c’est un phénomène du passé déterminé par l'action de ses parents
et donc
accède à une conscience de celui-ci, ici et maintenant.
Ceci
est une petite indication sur le phénomène. Nous voulons simplement le
signaler
pour mieux situer la psychose. Nous y reviendrons en l’intégrant dans
le devenir
de l’espèce. Pour le moment une seule remarque. Marx disait à propos
des révolutions
du dix-neuvième siècle que leur apparent échec consistait dans le
renforcement
de la contre-révolution, dans celui de l'ennemi à abattre. Ceci fera
apparaître
ce dernier net et précis et donc en quel que sorte accessible à la
destruction.
Ce qu’il affirmait c’est la nécessité de voir de façon nette ce qu’il y
a à réaliser
afin de pouvoir le faire. Ce faisant, en fonction de sa représentation,
il décrivait
bien un procès en acte au sein de l’espèce.
De
même
dans le processus de libération, la contrainte à se retrouver dans des
situations
douloureuses vise à ce que finalement la racine de la psychose puisse
être vue,
ce qui permet un revécu et une prise de conscience qui amènent
distanciation et
libération. En conséquence la métaphore de la révolution en tant que
taupe qui,
en creusant souterrainement, sape les fondements de la société, évoque
parfaitement
la conscience intime de tout individu tendant à l’individualité qui
sape les
assises de l'étre psychosé induit par la répression. '
Le
processus
de libération est un cheminement libérateur que nous ne pouvons
qu'évoquer, parce
qu’il s’agit fondamentalement d’un vécu. C’est une autre façon de
désigner le
contenu de la nouvel e dynamique de vie que nous prônons depuis des
années afin
de sortir de la société-communauté du capital. Nous préférons parler de
cheminement
parce que c’est plus concret, plus immédiat et que cela évoque tout de
suite la
rupture avec la sédentarisation, une des principales plaies affectant
l’espèce,
et c’est un hommage aux aborigènes d’Australie dont nous avons parlé.
Cela n’a rien
à voir avec une méthode, avec une thérapie parce que c’est la personne,
désirant
se libérer, qui opère, brisant par là la dépendance et en visant à la
remise en
continuité avec le phénomène vie dont elle est la manifestation, avec
la
conscience de celui-ci qui surgit en elle. Mais l’homme, la femme ne
sont pas
des entités individuelles, chacun est simultanément individualité et
Gemeinwesen, aussi c'est grâce à l’écoute par une autre personne qui
enregistre
sans juger ce que dit le, ou la pratiquant-e au sujet de ses
souffrances, de ses
projections, fantasmes, etc., que ce ou cette dernière peut parvenir à
voir les
schémas de conduite psychotique, les transferts, et à accéder à la
perception
des émotions refoulées, agrégats qui inhibent toute floraison de la
conscience.
Ce faisant s'impose inévitablement les deux dimensions: individualité
et
Gemeinwesen, ainsi que le refus de tout ce qui est de ce monde.
Parvenir
à bien repérer les schémas comportementaux implique au préalable
d'accepter
comme donnée - à laquelle on ne doit pas se résigner - ce qui est
advenu.
L’acceptation en ce sens est un essai de détermiuner toutes les
caractéristiques d’un évènement donné, d’une émotion, etc. Ce faisant
l'individu va pouvoir opérer sur quelque chose qu’il a cerné, qu’il
peut alors
affronter au cours de son cheminement libérateur. En revanche le refus
de l’advenu
conduit souvent à le méconnaître, puisque la dynamique mise alors en
place, en
rejetant ce qui est, empêche de considérer tous les aspects de ce qui
est
refusé.
Dit
autrement: avec l’acceptation s’impose la possibilité de percevoir
comment
l'évènement qui peut être très douloureux, a un retentissement en nous.
Il faut
le voir dans son interaction avec tout le psychisme, l’appréhender
comment il
l’affecte. En outre à partir de là, le hasard n'existant pas, on peut
parvenir
à trouver sa raison d'être. Cerner la nécessite de cette dernière
réclame une
investigation dans la psychologie de nos antécédents. En ce qui
concerne le
comportement, c'est très apparent; ainsi une mère peut induire chez sa
fille la
haine qu'elle éprouve pour les hommes, ou lui susciter une souffrance
qui est
la sienne.
Le
cheminement libérateur a en commun avec la praxis révolutionnaire.cette
nécessité de reconnaître pleinement ce qui est advenu. C’est le seul
moyen de
ne pas s’illusionner. Marx et Bordiga insistèrent longuement sur les
lecons de
la défaite, sur celles de la contre-révolution, avec le corollaire
essentiel:
la révolution n'est possible que si la contre-révolution est allée
jusqu'au
bout. Cela réclame une investigation historique de grande amplitude.
Bordiga
disait que c’est au sein de la contre-révolution qu'on peut voir qui a
réellement la dimension révolutionnaire. En phase de révolution, c’est
cette
dernière qui la fournit à tout un chacun. La défaite de la révolution
est
l’enraiement du processus de remise en continuité de l’espèce avec son
dévenir
antérieur, son retour à la communauté. Être révolutionnaire en période
contre-révolutionnaire c’était maintenir au sein de celle-ci le
possible de ce
procès. Être dans le devenir de libération c’est maintenir, en dépit de
la
psychose qui nous étreint, le désir de la remise en continuité avec
notre être
originel. Cheminement libérateur et praxis révolutionnaire sont en
quelque
sorte des mouvements isomorphes, dans la mesure où l’essentiel n’est
pas la
libération, mais la réalisation soit de l’individualité, soit de
l’espèce perçue
alors comme le moment de la Gemeinwesen. Mais ils se séparent dans la
mesure où
la deuxième nécessitait l’utilisation
de
la violence pour s'actualiser et où ce à quoi on pensait retourner n’a
jamais
existé pleinement.
En
conséquence nous pensons que le cheminement libérateur est opérationnel
tant
sur le plan de l’individualité que sur le plan de l'espèce. Le but de
la remise
en continuité avec le phénomène vie est donc la réalisation de tous les
possibles que récèle l’individualité-Gemeinwesen. Mais ce but n'est pas
extérieur, placé dans un moment du temps qui peut-être lointain, la
pleine
réalisation étant affaire de générations, il est au coeur du
cheminement. On
doit se comporter comme si la réalisation était déjà advenue. Sinon on
réintroduirait la dépendance, celle par rapport au but et tout serait
enrayé.
L'acceptation
simple, sans la recherche des raisons fondant le phénomène accepté,
maintient
l'individu dans la dépendance et se transforme en résignation. Ceci est
particulièrement apparent dans la servitude volontaire. Afin d’accéder
à
l’amour des parents l’enfant accepte n'importe quelle reprimande,
humiliation. Il
garde toujours l’espoir que le sacrifice de son autonomie, de son
développement, lui permettra d`atteindre le but. C’est là que s'ancre
la
dynamique de cette servitude, le comportement de résignation en face de
ce qui
advient parce qu'il y a une espérance qui devient inconsciente au fur
et à
mesure que l’individu grandit.
La
non
acceptation au sens de ne pas pleinement reconnaitre ce qui est advenu
dans son
immédiat et dans le procès de son engendrement, conduit à
l’immédiatisme. En
effet ne pas inventorier toute la puissance d’affirmation de
l`évènement auquel
on est affronté mène, qu`οn le veuille ou non, à ne tenir compte que de
ce qui
est le plus apparent, le plus immédiat parce qu’il n’y a que cela qui
soit dés
lors perceptible, accessible pour une théorisation.
Accepter
un évènement dans la praxis révolutionnaire signifiait l'intégrer au
sein du
procès révolution; le faire dans le cheminement libérateur conduit à
l'intégrer
en tant que moment dans le devenir à la réalisation effectuation de
l’être non
domestiqué, tant sur le plan individuel que sur celui de l’espèce.
Le
cheminement libérateur nécessite une vie communautaire. Il faut une
interaction
avec un grand nombre de personnes pour pouvoir révéler la multiplicité
des
schémas comportementaux; en outre l'amour, l'accueil rendent
intolérable le
fait qu’οn n`ait pas connu cela dans la petite enfance, d'où la
remontée des
émotions négatives. Il faut en même temps une attention constante à
tous nos
dires, nos gestes, nos actions. En effet tout a été dévié, déformé,
détourné,
réprimé de telle sorte que c`est la totalité de notre corps, de sa
manifestation qui exprime la psychose, à condition qu'on soit à son
écoute, et
céci ne peut pas se réaliser sans celle attentive, attentionnée, de
ceux avec
qui ont vit, sans leur amour qui nous accueille.
L'amour,
c’est évident, opère puissamment sur chacun d’entre nous. Mais tout
seul -
d`autant plus qu`il est teinté de psychose - il ne peut pas être
déterminant.
Voilà pourquoi, au début de toute rencontre amoureuse, sa puissance est
telle
que les deux partenaires se perçoivent l’un l'autre au delà de leur
psychose.
Ils vivent le "parfait amour" Mais dans la mesure où ils
n'entreprennent pas un cheminement libérateur, les schémas
comportementaux se
réactivent et au bout d'un temps plus ou moins long, ils parviennent à
l’incompréhension mutuelle, à la non communication, aux différentes
variantes
de survie de la vie en couple et, souvent, à la séparation. Le
transfert sur
une "cause", comme aurait pu le dire Stirner, permet à certains de
vivre avec le non amour de l'être humain complémentaire.
L’individu
qui décide de cheminer ainsi doit avoir une exigence; le but à
atteindre qui
est d’accéder à la réalisation, à l’effectuation de son
individualité-Gemeinwesen,
ce qui ne peut se produire qu'à la suite de nombreuses années et
peut-être
jamais de façon totale. Dans ce cas on peut considérer que le procès de
libération
se poursuivra à la génération suivante car, ne l’oublions pas, au
travers de
l’individualité c'est l’espèce qui se libère. Il faut une mobilisation
de toute
l'énergie pour atteindre le but, en conséquence il ne faut pas se
laisser
divertir. Tout divertissement est un détournement. Cette exigence
réclame une
intransigeance décidée: pas de compromis avec ce qui est incompatible
avec le
but. Il n’y'a rien à sauver de ce monde (en particulier la famille).
Cela
implique une vision anti-gradualiste qui inhibe les prises de position
radicales: une grande discontinuité avec le devenir psychosé est
nécessaire. En
même temps s’impose une immense ouverture aux autres, aux divers êtres
vivants,
à tout ce qui advient. Car en étant éduqué on a été confiné dans la
famille,
dans le milieu social, dans la patrie, dans la condition d’espèce
séparée, dans
une portion du cosmos. L’ouverture entraîne des risques de déviation,
de
réalisation inconsciente de compromis. Une grande vigilance, qui peut
être
activée par l’intervention de ceux avec qui on vit, doit opérer.
L’ouverture s’effectue
vis-à-vis de l’étre non psychosé qui demeure en chacun de nous et non à
sa psychose.
La capacité de dissocier les deux réclame effectivement beaucoup de
vigilance [37].
Je
parle d°un cheminement pour bien signifier que c’est la prise de
conscience
d’un processus, qui normalement opère inconsciemment, et que de ce fait
l’individu sort d’un immobilisme où le confine la psychose. Il tend à
se
remettre dans le processus évolutif afin de tendre à devenir un homme
réalisé
ou une femme réalisée.
Le
processus de libération nécessite pour atteindre son but que les
diverses
empreintes reçues à la naissance, et même avant, soient inactivées, car
elles
ne peuvent pas être éliminées. Cela implique que la personne se
libérant
n’opére plus de transferts ou, tout au moins, s’en rende compte
immédiatement
afin de les rendre inopérants. De même elle doit percevoir
immédiatement les
divers schémas comportementaux qu’elle peut mettre en branle et,
surtout, ceux
des autres personnes avec qui elle vit, qui pourraient effectivement
activer
une de ses empreintes. encore une fois, le processus libérateur ne peut
avoir
d’efficacité que si l'on va à la racine même du phénomène psychotique.
Pour
mieux rendre perceptible la puissance de la psychose, il nous faut
mettre en
évidence à quel point les traumatisme subis dans la petite enfance
fondent les
grands thèmes de réflexion de l’espèce, donnent substance au procès de
connaissance [38]
Commençons
par le mythe qui apparait comme la représentation initiale du trouble
de
l'espèce se séparant du reste de la nature. «Le mythe est une
suite de
paroles qui ont un sens, c’est un discours, une intention, un message.
L'étymologie va plus loin encore puisqu'il est suggéré que le mot mythe
pourrait dériver d’une onomatopée faite à bouche fermée, mu, qui nous
reporte
aux plus lointaines origines individuelles d'une expression préverbale,
au
temps où le petit de l'homme recherche dans les bras de sa mère une
première communication
orale et sonore. » (J. Bril, o.c, p.13)
Ceci
indique bien que c’est à partir de la pensée enfantine que s’engendrent
les
représentations fondamentales visant à sécuri ser l 'homme, la femme.
Ce n’est
pas à l’âge mûr que ceux-ci les créent (ils leur donnent forme
seulement), mais
c'est le cerveau enfantin qui les enfantent. Nous n'avons jamais encore
atteint
la maturité. Précisons: toute la production théorique, toutes les
représentations
consistent en une interprétation, une justification ou une rebelllion,
de, à,
contre, l’accommodation que durent faire les enfants pour pouvoir
continuer à
vivre dans un monde les opprimant par l’intermédiaire de la répression
éxercée
sur eux par les parents.
« Le
"mythe met en scène des personnages humains ou analogues à des êtres
humains"; il se passe "dans le temps, alors même que
le
phénomène dont il est la traduction serait permanent ou périodique"; il
raconte "un fait antérieur à l’histoire"; il met en
scène une
fornie personnelle une entité abstraite, un
phénomène physique ou un
être collectif; enfin il s’adresse à υ. public préalablement convaincu
de la sincérité
de son contenu."(idem, p.l4)
Ce
qui
me semble important c'est l'affirmation de l’individualité à travers le
mythe
en même temps que la dimension communautaire. C'est une représentation
où s'articulent
puissamment la phylogenèse[39]
et l'ontogenése;
d’οù effectivement son extraordinaire prégnance.
"Ces
trois propriétés, anhistoricité, inobjectivité, universalité sur
lesquelles
converge l’accord des savants de toutes tendances suggèrent de chercher
l’essence du mythe dans une propriété spécielle de l’homme." (idem, p.
l7)
La
psychose elle aussi possède ces trois propriétés. Nous ne pensons pas
toutefois
qu’il faille la considérer comme un simple doublet du mythe. La
‘propriété spécielle’
dont parle l’auteur entre dans ce qui fonde le procès de connaissance
de
l’espèce, mais sa fonction a été détournée par le procès d’engendrement
de la psychose.
‘L'efficacité
du mythe, comme celle des langages verbaux, mimiques ou gestuels,
tiendrait à
ce que mythes et langages pourraient étre, en dernière analyse, les
fruits des
propriétés neuro-physiologiques qui fondent l'espèce. Le mythe
participerait
ainsi des modalités d'éιrιergence à la culture d'un donné biologique.’
(idem,
p. l8)
L'enracinement
biologique est évident puisque le procès de connaissance n’est possible
qu’en
fonction non seulement de l’organisation cérébrale, mais de toute celle
de
l’homme, de la femme. Le mythe est bien la représentation initiale de
la
coupure d’avec le reste de la nature. Comme celle-ci est réactualisée à
chaque
génération, le mythe est également réactualisé en chacun de nous avant
d'être supplanté,
jamais totalement même dans la production consciente, par la raison, le
logos.
En effet dans notre inconscient il conserve sa prépondérance étant plus
apte à
exprimer l’aspect protéiforme de la psychose, sa multisémie, son
envahissement
de toute la psyché. C’est aussi une des raisons pour laquelle les
mythes
conservent chez l’adulte leur pouvoir fascinant: l'inconscient s'y mire
dans un
miroir. C’est à dessein que nous recourons à cette formule
pléonasmatique: le
pléonasme se retrouve fréquemment dans la psychose.
L’absence
de continuité, autre forme d’expression de la séparation, fonde toutes
les
recherches sur le continu et le discontinu, que ce soit en mathématique
ou en
philosophie. Affirmer cela n’implique nullement de rejeter
l’explication du
surgissement de la philosophie, par exemple, avec l’émergence de la
polis en
Grèce (naissance de l’État en sa deuxième forme). Ajoutons que ces
recherches
prennent de l'ampleur à chaque période où la séparation d’avec la
nature accède
à un stade supérieur, comme au dix-septiènιe siècle par exemple, moment
où sur
le plan théorique, émerge la représentation du capital[40].
Il
en
est de même pour l'investigation au sujet des limites qui forment le
contenu
d'un thème très proche de celui de la continuité.
La
perception de cette dernière n’étant plus immédiate, surgit la
nécessité de
repères, de limites. C’est la dynamique qui les fait accepter. En
revanche
celle qui les fait rejeter a son point d’émergence dans le comportement
inhibiteur des parents qui veulent toujours limiter l’activité de
l'enfant, qui
tendent à lui faire vivre la séparation, à le forcer à entrer dans la
procès
d’individuation qui le posera individu, c’est-à-dire un être séparé.
Nous
avons montré ailleurs que: ne pas exagérer, éviter l'hubris,
sont des
injonctions en rapport avec le rejet de l’État sous sa première forme
et avec
le développement du mouvement de la valeur. Elles sont également le
produit de
l’intériorisation de la répression. Si on se vit dans la voie du
milieu, la
voie moyenne, alors on est en sécurité.
Le
mythe peut être également en rapport avec le sentiment de culpabilité
dont il a
été question plus haut. « Mais si c'est bien la requête
d'amour et de
sécurité du petit d’homme qui, en dé finitive, crée les démons, il n’en
reste
pas moins que la création s’enracine dans une attitude hostile
vis-à-vis de
l’objet aimé. La culpabilité n’est autre que le sentiment douloureux ou
dé
séspéré qui s'attache à cette attitude. » (Lilith ou
la mère obscure)
Les
mythes de l’enfant qui porte malheur pourraient avoir ce sentiment en
tant
qu’un de ses contenus étant donné l’a polysémie des mythes. Il y en a
de nombreux
exemples, ceux de Paris et d’Œdipe étant les plus connus. En
l’occurence, ce
type de mythe est antagonique à celui proclamant l’enfant comme être
libérateur
de la mère. Tous deux manifestent une fois encore le caractère ambigu
de
celle-ci.
Etant
donnée l'importance de la culpabilité, sur laquelle nous reviendrons,
nous
sommes amenés à ajouter ceci. Afin de ne pas être pris en défaut,
d’ëtre en adéquation
avec le désir psychotique des parents et par là éviter la
répression,
l'enfant veut être parfait. Mais cette volonté de perfection peut plus
ou moins
sautonoτniser et cela vient confluer avec celle d’abolir la dépendance
parce
qu'en réalisant la perfection, il est possible de ne plus avoir besoin
des
autres. Vouloir être parfait, c'est vouloir être inaccessible,
inaccessible aux
atteintes douloureuses. D’où le débouché dans la solitude, peut-être
dans
l’autisme. Dans ce cas, il est possible d’envisager que l’enfant se
sentant en
dehors de la réalité des adultes qu’il juge défectueuse, insupportable,
n’accepte aucune dépendance vis-à-vis de ses parents et leur refuse la
parole. Il
vit dans sa perfection et sa souffrance.
Ce
phénomène autistique peut se concevoir selon une autre modalité qui est
complémentaire. L'enfant renvoie à sa mère, en les affichant pour ainsi
dire
sur lui, les différents actes psychotiques quelle commet, afin qu’elle
puisse
voir le ιnal qu’elle effectue. Cela va progressivement lui constituer
un être périphérique
auquel il va plus ou moins s'identifier; ce qui instaure sa psychose.
En
effectuant des transferts, l'enfant devenant adulte essaie de se
libérer de
cette enveloppe. Dans le cas de l’autisme, il n’y a pas de transfert
possible
du fait du refus de participer à ce monde .
Il
y a
plusieurs fondements, plusieurs éléments substanciels au concept
d'infini. Nous
voulons évoquer le contenu lié à l'incertitude au monde dû au fait que
l’enfant
n'a pas été accueilli tel quel comme une donnée immédiate qui comble de
joie,
une donnée en dehors de tout doute. Ainsi qu’est-ce qu’il peut y avoir
entre 1et
2? Peuvent-ils exister tels que, sans nécessité de les justifier, sans
chercher
un processuss quelconque qui fonde le 2 à partir du l. De même, du fait
de l’incapacité
à accepter l’existence du têtard et de la grenouille, il faut se
rassurer et
trouver tout le procès de passage de l’un à l’autre en se posant la
question à
quel moment le têtard n'est plus têtard et est devenu grenouille? Quel
est le
plus petit élément qui permet de discriminer? Dans ces deux types
d'interrogation surgit la notion d’infini qui est un procès qui permet
à la
fois de joindre 1 à 2, têtard à grenouille et de constamment les
éloigner,
puisque dans le premier cas, par exemple, je puis toujours imaginer un
nombre
entre 1 et 2, un nombre qui me rapproche et m’éloigne de 2. Là
s’exprime analogiquement, symboliquement l’angoisse de l’enfant devant atteindre la
certitude
d’être, d’être accueilli, pleinement reconnu. Il doit toujours faire
quelque
chose et c'est ce quelque chose qui le rapproche et l'éloigne de l'être
aimé:
la mère.
La
pensée rayonnante participative permet de poser 1et 2 sans introduire
de
discontinuité. Ils sont pensés dans leur réalité immédiate, pour ainsi
dire
dans leur immédiateté, en même temps que la totalité des nombres qui
les fondent.
Cette totalité qui est nécessaire justement pour passer de 1 à 2. Dans
ce cas,
l’infini est un opérateur de rétablissement d’une continuité, un
substitut, une
prothèse théorique.
Εn
écrivant
ceci nous ne prétendons en aucune façon expliquer la génèse des nombres
ou celle
de l’infini. Nous indiquons seulement sur quelle base psychologique,
ceci a
été imaginé, quel manque cela venait combler, quelle incertitude cela
venait lever.
La
notion
d’absolu est en liaison très précise avec le désir d'indépendance de
l'enfant,
d’échapper au contrôle, à des déterminations ainsi qu'au refus d'en
fonder, mais
aussi à la comparaison, au jugement qui fige et donc à l’inhibition. En
effet
dans absolu, comme le signale son étymologie, il y a l’idée de délivrer
du péché,
des mises en cause, des dettes, d’échapper à la cause, à la faute (ceci
se retrouve
bien dans l’idée d'absolution), ainsi que celle de rendre parfait,
d’achever.
La recherche de l’absolu apparaît comme un essai de se mettre hors de
toute dynamique
déterminée afin de se placer en continuité, sans médiations, avec la
totalité
où tout est résorbé. C’est l’accès à une immense certitude. L’individu
essaie
d'échapper à la psychose qui le limite et le fige, et donc à ce monde,
mais en
se fondant en définitive sur celui-ci et sur celle-là parce qu’il n'a
pas individualisé
la cause de ses dépendances. Il opère par-dessus sa psychose.
L’absolu
est ce que recherchent tous les mystiques qui veulent que la coupure
intérieur-extérieur
ne soit plus opérante. Mais tous sont englués dans la dynamique de
faire par-dessus
la psychose. Ils l’escamotent. C'est une des raisons pour laquelle
aucun vécu
mystique n’est transmissible.
Le
concept de mesure est fort complexe. Dans le chapitre Valeur
et procès de
connaissance, nous mettrons en évidence comment il acquiert
existence avec
le mouvement de la valeur. Ici nous voulons indiquer son fondement
psychologique.
Toute mesure est une levée d’incertitude. Or cette dernière surgit avec
la séparation
d’avec la nature, comme nous l’avons plusieurs fois exposé, séparation
réactualisée
au niveau de l’individualité par celle d’avec la mère.
L’insécurité,
qui est toujours liée à l’incertitude, commande également la notion de
mesure.
on désire que l’enfant ait un comportement sur mesure, qu'il reste dans
la mesure,
sinon il perturbe. La mesure,c’est ce qui est acceptable de la part des
parents,
qu'ils peuvent intégrer sans troubles. D’où la nécessité de toujours
ramener l’enfant
à la juste mesure.
La
mesure
est liée à la sagesse. C'est l’art de doser, de trouver la voie
moyenne, celle du
juste milieu. C°est l’art de procéder avec mesure. Or, c'est
révélateur, Hermès
était le dieu du vol et de la sagesse mais aussi des échanges, du
commerce. Or,
le concept de mesure, la préoccupation à son sujet surgissent avec le
phénomène
de la valeur dont le commerce est une forme de manifestation; et
celui-ci est inséparable
du vol.
Répétons-le,
nous ne réduisons pas le phénomène à son substrat dans la prime
enfance. Nous signalons
son ancrage et nous notons que le phénomène développé de façon plus ou
moins autonome,
en dehors des individus, ne peut avoir un impact sur eux que parce
qu’il entre
en résonnance avec la base, avec le substrat infantile. Ceci nous
explique également
pourquoi, lors du surgissement de divers possibles au cours d’un
devenir donné,
il n’y en a qu'un qui puisse se réaliser, celui qui entre en continuité
avec le
développement psychique des hommes et des femmes, avec la configuration
psychologique
telle qu’elle résulte de leur adaptation à la répression qu’ils ont
subie dans
leur enfance et qui fonde leur psychose.
Vivre
c’est
être en continuité. Sa brisure est le lieu de surgissement de touίes
sortes de
sentiments, de modes d’approche pour la rétablir: amour, amitié,
affection,
inclinaison, etc. Or dans l’affirmation du phénomène continu, il y a
conscience,
connaissance et la première est inséparable du corps qu'elle "habite"
de façon intime. La brisure de la continuité entraîne celle entre
psyché et
sοτna et donc la division (Spaltung) fondamentale. On a un processus de
désincarnation
de la psyché. L'autonomisation de ce procès contribue à instaurer le
duel spiritualisme-matérialisme.
L’absence
de continuité lors de la naissance, le non accueil intégral de l’enfant
à ce moment-là,
puis la non acceptation de sa manifestation instinctive, spontanée,
produisent un
énorme trouble en lui; lui qui est tout amour, pulsion vers sa mère, ne
comprend
pas qu'on le nie. Dés lors il se sent isolé, étranger et monte en lui
la
question: comment ai-je pu advenir en ce monde? Εn rnéτne temps
s’impose la sensation
d’y avoir été jeté. C’est là un thème qu'on trouve non seulement chez
les existentialistes,
mais chez les gnostiques pour qui ce monde était mauvais. Ceci, couplé
avec le
caractère , inaccessible de la mère ou du père, va être un support à la
conception
d'un dieu caché, d'un dieu bon, inacessiblc directement. Pour
l'atteindre il faut
une gnose, une connaissance. En outre ce monde, produit d'un dieu
mauvais, n’est
pas le vrai.
Le
petit
enfant est encore proche de son être non réprimé. Il ne veut pas
l'oublier. Ίl
veut en maintenir le souvenir parce qu’ il sent que là est son
essentialité. D’où
le thème très important chez les gnostiques du danger de l’oubli de
l’être originel.
Tant que l’individu conserve le souvenir de la lumière originelle, il
peut être
sauvé. De là l’idée de salut, lié à celui de sauveur.
La
gnose
implique une quête, une recherche passionnée de la vraie connaissance:
Cette
quête pourra être celle du Graal, récipient contenant le sang du
Christ, qui symbolise,
d'après certains, la femme. Mais il y a ambiguité car il y a toujours
dans la
recherche de la femme, celle de la mère.
Dans
tous
les cas, la brisure dans la continuité oblige l’enfant à trouver une
solution pour
vivre, parce qu'il n’y a plus d’immédiat. D'où la mise en branle de
représentations
qui vont s’édifier à partir de signes qui permettent à l’enfant puis à
l’enfant-adulte de se repérer, de trouver une voie. Or la thématique
des signes
a eu un ample développement au cours des millénaires. Nous ne faisons
que la signaler.
Rappelons simplement que le Christ disait je ne suis pas venu pour
apporter des
signes. Oui les hommes et les femmes sont égarés comme des enfants qui
cherchent
des signes pour fonder une certitude. De même combien d’adultes ont
besoin de
régles, de lois pour pouvoir s'affirmer[41].
Ce sont des signes
fixes qui sécurisent: les accepter engendre une sécurité. L’individu en
s’y
soumettant se perçoit en
bonne voie.
C’est une autre source de la servitude volontaire.
En
outre l’angoisse d'exister, l’angoisse devant l’existence (thème cher
aux
existentialistes) est liée à une culpabilité non clairement reconnue.
L’angoisse
est une peur qui ne semble pas avoir d’objet. On a peur de quelque
chose, mais
non une angoisse de quelque chose. Ceci est conditionné parce que ce
dont on a
peur enfant ne peut pas être défini, et l’est difficilement même une
fois
devenu adulte. Il s’agit de l’appréhension devant le fait de vivre du
fait qu’οn
n’est pas tout simplement accueilli. Et l’angoisse peut affectivement
se redoubler
puisqu’il semble que par le regard, tout particulièrement, on fasse
parvenir
les choses à l'existence.
La
culpabilité dont il s'agit ici est celle d’exister. Et évidemment
l'enfant ne
peut avoir de cela qu'une perception qui est rendue confuse du fait
même qu’il ne
peut pas l’accepter car ce serait se nier. Or ceci vient du fait que
les parents,
encore une fois, ne lui accordent pas tout l’aπιour qu’il devrait
recevoir, ne
s’occupent pas réellement de lui, etc.. Comme il ne peut pas les
remettre en
cause, il est conduit à penser que c'est en lui qu’il y a quelque chose
de rédhibitoire.
Donc il va se sentir coupable de quelque chose. Et l’on doit bien noter
que ce
sentiment lui est suggéré par ses parents qui fréquemment le vivent
comme un
étre qui encombre, qui gène le déroulement souhaité de leur vie. Cette
perception de la culpabilité est une des racines de la catégorie de la
causalité laquelle implique le temps. D'ailleurs, quand on dit c’est la
faut à on
veut signifier que c'est à cause de! Il est certain qu’il faudra un
long proces
d'abstraction (qui opère fondamentalement au sein de la psychose) pour
passer
de la culpabilité à la causalité. Nous voulons simplement signaler où
s'enracine
la seconde. Précisons que le bébé ressent concrètement l’inadéquation
de ce qu’il
vit, mais ne peut pas le formuler puisqu’il a pas encore accès au
langage verbal.
C’est donc a postériori que progressivement il sera possible de
désigner, plus
ou moins bien, ce qui l’a profondément perturbé dans son développement.
Il enregistre
le sur gissement d’un phénomène inconnu, qui n’est pas inclus dans son
plan de
vie, dans sa connaissance et sa conscience intime. Tout son effort
portera sur
la tentative de l’intégrer en lui donnant une forme [42].
Une
autre source d'angoisse est liée à l’insécurisation où est plongé
l'enfant
(fille ou garçon) à cause du rapport au père. En effet, ce dernier a
très
souvent un comportement concurrentiel vis-à-vis de lui (ou elle) pour l’accès- à la
mère, parce qu’il
n'est pas mature mais est demeuré infantile, comme cela a été vu
précédemment[43].
Diverses
variétés d’angoisse expliquent d’autres représentations. Ainsi
l’angoisse de ne
pas savoir ce qui se passe parce qu'on ne parle pas aux jeunes enfants,
parce
qu’οn leur cache des faits, des actions (en particulier l'acte d’amour
entre les
parents) les conduit à imaginer des causes invisibles, des êtres
invisibles,
etc... L'enτant est toujours mis devant le fait accompli, surtout quand
il est
tout petit. Jamais on ne lui expose ce qui va être fait. Jamais il ne
participe
à l’intentionnalité de l’acte à produire. Cela favorise la
manifestation d’une
pensée magique (quand l'amour est absent, la magie s'impose)[44];
puisqu'il y a magie quand le développement d’un procès
s'abolit dans son résultat et qu’on n’expose que ce dernier. C’est là
et c’est
tout; il n’y a rien à ajouter. Évidemment ceci est en connection avec
le principe
d'autorité : l’affirmation sans explication et surtout sans
prise en compte
de l'affectivité de celui à qui l'affirmation est assénée. Ce mode de
surgissement
de la pensée magique nous suggère que la non utilisation plénière de la
parole
est engendreuse de troubles profonds chez l’individu.
Pour
conclure
sur ce thème du rapport entre traumatisme infantiles et procès de
connaissance,
revenons encore une fois sur le moment initial. La séparation d’avec la
nature,
avons-nous dit, fonde la mère. Elle devient substrat, matière (qui
vient de mater),
la substance, ce vis-à-vis de quoi on dépend et sans quoi toute pensée
est impossible.
Là git le déchirement originel qui instaure le couple matière-esprit.
L’enfant
immergé dans la souffrance et immobilisé, n’étant pas encore à même de
marcher,
recourt pour se sauver à la pensée, à la recherche d'un possible non
lesté par
la mère-matière, ce qui fonde l’esprit [45]
Il
est
certain que ce n'est pas là que se crée la représentation duelle et
toutes celles
induites par elle, soit pour la rejeter, soit pour l’exalter. C'est un
devenir externe
qui actualise en l’amplifiant (miroir grossissant) le phénomène
interne. De telle
sorte qu’il peut y avoir résonance entre ce dernier et ce qui est
advenu dans l’être
enfant, qu'une coalescence entre les deux peut se produire. Toutefois,
étant donnés
la prégnance de l’apparence et la non acceptation de ce qui s'est
réellement
passé: la répression par la mère, hommes et femmes sont induits à
penser que tout
vient de l’extérieur, au cours de leur phase adulte, et donc à chercher
toute
solution dans ce dernier domaine. Même les mystiques, opérant en
fonction d'une
non séparation, ne percevant pas que la coupure est liée à une
déchirure originelle
interne, sont la proie d’un travail se Sisyphe: combler grâce à
l'esprit le
fossé entre intérieur et extérieur.
Le
résultat
de milliers d'années de devenir de séparation de la nature est la
fragmentation
de l’homme, de la femme dans leur dimension corporelle et spirituelle.
C'est la
perte de la vie immédiate, celle qui se déroule dans la quotidienneté.
D’où la
nécessité de se reimτnerger dans la nature, de rétablir la continuité
faisant
ressurgir la spontanéité.
Pour
réaquérir
l’immédiat, la compréhension du mode selon le quel s'opèrent les
diverses ruptures
de continuité, posant les dysfonctionnement dans le mode de vie,
s’avère
importante.
Le
disfonctionneτnent fondamental, nous l’avons vu, consiste en la brisure
de la
continuité avec le phénomène vie, ce qui empêche le nouvel être de
s’épanouir.
Ensuite c'est la séparation corps-esprit, corps-cerveau, ce qui se
traduit par la
coupure entre la vie immédiate, affectitive, corporelle en quelque
sorte - ce qui
n'élimine pas la conscience, mais elle est immédiate - et une vie
reflexive, pensée.
Ceci est fondé également par la brisure de continuité entre le geste et
la parole,
le mouvement de déplacement et la parole; celle-ci s'autonomisant du
substrat
qui l’a engendrée, induit une violence qui s'inscrit en nous et nous
inhibe.
Nous
avons vu que l’établissement de la psychose correspond à une brisure de
la
continuité due à la mise en place de discontinuités qui sont autant de
déchirures, à un disfonctionnement dans tout le procès de vie. Nous
avons
évoqué la brisure qui se produit lors du passage de l’inconscient au
conscient.
Ajoutons que tout acte que nous accomplissons implique une foule de
phénomènes
inconscients dont l’ensemble forme l’inconscient biologique. C'est une
jouissance profonde de percevoir l’émergence de la conscience au moment
où l'on
réalise un geste par exemple. Ce qui est le plus surprenant c’est le
rapport
entre la marche déterminée par la station verticale et l’accès à la
conscience
au travers de la parole. À l’origine hommes et femmes devaient chanter,
comme
nous le suggèrent fortement les moeurs des aborigènes d’Australie dont
parlent
Chatwin et Merlo Morgan. Et ceci nous plait infiniment parce que le
chant
évoque l'enchantement. Plus généralement il y a eu brisure entre le
geste et la
parole, le mouvement de déplacement et la parole, ce qui inféode en
nous une
violence qui nous possède et nous inhibe. Elle inhibe parce qu'elle
occupe la
place d’un autodèveloppement qui serait un épanouissement.
De,
même il y a un inconscient psychique et là encore c'est une jouissance
profonde
qui s'exhale en nous quand il y a passage de celui-ci à la conscience.
Mais ici
c’est la conscience, phénomène interne et non celle venant de
l'extérieur, la
conscience répressive qu'on infuse en nous et que nous devons
intérioriser. Sa manifestation
en nous apporte souffrance.
La
jouissance au moment de la floraison de la conscience se manifeste
également
quand un souvenir parvient dans le domaine de celle-ci. À ce propos il
me
semble que parfois on incorpore totalement la mémoire dans
l'inconscient. Cette
confusion est due au fait que l’inconscient, produit du refoulement,
vient
perturber la mémoire qui est en quelque sorte réorientée en fonction
des
impératifs de ce dernier. Le passage en mémoire d'un évènement donné,
implique qu’il
échappe à la conscience immédiate et devient inconscient; mais celui-ci
pourra
revenir dans le champ de celle-là dans certaines situations. En
revanche
l'inconscient psychotique s’impose toujours à nous et trouble, voile
notre
mémoire, comme notre conscience immédiate.
La
discontinuité opère également lors du passage de la conscience à
l’imagination.
L’exaltation
de l’imagination provient du fait que l’être conscient réprimé doit en
quelque
sorte faire le saut par-dessus l'inconscient découlant du refoulement
et
par-dessus la conscience répressive afin de représenter une réalité qui
soit
conforme à sa pulsion, à sa tendance, et sur laquelle il puisse en
quelque
sorte s appuyer.
L’imagination
ne devrait pas opérer pour trouver une issue, un possible à réaliser
afin de ne
pas être pâture d'un présent vécu comme inacceptable parce que
générateur de
souffrances, mais opérer comme fonction de jouissance de tous les
possibles
inclus en la totalité de l’univers.
Le
disfonctionnement opère puissamment dans la relation entre hommes,
femmes. Au
lieu de consister en une participation et donc en une perception
simultanée de
son propre cheminement et de celui des autres, elle s'effectue par la
médiation
de la comparaison. Or ceci, particulièrement au niveau de l'enfant,
engendre un
sentiment d'insécurité et d'inauthenticité, puisque ce n’est jamais
lui-même
qui est perçu mais une relation, qui le place dans une dépendance. Ceci
s’accroît tant à l'échelle historique qu'à l'échelle individuelle quand
on
passe de la comparaison à la concurrence, à la compétition, passage
déterminé
par l'accession du capital à la domination sur la société.
Nous
avons parlé de la séparation corps-cerveau qui est à notre avis
une des causes de la non utilisation des possibilités de
ce dernier. Toutes les autres sont liées au blocage des émotions qui
n'ont pas
été pleinement vécues, qui ne sont jamais parvenues à la conscience au
moment
où elles surgirent. C’est une vaste question. Nous dirons seulement que
la
quasi totalité de nos capacités cérébrales sont utilisées pour gérer
ces
émotions, à essayer de compenser toutes les ruptures de continuité
opérées dans
le procès de vie. Cela, peut s'exprimer ainsi: nous sommes inhibés par
le passé
et par la nécessité de survivre. Le cerveau accaparé par la conscience
répressive
dont le contenu est l'idéologie en place ou système de croyances, tout
le
fatras du passé, et par l'inconscient découlant du refoulement, ne peut
pas
fonctionner spontanément. L' individu est soumis à un travail de
Sisyphe: il
réactive constamment un passé pour le dépasser. Le processus opérant
dans
l’inconscience, le dépassement ne peut pas s'effectuer pleinement d'où
l'inhibition d'un devenir autre, d'un plein épanouissement.
Les
ruptures entre inconscient, conscience, imagination fondent les
séquences du
temps: passé, présent, futur. Étant donnée l'accumulation des émotions,
il y a
inflation de l'inconscient et donc du passé qui tend toujours à
pénétrer le
présent. Ce dernier à son tour est télescopé par un futur envahissant:
tous les
fantasmes de l’imagination. La perception de notre vie n'a plus sa
fluidité.
elle est saccadée. L’individu vit très peu dans le présent qu'il
regrette
souvent quand il est passé. Retrouver une fluidité implique être apte à
vivre
pleinement ici et maintenant, à être réellement présent à ce qui
advient. Cela
ne veut pas dire qu'il faille uniquement vivre dans le présent, ce qui
impliquerait le risque de sombrer dans l'immédiatisme. Il faut être
présent à
la durée qui englobe les scansions du temps. De ce temps qui a été
séparé de
l'espace. En conséquence il faut être présent à la totalité où tous
deux sont
indissociables. La présence implique qu'on fasse corps avec
l'apparence; qu'il
y ait élimination de la séparation entre celle-ci et une réalité
interne,
conduisant à une plénitude de l’individualité non séparée de la durée.
La
notion de temps a bien un fondement psychologique lié à un traumatisme
lors de
la petite enfance. Bergson dit quelque part que "Le temps est ce qui
empêche que tout soit donné d’un coup." On n'a jamais reçu l’accueil
total, l’amour intégral, mais on nous l'a octroyé par bribes, en
miettes, et ce
en fonction de la disponibilité des parents qui varie au cours du
temps.
Celui-ci permet de justifier une impuissance. Il n’est donc pas
possible de s'affronter
à la durée, mais à ce dernier qui n'est que par la fragmentation de
celle-ci.
La perception du temps révèle une souffrance interne qui ne parvient
pas à
s’affirmer parce qu’elle est de l’ordre de l’indicible, de l'ordre de
ce qui a
été perturbe sans être pleinement reconnu et sans qu'il y ait une
raison à
cela, si ce n'est la psychose parentale, incompréhensible à l'enfant.
Elle
relève de l’irrationnel, de l'irréel tout en étant réelle.
Comme
on est dépendant des parents à cause du désir jamais satisfait d'être
réellement accueilli, de même on est dépendant du temps au cours duquel
quelque
chose de positif pourrait enfin ad venir. Il n'est pas possible qu'on
nous
donne tout immédiatement; c'est pourquoi le temps est une invention des
hommes
incapables d’aimer.
Du
fait
qu-on est dépendant, on est fort sensible à l’environnement et
particulièrement
aux phénomènes météorologiques. Ce n’est pas un hasard si dans
certaines
langues le mot temps désigne à la fois le déroulement de la durée et le
phénomène climatique. Cette dépendance exprime la perte de substance et
celle
de la confiance en soi de l’individu.
Pour
revenir au cerveau disons qu-il ne peut pas fonctionner comme un tout
parce
qu'il est réduit à être l’organe d'un individu et non d'une
invidualité-Gemeinwesen,
alors qu’il est un organe communautaire.
Une
discontinuité que nous voulons brièvement signaler bien qu'elle ait une
importance considérable, c’est celle entre le système cognitif
inconscient
opérant au niveau cellulaire principalement: le système immunitaire, et
le
système cognitif support de l'accès à la conscience: le système
nerveux. La
représentation scientifique du premier pâtit de la vision
concurrentielle: la
défense de l’organisme contre des agents extérieurs. Les scientifiques
projettent
la menace qu'ils vivent inconsciemment en eux dans les processus vitaux
et ils
oublient que la fonction essentielle à laquelle tendent tous les
organismes,
c'est celle de la connaissance.
Enfin
il y a une discontinuité entre l’être naturel, ayant conscience et
inconscient,
et l’être acquis par suite de la répression doté de l'inconscient
découlant du
refoulement et de la conscience répressive. Comme cette dernière est
celle de
la société-communauté, tout homme, toute femme, se sent plus ou moins
en marge
du monde en place (sentiment d’extranéité). La psychose lui permet
d’être en
continuité avec les autres. Et c'est ce qui fait peur à beaucoup:
essayer
d’enrayer le processus psychotique C’est inévitablement se séparer de
tous. La
remise en continuité avec l'être profond parce qu’enfoui sous la
sédimentation
de diverses émotions, refoulements, etc. opérés au cours du temps,
implique une
discontinuité avec nos semblables psychotiques.
La
relation entre êtres humains, féminins, se caractérise par la perte
d’immédiateté: personne ne trouve immédiatement sa place dans le corpus
communautaire où il vit. D’où l’opérationnalité des complexes de
supériorité et
d'infériorité qui sont en relation dialectique avec le phénomène de la
hiérarchie. Ceci se perçoit fort bien dans la pratique de l’initiation
qui est
la fondation d’un devenir hors nature.
Le
phénomène d'objectalisation dont nous avons parlé opère également ici,
parce
que la liaison entre deux personnes qui s’aiment tend à devenir
prépondérante,
à s'autonomiser. La psychose fait que progressivement elles ne se
perçoivent
plus immédiatement en tant qu'êtres et, ce qui est alors visé, c'est la
liaison
en tant que telle, qu'il leur faut à tout prix préserver. La liaison
devient
l’objet non tangible sur lequel convergent leurs regards; elles ne se
voient
plus. La psychose de chacune des deux personnes fait qu'aucune des deux
ne peut
contacter l'autre, vivre avec elle, sinon sur le mode de la possession.
La
liaison devient le symbole de cette dernière. Sans psychose on pourrait
vivre
l'autre sans qu'il y ait liaison; ce qui implique que chaque
individualité
s’affirme comme une pousse s'épanouissant sans entraves, c’est-à-dire
libre
dans son sens originel.
L'impossibilité
de vivre sans médiation conduit l'homme à retrouver des liaisons dans
les
procès naturels. Il ne peut pas accepter l'existence simultanée des
différents
composants du cosmos. Il faut qu'il concrétise en quelque sorte leur
coexistence à l'aide de liaisons, entre molécules, entre atomes, entre
électrons et nucléons, entre particules ainsi qu’entre corps célestes.
Dans ce
cas il faut éliminer le scandale que constitue l'attraction
universelle, d’où
la recherche passionnée de gravitons. L'incapacité de l’homme à vivre
dans une
plénitude le conduit à se représenter un univers imparfait. C'est la
même
démarche qui lui fait théoriser que la vie elle aussi est imparfaite;
ce qui
justifie sa passion à intervenir même quand cela n'est pas nécessaire.
Le
plus
grave dans la réalisation de ces disfonctionnements, de ces
dévoiements,
détournements de fonctions, c'est la réalisation au niveau du cerveau
de la
pensée simulatrice. La pensée qui depuis longtemps n’est plus
rayonnante, mais
linéaire, n'opère plus en continuité avec le devenir de la vie, avec
celui
communautaire et même avec celui de l'individu, mais opère de façon
autonomisée
pour créer une réalité qui soit rassurante, compensatrice. L'individu
vit avec
une foule d'hypostases en sa tête, de simulacres [46] et
ce depuis des milliers d’années. C'est le point de
dé part au devenir à la virtualité, lequel s’opère quand l’homme est
dépossédé
de son cerveau, de son imagination.
La
pensée n'a pas à s’objectiver pour donner un fondement, une assurance.
Ce
processus conflue avec celui d’objectalisation dont nous avons parlé
précédemment. Il suscite un phénomène inverse, celui de tout
spiritualiser et à
ne voir de solution que dans la spiritualité. Le danger de
l'objectalisation et
de la spiritualisation (surtout à travers l'occultisme) c'est d'aboutir
à la virtualité.
Vivre dans le virtuel, c'est escamoter totalement l'immédiat.
Ceci
dit, une précision s'impose: la simulation n’opère pas que dans la
pensée.
L'enfant est conduit à simuler afin d'être adéquat au désir des
parents. Enfin
affirmons - le sans le démontrer - nous le ferons lors d’une étude
ultérieure -
il n'y a pas de différence entre simulation et imitation. La première
implique
une dissimulation, la seconde un oubli de soi. Mais, ici, il convient
de
relever qu'il s’agit de l’imitation en tant que phénomène perturbé par
la
psychose, parce que naturellement l'imitation est une forme d'empathie
qui
permet de vivre la modalité de vie de l'autre.
Un
autre aspect de la pensée déterminé lui aussi par la séparation, et qui
demandera une ample étude, C’est la pensée symbolique. Nous voulons en
esquisser une approche. Pour cela commençons par considérer
l'étymologie du mot
symbole. Dans Le dictionnaire des symboles, Ed.
Laffont, j"ai
trouvé ceci, qui a en soi-même une haute portée symbolique. "À
l’origine,
le symbole est un objet coupé en deux fragments de céramique, de bois
ou de
métal. Deux personnes en gardent chacune une partie, deux hôtes, le
créancier
et le débiteur, deux pèlerins, deux êtres qui vont se séparer
longtemps. En
rapprochant les deux parties, ils reconnaîtront plus tard leur lien
d'hospitalité, leurs dettes, leur amitié." p. XIII. Plus loin: "Le
symbole sépare et met ensemble, il comporte les deux idées de
séparation et de
réunion; il évoque une communauté qui a été divisée et qui peut se
reformer.
Tout symbole comporte une part de signe brisé; le sens du symbole se
découvre
dans ce qui est à la fois brisure et lien de ses termes séparés."
Grâce
à
la pensée symbolique qui est en relation avec celle mythique, l’espèce
fonde
son hubris et le point d’arrivée est le monde
virtuel où hommes et
femmes peuvent vivre hors limites. Cette pensée lui a permis également
de
surmonter les pires situations et à accepter la séparation.
Pour
Janov la pensée symbolique apparaît comme étant celle de l’être irréel
déterminé par les troubles subis par l’enfant. Elle fait comme un pont
entre
celui-ci et l’être réel. En effet la répression exalte cette forme de
pensée:
le symbole permet de lier ce qui est permis d’exprimer, d'affirmer, à
ce qui
est caché, réprimé, défendu. Plus généralement il sera bon d’étudier le
fait
que l’inné n’a pas besoin de symbole pour s’exprimer étant donné qu'il
relève
de la sphère de l’immédiateté, tandis que l’acquis en a besoin.
L’acquis relève
du discretum, du séparable comme le symbole. Et ceci nous conduit à la
conclusion suivante que nous expliciterons ultérieurement: l’homme
s'est
symbolisé, comme il s’est domestiqué.
Au
cours du devenir de l’espèce humaine s’opère un dérapage dans la mise
en
continuité de l'acquis avec l’inné. En conséquence il a été nécessaire
d'articuler, de coordonner les divers acquis entre eux et ceux-ci avec
l’inné, d’où
la nécessité de lois, de normes, de règles et, nous pourrons le
montrer, de
méthodes.
La
pensée symbolique s’exprime abondamment à travers les tropes (figures
du
discours). Or, la psychose opère fondamentalement à travers ces
dernières;
voilà pourquoi avons nous tellement besoin des notions de référent, de
référé
et de référentiel, parce qu’il faut nous repérer dans cette "forêt de
symboles" qu’est notre vie psychosée. Ceci dit, évidemment, à l’aide
d’une
métaphore! Dans quelle mesure tous ces éléments cognitifs opèrent
naturellement,
nous le verrons ultérieurement.
Cette
pensée renforce le procès d’objectalisation. Ainsi J. Salomé préconise
de
recourir à ce qu-il appelle le langage symbolique en cas de séparation
d’avec
l'enfant, par exemple il conseille â la mère de donner son oreiller,
avant de
partir le soir pour aller assister à un spectacle! Le recours au
symbole est un
masquage de refus, l’aveu de l'incapacité à affronter la réalité. Dans
tous les
cas cela entérine la séparation. Toutefois on peut envisager de
recourir au
symbole en tant qu’opérateur analogique pour effectuer le passage du
connu à
l’inconnu. Mais il est tort possible que ceci ne soit opérationnel que
dans la
mesure où nous pensons encore dans la séparation.
La
pensée symbolique apparaît comme la pensée de la délégation. Elle
délègue à l’objet
les capacités, les vertus de la personne afin qu elles opèrent sur une
autre. Ce
n’est pas un hasard si elle triomphe avec la démocratie où tout est
délégation
et finalement dépossession avec la réalisation plénière de l’individu [47].
Le
déroulement de la vie quotidienne est une succession de
dysfonctionnements: les
repas, le sommeil imposés. En ce qui concerne les premiers, nous avons
déjà
abordé la question, pour le second cela fut à peine effleuré. Rien ne
prouve
que nous devions obligatoirement nous assujettir à la succession veille
le
jour, sommeil la nuit. Pour l’espèce apte à vivre en sécurité, à l'abri
des
dangers représentés par les carnivores et les reptiles, il est possible
d’accéder
au sommeil quand cela est nécessaire, donc à n importe quel moment de
la
journée. Or celui-ci avec ce qui lui est inclus, le rêve, est un moment
de
recharge de l'individualité qui se connecte spontanément au cosmos,
avec les
énergies qui le parcourent. En même temps elle se relie à tout le
phylum dont
elle est l’expression actualisée. Alors peut s’opérer l'intégration de
ce qui a
été vécu. C’est le moment où l’inconscient biologique dans ses
dimensions
somatique et psychique opère. On peut penser qu’une fois libéré de
l'inconscient découlant du refoulement, et de la conscience répressive,
la
conscience naturelle pourra opérer même dans le sommeil. Durant toute
la phase
où il se déroule, la communication entre individualités peut se
réaliser à l’état
inconscient, donnant un support renouvelé, une substance réactivée à la
dimension Gemeinwesen de l’individualité.
Le
rêve
est une fonction de continuité détournée de son libre fonctionnement
par la
répression exercée à travers les parents. Elle ne peut s'effectuer à
cause de
l’encombrement par l’inconscient psychotique, et le détournement
consiste en la
recherche de réunir ce qui a été fragmenté.
Le
sommeil
m’apparaît comme le moment où nous sommes un réceptacle, une
accueillance, ce
qui nous permet de perfectionner notre développement. Or, l'hormone de
croissance est produite durant cette période. Étant
sur le mode de l’accueil, il nous est possible également
de transmettre, particulièrement durant la phase de sommeil paradoxal
où les
rêves s’effectuent.
Là
où les
disfonctionnements recèlent de très graves dangers ce sont ceux
concernant la
procréation avec son moment essentiel la sexualité. La place de
celle-ci dans
le phénomène vie est une question difficile que nous avons déjà
abordée.
Rappelons qu'au sein de celui-ci la sexualité apparaît très tard, plus
de trois
milliards d'années après son début. Au niveau de l’espèce il y a une
séparation
possible entre sexualité en vue de la procréation et sexualité en vue
de la jouissance,
de la connaissance, d’une union avec le cosmos. L’union sexuelle
apparaît comme
une symbiose entre l’homme et la femme, leur permettant de se connecter
au
cosmos. C’est ce que suggère l'enseignement du Tao et qu on retrouve
dans le
tantrisme. Mais cet enseignement signale aussi que pour que la
sexualité puisse
être vécue dans toutes ses dimensions, il faut que l’homme récupère une
capacité
importante: celle de contrôler son éjaculation, ce qui le rend apte à
satisfaire le désir de la femme. Celle-ci n’apparaît insatiable qu'à
cause de
la déficience de l’homme. En outre lors de l’éjaculation, ce dernier
perd de l’énergie;
l'orgasme étant vécu comme une petite mort. D'où une base fondamentale
pour le
mythe de la femme castratrice. On peut dire qu’on a là la composante
femme de
ce mythe, l’autre est la composante mère: le petit garçon est bloqué
dans son
désir d'autonomie; il ne peut pas se développer; ultérieurement cela
pourra transparaître
en impuissance sexuelle, en sensation de castration. Ajoutons que dans
la
perception d'une petite mort interviennent d’autres données psychiques.
C'est
à
dessein que nous parlons de procréation plutôt que de reproduction. Ce
dernier
mot connote une idée d’identité qui est très compatible avec la
psychose. En
tant qu'individus psychosés nous voulons nous retrouver dans nos
descendants,
nous désirons qu’ils soient comme nous. Se reproduire c’est faire en
sort que l’être
advenant à la vie soit identique aux parents et ceci opère aussi bien
lors de l’utérogestation
qu’au cours de l'extérogestation et durant toute l’enfance. Or, la
procréation
est diversification puisqu'elle permet le déploiement de tous les
possibles du
phénomène vie. Ici encore notre incapacité à vivre une plénitude et
dans la
plénitude nous conduit à élaborer des représentations aberrantes.
Celles-ci
tendent à se concrétiser avec la réalisation du clonage: faire en sorte
qu`à
partir d`une cellule quelconque de l'organisme on puisse obtenir une
copie
conforme de celui-ci. Les clones produits pourraient servir comme
sources de
pièces détachées pour réparer l’organisme originel. Il peut y avoir
également
un clonage virtuel. "Il est donc possible techniquement, dés
aujourd'hui,
d’animer un "clone" virtuel d’une personne donnée, simplement en
filmant son visage." (Ph. Quéau: Le virtuel, Vertus et
Vertiges,
Là. Champ Vallon, p. 69).
On
peut
se demander si le but caché, en réalisant des clones, n’est pas de
diviser la
souffrance qui habite hommes et femmes, car tout prend maintenant une
dimension
thérapeutique. L'espèce est malade et recourt à une infinité de
thérapies afin
de se guérir. Le remède est très souvent pire que le mal. Enfin, pour
en
terminer avec cette remarque sur la reproduction, l’emprisonnement dans
le même
est le reflet de celui dans la sédentarité.
Nous
avons signalé un détournement important: la procréation en tant que
thérapie:
engendrer des enfants pour se guérir de la psychose. Cependant nous
avons alors
uniquement considéré le comportement de la femme. Or, il en est de
même, dans
une moins grande mesure pour l’homme. Il y a mise en jeu de la même
dynamique:
produire des enfants, parce que l’obtention de ceux-ci est signe de sa
puissance, à partir du moment où le patriarcat devient dominant. C’est
peut-être à ce moment-là que le contrôle de l’éjaculation fut perdu.
Etant
donné que la femme perdit également sa capacité à fermer le col de
l’utérus, on
comprend l'accroissement constant de la population humaine depuis des
milliers
d’années . Pour tenter d’enrayer un tel phénomène, hommes psychosés et
femmes
psychosées recourent à des méthodes contraceptives, pouvant inclure
l’avortement,
qui sont toutes éminemment destructrices.
En
revanche en recherchant une jouissance plus ample et plus continue
grâce au
contrôle de l’éjaculation, il serait possible d’aboutir à une
régulation de la population
humaine et, au bout de quelques années, à une réduction de celle-ci.
Or, C’est
l'envahissement de la planète par la multitude humaine qui est cause de
graves
catastrophes pour la nature. Ainsi emprunter le cheminement libérateur,
c’est
simultanément régénérer la nature.
Pour
surmonter tous les disfonctionnement et s’adapter au mode de vie
déterminé par
la société communauté, l’individu organise sa psychose et, en son sein,
il
tente de surmonter la séparation. Le désir de continuité est alors
détourné et l’individu
tend à réaliser cette donnée entre un corps réprimé et une conscience
répressive.
L'être résultant refoule le souvenir de celui originel. Si le procès va
jusqu’à
instaurer un oubli total, s’impose alors un devenir autre pleinement
réalisé,
l'aliénation [48]
ou la somatisa ion
complète génératrice de toutes sortes de maladies.
Le
détournement dont il s’agit s’opère à travers des médiations car il est
difficile
d'abandonner la vie naturelle. En conséquence ce qui est réalisé n'est
pas un être,
mais un devoir-être. L’individu doit effectuer des actes (tu ne tueras
point),
doit entrer en rapport d’amour avec ses semblables (tu aimeras ton
prochain
comme toi-même), etc. La vie apparaît comme un devoir à accomplir.
C’est
pourquoi le procès de connaissance est nécessaire pour réaliser la
tâche de la
vie. Ainsi après avoir rapidement indiqué le rapport de ce procès aux
traumatismes subis dans l’enfance, voyons succinctement son rôle au
cours de la
vie adulte
Pour
sortir de l’impasse, du labyrinthe, du piège, autant de métaphores
désignant la
situation terrible où l'individu est plongé, c'est-à-dire sa psychose,
il y a
deux voies: celle de l’intériorité et celle de l’extériorité. En toutes
deux le
procès de connaissance joue un rôle important. La première est la voie
de la
spiritualité, particulièrement sous sa forme mystique. Dans ce cas -
dit
brièvement - la psychose est souvent extériorisée à travers des
pratiques
rituelles, ce qui permet de s’en distancier. Tout en la maintenant
ainsi à
distance, le mystique opère sa libération qui n’est jamais totalement
advenue
parce que la psychose, mise de côté, existe toujours et nécessité
constamment
une mise à distance. Le mystique, le spiritualiste opèrent par-dessus
la
psychose. Il y a un escamotage qui permet l’édification spirituelle ou
mystique
mais il n’y a pas de libération. Dans leur volonté de se libérer, donc
d'échapper à tout dépendance, certains mystiques s’efforcent d’aller
au-delà de
la connaissance. Celle-ci non en tant que procès, mais en tant que
résultat,
vient encombrer, entraver le processus de libération. En outre
connaître, c’est
connaître quelque chose; il y a donc une possibilité de dépendre de
cette dernière.
Il est clair qu’il y à là réintroduction d’une coupure
intériorité-extériorité.
Dans
tous les cas, ce qu’il y a de terriblement limitatif dans les approches
spiritualistes et mystiques, c’est qu'elles conservent les acquis du
procès de
connaissance qui a surgi sur la base de la séparation d'avec la nature.
Ainsi
il y a utilisation des concepts d’absolu, de vérité, de valeur, etc...
concepts
de l'errance.
La
deuxième voie, celle de l'extériorité est totalement liée à
l'intervention, au
faire, à la production. Elle est principalement celle des hommes depuis
le
néolithique, C’est-à-dire depuis la phase de sédentarisation qui fonde
le
phénomène de fonciarisation. Ensuite cette voie est en connexion intime
avec le
mouvement de la valeur, puis celui du capital. Au cours du devenir,
depuis
cette époque, des critères fondamentaux permettant de déterminer la
puissance
de l’intervention de l'homme, se sont succédés. On a d’abord ceux de
fécondité
et fertilité repris de la représentation opérante quand la femme
dominait, puis
l’utilité avec le surgissement du mouvement de la valeur, rentabilité
et
productivité avec celui du capital et, enfin, créativité avec la mort
potentielle du capital.
Ces
deux voies ont en commun l’escamotage de la vie immédiate.
Dans
les deux cas, l’individu vit grâce à des médiations, même quand il tend
à les
abolir. À l'heure actuelle un autre danger surgit: le devenir du
capital a
abouti à créer un immédiat mais dans la dépossession, dans la
libération de
tous les liens avec la nature, dans la négation totale de la dimension
naturelle. Cette immédiateté s’impose à travers une combinatoire de
tous les
possibles et ce sans aucune médiation. En conséquence revendiquer une
immédiateté
présente le risque de se laisser absorber par ce qui s’impose lors de
la mort
potentielle du capital. Pour éviter cela il convient de rompre avec la
société-communauté en phase de dissolution, et avec tout ce qui l’a
engendrée.
Certaines
représentations peuvent être considérées comme relevant de l’une et
l’autre
voie, l'alchimie par exemple que, à l’égal de l'astrologie, nous
considérons
comme étant en grande partie une psychologie projective. C’est-à-dire
que dans
les deux cas, il y a projection de la psyché sur un support qui permet
l’analyse.
Dans le cas de l’alchimie, le phénomène de la psychose se révèle
nettement. L’alchimiste
extériorise son être enfant sous forme d’un embryon au sein de la
terre. Il
faut le faire grandir afin qu’il advienne à sa pleine réalisation, à
l’individualité
(phénomène sur lequel insista Jung). Pour cela il faut des
purifications
successives. Celles-ci peuvent s'interpréter analogiquement comme des
libérations de phénomènes psychotiques (ceci évidemment dans
l'intentionnalité
de celui qui opère, mais non dans la réalité). Telle est la grande œuvre. En
effet ce n'est pas la production de l'or qui est essentielle, mais
celle de
l'individualité par affranchissement vis-à-vis de toutes les
dépendances. La
production effective d’or n’a d’intérêt que parce qu’elle est la preuve
que l’œuvre
intérieure s’est accomplie [49].
L'idée
de base est de se substituer à la nature, à la mère, afin de réaliser
ce qu’elle
ne veut pas, ne peut pas accomplir, ou accélérer une réalisation qui
s’effectue
trop lentement.
Ici
s'exprime
toute l’impatience de l’enfant voulant devenir adulte afin d’échapper à
sa situation
de dépendance, aux souffrances qui lui sont infligées par suite de la
négation
de son être naturel. Le désir d’intervenir qui opère au niveau de
l’individu
comme à celui de l’espèce, manifeste bien l'ampleur de cette impatience
[50]. Celle-ci
découle aussi du fait que les parents
différent très souvent la satisfaction du désir du petit enfant. Et là
nous
avons une interférence avec le problème du temps. Les parents
voudraient qu’il
sache attendre (ne sois pas impatient!). Or il n’a pas la notion du
temps. Ce n’est
que par le vécu où lui-même sera amené à différer un acte, une réponse,
qu’il
pourra passer de la durée au temps. Savoir différer c’est être capable
d'intégrer
la séparation. Pour l’enfant le fait de différer la réponse à son désir
induit
en lui un vide. Cette sensation de vacuité à d’ autres origines que je
ne puis
aborder ici.
La
capacité à différer un acte est une acquisition qui a nécessité une
longue préparation
paléontologique, comme nous l'avons indiquée dans Émergence
de Homo
Gemeinwesen.
Ces
quelques remarques sur l’alchimie nous permettent de mettre en évidence
qu’il y
a une multitudes de supports pour les transferts et les projections.
L’homme
psychosé, la femme psychosée fixent sur ces supports le ressenti des
diverses
personnes qui les obsèdent (principalement le père et la mère) afin de
toujours
reconstituer les scènes fondamentales de la vie qui les ont
bouleversés. Cela
les sécurise parce qu'ils retrouvent les personnages déterminants dont
ils
dépendent, mais cela peut aussi leur permettre de voir enfin ce qui
s’est
produit, d’en ressentir la charge émotionnelle, pour s-en libérer.
On
peut
faire apparaître un immédiat qui ne soit pas celui du capital, en
empruntant
des conduites qui rompent avec celles actuellement agissantes.
Tout
doit partir de l’individualité et non du complexe de relations réifiées
exprimées dans les formes elles-mêmes réifiées du langage qui nous
opprime. Ce
qui doit se manifester, c’est le désir, la tendance [51]
à s'affirmer parce
que chacun d’entre nous est une manifestation de la vie. On ne doit pas
se nier
en se posant en rapport aux autres; on ne doit pas se masquer. Ainsi
toute
individualité dira: "je désire que tu m'aides" et non pas :
"peux-tu m’aider? " Cette interrogation met un doute sur l’autre qui,
en réalité, peut très bien faire, mais en a-t-il le désir? Il y a une
sorte de
contrainte dans l’interrogation qui n’existe pas dans l’affirmation. De
même,
mieux vaut: "je désire obtenir de toi telle ou telle chose", que:
"puis-je
obtenir de toi... ". Avec cette formulation de la demande, je me mets
sous
la dépendance de l’autre et je doute de ma capacité. À partir de ces
deux
exemples nous pouvons faire remarquer que la répression, la
domestication s’expriment
fort bien dans le langage du fait de la régression de l’affirmation ce
qui
traduit la dépendance. Ce sont l’interrogation qui indique
l’assujettissement,
et la négation qui signale l’inhibition, qui envahissent le champ de
l'affirmation, de même que le passé et le futur colonisent le présent.
Donnons
un exemple en ce qui concerne la négation. Si on dit à un enfant: "je
ne
désire pas que ". au lieu de: "cela me gène que tu" on passe de
l’inhibition
de l’autre à l’affirmation d’un ressenti. Dans le second cas l’enfant
conserve
toute sa puissance pour affronter la situation à condition, toutefois,
que
l'adulte n’opère pas dans une dynamique de culpabilisation.
Dans
une langue n'exprimant plus la répression, l’affirmation, en tant que
présentification
au monde d’une individualité qui est un possible parmi tous les
possibles
également présents et acceptés, serait beaucoup plus importante, tandis
que la
négation et l'interrogation seraient accessoires. La première introduit
un
doute lorsqu-elle porte sur nous, le refus d'une menace lorsqu’elle
porte sur
autrui. Ceci fait ressortir que de ce fait l'affirmation doit être
spontanée et
ne doit pas être une manifestation qui implique une médiation quand,
par
exemple, elle vise à nier l'autre. La négation exprime également
l’impossibilité
où se trouve l'espèce de fonder une positivité à partir d’une réalité
qui n'est
plus considérée comme satisfaisante. Ainsi des géométries
non-euclidiennes.
Elles se posent par une négation parce que l'espèce ne parvient pas à
une
représentation satisfaisante de ce qu'elle nomme l’espace, dont elle
avait,
auparavant, une certitude.
En
ce
qui concerne l’interrogation, ajoutons qu’interroger c'est remettre en
question; c'est mettre à la question. Cela opère en général ainsi:
celui qui
interroge cache sa visée et veut que l’autre, par ses réponses, se
dévoile.
Ceci est réel tant sur le plan policier que sur celui de la philosophie
comme
le prouvent les dialogues socratiques dans les œuvres de Platon. Le
questionnement
vise à mettre en défaut ou à révéler une insuffisance.
Dans
d’autres cas l’interrogation est liée â la tentative de lever un doute.
L’individu
interrogeant est suspendu à la réponse. Ceci est surtout vrai au niveau
de l’enfant.
À ce propos on peut penser que l’interrogation naît en lui avec la
perte de
certitude, laquelle se manifeste pour lui comme une adhérence au
phénomène vie.
En effet la non réalisation de la symbiose lors de l'extérogestation,
le
conduit à chercher une stabilité et à se demander où et comment la
trouver. Son
désarroi l'induit à amplifier le désir de cette dernière. Or, dans la
réalité,
rien n'est stable, tout est mouvant. D’où les multiples interrogations
qui
surgissent de la confrontation entre le désir et le réel. Toutefois il
faut
bien noter ici que ce désir est déjà logé dans le surgissement de la
psychose.
L'interrogation
évoque la police, la justice et leurs interrogatoires. En revanche au
sein même
d’un monde malade l’affirmation peut évoquer un message de délivrance
comme
cela apparaît dans les manifestes, les déclarations ou la proclamation
de la
bonne parole avec les évangiles. Mais on peut penser que, délestée de
la psychose,
l'interrogation puisse être le point d’élancement d’une immense
ouverture.
Ce
qui
fait la puissance maléfique de l'interrogation c’est qu’elle est
effectuée en
même temps qu’est opérée une rétention d'information. Celle-ci est très
fréquente dans le discours parental, ce qui provoque une dépendance des
enfants, leur crée une incertitude, leur suggère un aspect magique qui
est
dévoilé quand enfin l’information est révélée. C’est une forme de
despotisme
cruel, d’autant plus que le plus souvent il n'est pas conscient.
Cette
rétention opère même en dehors de toute interrogation. Elle est très
pernicieuse parce que celui ou celle qui l’effectue, peut, au moment où
elle, où
il livre, l’information réclamée par l’interlocuteur ou
l’interlocutrice, très
bien dire que c'est l'autre qui ne l’a pas enregistrée parce qu'il
n’était pas
à l'écoute, mais qu’il ou elle veut bien la fournir à nouveau. Or,
quand l’information
ne se trouve pas dans son contexte, dans le jaillissement immédiat de
la pensée
qui la porte, elle perd toute sa puissance et celui ou celle qui la
reçoit ne
peut plus l’utiliser avec efficacité: il y a frustration,
incapacitation, mise en dépendance. Ici encore la brisure d’un flux
est
responsable de perturbations importantes. Ajoutons que pour nous il
n’est pas question de communication qui est une
réduction de la relation interindividuelle [52].
L’affirmation
au service de la personne qui a le pouvoir, peut masquer en fait une
interrogation ou une injonction. Elle est émise dans un contexte bien
précis, de
façon neutre, sans aucun rapport à une affectivité donnée. Elle
véhicule un non
dit, lieu où se loge la répression prête à se déployer. Ainsi, souvent,
quand
un parent déclare: la vaisselle est sale, cette affirmation
constatatrice cache
l’injonction: il faut que tu la laves. Ce n’est qu’un exemple, mineur! !
Tout
ce
qui précède ne peut évidemment constituer qu’une approche sur laquelle
nous
reviendrons.
Le
refus de l’objectalisation est un moment important dans la dynamique de
récupération
de l’immédiat, parce que c’est supprimer les médiations réifiées. Cela
implique
de retrouver la confiance en soi et dans les autres, de ne plus avoir
besoin de
substituts, etc.
Enfin
insistons sur la nécessité d’avoir cette grande ouverture dont nous
avons parlé
à propos du cheminement libérateur. Cela signifie que l’accès à
l’immédiat n’est
pas un acquis à la fin d'un devenir donné, mais qu-il s’obtient au sein
d'un
processus qui opère comme une métamorphose. Au cours de celui-ci, on
est amené
à rejeter divers sentiments liés à la psychose: la honte, la
culpabilité té, la
pudeur, etc., comme A. Janov l’a bien montré. Cela signifie élimination
de la
conscience répressive, donc des idéologies [53].
Nous
avons à maintes reprises insisté sur le fait que le devenir de l’espèce
avec sa
psychose prenait racine dans la séparation d’avec la nature. Nous
devons
maintenant apporter des précisions sur ce phénomène. Avec le
surgissement du
rôle de la mère, la nature, posée elle aussi en tant que mère, a été
envisagée
de façon ambivalente: la marâtre, destructrice aveugle, ou bien la
nourricière.
Lorsque c’est le premier aspect qui l'emporte, prévaut alors la
dynamique de
vouloir la dominer puis, de nos jours, de l’éliminer. Du point de vue
de l’espèce
cela implique qu'elle doit s’en affranchir parce que l’homme est un
être libre,
sans dépendance. Il en résulte qu il doit dépasser l’instinct, le
dominer, l’éliminer.
Tout ceci est affirmé dans diverses œuvres philosophiques et dans le
discours
du commun des mortels: l’homme n’est ce qui n’est pas animal, n’est pas
nature;
il est même anti-nature.
La
projection du personnage, du rôle de la mère sur la nature recèle une
autre
face: l’idéalisation. Nous la trouvons dans la théorie sur les
harmonies de la
nature, sur l’existence d’un équilibre constant qui préserve de toute
catastrophe,
sur la négation d’un heurt entre espèces. La nature c'est la bonne mère
par
excellence, celle prés de qui on se réfugie pour se faire consoler.
Nous
avons donc la circularité: la séparation d'avec la nature pose la mère,
celle-ci
fonde le rapport à celle-là. Il faut éliminer la mère en tant que rôle
particulier de la femme pour accéder à une union réelle à la nature en
nous et
hors de nous. Ce disant, il n’est pas question d’entériner une
séparation entre
extérieur et intérieur. Nous partons de ce qui est pour accéder à la
non séparation.
Nous avons montré dans Émergence
de Homo Gemeinwesen
qu’il y avait bien des phénomènes de
condensation avec particularisation qui fondent les êtres vivants, et
qu'il y a
un métabolisme important qui s’opère entre l’intérieur et l’extérieur.
Il y a
un flux, mais pas de séparation. Celle-ci n’existe qu’à l’état de
possible qui
se réalise avec l’espèce humaine.
L’homme,
la femme se séparant de la nature deviennent des intérieurs opposés à
un
extérieur. Tout leur problème fut pendant longtemps de ne pas
parachever la
séparation de peur de ne plus pouvoir vivre. Cela les conduisit à faire
des
compromis et à vivre dans une zone intermédiaire entre eux et la
nature, dans l’extériorité.
De même, ils ont souvent pensé qu'ils vivaient dans un temps
intermédiaire
entre le moment initial où ils vivaient en communauté et en harmonie
avec tous
les êtres vivants et celui final, à venir, où ils pourraient retrouver
ce
comportement et ce paradis. Maintenant, il ne peut plus y avoir
d'extériorité
puisqu'il n’y a plus de nature et que le devenir du capital a engendré
un
immédiat où ils peuvent être immergés, particulièrement avec la
virtualité.
Pour
sortir de la situation actuelle il est nécessaire de rejeter le rôle de
la mère
et, en même temps, effectuer une régénération de la nature, en ne
perdant pas
de vue qu'en se débarrassant de ce rôle, on opère déjà dans la
dynamique de
cette régénération, puisque cela permet de s'unir à la dimension nature
en nous
qui, dés lors, peut s'épanouir. Toutefois ne pas régénérer le reste de
celle-ci
risquerait de rendre inefficace ce qui précède. D'autant plus que ce
n’est qu’à
travers leur réconciliation avec tous les êtres vivants qu’hommes et
femmes
peuvent réaliser quelle est leur fonction dans la totalité de la
biosphère. En
outre cette dynamique doit se développer en absence de tout sentiment
de
culpabilité. L’errance de l’espèce humaine est aussi celle de la nature
en sa
totalité [54] .
C’est
cette errance qui a induit la répression parentale. Et là, il faut y
insister,
il ne s’agit pas de culpabiliser les parents, de les insulter, ni de se
révolter contre eux, mais de voir l’implacabilité de la dynamique
répressive,
génératrice de la psychose, dont ils ont été eux-mêmes victimes, afin
de s'en
libérer. Les parents ne sont pas responsables d’un phénomène qui les
dépasse;
ils sont le support de la répression. C’est ce qu’on peut leur
reprocher de ne
pas percevoir. La seule possibilité pour qu’ ils y parviennent est de
se
libérer soi-même; mais elle n’a guère de chances de s'effectuer. Le
cheminement
libérateur est en dehors de toute la dynamique de la lutte entre les
générations qui n'a fait qu’enfermer l’humanité dans sa psychose, et
entretenir
cette dernière. Le phénomène de libération est de l’ordre de
l'affirmation et
non de la négation ou de l'interrogation.
Insistons
bien qu'il s`agit d’éliminer des rôles liés à la possession. En effet,
éliminer
la mère aboutirait à établir un monde sans femmes, comme les hommes
l'ont rêvé
pendant longtemps et y sont partiellement parvenus [55].
Nous avons écrit:
"des rôles" parce que celui de père doit également disparaître, ne
serait-ce que parce qu-il est le complémentaire de celui de la mère.
Les
hommes comme les femmes sont de plus en plus exclus de la dynamique du
capital
puisqu'il y a évanescence du travail salarié et que le prolétariat est
remplacé
par l’information, autant d'éléments témoignant de sa mort potentielle.
Ils ne
peuvent plus se confier à un mouvement externe, réduit à une forme qui
elle-même s'épuise dans la virtualité. S’ils veulent poursuivre leur
procès de
vie, ils seront obligés de retrouver celui en eux, dans leur
intériorité. Dit
autrement l’intériorisation du mouvement du capital qui s’est réalisée
lors de
la phase finale du développement de celui-ci, n’a pas apporté de
solution,
comme le fut celle du lancement dans le faire, dans la production, à
l’aube de
son développement. C’est donc à partir d’eux-mêmes, particulièrement à
partir
de leur corps, en réconciliation avec les êtres vivants, qu’ils doivent
entreprendre une autre dynamique de vie: un cheminement libérateur.
Homo
sapiens dépossédé de son procès de connaissance, de l'imagination,
risquant
d’être piégé dans la virtualité, ne peut plus se sécuriser, se situer.
La
psychose, présente en chacun de nous et au cœur de l’espèce, ne peut
plus être
alimentée. De là le possible de se libérer, au sens de se dépouiller de
ce mal
qui nous ronge, et de parvenir à la réalisation en chacun d’entre nous
de
l'individualité-Gemeinwesen.
Une
sorte de contrainte opère sur les hommes et les femmes afin qu’ils se
libèrent[56].
Une des
composantes de celle-ci découle de la séparation de plus en plus grande
entre
parents et enfants. Elle réactive 1e phénomène fondamental, initial ce
la
brisure de la continuité de la vie. Séparation et brisure engendrent
une distanciation
qui oblige à voir [57].
On
n’a
pas à rechercher quelque chose de perdu; donc on n'a pas à opérer un
retour à
un stade qui aurait prévalu à un moment donné du passé. Le phénomène
révolutionnaire est bien fini. Ce qu’on doit réaliser n’a jamais été
vécu. Nous
sommes placés au cœur d’un devenir qu’on doit assumer jusqu’au bout,
qu’on est
en train d'atteindre. Rien ne s'est fait en vain.
En
dépit de son apparente agitation effrénée, l’espèce est immobilisée à
un stade
de son devenir, stade qui devient de plus en plus larvaire, en son sens
figuré
et péjoratif. Il lui faut retrouver ses possibles afin de s’évader
d’une
immense hypnose qui la fixait sur un but aberrant et un étrange
dévoiement.
L’homme et la femme pourront alors, enfin, se trouver [58] .
Jacques
Camatte
février 1977
[1] Cet
article a un caractère d’anticipation; anticipation par rapport à une
étude
plus approfondie. Les thèmes qui le constituent sont abordés et non
traités de
façon exhaustive. Certains le seront dans le cadre de l’étude Émergence
de Homo
Gemeinwesen, d'autres nécessiteront une investigation particulière.
Nous
faisons donc une approche.
Les
thèmes que nous allons traiter en nous plaçant
surtout à partir du pôle de l’individualité, le furent antérieurement à
partir
de l’espèce. Dans les deux cas, la dimension de la Gemeinwesen est
présente.
Indiquons: la mystification, le but est déjà au coeur du mouvement
(ceci en
liaison avec Bordiga), le refus d’être la proie du passé (ceci en
rapport avec
Marx), l'errance de l’humanité, le rejet de la domestication et de la
conscience répressive, de l’attente, ce monde qu’il faut quitter, c’est
ici
qu’est la peur c’est ici qu’il faut sauter, la séparation nécessaire et
l’immense refus. En outre tous les articles concernant le mouvement de
Mai-Juin
1968 contiennent une approche de ce que nous abordons ici de façon plus
incisive.
[2] Toutefois
l’exaltation de
l'Unique effectuée par Stirner doit se percevoir comme une sorte de
saisissement
de ce qu’est l’individualité. Nous y reviendrons, en particulier en ce
qui
concerne l’égoïsme dont il est beaucoup question dans son livre
L'Unique et sa
propriété. Égoïsme vient de ego qui est en fait l’être édifié en
réponse à la
répression exercée à l’aide de l'éducation et de l’instruction que nous
subissons. L’ego relève de la possession. On a un ego; on l'acquiert,
tandis
que l’individualité relève de la dimension purement naturelle, innée;
c'est la
pousse qui se déploie.
Liée
à l'égoïsme il y a la notion de propriété. Ce
mot est employé par Stirner en ne séparant pas rigoureusement ses deux
sens. En
effet il indique d'une part une caractéristique, un élément de
l’idiosyncrasie
d’une personne, d’autre part ce qui est possédé; dans ce cas, cela fait
référence à des éléments placés dans l’extériorité de cette dernière.
En outre
Stirner n’aborde pas le problème de la transformation de la propriété
on
propriété privée.
Ma
préoccupation au sujet de l'individualité est
tort ancienne: « À mon avis, l’homme n’arrivant pas à
l’individualité ne
parvient pas à penser le multiple de ses semblables, et ceux-ci comme
autant de
manifestations de lui-même en tant que Gemeinwesen […] Dés lors le bien
et le
mal sont inclus en lui. » Lettre à Saïa du 2l. 10.73.
[3] Bouddha
a perçu
en profondeur ce phénomène. Or celui-ci est en rapport avec la
séparation. Tout
ce qui édifie, l'homme le faisant accéder à une sortie de la nature, le
rend
dépendant. Toutes sortes de questions sont induites par cette
séparation qui se
pose effectivement avec la sédentarisation et le surgissement de
l’individu.
L’enseignement du bouddha est fondé sur leur rejet.
Ajoutons
que la séparation fonde la dépendance et
la liberté et que le mouvement de la valeur s’est imposé parce qu’il
put
apparaître comme un dépassement de la sédentarité. Ce n’est pas pour
rien que
Bouddha propose une voie du milieu, celle de la mesure, de la valeur.
Enfin
dans le refus de la sédentarité se cache un
refus de la mère (rébellion contre) sur lequel nous reviendrons.
N’oublions pas
non plus que la dépendance est originellement dépendance vis-à-vis de
la mère
Échapper au samsara manifeste la volonté de ne plus dépendre, de ne
plus être
réabsorbé; c’est échapper enfin à sa mère.
[4]
Ce concept de psychose même modifié comme cela est effectué dans le
cours de cet article (n. 10) est en fait inadéquat, je l’ai remplacé
par ontose
et spéciose. Cf. : Surgissement et devenir de l’ontose.
[5]
En fait la première théorie est déjà la psychanalyse. J’ai abordé de
façon plus approfondie l’œuvre de S. Freud : cf. Œuvre de S.
Freud
[6]
À ce propos les
freudo-marxistes nous sont toujours apparus comme absurdes . Certes ils
manifestent la perception d'une déficience chez Marx, le manque d'une
approche
‘psychologique’ exhaustive: l’étude de l’interaction entre le psychisme
des
hommes et des femmes et le mouvement externe de la production. C’est
dans la
tentative de combler ce manque à partir d’une théorie justifiant
l’ordre établi
que l’absurdité se révélait à nous.
La
théorie de Freud entre dans la représentation de
l’éternisation voulue par le mouvement du capital. Elle lève une
culpabilité,
qui était un frein à son développement: jouir est légitime. Cependant
c’est une
jouissance au sein de la sociétè-communauté capitaliste. En son sein,
jouir
c’est consommer, c’est, exalter l’avoir, l’objet. Mais c’est aussi être
consommé, consumé. Désir de consommer (principe de plaisir) et
possibilité de
satisfaire celui-ci (principe de réalité) ne sont plus en
contradiction.
L’adéquation est immédiate puisque les deux moments sont engendrés par
la
réalité elle-même.
[7]
C’est pour ton
bien. Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant, Ed. Aubier.
A.
Miller a écrit de nombreux livres dont L`enfant sous terreur,
L'ignorance de
l’adulte et son prix, La souffrance muette de l’enfant, L'expression du
refoulement dans l’art et la politique, La connaissance interdit’. De
ce
dernier livre citons ceci: « Il faut bien se rendre compte
aussi qu’il ne
s’agit pas uniquement d’un problème isolé de quelques familles
marginales et de
perversions individuelles. Il faut secouer la société pour qu’elle
s’éveille de
son sommeil et prenne conscience qu’elle a dit oui jusqu’à présent, aux
plus
grands crimes de l’humanité. Il s’agit, avant toute chose d’éveiller la
mauvaise
conscience qui est parfois totalement absente même dans les cas de
mutilation
de petits enfants. (p. 164)
Il
est impossible de secouer la société. Vouloir le
faire c’est rester dans la fausse dynamique d'apporter la conscience
de
l’extérieur. C’est manquer de confiance dans le procès de libération
qui est en
acte, comme nous essayerons de le mettre en évidence ultérieurement.
L`important c'est la potentialisation conscientielle de tous ceux qui
rompent
avec cette dynamique. A. Miller signale elle-même ses propres
difficultés.
« Mais
mon évolution ultérieure m’a montré sans contredit possible, que la
psychanalyse est un labyrinthe dont on a du mal à trouver
l’issue. »
(p.219)
La
psychanalyse n'est qu’une extériorisation de la
psychose qui elle aussi est un labyrinthe.
L’importance
des sévices subis par les enfants
apparaît toujours plus à l’heure actuelle. Dans le n° du Point de
septembre
1996 on trouve un article à ce sujet La France passe aux aveux.
L’auteur, M. T.
Guichard rapporte les propos de la directrice de la fondation pour
l’enfance:
« L’opinion publique, qui était déjà de mieux en mieux
informée sur
l’inceste et la pédophilie, réalise que, si on ne sévit pas maintenant,
il y
aura des débordements intolérables. La découverte de réseaux
d’exploitation
commerciale des enfants jusque chez nous, a provoqué un vrai
choc. »
Elle
ajoute: «Ce tournant là rappelle un
autre mouvement d’opinion, celui qui fit passer les femmes violées du
statut
d’allumeuses, voir de "salopes", à celui de victimes à part entière
(...) De la même manière, les "petits menteurs d'hier, que l’on
soupçonnait d'inventer des histoires de touche-pipi’, sont de plus en
plus pris
au sérieux et reçus dans les brigades des mineurs par des
fonctionnaires
spécialisés. Enfin un certain discours intello-esthétisant sur la
pédophilie
est violemment rejeté aujourd’hui.’
Enfin
citons ce témoignage du doyen des juges
d’instruction de Créteil’ "La justice a été pendant très longtemps le
rempart des vertus familiales. Il était hors de question de donner une
mauvaise
image du père de famille et de l'époux."
Dans
le texte de Sandor Ferenczi, Confusion de
langue entre les adultes et l’enfant dont le titre original
est plus
expressif en ce qui nous concerne: Les passions des adultes
et leur influence
sur le développement du caractère et de la sexualité de l’enfant,
nous
trouvons ceci : « L’objection, à savoir qu'il
s'agissait des
fantasmes de l’enfant lui-même, c’est-à-dire de mensonges hystériques,
perd
malheureusement de sa force, par suite du nombre considérable de
patients, en
analyse, qui avouent eux-mêmes des voies de faits sur des
enfants. »
Et
cet autre passage qui suggère nettement qu’il
n’y a pas de sexualité enfantine. « Les séductions
incestueuses se
produisent habituellement ainsi un enfant et un adulte s’aiment;
l’enfant a des
fantasmes ludiques, comme de jouer un rôle maternel à l’égard de
l’adulte. Ce
jeu peut prendre une forme érotique, mais il reste toujours au niveau
de la
tendresse. Il n’est est pas de même chez les adultes, ayant des
prédispositions
psychopathologiques, surtout si leur équilibre et leur contrôle de soi
ont été
perturbés par quelque malheur, par l’usage de stupéfiants ou de
substances
toxiques. Ils confondent les jeux des enfants avec les désirs d’ une
personne
ayant atteint la maturité sexuelle, et se laissent entraîner à des
actes
sexuels sans penser aux conséquences. »
Et
maintenant trois remarques sur les raisons du
comportement de l’enfant.
« [...]
la personnalité encore faiblement
développée réagit au brusque déplaisir, non par la défense, mais par
l’identification anxieuse et l’introjection de celui qui la menace ou
l'agresse.’
« La
peur devant les adultes déchaînés, fous
en quelque sorte, transforme pour ainsi dire l'enfant en psychiatre;
pour se
protéger du danger que représentent les adultes sans contrôle, il doit
d’abord
savoir s’identifier complètement à eux. C'est incroyable, ce que nous
pouvons
vraiment apprendre de nos "enfants savants", les névrosés.’
« À
côté de l’amour passionné et des punitions
passionnelles, il existe un troisième moyen de s’attacher un enfant,
c’est le
terrorisme de la souffrance.’
Enfin
la conclusion qui remet bien au cause la
sexualité infantile. « Si cela venait à se confirmer, nous
serions
obligés, je crois, de réviser certains chapitres de la théorie sexuelle
et
génitale. Les perversions, par exemple, ne sont peut-être infantiles
que pour
autant qu'elles demeurent au niveau de la tendresse; lorsqu’elles se
chargent
de passion et de culpabilité conscientes, elles témoignent peut-être
d’une
stimulation exogène. »
L’enfant
étant non encore pleinement habité par la
psychose est plus proche de la manifestation naturelle que l’adulte, il
est
donc son maître (il est apte à enseigner) . Tout ce qu’il veut s’est
manifester
son amour et que celui-ci soit accueilli, donc qu’ il soit aimé. Cette
dynamique lui fait tout accepter.
En
ce qui concerne le second ébranlement de ce
siècle, nous avons signalé qu’en son sein s'était manifesté le refus de
la
dépossession, de la parole, de l’imagination et que le carcan de la vie
immédiate avait été dénoncé au travers de la critique de la vie
quotidienne. On
peut dire que l’essentialité de l’intériorité fut alors posée, de même
que
celle des désirs de l’individualité, mais malheureusement la répression
parentale ne fut pas mise en évidence. Ultérieurement la question a été
abordée
par Christiane Rochefort dans Les enfants d'abord, Ed. Grasset dont
nous
reproduisons quelques affirmations importantes.
« Tous
les enfants de nos sociétés sont mutilés.
Seule la forme varie. » (p. 4l)
‘Les
enfants sont en permanence sous le regard des
adultes. (p. 43)
« Les
enfants sont définis par les
adultes. » (p. 47)
Elle
insiste beaucoup, avec raison, sur ce qu'elle
appelle "la mise en dépendance" (p. 80)
"Quels
parents parlent à leurs enfants sur le
même ton qu’aux autres personnes?" (pp. 88-39)
« Quand
on est petit on ne se sent pas petit,
on se sent soi. Une moindre taille, n’a pas par soi signification
d'impuissance: elle prend ce sens quand elle est utilisée pour établir
un
pouvoir. C’est là qu’on se sent petit. » (p. 92)
C’est
une remarque très profonde. Cela implique que
tout être humain a conscience de soi sans avoir besoin de se comparer
aux
autres pour se définir se saisir. C’est le regard non accueillant, non
rempli
d’amour qui remet en cause et pousse l’enfant à chercher des repères
pour se
saisir, se poser, et c'est là qu’il sombre dans la dynamique de la
comparaison,
de la concurrence, du pouvoir. N’étant pas reconnu immédiatement, il
doit passer
par de multiples détours où il perd de plus en plus son pouvoir
d’affirmation
de son immédiateté, et tombe sous le pouvoir autonomisé des adultes.
C.
Rochefort signale la guerre psychologique des
adultes contre les enfants (p. 54). À ce propos elle déclare:
« L'amour
est l’arme absolue de la guerre psychologique. » (p. l00) Nous
reviendrons
sur ce thème.
« On
ne mesure pas à quel point les enfants
ont peur - eux-rnêmes ne le mesurent pas ayant appris à nommer leur
peur
"culpabilité". (p. 100)
« Vouloir
être aimé et détenir le pouvoir de
l'obtenir - qui va résister à une tentation pareille? Les parents vont
donc
appliquer la consigne avec enthousiasme.
Et
on assiste à des renversements de sens, du type:
Tu me dois tout = tu m’aimes, Tu ne peux rien sans moi = tu m’aimes, Tu
veux
être aimé = tu m’aimes ». (p.l66)
Là
est exposé un nœud essentiel de la mise en place
de la psychose chez l’entant:l’utilisation du pouvoir par les parents
pour être
aimé. Celui-ci s’exprime par le chantage, la séduction, par la
violence, etc..
Croyez-vous
qu’on ne le sent pas? On ne se sent pas
aimé on se sent une chose. Objet. Non tu ne m’aimes pas chère maman, tu
peux le
crier sur les toits, ce que tu cries c’est encore: au secours
Tu
t'es investie en moi toute entière, vidée en
moi.
Retourne-toi,
et regarde qui t’a vidée de
toi-même.C’est le même qui veut me tuer.
Quand
cesserez-vous mères de nous utiliser pour
compenser votre mutilation, au lieu de regarder en face ce qui vous
mutile?
Quand cesserez-vous de nous voir comme des prolongements, ou des
chaïnes, pour
nous voir comme des êtres? Qui ont leur vie et qui s’appartiennent?
En
nous possédant vous vous faites avoir, et du
même mouvement vous nous livrez. » (p. 182)
Octave
Mirbeau a écrit un livre fort sympathique en
faveur des enfants: Combats pour l’enfant. Ed. Ivan
Davy.
En
faveur des enfants et contre l’institution
scolaire nous pouvons citer, en dehors de C. Baker, I.Illitch, G.
Papini: Fermons
les écoles’ 1919, Henri Roorda: Le pédagogue
n’aime pas les enfants,
sympathique dans ce qu’il dénonce (très insuffisamment) mais très
réformiste.
[8]. Dans
ce cas, il ne s’agit
pas d’une transformation d'un inné en acquis, mais de la création de
quelque
chose qui n’existait pas auparavant .
[9].
Nous
n'utilisons pas le terme de psychose dans le sens classique qu’il a en
psychiatrie. Nous voulons désigner grâce à lui la profonde perturbation
de la
psyché, ensemble des affects qu’on peut regrouper sous le nom de vie
intérieure, d’âme de l’être humain., féminin. L’occurrence de cette
perturbation s’effectue selon des modalités qui sont ultérieurement
exposées.
Nous avons préféré ce mot à celui de névrose parce que celui-ci renvoie
à
l’idée de système nerveux et à une conception qui serait organiciste.
Il est
certain que le système nerveux peut être atteint, mais c’est une
conséquence de
la psychose et non l’inverse. En outre dans la névrose, le su,jet garde
une
certaine conscience de son état. Ce n’est pas le cas dans ce que nous
nommons
psychose. Enfin on ne peut pas la réduire à « une maladie
familiale dont
le psychotique est le symptôme et le porte-parole. Elle serait même une
"fonction" nécessaire à l’équilibration précaire du groupe. »
(Encyclopædia Universalis, article psychose).
[10]. Psychose et inconscient
lié à la répression
sont en discontinuité avec le devenir réel des êtres humains. Dés que
ceux-ci
opèrent un cheminement de libération, c'est-à-dire de prise de
conscience des
traumatismes infligés et des émotions qui leur sont liées, cette
discontinuité
permet de s’en séparer.
Les
hygiénistes déclarent qu’il n’y a qu’une cause
à la maladie: la toxémie, et ils la considèrent comme un processus de
sauvegarde de l’individu. En réalité toutes les maladies sont des
somatisations
de troubles psychologiques, de la psychose. Une bonne alimentation ne
peut pas
les éradiquer.
[11].
La publicité
exalte le sur les deux tableaux : corps et la conscience. Elle
joue sur
les deux tableaux.
[12].
Nous ne faisons
qu’effleurer la question du devenir des femmes Nous avons prévu de
consacrer un
chapitre de Émergence de Homo Gemeinwesen à ce
sujet. Nous avons dû
recourir à l’idée de traiter cela de façon séparée parce que nous ne
possédons
pas encore, et ce encore moins au moment où nous commençâmes (1986) à
rédiger
cette étude, assez de données pour le faire de façon à l’intégrer
puissamment
dans le devenir de l’espèce. Celui-ci a été jusqu’à présent exposé
uniquement
du point de vue du pôle masculin. Il est difficile de s’en dégager.
[13].
Nous parlons souvent de
cette séparation qui est difficile de situer dans le temps et de se la
représenter pour le moment encore de façon claire. Nous voulons
signifier ici -
en vue d'une approche ultérieure plus exhaustive - que je ne veux en
aucun cas
considérer la nature comme le bien absolu, surtout en parlant de la
mère
nature. L'espèce humaine a rencontré des difficultés importantes dans
ses
relations avec les autres espèces, particulièrement avec les
carnivores.
Chatwin insiste beaucoup là-dessus et il est probable qu'il reste
encore en
nous une trace du traumatisme que causa la présence de ces prédateurs.
Chatwin
pense que notre espèce a pu inventer les armes pour lutter contre eux.
On
peut penser en outre que le devenir de
séparation, plaçant l’espèce dans un porte-à-faux l’insécurisant,
celle-ci a pu
trouver comme solution positive la séparation effective, par exemple
avec la
sédentarisation. Là les femmes ont joué un grand rôle sur lequel nous
reviendrons plus tard.
L’expression
séparation d’avec la nature semblait
indiquer que cela plaçait cette dernière en dehors de l’homme, comme si
celui-ci n’en faisait pas partie. En conséquence j’ai pensée la
remplacer par
séparation du reste de la nature Mais à ce moment là. on escamote le
fait que
l'espèce se sépare de la nature en lui. En conséquence il est
préférable de
recourir à la première formule Toutefois dans certains cas la deuxième
peut
être plus adéquate.
[14]. Dans Le livre de Lederer: La
peur des
femmes - paru
aux U.S.A en l968, ce
qui n'est pas un hasard - transparaît
de
façon à :’non avis percutante ce thème de l’absence. Toutefois il n’en
parle
pas. L’absence du père est due au fait que les hommes sont bloqués au
stade
enfant; de là leur faiblesse.
« Si
nous ne rendions pas les femmes aussi
inquiètes en laissant paraître notre faiblesse...’ »(p. 210
Dans
tous les cas, elles la sentent. Ce qui les
inquiète c’est de ne pas saisir le pourquoi de cette faiblesse.
« Avant
le mariage, elles les prenaient pour
des héros, après, elles se sont aperçues qu'ils n’étaient que de
malheureux
chevaux de trait.’ (p. 211)
L'absence
engendre la déception, la frustration et,
de là, l'attente de la rencontre de l’absent. « La femme
attendra l’homme
toute sa vie parce qu`elle aura toujours besoin de lui. » (p.
264)
« Certaines
femmes s`expriment de façon
étonnante: ‘Les hommes sont si faibles, si frêles. Il faut qu’on les
protège.
Il faut jouer le jeu, faire comme si on avait besoin d’eux, mais ne
jamais
compter sur eux. » (p. 264)
Elles
témoignent de la séparation des sexes qui
n’est pas biologique, :nais est un acquis. La psychose se révèle bien
ici dans
sa dimension d’adaptation pour survivre.
L’absence
c’est ce qui empêche l’individualité de
se fonder et la conduit à la quête difficile de sa propre réalité.
[15] .
Voici ce qu’écrivit Goethe
dans son Faust:
Les
mères! Cela me fait un coup chaque fois
Quel
est ce mot que je ne puis entendre
[16]
Ceci manque de précision parce qu’il semble que l’enfant soit passif.
Or, son procès biologique non perturbé fait qu’il "sort" de cette
symbiose sans rompre la continuité (note de mai 2010).
[17].
L’incapacité à être se
mesure à la patience à attendre. Attente et espoir c'est ce qui reste à
l’humanité vidée de tout élan profond par le triomphe du capital. Une
variante.
‘ il y a ceux qui résistent à l’oppression, tout en n’ayant aucune
perspective.
Résister est une attente masquée, un espoir inavoué que le cours du
inonde
puisse tout de même changer. Contre toute attente,
1978
[18]. Le
phénomène de la psychose
conduit à l’extériorisation de perturbations affectant la psyché. Le
détournement,
prôné par les situationnistes et qui eut sa vogue extrême en Mai-Juin
1968, en
est une preuve. Nous traiterons brièvement de cela dans une ‘Glose en
marge de
la réalité’.
[19]
Simone de Beauvoir écrit quelque chose de similaire concernant les
femmes.
La convergence des ceux affirmations dérive du fait, d’une part de
l’évanescence de l’être et, d’autre part, d’une sorte d’intériorisation
du
devenir du capital qui dépend du futur, d’un faire à venir Mais comment un devenir
peut se déployer à
partir d’une évanescence ? Là réside l’absurdité où s’englue
désormais
l’espèce. [note de mai 2010]
[20].
Nous avons mis en évidence
le danger du phénomène qu’on nomme libération. Celle-ci en effet
aboutit à un
dépouillement, à un appauvrissement des hommes et des femmes. Ainsi le
mouvement de libération de la femme a abouti à la perte de toute
dimension
féminine. Dans ce cas on est libre quand on est dépossédé, ce qu’a
magnifiquement montré K. Marx dans son analyse du travail libre.
Il
faut,donc bien préciser en quoi consiste la
libération, en vue de quoi elle s’opère. Ce dont nous traitons dans ce
texte
c’est de celle de la psychose qui implique le rejet de toute
dépendance, afin
de retrouver l’être non domestiqué, afin de rétablir la continuité avec
lui,
avec le phénomène vie. La libération se manifeste en conséquence comme
une mise
en continuité avec réaffirmation de la spontanéité.
Le
processus de libération apparaît comme un
dévoilement de l’être qui a été réprimé, domestiqué. Le surgissement de
celui-ci peut se faire dans une fulgurance telle, avec rejet plus ou
moins
durable de la psychose (libération) que s’opère ce qui a été vécu et
décrit
comme une illumination.
Le
mouvement de mai-juin 1968 présenta un tel
phénomène à l’échelle de la planète (cf. Mai-Juin 1968: le dévoilement).
[21].
Nous avons souvent abordé
l’importance du miroir dans la représentation, tant au niveau de la
psyché
humaine, que dans le procès de connaissance, que dans le mouvement de
la
valeur. Il est également opérationnel dans les mythes où opèrent des
créatures
féminines comme Lorelei, Mélusine, Médée, etc.
‘En
fait tout miroir est magique car tout miroir
est une sorte de ‘piège à âmes et ce sont ces pièges, instruments de
régression
authentique, que portent avec elles les dévoreuses d’hommes »
(J. Bril, Lilith
ou la mère obscure, p. 96).
Toute
surface réfléchissante pose problème.
Elle renvoie en quelque sorte ce
qu’elle reçoit. Elle n’accueille pas comme le fait la mère qui n’est
pas
présente à son enfant et n’accueille pas son: désir. On comprend alors
que F.
Hebbel ait pu écrire cet aphorisme : « Que l’homme
qui redoute à ce
point la vérité ait inventé le miroir est le plus grand mystère de
l’homme ». Le secret de ce mystère réside dans la mère qui est
bien le piège
de notre âme (homme et femme ).
D’autres
personnes peuvent au cours de notre vie
opérer comme un miroir, mais elles ne font que réactiver le miroir
maternel.
Le
maléfice du miroir réside dans le non accueil.
C’est nous mêmes que nous voyons en lui, notre image. En revanche quand
on est
accueilli, note image est absorbée par l’autre qui nous transforme par
son
amour. Voilà pourquoi il y a parenté entre miroir et mirage. D’ailleurs
ne
dit-on pas faire miroiter quelque chose à quelqu’un. On lui en fait un
mirage.
Le miroir signale le début d' un phénomène, sans sa fin. D’où la
solitude
devant un miroir, d'où le mythe de Narcisse.
Lacan,
théoricien d’un stade du miroir chez
l’enfant, se sert des mots comme de miroirs où se mire ce qu’il désire
exposer.
D’où sa théorisation qui se résout souvent en un jeu de mots, en un jeu
de
miroirs. Dans une lettre à un ami (l6 janvier 1978), je me suis amusé à
un tel
jeu.
« Je
comprends pourquoi tu es lacanien. Lacan
t’encombre l’espace et le temps. Car Lacan, c’est Là quand. Il est le
là de ton
être (qui sait peut-être l'élément musical, le la; alors ce son,
englobant à
lui tout seul espace et temps, t’accapare!). Quand? Si tu réponds
jamais,
toujours ou quelques fois, dans tous les cas tu es piégé; tu ne peux
pas
l’éviter. Ne penses-tu pas qu’avec un tel nom, il devait devenir
inévitablement
psychanalyste? Mais ce là auprès de ton être comme dans le Dasein,
quand fut-il
mis? Tu vois que là, encore, tu dépends de lui pour savoir: Et ce quand
pourquoi est-il venu se loger à côté de ce là, comme pour le suspendre
indéfiniment à une aspiration du temps? Une aspiration, tu vois, tu ne
peux pas
fuir. Il y aura toujours un quelque chose qui te reliera, qui te fera
souvenir
de la question et du là où tu devrais te trouver pour la poser ou
recevoir sa
réponse.
Mais
si c’est: Là qu’en…, alors c’est pire, parce
que c’est un indéterminé, c’est un commencement d’action, de n’importe
laquelle. Là, qu'en aimant, là, qu’en rêvant, etc... Mais il y a là une
affirmation chaque fois d'une modalité. Tu ne peux être que par lui; il
te
modèle; il t'offre des modes d’être. Curieux n’est-ce pas...! As-tu
remarqué
qu’il faut une espèce de suspension entre là et qu’en? Suspension où je
loge
une virgule! Suspension qui est comme un pendant de l’aspiration; et je
recommence
(…).
Toutefois
on trouve parfois dans l’oeuvre de Lacan
des remarques qui signalent bien la psychose. Ainsi: « jamais
tu ne me
regardes là où je te vois ». C'est ce que peut dire l’enfant à
sa mère. En
effet là où il la voit, elle ne peut pas regarder, sinon elle verrait
sa
psychose.
[22].
Profitons-en
pour signifier que nous sommes contre l'idée qu’il faille éduquer les
enfants.
On, doit cheminer avec eux pour faciliter leur épanouissement, car ils
ont tout
en eux.
À
plus forte raison nous rejetons l’expression:
élever les enfants. Cela a un intense parfum de domestication.
« Dans
un réjouissant article de 1926 sur les
parents comme éducateurs, Reich sur les traces de Bernfeld, avait
démontré le
mécanisme de la compulsion éducatrice. L’élément central en est
l’ambition
insatisfaite; l'activité éducatrice se présente en effet à certains
égards
comme un équivalent de la névrose, si bien que les parents vivent en
quelque
sorte par enfants interposés. L’aspect positif de cette compulsion est
la volonté
de faire grandir l’enfant le plus vite, qui découle du désir de
réaliser en lui
ses propres aspirations. L°aspect négatif consiste, nonobstant ce
désir, à ne
pas être dérangé par l’enfant. Pour ce fait, l'adulte, ressentant comme
provocatrices les pulsions de l'enfant, juge maladif tout ce qui est
désagréable (projection des ses propres inhibitions) et le résultat en
est que
l’adulte ne comprend pas l'enfant, comme le neurologue de la vieille
école ne
comprend pas l'hystérique; il croit par conséquent en la vertu
rééducatrice de
sa colère. Bref, l'idéologie parentale est nécessairement traduite dans
le
psychisme de l'enfant. » (C. Senelnikoff, Situation
idéologique de W.
Reich, in L’Homme et la société, n° 11
Jan-fev-Mars 1969).
Vouloir
faire grandir l'enfant le plus vite
possible, aboutit à exercer une violence sur le devenir de celui-ci et
ne peut
que générer de l'inquiétude en lui.
[23].
On peut se demander si de
faire un utérus artificiel ne correspond pas à une projection de la
réalité:
l’utérus rigide de la mère psychosée.
[24] « Chaque
praticien a
rencontré et rencontre nombre de cas d’avortements spontanés parmi ses
patientes, surtout chez les femmes qui manifestent ouvertement des
sentiments
ambigus envers la maternité.
Il
ne suffit pas que l’enfant voie le jour pour
être certain d'être le bienvenu. Dans nos types de sociétés, il est
rare qu’il
soit tué, mais l’hostilité maternelle peut se traduire par diverses
formes de
dépression post-partum, dans lesquelles on assiste
à un rejet de
l’enfant qui provoque évidemment, chez la mère un sentiment aigu de
culpabilité, qui finit par se muer en autoaccusation.’ (La
peur des femmes,
pp. 62-63)
L’auteur
ne signale pas un fait essentiel: lors de
l'accouchement, la femme revit sa propre naissance. Cela est dû au
processus de
libération qui opère alors fortement car c'est un moment privilégié où
la femme
pourrait prendre conscience du traumatisme de sa naissance dû aux
conditions
dans lesquelles elle est venue au monde. La dépression post-partum
doit
être mise en rapport avec le tait que malheureusement la parturiente
n'a pas pu
écouter ce que lui disait son corps et donc perçu son être intérieur,
enfant,
cherchant la libération.
[25] La
capacité de communiquer
par télépathie n'est pas la seule à avoir été perdue. Nous ne
comprenons plus
le langage préverbal des enfants opérant grâce à la mimique et à
diverses
positions de la tête par rapport au corps. Les travaux de Montagner
sont très
éclairants à ce sujet.
[26]
J’ai ultérieurement remplacé ce terme pas haptogestation qui me semble
mieux convenir car il inclut l’action du toucher qui est déterminante.
[Note de
mai 2010]
[27]. « Or
ces supports
oniriques évoquent tous plus ou directement la perte virtuelle de
l’intégrité
physique. » (J. Bril, Lilith ou la mère obscure,
p. 3l)
Ceci
est très important pour notre thèse que la
virtualité est présente dés que l’espèce se sépare du reste de la
nature, et
donc dés le début de l’ontogenèse (développement de l’enfant).
[28] La nécessité d‘un "porter permanent" est magnifiquement exposée par le psychanalyste Franz Renggli. Cf. Ad
dendum 2010].
[29].
Sur le plan de l’espèce on
a un discours similaire. Beaucoup de théoriciens affirment que, dés le
début de
son devenir, l’Homme est un tueur. J’ai réfuté cette thèse dans L’écho
du
temps, 1980.
Cet
article visait à dénoncer à quel point hommes
et femmes sont inhibés par le passé, à quel point ils sont évanescents,
n'étant
qu'un écho de ce qui fut. J’intuitionnais par là - sans le nommer - le
phénomène de la psychose. En effet le propre de celle-ci est de nous
escamoter
le présent, envahi par le passé, par les émotions antérieures. Tout ce
que nous
faisons est déterminé par ce que nous avons vécu dans la petite
enfance. Aussi
ce n’est jamais le présent qui est horrible mais le passé; le premier
ne fait
que réactualiser le second. Concrètement: les événements présents
réactualisent
ceux du passé.
[30]. Ce
couple mère-enfant
manifeste le désir de la femme d’exclure l’homme.
C’est
la non compréhension de l’importance centrale
de la Vierge Marie qui fait que les tenants actuels du paganisme ne
parviennent
pas à expliquer la victoire du christianisme sur le druidisme par
exemple,
alors que pour eux ce dernier serait supérieur. Or, ce sont les femmes
qui ont
fait triompher le christianisme particulièrement dans les zones où
dominait le
druidisme.
À
chaque moment critique au devenir historique
l'Église a accru l'importance de la Vierge. Ainsi en 1950, juste avant
le grand
développement du féminisme, le dogme de l’ascension corporelle de la
Vierge Marie
au ciel, est proclamé.
[31]. Nous
avons abondamment
traité cette question en utilisant le livre de Laura et Raoul Makarius:
L'origine
de l’exogamie et du totémisme dans notre étude Émergence
de Homo
Gemeinwesen.
« Le
temple fut à ses débuts le lieu sacré où
les femmes venaient accoucher, puis il devint le temple-dolmen pour les
inhumations’. (La peur des femmes, p. 117) Donc au début ce qui vient
de la
mère, à la fin ce qui retourne à elle.
[32].
Ces phénomènes
expliquent les succès que peuvent rencontrer des pratiques comme
l’eutonie ou
la kinésiologie. Dans le premier cas, les traumatismes sont considérés
comme
étant fixés sur les os, les rendant cassants. Un os sain est souple et
a une
certaine élasticité. Dans le deuxième cas les fixations sont
considérées comme
opérant dans les muscles. Ceux-ci - comme le corps en son entier -
gardent la
mémoire de tout ce qui est advenu. Il est donc possible, à l’aide de
certains
tests, de faire révéler par le corps les traumatisme qu’il a subis et
de savoir
à quel moment cela s’est produit.
Toutefois
ces pratiques ne s’attaquant pas aux
causes des traumatismes, donc à la psychose induite par la répression
parentale, peuvent apporter une rémission aux troubles, mais ne peuvent
absolument pas les éliminer.
[33]. "La
violence apparaît,
se manifeste, dés qu'il y a rupture d’un procès. Elle est ce qui permet
la
rupture, que ce soit dans le milieu physique, cosmique, humain.
Réciproquement,
surtout au niveau humain, il y a exercice de la violence pour défendre
l’intégrité de ce procès menacé. Elle implique la mise en branle
d'énergie plus
ou moins orientée et la manifestation de forces. "Violence
et
Domestication à
propos du devenir de
l'espèce humaine de la communauté immédiate à la communauté émergée du,
et
intégrée dans le cosmos. 1980
Dans
cet article, j'abordais beaucoup de thèmes
traités présentement.
« L’affirmation
de soi - dans un monde où
chacun est terriblement nié par la réalité du capital, et où la
neutralité
tolérante est à l’honneur - est souvent vécue par les autres comme une
agression. »
« En
définitive la plus grande violence que
l’espèce ait produite, c’est celle qu’elle a exercée sur elle-même, en
s'autonomisant et en devenant inadéquate à son être biologique. C’est
cet écart
devenu énorme qui cause la nécessité de toutes sortes d’interventions
et de
violences ».
[34]. Sur
le plan de l’espèce,
j’ai rejeté la pratique de la lamentation dans Le temps des
lamentations,
1979.
[35].
Le verbe être est le
résultat d’un immense phénomène d’abstraction. Ce serait le dernier
verbe à
être apparu. le passage du verbe au substantif implique à son tour un
autre
phénomène d'abstraction.
On
dit des verbes être et avoir que ce sont des
auxiliaires, qu’ils aident à exprimer, donc à élaborer des phrases. Ils
sont
devenus des intermédiaires nécessaires pour exprimer la pensée. Comme
tout
intermédiaire, ils s’autonomisent de telle sorte que finalement nous ne
tendons
à penser qu’à travers des réductions à quoi se ramènent les
abstractions
susmentionnées. Or, l’autonomisation implique une coupure dans la
totalité, ce
qui conduit à un solipsisme, à l'ego absolu.
Ce
même processus opère sur le substantif être.
D’où notre réticence à l’utiliser.
Le
développement de la psychose transforme l’être
en devoir être ce qui complique encore l'approche de la question.
[36].
À propos de la conscience
phénomène très complexe et ayant diverses modalités d’affirmation,
j’ajouterai
ceci. La conscience qui s'affirme dans l'être humain, féminin
apparaissant au
monde est en rapport à l’innéité, à l’instinct de vie. C’est celle qui
est
déterminée par toute l’évolution du phylum Homo. La situer est une des
raisons
qui me fit entreprendre la rédaction de Émergence de Homo
Gemeinwesen.
On a d’abord la conscience intime, intimement liée à l’être. Dés que
celui-ci
se manifeste en accédant au monde, cette conscience intime va
s'épanouir en une
conscience immédiate de cet être dans le monde où existent ses
semblables, les
humains, tous les êtres vivants. De là s’élaborera une conscience
réflexive
particulièrement lors de l’acquisition du langage verbal qui permet
d’atteindre
une participation plus élaborée au cosmos, une jouissance
extraordinaire de la
présence à celui-ci et par la représentation L’individualité accède
alors à son
plein épanouissement sans s’autonomiser Tel est le schéma du devenir
conscientiel de Homo Gemeinwesen qu’il faudra expliciter.
J'ai
déjà abordé cette question dans Contre la
domestication 1973. J’ajouterai, pour le moment, que la
conscience est
l’expression de la mise en continuité; c'est la science avec, en
communauté.
Elle s’affirme soit en tant que totalité en tant que présence au monde,
soit en
tant que modalité, la conscience de quelque chose. C’est alors le
procès qui
révèle la continuité avec cette chose qui en signifie la saillance.
Sur
tous ces aspects, il me faudra revenir.
La
notion de surconscient de P. Diel me semble se
rapprocher quelque peu de ce que nous nommons conscience intime -
conscience
spontanée parce qu’elle a tendance à surgir pour s’épanouir - qui est
masquée
par l’inconscient provenant du refoulement et par la conscience
répressive.
« Visiblement,
Diel pensait qu'un saut
évolutif avait propulsé l'homme hors du monde animal.( ... )
« Par
contre, dans l’homme, l’instinct
n’existe plus comme instance de direction. Les mêmes informations qui
s’imposaient dans l’animal sont maintenant émises d’une zone de
l’inconscient,
que Diel appelle le surconscient.’ (P.H. Meunier: La
psychologie de la motivation,
une approche introspective de la spiritualité, in Le chant de
la Licorne’,
n°21, 1° trimestre 1988.
D’autre
part, il est amené à ajouter à
l’inconscient, un inconscient maladif: le subconscient.
Comme
il ne va pas à la racine - la répression par
les parents - ce qu'il appelle conscience est en fait la conscience
répressive.
Son absence de radicalité explique son affirmation: « La
maladie psychique
est l’incapacité de rétablir l’équilibre entre le désir et la
réalité .»
qui traduit un escamotage de tout le procès de la psychose, car qu’est
ce qui
fait que la réalité ne peut pas contenir ce qui doit satisfaire le
désir? Faire
appel à l'imagination délirante ne répond pas à la question, mais en
engendre
une autre: qu’est ce qui cause le délire?
[37].
Ce comportement de
libération fut à quelques modalités prés celui que j'adoptai, sans
pouvoir
toujours y être fidèle, dés que je décidai de rompre avec cette
société, en
1953 en entrant dans la mouvance de la gauche italienne, et que
j’affirmai,
résolument, en 1969 lors de la rupture avec tous les rackets.
La
nécessité d’une immense ouverture et d'une
vigilance furent particulièrement affirmées dans Perspectives
1969, et
dans Discontinuité et
immédiatisme, 1977.
La
présentation du processus libérateur est
effectuée en fonction d’éléments fondamentaux objectifs et selon mon
devenir
personnel.
[38]. Nous
trouvons confirmation de notre thèse dans le passage suivant: ‘À ces
différents
aspects de la frustration angoissante vont correspondre des attitudes
réactionnelles
ou adaptatives dont les productions élaborées se retrouveront à la clef
des
attitudes des productions culturelles. Ainsi naîtront mythes, épopées,
légendes, etc. » (Lilith
ou la mère
obscure, p.29)
Je
livre à la réflexion interprétative des lecteurs,
cette autocaractérisation de Newton peu avant sa mort. « Pour
moi, il me
semble n'avoir été qu'un enfant jouant sur la plage, tout au plaisir de
trouver, de temps à autre, un galet plus lisse ou un coquillage plus
joli qu'à
l’ordinaire, tandis que le grand océan de la vérité s'étendait
inexploré devant
moi. » Cité par L. Verlet in La malle de Newton,
Ed. Gallimard.
Dans une autre traduction de la fin de la phrase nous trouvons
« le grand
océan de la vérité dans la totalité de son mystère ».
Nous
avons une interprétation que nous pensons
exposer dans un petit article sur Newton, personnage nodal en ce qui
concerne
le procès de connaissance.
[39]
Spéciogenèse conviendrait mieux ici.
[40]
Il en fut de
même pour le théâtre. Mise à part la période actuelle du XX° siècle, ce
fut
effectivement au XVII° siècle qu'il connut sa plus grande floraison.
[41]
Ce qui permet de pallier le manque dû au fait de ne pas avoir été
porté. Cf. note 28 [note de mai 2010]
[42] Pour manipuler une chose il
faut lui donner
une forme. Sur cette thématique voir: Forme -
Réalité-Effectivité -
Virtualité.
[43] Les
psychanalystes, Freud en
premier, ont enflé démesurément la concurrence entre père et fils pour,
avec le
meurtre du père, point d’aboutissement de cette dernière, avoir un acte
fondateur
de la société. Toute aberration est fondée sur une donnée réelle. Là
encore se
manifeste la psychose.
[44] Une étude sur l’origine de
la
pensée magique demanderait de très amples développements. Nous
essayerons de
l'aborder ultérieurement.
[45] Hegel qui désirait surmonter
toutes les
contradictions et parvenir à la réconciliation totale pensait que la
substance
devait devenir sujet. Ajoutons que le surgissement de l’esprit n'est
pas sans
rapport avec le ressenti de l’être jeté dans le monde. La souffrance de
Hegel
se dévoile par exemple dans ce passage.
‘L'être
libre, c’est celui qui peut supporter la
négation de son immédiateté particulière (die Negation seiner einzelnen
Unmittelbarkeit), la douleur infinie, c’est-à-dire se conserver
affirmatif dans
cette négativité. » On conçoit fort bien qu’il puisse parler
d’un travail
de l'Esprit!
[46]
Ceci nous tait
penser à la théorie de Lucrèce au sujet de la vision. Il pensait que
c’était à
partir de l’œil qu’étaient
émis des
simulacres.
[47] À propos de la démocratie,
reportons cette
remarque de Ph. Quéau, parce qu’elle exprime bien son essence: la
séparation.
« On relie pour unir, on élit pour séparer ». (Le
virtuel »,
p. 95)
Et
ceci nous fait souvenir de ce palindrome (groupe
de mots qu’on peut lire dans un sens comme dans l’autre, le sens étant
conservé. Admirez la duplicité démocratique): « élu par cette
crapule ».
Être
élu c'est être séparé. Ceci vaut également sur
le plan spirituel, religieux. On y reviendra.
[48]
L’extériorisation, qui apparaît comme un moment de l’aliénation, permet
à
l’individu, à travers transferts et projections, de se désencombrer, en
même
temps cela peut introduire un effet distanciateur qui lui permet de
voir et,
dans certains cas, de se libérer.
Ajoutons
à propos de l’oubli total, que les
gnostiques avaient perçu le phénomène et le traduisirent dans leurs
« mythes » auxquels nous avons fait allusion p.34
[49] Newton
fut abandonné tout bébé par sa mère. Grâce à
l'alchimie il cherche à la fois un substitut et une autonomie en tant
qu'individualité,
c’est-à-dire qu’il veut se substituer à sa mère. On peut penser qu’il
ne
parvint pas à ses fins puisqu’il abandonna ses recherches pour
privilégier la
voie scientifique en vue de démontrer le rôle de dieu dans
l’organisation de
l’univers. C’était la voie du père.
[50] En
ce qui concerne la
question de l’intervention que nous avons également mentionnée page 46.
Nous
l’avons abordée ailleurs .Nous la reprendrons en même temps que nous
étudierons
l’imagination et son rapport à la conscience évoqué page 37.
[51]
C’est le mot
que je préfère pour désigner le mouvement qui porte l’individualité
vers une
autre ou vers un objet. Dans tous les cas il y a un mouvement pour
maintenir
une continuité.
Je
ne rejette pas le mot besoin, même s'il est
sémantiquement chargé négativement puisqu’il est en rapport avec
besogne (mais
peut-être avec soin). Le besoin ne traduit pas obligatoirement un
manque. Dans
l’ordonnancement naturel, il y a toujours quelque chose qui satisfait
un
besoin. Parler de façon absolue de manque reviendrait à entériner une
coupure extérieur-intérieur.
En fait le manque est
structuré par la privation qui surgit quand fait défaut la continuité.
L’enfant
à qui la mère ne donne pas le sein réclamé, est privé de nourriture. Il
vit un
manque effectif. La privation est une forme de séparation' puisqu’elle
empêche
l'union normale de se réaliser.
Un
manque désigne un état défini, la privation
indique le mouvement de la répression. Le manque signale l'absence de
quelque
chose, mais d’un quelque chose accessible. Dans le cas de la privation,
l’accessibilité n’existe qu’à certaines conditions. C'est à partir du
moment où
du manque on passe à la privation que surgit le doute qui s’exprime
dans une
interrogation. `Y aura-t-il possibilité de trouver ce qui peut
satisfaire notre
besoin?
On
peut penser que le phénomène de la propriété
privée en excluant les autres de l’accès à l’objet détenu par le
propriétaire,
fonde le manque. On comprend que les théoriciens, adversaires de la
propriété
et partisans du communisme, aient pu également fonder une théorie des
besoins,
plus exactement de la réalisation des besoins de l’espèce, lui
permettant de
surmonter ses manques. Mais, ce faisant ils restaient dans
l'extériorité et,
surtout, ils péchaient d’immédiatisme, parce que c'était se déterminer
par
rapport à un advenu qui fige hommes et femmes dans des besoins donnés,
souvent
transitoires. Ou bien cela rejoint la théorie de la pénurie originelle,
fondatrice des besoins et des manques, point de départ à un devenir de
réalisation des premiers au bout duquel l’homme, la femme ne seraient
plus
démunis.
Selon
certaines définitions, le besoin implique une
exigence naturelle, une nécessité et une complétude. On retrouve l’idée
de
maintenir une continuité. Dans tous les cas je préfère utiliser ce mot
uniquement sur un plan biologique, pour signifier la nécessité
immédiate de
quelque chose pour que le procès de vie physiologique puisse se
réaliser.
Ce
qu’il y a d’intéressant dans ce que désigne le
mot désir, c’est le souhait de la présence. Quand je désire, j’affirme
ma
présence en même temps que celle d'une personne, ou d’une chose,
vis-à-vis de
laquelle je me rapporte.
Pour
revenir à la tendance, j’ajouterai qu'elle est
la manifestation spontanée d’un possible en l’individualité et, ce qui
me
semble essentiel, c’est qu’elle inclut le but vers lequel tend ce
possible.
Enfin
qu’il s’agisse de besoin, de désir, de
tendance, s'il n’est pas possible d’atteindre le but, il y a
dépendance. Ceci
apparaît peut-être de façon plus saillante avec le besoin.
A.
Janov parle beaucoup de besoins. Il n’est pas
question d’affronter sa position dans le cadre de cet article. Nous le
ferons
ultérieurement et nous nous contentons pour le moment de souligner
l’importance.
Nous le ferons ultérieurement et nous nous contentons pour le moment de
souligner l’importance de son oeuvre, particulièrement son livre L’amour
et
l’enfant.
[53] Précisons
encore une fois
que nous avons brièvement présenté un phénomène dans sa genèse phylo et
ontogénique, mais que nous n’avons pas analysé, d’une façon tendant à
l’exhaustivité, son développement ni surtout les modifications qu’il a
subi
lors de l’advenue de chaque traumatisme. Celui-ci étant lié à une
séparation
toujours plus intense d’avec la nature.
L°évolution
des modalités de la psychose peut
s’analyser à travers les représentations, ainsi elle se perçoit fort
bien à la
lecture de Études sur le temps humain de G.
Poulet. Ed. Press poquet.
[54] Nous avons souligné
l'errance de la nature
dans le programme de l’association Régénérer la Nature,
ainsi que dans
des lettres avec des membres de cette association.
[55] Dans une étude ultérieure
nous essaierons
d'expliquer pourquoi la répression parentale n'a pas pu être reconnue
plus tôt.
D’autres questions également n’ont pas été abordées, en particulier
celle de la
mort. À ce propos seulement ceci: hommes et femmes ne meurent pas, ils,
elles, se
détruisent.
[56]
Toutefois une libération effectuée sous la contrainte serait la
réalisation du rejouement de la répression. [note de mai 2010].
[57] Dans
son livre A world
.without women’(Un
monde sans
femmes), David V.Noble met en évidence comment les moines, puis les
savants
poursuivirent le but d'éliminer les femmes. Dans un second livre, qu’il
annonce: The masculine Millenium (Le millénaire
mâle), il vise à aborder
le rôle de la technique dans cette élimination :
Carolyn
Merchant fournit beaucoup d’indications
précieuses sur le même thème dans son livre The death of
nature (La mort
de la nature).
[58] En
1972, au cœur du second
ébranlement profond de la société-cornmunauté, au moment où tout - sauf
la
répression parentale - était remis en cause, nous avons projeté
d'écrire un
article: De la vie. C’est fait!